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Le 2 septembre 1998, le vol Swissair n°111 s'abîme dans l'océan Atlantique, causant la mort de 229 personnes. L'enquête de grande envergure qui est lancée alors révèle que le drame a été causé par un incendie s'étant déclaré à bord du cockpit.

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00:00 Golden Bridge, état de New York. 16h46. Père de trois enfants, Ray Romanos s'apprête à partir en voyage d'affaires pour l'Europe.
00:14 -Tu as fini ma chérie ? -Presque. C'est déjà l'heure ? -Ouais.
00:21 Il venait de passer associé dans le cabinet comptable où il avait fait toute sa carrière. C'était un homme remarquable en tout point.
00:31 -À la semaine prochaine. -Tu m'appelles, hein ? -Bien sûr.
00:43 19h45. Heure de New York. Aéroport JFK, New York.
00:52 215 passagers ont embarqué à bord du vol Swiss Air 111 à destination de Genève.
01:00 Ray Romanos est assis à la rangée 9 à l'avant de l'appareil.
01:07 -Il a son billet ? -Non. -Il va s'asseoir avec toi ? -Oui. -Bon alors ça va.
01:31 Le commandant Urs Zimmermann et son copilote Stéphane Lowe sont aux commandes de ce vol de nuit prévu pour durer 8h.
01:54 52 minutes après le décollage, le vol Swiss Air 111 progresse à une altitude de 33 000 pieds au dessus des côtes de la Nouvelle-Écosse au Canada.
02:04 -Tu ne sens pas une odeur ? -Oui. Je sens une drôle d'odeur. Mais je ne vois pas d'où ça vient.
02:16 Le vol de nuit est à la sortie de la Nouvelle-Écosse.
02:24 -Il y a un problème ? -Vous ne sentez pas une odeur dans la cabine des passagers ?
02:31 -Je sens une odeur bizarre ici, mais pas dans la cabine, non. -Vous êtes sûre ? -Certaine.
02:38 -C'est sûrement la climatisation. -Sûrement.
02:44 Le vol de nuit est à la sortie de la Nouvelle-Écosse.
02:50 -Et si tu coloriais la fusée ? -Je vais prendre du rose et du violet. -Parfait. Merci beaucoup.
03:05 Le vol de nuit est à la sortie de la Nouvelle-Écosse.
03:13 Le vol de nuit est à la sortie de la Nouvelle-Écosse.
03:21 -Tu as quelque chose de prévu en arrivant ? -Une balade en bateau sur le lac de Zurich. -C'est bien.
03:28 -Qu'est-ce que c'est que ça ? Regarde au-dessus. C'est pas bon, ça.
03:38 Le commandant Zimmermann souhaite atterrir pour faire vérifier l'appareil.
03:45 -Swiss Air 111 déclare pan, pan, pan. Présence de fumée dans le cockpit. Demande autorisation immédiate de faire demi-tour pour atterrir à l'aéroport le plus accessible. Boston, je suppose.
04:02 Le contrôle aérien indique que l'aéroport d'Halifax, situé à 122 km, est beaucoup plus proche que celui de Boston.
04:10 -Préférez-vous vous dérouter sur Halifax ? -Swiss Air 111, affirmatif. De notre position actuelle, nous préférons Halifax.
04:23 L'aéroport se prépare à un atterrissage d'urgence.
04:31 La fumée a disparu, mais les pilotes maintiennent leur volonté de faire vérifier l'appareil. Par précaution, ils se munissent de leur masque à oxygène et amorcent la descente.
04:44 -Votre commandant a activé le signal, vous invitant à attacher vos ceintures. Un problème de climatisation nécessite d'être corrigé avant de poursuivre le vol. Nous nous déroutons vers l'aéroport d'Halifax au Canada.
05:00 Centre de contrôle aérien de Moncton, New Brunswick.
05:06 -J'ai regardé mon écran radar pour localiser l'appareil et j'ai estimé qu'il se situait à environ 20 minutes de l'aéroport.
05:15 Bill Pickrell guide par radio l'atterrissage des avions à Halifax.
