La Minute de vérité Tchernobyl

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Le 18 novembre 1987, une étincelle provoque l'embrasement d'un escalier roulant, alors encore en grande partie en bois, dans la station de métro de King's Cross, la plus fréquentée du réseau londonien. En raison d'une configuration très particulière, le feu se propage subitement dans toute la gare et entraîne l'incendie le plus meurtrier de l'histoire du "Tube", faisant 31 morts et 150 blessés.
Transcript
00:00 [Musique]
00:08 Salut à tous.
00:09 Les désastres et les tragédies qui jalonnent l'histoire du monde
00:12 se sont toujours produits à un moment clé,
00:14 après une succession de facteurs déclenchants.
00:16 C'est ce que l'on appelle la minute de vérité.
00:19 L'histoire d'aujourd'hui est l'une des plus célèbres,
00:21 l'une des plus incroyables catastrophes nucléaires.
00:23 Nous sommes en Ukraine, à Tchernobyl, 26 avril 1986,
00:27 l'un des réacteurs de la centrale explose
00:29 et va contaminer une partie de l'Europe,
00:31 soit plusieurs dizaines de millions d'habitants.
00:33 Voici la chronologie de cette histoire,
00:36 la minute de vérité, tout de suite sur Direct 8.
00:39 [Musique]
00:42 Pour l'URSS, l'énergie nucléaire était la promesse
00:45 d'une source d'énergie illimitée et bon marché.
00:48 Et Tchernobyl, la plus moderne de ces centrales,
00:50 faisait figure de triomphe de la technologie soviétique.
00:53 Mais tout a basculé en une heure et 24 minutes,
00:56 lorsqu'un test de routine a mené à la catastrophe.
00:58 [Musique]
01:03 L'accident a fait 31 victimes.
01:06 Des centaines de personnes ont été irradiées
01:08 et un nuage toxique s'est répandu jusqu'en Asie et aux Etats-Unis.
01:12 Aujourd'hui, nous allons revenir sur ce drame en compagnie de ces acteurs
01:16 pour révéler la cause exacte de la catastrophe
01:18 grâce à des techniques informatiques de pointe.
01:20 [Musique]
01:24 Les catastrophes ne se produisent pas par hasard.
01:26 Elles sont causées, comme nous allons le vérifier une fois de plus,
01:28 par une suite d'événements critiques.
01:30 Voici la Minute de Vérité.
01:33 [Musique]
01:39 L'Union soviétique.
01:41 L'Ukraine.
01:42 Tchernobyl.
01:44 Nous sommes le 25 avril 1986
01:46 et Mikhaïl Gorbatchev, le numéro 1 soviétique,
01:49 n'est au pouvoir que depuis un an.
01:51 Sur la scène mondiale, le bloc communiste et les démocraties occidentales
01:55 continuent de s'opposer.
01:58 L'Union soviétique a besoin d'une source d'énergie bon marché
02:01 et la solution, c'est l'énergie nucléaire.
02:04 À Kiev, la principale ville de l'Ukraine,
02:06 la centrale de Tchernobyl approvisionne en électricité
02:09 plus de 2 millions de personnes.
02:11 [Musique]
02:14 Elle se trouve à une centaine de kilomètres de la ville elle-même
02:17 et est un symbole de la puissance industrielle et technologique de l'URSS.
02:22 Les scientifiques soviétiques la considèrent comme le fleuron
02:24 de l'industrie nucléaire nationale.
02:26 [Musique]
02:33 Boris Toliarchuk commande les pompes à eau qui refroidissent le réacteur
02:37 et ce soir, le moindre de ses gestes peut faire la différence
02:41 entre la vie et la mort.
02:44 - J'étais jeune à l'époque et j'adorais mon métier.
02:50 J'étais fier de savoir manier ce matériel exceptionnel
02:54 et de faire fonctionner des machines aussi puissantes.
02:59 [Musique]
03:01 Yuri Kornev, 29 ans, est lui aussi de service en cette nuit fatidique.
03:05 Son rôle est de veiller au bon fonctionnement des énormes turbines
03:08 qui produisent l'électricité.
03:10 Depuis la fin de ses études, il rêvait de travailler à Tchernobyl.
03:13 [Musique]
03:18 - C'était un travail très intéressant et la paye était bonne.
03:21 - Tchernobyl compte 4 réacteurs fonctionnant tous simultanément.
03:28 Le numéro 4 est le plus récent, il n'a que 3 ans.
03:31 [Musique]
03:34 Les réacteurs nucléaires fonctionnent comme d'immenses moteurs à vapeur.
03:37 Des barres de combustible d'uranium chauffent de l'eau,
03:40 la vapeur générée actionne des turbines et celle-ci génère de l'électricité.
03:44 [Musique]
03:48 Vu que tout fonctionne bien, le système est très avantageux.
03:51 Un seul kilo d'uranium permet de produire autant d'énergie
03:55 que 3 millions de kilos de charbon.
03:58 Mais faire fonctionner une centrale nucléaire en toute sécurité
04:01 est une tâche complexe, réservée aux meilleurs ingénieurs.
04:05 [Musique]
04:08 Ce jour-là, Boris Tolarchuk et Yuri Kornev sont affectés à l'équipe de nuit,
04:12 qui prend la relève à minuit.
04:14 Tous deux sont relativement jeunes pour travailler dans un environnement aussi complexe,
04:18 mais ils ont les compétences nécessaires.
04:20 Les opérateurs arrivent sur place une demi-heure à l'avance.
04:23 Ça permet au personnel d'examiner les commutateurs,
04:27 de lire les notes de l'équipe du jour et de voir l'état général de la centrale.
04:31 Mais ce soir-là, une surprise attend les opérateurs lorsqu'ils se retrouvent à leur poste.
04:36 Leur supérieur leur ordonne de réaliser un exercice de sécurité.
04:41 Dans une centrale nucléaire, il est vital de faire circuler de l'eau de refroidissement autour des réacteurs.
04:47 Or, à Tchernobyl, l'électricité qui alimente les pompes à eau provient des turbines,
04:52 elles-mêmes alimentées par le réacteur.
04:55 C'est un cycle perpétuel de production d'énergie.
04:59 Mais si un incident se produit, il risque d'aboutir à une catastrophe nucléaire.
05:04 [Musique]
05:06 L'exercice a donc pour but de vérifier si, en cas d'urgence,
05:09 la centrale peut continuer à fonctionner jusqu'à la mise en route de générateurs de secours.
05:14 Les tentatives précédentes pour réaliser ce test se sont révélées peu concluantes.
05:19 [Musique]
05:22 C'était une charge de travail supplémentaire, mais ce n'était pas complexe.
05:27 [Musique]
05:31 L'eau utilisée pour refroidir les réacteurs provient d'un canal qui coule le long de la centrale,
05:36 dont les berges sont très prisées des pêcheurs.
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05:42 Et ce soir, Piotr Tolstiakov est venu accompagné d'un ami.
05:46 [Musique]
05:49 On s'est dit qu'on pouvait pêcher un petit moment.
05:52 Le temps était magnifique et on a fait quelques prises.
05:55 [Musique]
05:59 Installé devant le réacteur numéro 4, Piotr Tolstiakov est ainsi aux premières loges.
06:05 Minuit. L'équipe de nuit prend son service.
06:09 Yuri Kornev arrive dans la salle des turbines.
06:12 J'ai examiné les machines et j'ai étudié les comptes rendus.
06:17 On a pris une tasse de thé et on a attendu l'ordre de commencer les tests.
06:21 [Musique]
06:26 Boris Tolerchuk est dans la salle des commandes à quelques 300 mètres du réacteur.
06:31 Il est rejoint par Leonid Toptunov, 27 ans, qui doit piloter celui-ci.
06:37 Les deux opérateurs ignorent encore qu'ils vont bientôt devoir marcher sur la corde raide.
06:42 [Musique]
06:48 Comme d'habitude, la brigade de pompiers de la centrale se tient prête à intervenir en cas d'urgence.
06:54 [Musique]
06:56 Minuit 5. Les préparatifs du test commencent.
07:00 Leonid Toptunov réduit progressivement la puissance du réacteur.
07:04 [Musique]
07:11 20 minutes durant, tout se déroule comme prévu.
07:15 Mais à peine 3 minutes plus tard, un problème survient.
07:19 [Musique]
07:24 Pour une raison inconnue, la puissance du réacteur s'effondre.
07:28 Cela ne fait pas du tout partie de l'exercice.
07:31 Et Leonid Toptunov doit faire remonter la puissance du réacteur, et vite.
07:36 A son grand soulagement, il réussit à régler le problème.
07:40 [Musique]
07:42 A une heure du matin, l'opérateur pense avoir stabilisé le réacteur.
07:46 Et les préparatifs du test continuent.
07:49 [Musique]
07:51 3 minutes plus tard, Boris Tolerchuk, qui commande les pompes à eau, entre en action à son tour.
07:57 Il met en marche 2 pompes auxiliaires.
08:00 Mais celles-ci injectent de l'eau dans le réacteur, trop rapidement.
08:04 [Musique]
08:06 C'est grave, car cela signifie qu'une quantité insuffisante d'eau sera transformée en vapeur pour entraîner les turbines.
08:13 Il y a rupture d'équilibre.
08:16 [Musique]
08:19 1h19.
08:21 Leonid Toptunov pense pouvoir remédier à la situation en augmentant la puissance du coeur.
08:28 Cela semble marcher.
08:30 Le réacteur s'échauffe et produit plus de vapeur pour entraîner les turbines.
08:35 Les 2 opérateurs pensent maîtriser la situation et continuent les préparatifs du test.
08:40 [Musique]
08:43 Ce qu'ils ignorent, c'est que le coeur s'échauffe dangereusement.
08:47 [Musique]
08:52 Dans la salle des turbines, Yuri Kornev reçoit un appel téléphonique.
08:57 Quelqu'un dans la salle des commandes lui dit que les préparatifs sont terminés et que l'exercice est sur le point de commencer.
09:03 Pour l'équipe de nuit à Tchernobyl, tout paraît normal dans la centrale.
09:08 [Musique]
09:11 1h23.
09:13 Un technicien éteint les turbines comme prévu.
09:17 L'exercice que l'équipe de nuit prépare depuis le début de son service commence.
09:22 [Musique]
09:25 Mais Leonid Toptunov, qui surveille le réacteur, constate que sa température monte en flèche.
09:31 La pression de vapeur dans le système atteint des niveaux critiques
09:34 et des sonneries d'alarme retentissent dans la salle des commandes.
09:37 [Musique]
09:41 Leonid Toptunov et Boris Tolarchuk sont désormais conscients du danger.
09:46 Ce qu'ils ignorent, c'est qu'ils n'ont que quelques secondes devant eux pour éviter une catastrophe nucléaire majeure.
09:52 [Musique]
10:01 Ainsi, les opérateurs de la plus moderne des centrales nucléaires soviétiques ont commencé un exercice de sécurité.
10:07 Mais depuis le début, des problèmes se sont succédés.
10:10 Maintenant, la situation paraît grave.
10:13 Les jeunes opérateurs de l'équipe de nuit font tout leur possible pour éviter un accident nucléaire.
10:18 Il est 1h23 du matin et l'homme qui a la responsabilité du réacteur, Leonid Toptunov, ne peut se permettre d'hésiter.
10:26 Il appuie sur le bouton d'arrêt d'urgence.
10:29 [Musique]
10:31 Mais le réacteur ne s'arrête pas.
10:33 Pire encore, il continue de s'échauffer jusqu'à atteindre 100 fois la température normale de fonctionnement.
10:39 C'est alors que l'inconcevable se produit.