05:21 -L'opération devait être assez simple. A ce moment-là, l'appareil était parfaitement aligné pour une approche directe.
05:28 -Bonsoir, Swissair 111. Puis-je vous radio-guider pour l'atterrissage sur la piste 06 à Halifax ?
05:35 -Swissair 111, radio-guidage vers la piste 06, OK.
05:40 -OK, c'est une approche d'alignement arrière. 48 km jusqu'au seuil d'atterrissage.
05:48 -Il nous faut plus que 48 km.
05:50 -Reçu, Swissair 111. Virer à gauche, direction 0-1-3-0.
05:57 L'avion vole à une altitude trop élevée pour se poser à Halifax au premier passage.
06:04 -En règle générale, à cette distance de l'aéroport, l'appareil aurait dû idéalement se situer à environ 10 000 pieds.
06:12 -En l'occurrence, l'avion était à 20 000 pieds d'altitude, ou légèrement au-dessus.
06:19 Les pilotes amorcent une boucle durant la descente.
06:23 -Swissair 111, pouvez-vous m'indiquer le nombre total de personnes à bord et la quantité de carburant qu'il vous reste ?
06:32 -Reçu, on doit délester du carburant. Peut-on le faire dans cette zone durant notre descente ?
06:38 -J'ai alors regardé mon collègue et je lui ai dit "Ah non, ils doivent délester du kérosène maintenant."
06:46 -Aussitôt après, j'ai vérifié où il pourrait le faire en toute sécurité, sans trop s'éloigner de l'aéroport.
06:53 Bill Pickrell suggère aux pilotes d'effectuer le délestage au-dessus de l'aéroport ou de se dérouter vers l'océan.
07:01 Les pilotes optent pour l'océan.
07:06 -Vous êtes à 17 km de la côte. Une fois là-bas, vous serez encore à 40 km environ de l'aéroport.
07:14 -Si vous devez le rejoindre très rapidement.
07:17 -C'est bon pour nous. Faites-nous signe quand nous pourrons procéder au délestage.
07:22 Le commandant lance la procédure prévue par Swissair en cas de fumée d'origine inconnue.
07:33 -Commutateur cabine bus sur off, confirmé.
07:38 Il coupe l'alimentation électrique inutile dans la cabine.
07:43 [Bruit de fusée]
07:45 -Il y a un problème ?
07:54 -Il n'y a plus de courant et la climatisation ne marche plus.
07:57 -Ne vous inquiétez pas. C'est la procédure habituelle en cas d'atterrissage d'urgence.
08:03 -Atterrissage d'urgence ?
08:05 -Rassurez-vous, nous allons bientôt atterrir.
08:08 Veuillez attacher votre ceinture.
08:11 [Musique]
08:14 -On a perdu le pilote automatique.
08:31 -Oui, je confirme.
08:34 -Mon Dieu, Stéphane, on a un incendie. Envoie un signal d'urgence.
08:41 -Swissair 111, situation d'urgence.
08:44 -Reçu.
08:46 -Oh, bon sang.
08:48 L'avion est au moins à 6 minutes de l'aéroport.
08:54 -J'entendais l'alarme principale qui sonnait, mais je n'avais aucune idée de ce que ça indiquait.
09:02 [Bruit d'explosion]
09:08 -Oh, bon sang !
09:10 -Swissair 111, on commence le délestage. On doit atterrir.
09:15 -Reçu, Swissair 111.
09:17 [Musique]
09:21 -On a perdu les écrans de vol principaux.
09:36 [Bruit d'explosion]
09:38 [Musique]
09:42 -On a perdu le signal radio. On ne l'a plus.
09:50 -Swissair 111, répondez.
09:54 -Toute communication avec l'appareil est perdue.
09:57 -Swissair 111, répondez.
10:03 -Les contrôleurs aériens peuvent uniquement suivre sa trajectoire sur le radar.
10:07 -Swissair 111, répondez.
10:10 -On a vu que l'appareil s'éloignait de l'aéroport et progressait vers l'ouest en direction de la côte.