10:42 Cette chaleur extrême commence à détruire le cœur.
10:45 [Musique]
10:47 Boris Tolarchuk et Leonid Toptunov réalisent que la situation leur échappe.
10:52 Et à peine une minute plus tard, le réacteur numéro 4 de Tchernobyl explose.
10:57 [Musique]
11:00 La force de l'explosion soulève le toit en acier du réacteur qui pèse quelque 2000 tonnes.
11:06 Et 8 tonnes de combustible hautement radioactif sont projetées dans le ciel nocturne.
11:11 [Musique]
11:17 Dans la salle des turbines, Yuri Kornev n'arrive pas à en croire ses yeux, tandis que le toit s'effondre autour de lui.
11:24 [Musique]
11:28 - Ça m'a laissé sans voix et je me suis accroupi près du panneau de commande.
11:34 Quand le toit a fini de s'effondrer, je me suis dit "Merci mon Dieu, il n'est pas tombé sur moi".
11:41 [Musique]
11:44 Dans la salle des commandes, à quelques 300 mètres de là, Boris Tolarchuk croit vivre un cauchemar.
11:50 [Musique]
11:54 - J'avais la sensation qu'il se passait quelque chose de bizarre.
11:57 Et puis j'ai entendu un grand boom.
12:00 J'étais pétrifié, je ne savais plus quoi faire.
12:03 [Musique]
12:05 A l'extérieur de la centrale, Pyotr Tolsyakov, le pêcheur, est témoin de l'histoire en marche.
12:11 [Musique]
12:18 - Explosion, c'est un mot imprécis.
12:21 C'était comme une éruption volcanique.
12:24 [Explosion]
12:29 [Sirène]
12:34 À la caserne de pompiers de la centrale, c'est l'alerte.
12:37 [Sirène]
12:40 Et moins de 4 minutes après l'explosion, un premier groupe de 14 hommes se précipite sur les lieux de l'accident.
12:47 [Sirène]
12:56 L'incendie fait rage dans tout le réacteur numéro 4.
13:00 Des renforts sont nécessaires.
13:03 Pyotr Khmel, capitaine des pompiers, est alors parmi les 100 hommes qui vont répondre à l'appel.
13:09 - Il y avait des bouts de gaines par terre.
13:13 Et toutes les machines étaient en pièces.
13:16 On ne savait pas que c'était le réacteur. Personne ne nous l'avait dit.
13:22 [Sirène]
13:24 Aucun des pompiers ne réalise alors qu'ils se trouvent au milieu d'une catastrophe nucléaire.
13:28 [Sirène]
13:31 Pendant une heure et demie durant, ils affrontent les flammes.
13:34 [Sirène]
13:36 Puis un par un, les hommes s'effondrent, vomissent et perdent conscience.
13:40 [Sirène]
13:42 Pyotr Khmel est parmi eux.
13:45 [Sirène]
13:47 - On ne pensait pas que c'était un accident dangereux à l'échelle mondiale.
13:55 On croyait que c'était juste un feu normal.
14:02 A 5 heures du matin, l'incendie est maîtrisé.
14:07 Pyotr Khmel est évacué par avion vers Moscou pour recevoir les soins d'urgence.
14:12 Il est gravement irradié.
14:16 Mais lui au moins survivra.
14:19 Car sur les 69 pompiers présents sur les lieux de l'incendie,
14:22 31 mourront des suites de l'explosion directe aux radiations.
14:26 [Sirène]
14:29 Bien d'autres souffrent des effets du syndrome aigu d'irradiation.
14:33 Brûlure thermique et chimique,
14:36 défaillance cardiaque,
14:39 lésions pulmonaires,
14:42 affaiblissement du système immunitaire.
14:45 Mais la crise ne fait que commencer.
14:49 Le réacteur éventré continue en effet d'émettre des radiations mortelles.
14:54 Pourtant les autorités soviétiques gardent le silence.
14:58 L'Occident et l'URSS restent rivaux.
15:01 Et Mikhaïl Gorbatchev, le numéro 1 soviétique,
15:04 tente de dissimuler la catastrophe.
15:07 La majorité des employés de la centrale vivent avec leur famille à Pripyat,
15:11 à 3 km de Tchernobyl.
15:14 Tous ignorent que leur vie est en danger.
15:18 A l'époque, Oksana Savchenko a 13 ans.
15:22 Son père travaille au réacteur numéro 4
15:25 et ce matin-là il ne rentre pas chez lui.
15:28 [Musique]
15:31 - Une voisine est venue voir ma mère
15:34 et elle lui a dit qu'il s'était passé quelque chose à la centrale
15:37 et que pour l'instant personne n'était revenu.
15:40 [Musique]
15:46 - Son mari travaillait là-bas.
15:49 On était tendus, on se doutait que quelque chose n'allait pas.
15:52 [Musique]
15:58 Le soir venu, Oksana n'a toujours pas de nouvelles de son père.
16:02 [Musique]
16:06 Par contre, les autorités soviétiques commencent à préparer
16:09 dans le plus grand secret l'évacuation de l'ensemble de la population de Pripyat,
16:14 soit presque 50 000 personnes.
16:17 [Musique]
16:19 L'opération doit être rapide et efficace.
16:22 [Musique]
16:26 L'intervention de l'armée est requise pour organiser un convoi de 1 200 bus.
16:31 [Musique]
16:33 36 heures après l'explosion, les habitants de la ville
16:36 sont pour la première fois officiellement informés de l'accident.
16:39 [Musique]
16:45 - Attention camarades, la situation de la centrale de Tchernobyl
16:51 n'est pas satisfaisante du point de vue de la radioactivité.
16:55 [Musique]
16:58 - En mesure de précaution temporaire, il a donc été décidé
17:02 d'évacuer les habitants de Pripyat.
17:05 [Musique]
17:09 Oksana est stupéfaite.
17:12 - Ils nous ont dit de préparer nos bagages
17:17 et d'emmener de la nourriture pour le voyage.
17:22 On devait prendre nos papiers, notre argent bien sûr,
17:26 attendre l'arrivée des bus.
17:28 - Et juste attendre quand ils vont pouvoir envoyer les bus.
17:32 [Musique]
17:34 Le père d'Oksana n'a toujours pas réapparu,
17:37 mais sa famille n'a pas le choix, ils doivent partir.
17:40 Et personne ne sait où on les emmène.
17:43 [Musique]
17:49 L'évacuation de masse commence à 2 heures de l'après-midi.
17:53 Trois heures plus tard, Pripyat est une ville fantôme.
17:58 La colonne de bus et de camions s'étale sur 15 kilomètres.
18:04 [Musique]
18:08 Pendant ce temps, à Tchernobyl,
18:10 le réacteur continue d'émettre des radiations mortelles.
18:14 [Musique]
18:17 Prise de court, les autorités s'efforcent d'éviter
18:20 de nouvelles retombées radioactives.
18:22 Au cours des 6 journées suivantes,
18:24 1800 rotations d'hélicoptères ont lieu
18:26 pour larguer 5000 tonnes de produits chimiques
18:28 sur le réacteur éventré afin d'absorber les radiations.
18:32 [Musique]
18:34 Mais un plan d'action bien plus dangereux va bientôt prendre forme.
18:38 [Musique]
18:41 Jusqu'ici, les soviétiques ont présumé que seules les personnes
18:43 directement affectées étaient informées de la crise.
18:47 Mais c'est la guerre froide.
18:50 Et bien sûr, les satellites américains surveillent en permanence
18:53 le territoire de l'URSS.
18:55 [Musique]
18:57 28 secondes à peine après l'explosion,
18:59 l'un de ces satellites est passé au-dessus de Tchernobyl.
19:02 Voici l'image qu'il a fournie.
19:05 Au départ, les services secrets américains vont croire
19:07 que les soviétiques ont lancé un missile nucléaire.
19:10 Mais le rouge indique une zone de chaleur intense
19:12 à la centrale de Tchernobyl, près de Kiev.
19:16 Les américains réalisent alors qu'un terrible accident s'est produit.
19:20 [Musique]
19:24 Mais les États-Unis sont bien le dernier pays que Mikhaïl Gorbatchev
19:27 souhaite voir informé de la catastrophe.
19:32 Il est au pouvoir que depuis un an,
19:34 et redoute que les américains tirent parti de l'événement
19:37 pour exposer les lacunes de l'industrie nucléaire soviétique.
19:41 Ce désastre pourrait s'avérer très embarrassant
19:43 sur la scène internationale.
19:46 [Musique]
19:51 6h30 du matin, le 28 avril.
19:55 Deux jours après la catastrophe, Cliff Robinson,
19:58 ingénieur nucléaire à la centrale de Forsmark en Suède,
20:01 se rend au travail.
20:05 Nous sommes à 1 600 km au nord de Tchernobyl.
20:11 Pour pénétrer sur le site de la centrale,
20:13 Cliff Robinson doit passer par un détecteur de radiation.
20:18 L'alarme s'est déclenchée, ce qui signalait que j'étais contaminé.
20:22 Et c'était très bizarre parce que je n'étais pas rentré
20:25 dans la partie surveillée de la centrale.
20:28 Cliff Robinson est perplexe.
20:30 Il passe à nouveau dans le détecteur de radiation,
20:32 déclenchant l'alarme encore et encore.
20:35 L'ingénieur pense alors que l'installation doit être défectueuse.
20:38 Mais d'autres employés sont eux aussi refoulés par la machine.
20:43 Personne ne pouvait passer parce que l'alarme se déclenchait à chaque fois.
20:49 Les radiations sont invisibles, mais Cliff Robinson pense
20:52 que ce sont les chaussures des employés qui déclenchent l'alarme.
21:00 Alors j'ai mis une chaussure dans un de nos détecteurs
21:02 pour effectuer des mesures,
21:04 et le niveau d'activité était énorme.
21:09 L'ingénieur réussit à déterminer que la contamination
21:12 ne peut provenir de sa centrale, à Forsmark.
21:16 À mon avis, une bombe atomique avait dû exploser quelque part.
21:24 Dès lors, l'objectif prioritaire est de trouver la source de la contamination.
21:30 C'était un lundi banal qui est devenu de plus en plus étrange.
21:35 Plus tard dans la journée, des scientifiques suédois
21:38 identifient la source des radiations.
21:40 C'est l'Union soviétique.
21:46 Ils exigent des explications.
21:48 Et sous la pression, l'URSS s'incline,
21:50 en admettant publiquement qu'un accident nucléaire s'est produit à Tchernobyl.
21:55 La catastrophe fait la une des journaux dans le monde entier.
21:59 La presse occidentale décrit Tchernobyl comme une apocalypse.
22:06 Un accident s'est produit à la centrale nucléaire de Tchernobyl.
22:11 L'un des réacteurs a été endommagé.
22:15 En Union soviétique, en revanche, les médias minimisent l'importance de l'accident,
22:20 qui est escamoté au milieu d'autres nouvelles dans le journal télévisé.
22:24 Des mesures ont été prises pour remédier aux conséquences.
22:27 Les victimes reçoivent des soins et une commission d'enquête a été créée.
22:33 Mais derrière ce rideau de fumée, la vérité est que le rêve nucléaire soviétique commence à s'effondrer.
22:40 On signale des retombées radioactives dans toute l'Europe.
22:45 Dix jours plus tard, le nuage toxique atteint les côtes des Etats-Unis et du Japon.
22:50 Même à l'extérieur de l'URSS, le danger est bien réel.
22:56 Il a suffi de 84 minutes pour que se produise la catastrophe.
23:00 Maintenant, nous allons revoir le fil des événements du 26 avril,
23:04 en nous concentrant sur les actions des opérateurs qui devaient mener un test de sécurité sur les ordres de la direction.