10:17 -C'est là que nous avons compris que quelque chose de grave était arrivé.
10:23 [Musique]
10:27 -J'ai pas mon tuer.
10:29 -Voulez rejoindre les sièges à l'arrière tout de suite. Mes collègues vont vous aider.
10:41 [Musique]
10:45 -Qui était le premier à l'arriver ?
10:49 -C'est le premier à l'arriver.
10:52 -Il est en train de se débrouiller.
10:56 -Qui vient de la fumer en première ?
10:58 -Durant 6 minutes, Bill Pickrell observe le trajet de l'avion en perdition.
11:07 -C'était terrible d'être assis là et de ne rien pouvoir faire.
11:13 [Musique]
11:23 [Musique]
11:51 -Tout à coup, l'appareil a décroché vers le sud, droit vers l'océan.
11:55 [Musique]
11:59 -L'avion a disparu sur l'écran.
12:10 -Oh mon Dieu, on l'a perdu. On l'a perdu.
12:19 -Swiss Air 111, répondez. Swiss Air 111.
12:22 -C'est pas vrai.
12:25 [Musique]
12:29 -La dernière position radar du vol Swiss Air 111 se situe à 9 km des côtes canadiennes.
12:46 [Musique]
12:49 -Une fois informés, les pêcheurs de la zone prennent la mer pour tenter de secourir d'éventuels rescapés.
12:56 [Musique]
13:00 -On a sauté sans réfléchir dans les bateaux en pleine nuit.
13:05 -Et on est partis pour essayer d'apporter de l'aide autant que possible.
13:09 -C'était la seule chose à faire.
13:13 -Il faudra une heure à Wayne Manuel pour atteindre la zone.
13:16 -Vous voyez les autres bateaux qui étaient sortis également, mais on sentait surtout l'odeur du kérosène.
13:25 -En se rapprochant, on a vu les débris qui flottaient.
13:29 [Musique]
13:36 -A 865 km de là, à Golden Bridge, dans l'état de New York, Lynn Romano regarde les informations.
13:43 -Le pilote a signalé par radio la présence de fumée dans le cockpit, avant que l'avion ne disparaisse du radar à 1000 pieds d'altitude.
13:50 -J'ai vu qu'il y avait eu un crash d'avion. J'avais toujours peur de ça, et j'ai fait le signe de croix parce que j'ai eu une pensée pour ces gens, vivants ou morts.
13:59 -On ne savait pas encore alors.
14:03 -Il s'agissait d'un vol New York-Geneva. Tom, dites-nous ce que vous avez constaté et entendu de là où vous vous trouvez.
14:10 -Plus je regardais les infos, plus je réalisais que c'était son vol.
14:17 -Tout au long de la soirée, les véhicules de secours sont venus se poster le long de la côte, dans l'attente d'éventuels survivants.
14:27 -J'ai appelé le numéro d'urgence et j'ai dit que mon mari était à bord du vol Swissair 111, qu'il avait le siège 9F, que j'avais toutes les références, qu'on devait me dire si c'était son avion.
14:37 -C'est le vol Swissair 111 ?
14:40 -Je savais que c'était son avion.
14:53 -Ce qu'on voyait le plus, c'était des vêtements, des morceaux de valise et des chaussures.
14:58 -Je me rappelle qu'on est aussi passé à côté d'un fragment de la carlingue à un moment, avec une demi-douzaine de hublots sur le côté.
15:06 -Je crois que c'est la chose la plus grosse qu'on a vue.
15:10 -Le pêcheur espérait trouver des survivants.
15:17 -On espère toujours. Mais une fois qu'on est arrivé sur place et qu'on a vu tout ce qui flottait, on savait qu'on ne trouverait rien, qu'il n'y aurait aucun rescapé.
15:27 La terrible nouvelle est confirmée à l'aube.
15:42 Aucun des 229 passagers et membres d'équipage du vol Swissair 111 n'a survécu.
15:47 -Ils m'ont juste dit qu'il n'y avait pas de survivants.
15:54 -A vrai dire, je ne me rappelle pas de grand chose après ça.
15:58 -C'était comme si on m'avait arraché le coeur.
16:09 Le Canadian Transport Safety Board ouvre une enquête sur l'accident.
16:12 L'un des responsables des investigations est Larry Vance. L'homme a 31 ans d'expérience en tant que pilote et 14 en tant qu'enquêteur.
16:24 Il commence par analyser les enregistrements sonores du contrôle aérien.
16:31 -On avait dès le départ un certain nombre d'informations à notre disposition. On savait notamment qu'il y avait eu un incendie à bord et que les pilotes avaient lutté contre cet incendie.
16:40 Ce que nous voulions savoir, c'était comment le feu s'était déclenché, comment il avait progressé et comment il avait entraîné la perte de l'appareil.
16:48 On devait répondre à ces trois questions essentielles.
16:56 Retraçant le fil des événements et en analysant en détail l'enquête qui a été faite, nous allons vous révéler ce qui a entraîné le crash d'un avion de ligne moderne dans l'océan Atlantique et provoqué la mort de toutes les personnes à bord.
17:07 Avant de pouvoir établir les causes de l'incendie survenu à bord du vol Swissair 111, les enquêteurs doivent récupérer l'épave.
17:19 Plus de 20 agences du Canada, des Etats-Unis et d'Europe participent aux recherches.
17:26 Des effets personnels et des débris de l'appareil sont retrouvés sur plus de 200 kilomètres.
17:32 Vous allez trouver des restes humains, je ne peux pas vous dire comment y faire face, il faut y faire face. Au travail !
17:40 Un seul corps est retrouvé intact.
17:51 Plongeurs et engins sous-marins recherchent les fragments de l'épave jusqu'à 54 mètres de fond.
17:58 Il fallait absolument qu'on retrouve les boîtes noires car elles contenaient beaucoup d'informations essentielles sur ce qui s'était passé dans le poste de pilotage.
18:16 Après 9 jours de recherche, les deux enregistreurs de vol sont retrouvés intacts.
18:20 On a une check-list d'urgence en cas de fumée dans la climatisation.
18:24 L'équipe découvre que les pilotes ont d'abord senti l'odeur de fumée avant de la voir.
18:32 Stéphane, la fumée a disparu.
18:35 On a une nouvelle fumée.
18:40 On a une nouvelle fumée.
18:43 On a une nouvelle fumée.
18:46 On a une nouvelle fumée.
18:49 On a une nouvelle fumée.
18:52 On a une nouvelle fumée.
18:55 On a une nouvelle fumée.
18:58 On a une nouvelle fumée.
19:01 On a une nouvelle fumée.
19:04 On a une nouvelle fumée.
19:08 Il manquait les 6 dernières minutes sur les deux enregistreurs de vol.
19:11 Nous étions déçus.
19:14 On pensait qu'on aurait tout l'enregistrement jusqu'au moment de l'impact, mais ça n'a pas été le cas.
19:19 Les boîtes noires n'offrent aucune réponse concluante.
19:24 Mais Larry Vance pense que l'épave de l'appareil livrera davantage d'informations.
19:36 Il faudra des mois pour collecter les débris de l'avion et les effets personnels.
19:40 Les familles des victimes sont invitées à récupérer les objets de leurs défunts.
19:52 C'était indescriptible.
19:56 Il y avait des valises qui semblaient avoir été déchiquetées par une bête féroce.
20:01 Au-delà de cela, il y avait certains objets qui étaient encore en parfait état quand on les a sortis de l'eau.
20:06 Lynn Romano reconnaît le carnet de notes de son mari avec la liste de courses écrite le matin.
20:13 J'ai même pu compulser son carnet de notes.
20:16 Les magazines étaient en bon état, mais un seul corps de passager avait été retrouvé intact.
20:21 J'ai demandé "mais comment c'est possible ?"
20:24 On m'a parlé de force G et on m'a dit
20:29 "Vous savez, c'est ce qui arrive dans ces cas-là, madame."
20:32 Aussitôt après, j'ai regretté d'avoir posé la question.