23:14 Grâce aux données fournies par l'enquête officielle et à des simulations informatiques sophistiquées,
23:19 nous allons pénétrer au cœur de la zone interdite de Tchernobyl, là où aucune caméra n'a pu se rendre.
23:28 Immédiatement après l'explosion, les autorités soviétiques font venir des scientifiques russes de premier plan.
23:35 Pour ces experts, il ne s'agit pas là d'une enquête ordinaire.
23:39 Car pour découvrir la cause de la catastrophe, ils vont devoir pénétrer dans le cœur en fusion du réacteur.
23:46 Le risque d'irradiation est bien réel. L'enquête commence par l'interrogatoire des témoins.
23:51 Alexander Agoulov se trouvait juste devant la salle du réacteur.
24:01 La porte était sortie de ses gonds et elle avait été propulsée de l'autre côté de la pièce.
24:06 On ne pouvait rien voir dans le couloir.
24:10 Puis, en regardant au-dessus des débris, j'ai vu que les murs et le plafond avaient été détruits.
24:18 Il y avait de l'eau qui coulait le long des murs démolis.
24:24 Et cette eau brillait.
24:34 C'était un moment de tristesse.
24:39 Les experts occidentaux avaient depuis longtemps des doutes sur la sécurité de certaines centrales soviétiques.
24:45 Jim Al-Khalili, un scientifique britannique, a étudié les défauts de conception du modèle de réacteur de Tchernobyl.
24:52 Ces réacteurs présentent une instabilité inhérente à leur conception, ce qui signifie qu'ils peuvent surchauffer très vite.
25:01 Mais Léo, responsable soviétique, était informé de ce défaut de conception.
25:06 Alors comment la catastrophe a-t-elle pu se produire ?
25:11 Sur les lieux de l'accident, les enquêteurs reconstituent méticuleusement le déroulement des événements.
25:18 Et très vite, leur attention se focalise sur l'exercice de sécurité.
25:26 Au départ, ce test devait avoir lieu dans la journée, ce qui signifie que des ingénieurs plus expérimentés auraient été présents.
25:34 Mais il aurait fallu interrompre le fonctionnement du réacteur et l'approvisionnement en électricité de Kiev aurait été gravement perturbé.
25:43 Il a donc été prévu de reporter l'exercice de sécurité pour l'effectuer durant la nuit, lorsque la demande d'électricité est la plus faible.
25:53 Or, à cette heure tardive, les ingénieurs de haut niveau sont tous rentrés chez eux.
25:58 Et le réacteur numéro 4 est confié à des opérateurs plus jeunes.
26:03 C'est donc eux qui vont devoir mener les tests.
26:08 Dès lors, pour les enquêteurs, la question fondamentale est la suivante.
26:17 La catastrophe est-elle due à une erreur humaine ou un défaut de conception du réacteur ?
26:22 Comment un exercice de sécurité a-t-il pu aboutir au pire accident de toute l'histoire nucléaire mondiale ?
26:28 A la suite de l'explosion à la centrale de Tchernobyl, l'exposition directe aux radiations a fait 31 victimes parmi les pompiers.
26:49 Et pourtant, une équipe de scientifiques russes est maintenant sur les lieux, malgré le danger.
26:54 Les enquêteurs savent qu'un exercice de sécurité était en cours avant l'explosion.
27:01 Alors l'accident est-il dû à une erreur des opérateurs ou un défaut de conception du réacteur ?
27:06 Voici comment la centrale aurait dû fonctionner.
27:12 Des barres d'uranium permettent de produire de la chaleur dans le cœur du réacteur.
27:17 Et des barres de contrôle sont insérées pour régler la quantité d'énergie dégagée par l'uranium.
27:22 Lorsque l'eau passe dans le cœur du réacteur, elle est transformée en vapeur.
27:27 Et comme dans une centrale classique, cette vapeur permet d'entraîner des turbines qui produisent de l'électricité.
27:34 Or Tchernobyl fonctionne grâce à l'électricité qu'elle-même produit.
27:40 C'est pourquoi un exercice de sécurité devait vérifier que l'exploitation pouvait continuer en cas de défaillance du système.
27:47 Si par exemple, les turbines s'arrêtaient, la centrale aurait-elle suffisamment d'électricité pour garder le contrôle des barres de combustible d'uranium ?
27:55 Les pompes à eau seraient-elles en mesure de refroidir le réacteur ?
27:59 Dans des circonstances normales, la réaction peut être accélérée ou ralentie, en abaissant ou en relevant des barres de contrôle dans le cœur.
28:07 L'eau qui circule autour du cœur l'empêche de surchauffer.
28:13 Et elle est aussi transformée en vapeur pour produire de l'électricité.
28:16 Mais si les turbines de la centrale ne peuvent fournir l'énergie nécessaire au bon fonctionnement des indispensables pompes à eau, le réacteur risque de chauffer dangereusement.
28:25 C'est pourquoi les enquêteurs se concentrent sur les actions des opérateurs dans la salle des commandes.
28:34 La sécurité de la centrale dépend en effet du complexe numéro d'équilibriste auquel ces deux hommes se livrent quotidiennement.
28:43 Ensemble, ils doivent s'assurer qu'il y a toujours suffisamment de vapeur pour entraîner les turbines et que le cœur du réacteur ne surchauffe pas.
28:50 Bien que les deux opérateurs soient jeunes, ils ont de l'expérience. Alors que s'est-il passé lors de cette nuit fatidique ?
28:57 Une heure et 19 minutes avant l'explosion, lorsque Léonie Toptounov commence à réduire la puissance du cœur, tout semble bien se passer.
29:09 Les barres de contrôle du réacteur règlent la quantité d'énergie que produit l'uranium combustible.
29:14 La vapeur et donc le rendement en énergie du cœur est réglée grâce aux barres de contrôle.
29:21 Lorsqu'on les abaisse dans le cœur, la quantité d'énergie produite diminue. Donc moins de vapeur est produite pour alimenter les turbines.
29:31 Quand les barres de contrôle sont relevées, l'énergie du cœur augmente de nouveau.
29:37 Le réacteur numéro 4 avait 211 barres de contrôle, lesquelles auraient dû empêcher l'explosion. Pourquoi n'ont-elles pas fonctionné ?
29:45 En préparation de l'exercice, Léonie Toptounov utilise les barres de contrôle pour réduire progressivement la puissance du réacteur.
29:55 Mais celle-ci baisse trop et trop vite.
30:01 52 minutes avant l'explosion.
30:03 Léonie Toptounov doit donc faire remonter la puissance du cœur et pour ce faire, il extrait des barres de contrôle.
30:13 Sa tentative réussit.
30:18 Lentement mais sûrement, la puissance du réacteur remonte.
30:27 21 minutes avant l'explosion.
30:31 Boris Trolarczuk continue les préparatifs de l'exercice en modifiant la circulation de l'eau autour du cœur.
30:38 L'exercice prévoit en effet d'arrêter les pompes principales durant la panne de courant simulée.
30:43 L'opérateur doit donc s'assurer qu'un dispositif de secours lui permettra de continuer à alimenter le système.
30:49 Il pense utiliser les barres de contrôle pour réduire la puissance du réacteur.
30:55 Il pense utiliser deux pompes auxiliaires qui détourneront de l'eau disponible dans d'autres secteurs de la centrale pour la diriger vers le réacteur numéro 4.
31:03 Mais lorsque l'opérateur actionne ce dispositif, il laisse entrer trop d'eau dans le cœur, trop vite.
31:09 La vitesse à laquelle l'eau coule autour des barres de combustible est déterminante.
31:16 Parce que plus elle va vite, moins on produit de vapeur.
31:23 15 minutes après avoir mis en marche les pompes auxiliaires, la quantité de vapeur produite n'est plus suffisante pour continuer à entraîner les turbines.
31:31 5 minutes avant l'explosion, les opérateurs doivent stabiliser le réacteur.
31:37 Boris Tolerchuk sait qu'il faut augmenter l'injection de vapeur vers les turbines.
31:42 Il réagit en envoyant de l'eau dans le collecteur de vapeur.
31:47 Il s'agit de la chambre centrale où l'on peut réguler à la fois les niveaux d'eau et de vapeur dans le système.
31:53 Le volume d'eau ayant augmenté dans le collecteur, la pression de vapeur revient à la normale.
31:58 Mais Boris laisse entrer trop d'eau froide dans cette chambre.
32:02 Et le résultat, c'est que le liquide pénètre dans le cœur en quantité excessive.
32:07 De nouveau, la quantité de vapeur produite est insuffisante.
32:11 Et l'exercice de sécurité n'a même pas encore commencé.
32:17 Les enquêteurs savent que les opérateurs dans la salle des commandes sont désormais en difficulté.
32:22 Il ne leur reste que 4 minutes pour réagir.
32:26 La seule chose que l'éonitoptunov peut faire pour augmenter l'injection de vapeur vers les turbines
32:32 est de réduire le nombre de barres de contrôle dans le cœur.
32:36 Les consignes de sécurité de la centrale fixent le nombre minimum de barres de contrôle à 26.
32:43 Mais l'opérateur pense qu'il n'a pas le choix. Il doit faire le maximum.
32:47 Il ne laisse donc que 6 barres de contrôle dans le cœur.
32:51 Et incroyablement, bien que la situation soit critique, l'équipe de nuit continue l'exercice.
32:57 Les techniciens qui menaient ce test ont été très naïfs de penser qu'ils pouvaient continuer l'exercice
33:03 avec seulement 6 barres de contrôle dans le réacteur.
33:10 Avec un nombre si réduit de barres de contrôle, la seule chose qui peut empêcher le réacteur de surchauffer,
33:14 c'est l'eau circulant autour du cœur.
33:17 La moindre baisse de niveau du liquide risque donc d'avoir des conséquences critiques.
33:22 Or le destin veut justement qu'au moment le plus inopportun,
33:26 la communication est rompue entre les 2 opérateurs.
33:29 Il reste moins de 3 minutes avant l'explosion.
33:33 Boris réalise finalement que trop d'eau est rentrée dans le collecteur de vapeur.
33:38 Immédiatement, il coupe les pompes,
33:41 interrompant ainsi également l'injection d'eau vers le cœur surchauffé.
33:45 Boris ne tient pas compte du fait que son collègue Léonide n'a laissé que 6 barres de contrôle.
33:51 - Je n'en savais rien du tout.
33:55 Et je ne saurais pas dire s'il y avait moins de barres de contrôle que les normes l'exigeaient.
34:02 Une minute 30 avant l'explosion.
34:07 Le nombre de barres de contrôle étant insuffisant,
34:10 le cœur du réacteur commence à surchauffer dangereusement.
34:14 Sans s'en rendre compte, les opérateurs ont perdu le contrôle de la centrale.
34:21 Car sous l'effet des températures extrêmes dégagées par le cœur,
34:24 le réacteur n°4 de Tchernobyl est sur le point de s'effondrer.
34:28 - Le scénario catastrophe dans n'importe quelle centrale nucléaire,
34:34 c'est que l'énergie et la température augmentent jusqu'à atteindre un point critique.
34:40 Pourtant, les enquêteurs ne comprennent toujours pas comment le cœur surchauffé a déclenché l'explosion finale.
34:47 56 secondes avant l'explosion.
34:58 L'opérateur responsable des turbines reçoit l'ordre de continuer l'exercice de sécurité.
35:04 Il éteint les turbines.
35:08 Tout à coup, les compteurs indiquent que la puissance du réacteur atteint un niveau dangereusement élevé.
35:15 Désormais, il est trop tard.
35:20 [Musique]
35:35 Ainsi donc, c'est un exercice de sécurité mené à la centrale de Tchernobyl qui a abouti à la catastrophe.
35:41 Le réacteur nucléaire va exploser dans 13 secondes à peine.
35:45 Les hommes dans la salle des commandes sont impuissants.
35:50 Sous l'effet de la chaleur extrême, les barres de combustible s'effritent.
35:54 L'explosion produit une pression titanesque, soulevant le couvercle de 2000 tonnes du réacteur.
36:00 8 tonnes de débris hautement radioactifs sont projetées dans l'atmosphère.
36:04 "Je ne pouvais même pas imaginer qu'une chose pareille était possible. On a tous été pris par surprise."
36:12 L'industrie nucléaire n'a jamais rien connu de tel.
36:19 Des fragments de combustible radioactif sont propulsés directement dans l'atmosphère.
36:23 Selon les calculs des enquêteurs, ces débris montent alors jusqu'à 1000 mètres d'altitude.
36:31 Or, certaines des particules radioactives sont suffisamment légères pour être transportées par les vents.
36:36 Et elles vont se disperser sur des milliers de kilomètres.
36:40 En l'espace de 10 jours, le nuage toxique atteint l'Amérique du Nord.
36:46 Et le Japon.
36:48 "Les atomes radioactifs sont très instables. Et ils cherchent à se stabiliser en émettant des radiations.
36:54 Et si la quantité de matériaux radioactifs est suffisamment grande,
36:59 ces rayonnements peuvent endommager les tissus humains et même être mortels."
37:04 Si les enquêteurs savent désormais ce qui a causé l'explosion,
37:13 ils sont horrifiés par la perspective de se trouver confrontés à une crise bien plus importante.
37:17 De fait, la radioactivité ne se diffuse pas seulement à travers l'air.
37:21 Et les scientifiques craignent par-dessus tout que le cœur du réacteur fondu ne contamine la nappe phréatique.
37:27 "Si des matériaux radioactifs entrent en contact avec la nappe phréatique,
37:31 ils peuvent se répandre très vite et contaminer l'eau potable dans des milliers de foyers."
37:36 A seulement 104 kilomètres de Tchernobyl, les habitants de Kiev ignorent totalement la situation.
37:42 Mais les hommes chargés de gérer la crise savent que le risque est bien réel.
37:46 Il leur faut absolument découvrir si le cœur a fondu.
37:50 Vignamine, pris à Nizhnikov, se voit confier la mission.
37:54 Il doit ramper dans un tunnel large de seulement 80 centimètres pour inspecter le cœur endommagé.
37:59 "Pourquoi est-ce que j'ai accepté de faire ce travail ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?"
38:11 "Je n'ai pas accepté. À l'époque, on ne vous demandait pas votre avis."
38:18 Vignamine, pris à Nizhnikov, sait parfaitement qu'il risque sa vie.
38:25 Avec prudence, il pénètre dans une pièce située sous le cœur, quand tout à coup quelque chose lui tombe sur la tête.
38:32 "Si du combustible radioactif m'était tombé sur le crâne, je serais mort.
38:39 Je serais un homme mort."
38:41 Les collègues de Vignamine lui envoient un compteur Geiger qui indique que le niveau de radiation est sans danger.
38:48 Ce n'est pas du combustible qu'il a reçu sur le crâne, mais des débris non contaminés.
38:53 "Lorsque j'ai réalisé que j'allais survivre, j'étais tellement content.
38:59 J'étais vraiment heureux. J'avais du mal à le croire.
39:04 Je n'aurais eu aucune chance si ça avait été du combustible.
39:08 Mes os auraient pourri."
39:10 Vignamine confirme que pour l'instant, le cœur fondu n'a pas traversé les fondations.
39:19 Mais les autorités craignent que cela arrive. Il faut agir, et vite.
39:24 Il est donc décidé de mettre en place une énorme dalle de béton sous le réacteur.
39:29 Mais avant de commencer les travaux, il faut construire un tunnel d'accès.
39:34 Une tâche titanesque. 400 mineurs travaillent 24 heures sur 24,
39:38 et en 15 jours seulement, ils réussissent à creuser un tunnel long de 168 mètres.
39:43 Et la dalle de béton est alors mise en place.
39:47 Cependant, au-dessus de la dalle, à l'intérieur des décombres du réacteur,
39:54 il reste toujours 200 tonnes de lave radioactive,
39:58 laquelle va continuer à émettre des radiations nocives pendant encore bien des années.
40:03 Les autorités décident alors que la meilleure solution au problème
40:06 est de construire un énorme sarcophage de béton, tout autour du réacteur.
40:10 Mais rien ne peut être fait tant que les débris radioactifs de l'explosion
40:14 continuent d'émettre des doses mortelles de radiations dans l'air.
40:17 Le site doit d'abord être déblayé.
40:20 Les autorités font alors appel à l'armée.
40:23 Et des milliers de soldats, les liquidateurs comme on les appelle,
40:27 sont réquisitionnés des 4 coins de l'Union soviétique.
40:31 Tous sous le commandement du général Tarakanov.
40:33 J'ai été convoqué par le polybureau et là, on m'a dit
40:37 "Nicolai, nous avons décidé que vous êtes notre meilleur général
40:40 et vous allez diriger les opérations d'enlèvement du combustible nucléaire par des soldats."
40:44 Et j'ai dit "Mais vous êtes fou !
40:47 Les soldats ne sont pas des robots !"
40:50 Les soldats ont pour ordre de ramener les débris radioactifs
40:55 dans le coeur détruit à l'aide de pelles.
40:59 Vous allez trouver des blocs lourds de 40 ou 50 kilos chacun.
41:02 Portez-les jusqu'à la force et jetez-les dedans.
41:05 Ils le font correctement.
41:10 Vous voyez ?
41:13 Les soldats doivent porter des combinaisons spéciales en plomb pesant 30 kilos.
41:23 Chaque homme ne peut travailler que 3 minutes.
41:27 Mais c'est suffisant pour recevoir la dose de radiation d'une vie entière.
41:30 Plusieurs milliers d'entre eux mourront des suites de cette exposition.
41:34 J'étais exposé aux radiations et j'envoyais des soldats se faire irradier.
41:39 C'était incroyable !
41:42 La construction du sarcophage commence alors que les opérations de nettoyage sont toujours en cours.
41:48 C'est une course contre la montre et l'ouvrage est fini en 206 jours.
41:54 100 tonnes d'uranium et 1 tonne de plutonium encore plus dangereux se trouvent toujours dans le sarcophage.
41:58 Et personne ne sait vraiment si celui-ci suffira à empêcher les radiations de s'échapper du coeur.
42:03 Pour la première fois depuis l'accident de 1986,
42:13 Boris Tolarchuk, l'opérateur responsable des pompes, est revenu dans la salle des commandes de Tchernobyl.
42:18 Quand je regarde autour de moi, je me dis avant c'est moi qui faisais marcher tout ça.
42:24 Finalement, l'enquête sur la catastrophe va permettre de répondre à cette question déterminante.
42:28 Défaut de conception du réacteur ou erreur de jugement des opérateurs ?
42:33 Les enquêteurs ont établi que l'enchaînement fatal de circonstances a été déclenché par l'équipe de nuit,
42:46 laquelle avait reçu l'ordre d'effectuer un exercice de sécurité.
42:50 D'abord, Léonie Toptounov a extrait un nombre trop élevé de barres de contrôle du réacteur.
42:54 Puis Boris Tolarchuk a réduit la quantité d'eau de refroidissement qui y circulait.
42:59 Leurs actes ont rendu le réacteur très instable, mais ils ne se sont pas rendus compte.
43:04 Et lorsqu'enfin ils ont tenté de rectifier leurs erreurs, il était trop tard.
43:09 L'énorme explosion était déjà programmée.
43:15 Pourtant, les enquêteurs décident que la faute ne revient pas à l'équipe de nuit,
43:19 car les deux opérateurs ont été contraints de mener ce test de sécurité.
43:23 La conclusion finale est que la catastrophe a été causée par une mauvaise gestion d'ensemble de la santé.
43:29 Leurs opérateurs ont donc décidé de faire un test de sécurité.
43:33 Leurs opérateurs ont donc décidé de faire un test de sécurité.
43:37 Leurs opérateurs ont donc décidé de faire un test de sécurité.
43:42 La catastrophe a été causée par une mauvaise gestion d'ensemble de la centrale.
43:45 Et trois ingénieurs de haut niveau sont condamnés à des peines de dix ans de prison.
43:49 Bien que les opérateurs aient été innocentés, Boris Tolarchuk ressent tout de même le besoin de défendre l'équipe de nuit.
43:56 Malheureusement, certains pensent toujours que les opérateurs étaient responsables de l'accident.
44:10 - De ma part, je ne me sens pas responsable.
44:12 - Je ne pense pas que la faute revienne aux opérateurs.
44:15 La petite ville de Pripyat, où vivaient autrefois des milliers d'employés de Tchernobyl,
44:25 est aujourd'hui si contaminée qu'on en a interdit l'accès.
44:29 Dans un périmètre de 30 kilomètres autour de la centrale nucléaire,
44:34 une zone interdite délimite un no man's land.
44:39 Les résidents ont depuis longtemps abandonné tout espoir de retrouver leur habitation.
44:42 Oksana Savchenko avait 13 ans au moment de l'accident.
44:49 On lui a permis de revenir juste le temps d'une brève visite.
44:54 - Je ressens de la peine et du chagrin.
44:58 C'est très dur pour moi.
45:08 J'ai trop de souvenirs ici.
45:10 Le père d'Oksana, qui se trouvait à la centrale le soir de l'accident,
45:18 a reçu une dose mortelle de radiation.
45:21 Il est mort dans un hôpital à Moscou quelques mois plus tard.
45:24 Incroyablement, la centrale de Tchernobyl a continué de fonctionner
45:30 pendant près de 15 ans après l'accident.
45:33 Chaque jour, les employés faisaient la navette pour se rendre au travail.
45:37 Alors que la zone était trop dangereuse pour que l'on puisse y vivre.
45:40 Finalement, en décembre 2000, Tchernobyl a fermé pour de bon.
45:45 Le gouvernement ukrainien estime que la catastrophe et ses conséquences
45:50 ont fait au moins 8 000 victimes.
45:53 Mais selon les Nations unies, il serait encore trop tôt
45:56 pour avoir une idée globale de la situation sanitaire.
45:59 Mais une chose reste sûre.
46:03 Dans les zones les plus contaminées,
46:06 le nombre de cancers de la thyroïde chez les enfants et les adolescents
46:09 a été multiplié par un facteur de plus de 100.
46:12 La catastrophe de Tchernobyl a obligé l'Union soviétique
46:21 à modifier tous ses réacteurs de conception similaire,
46:24 pour que plus jamais une telle horreur ne se reproduise.
46:27 Aujourd'hui, il reste encore 200 tonnes d'uranium
46:31 et presque une tonne de plutonium mortel dans le réacteur en ruine.
46:36 En 1997, 28 pays ont signé un accord pour financer un plan de 10 ans,
46:41 visant à apporter une solution à long terme.
46:44 Une arche d'acier de 20 000 tonnes doit être construite
46:47 pour entourer complètement le réacteur numéro 4.
46:50 Le tout pour une facture phénoménale de 768 millions de dollars.
46:54 Les 4 grues géantes fixées au toit de ce nouveau sarcophage
46:58 constituent un élément clé du programme,
47:00 car elles seront capables de dégager les débris
47:04 et de nettoyer la poussière contaminée.
47:06 Chacun espère qu'une fois le projet mené à bien,
47:09 le danger radioactif de Tchernobyl sera enfin éliminé.
47:13 [Musique]

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