20:35 A l'issue des recherches, 98% de l'avion seront récupérés,
20:57 mais en plus de 2 millions de fragments.
20:59 Le travail de recherche des indices avait été facilité car le crash n'avait pas eu lieu sur la terre ferme, mais dans l'océan.
21:08 Nous avions là une opportunité unique,
21:12 parce qu'il n'est pas fréquent que dans un cas d'incendie catastrophique à bord d'un avion,
21:16 le feu en progression soit éteint complètement d'un seul coup,
21:20 ce qui en l'occurrence a eu pour effet de le figer à un instant T.
21:25 La priorité des enquêteurs consiste à déterminer le lieu et la cause de déclenchement du sinistre.
21:30 Don Hunts est le responsable des investigations techniques du Transportation Safety Board.
21:39 Il dirige le groupe incendie du bureau d'enquête.
21:42 Les premiers fragments que nous avons identifiés comme endommagés par l'incendie
21:48 provenaient du cockpit, de l'office de première classe ou du compartiment de recherche.
21:54 On s'est donc concentré sur cette zone.
21:56 Constatant que les dommages liés au sinistre se situent exclusivement à l'avant de l'appareil,
22:04 les enquêteurs décident que le meilleur moyen de comprendre ce qui s'est passé est de le reconstituer.
22:09 Les 5000 fragments du fuselage avant sont patiemment assemblés sur une structure en treillis métallique à l'échelle réelle.
22:20 En assemblant les morceaux, on y voyait de plus en plus clair.
22:23 Je me souviens du plafond de l'office de première classe,
22:30 avec les dégâts du feu visibles de l'extérieur vers l'intérieur,
22:33 ce qui indiquait que l'origine de l'incendie était située au-dessus de l'office.
22:38 La reconstruction révèle que le sinistre n'a pas investi l'office.
22:44 Et qu'il s'est développé au-dessus, hors de vue de l'équipage, dans le plafond principal qui court sur toute la longueur de l'avion.
22:51 Cette zone abrite les équipements électroniques, les câbles, les éléments du système de climatisation et l'isolation.
23:00 Aucun détecteur de fumée n'est installé dans le plafond, car la réglementation ne l'exige pas.
23:07 Les passagers n'avaient absolument pas conscience de ce qui se passait jusqu'à ce que l'incendie traverse le plafond.
23:12 Et encore, ça s'est produit uniquement dans l'office de première classe, ou peut-être dans le compartiment de première classe.
23:20 Mais à l'arrière, en classe affaires et en classe économique, les gens ne savaient pas du tout que quelque chose clochait.
23:26 Une cloison parfaite, une cloison de la moitié de la cloison de la première classe,
23:33 c'est un délire.
23:35 Une cloison par feu divise le plafond en deux compartiments, avec une petite galerie permettant le passage des câbles électriques.
23:42 En comprenant, grâce aux enregistreurs de vol, qui avait senti la fumée et à quel moment,
23:49 Vous ne sentez pas une odeur dans la cabine des passagers ?
23:51 Pas dans la cabine, non.
23:53 et en analysant les traces d'incendie sur la structure reconstruite,
23:57 les enquêteurs concluent que le sinistre s'est déclenché devant la cloison par feu, au-dessus du plafond du cockpit.
24:02 Ce qui explique que les pilotes aient remarqué la fumée presque immédiatement.
24:06 S'il avait démarré derrière la cloison par feu, il aurait fait bien plus de dégâts en progressant vers l'arrière du fuselage.
24:16 Tous les gens à l'arrière auraient senti la fumée avant l'équipage dans le cockpit.
24:21 Le point de départ de l'incendie est désormais établi,
24:26 mais il s'agit à présent de déterminer comment il s'est déclenché.
24:31 Ce qu'on a évidemment recherché, c'est la possibilité d'une origine criminelle.
24:35 Un examen approfondi de certains fragments semble rapidement l'indiquer.
24:43 Très vite, au cours de nos investigations, nous avons trouvé ce qui ressemblait à des billes de chevrotines,
24:53 des espèces de petites billes en acier.
24:55 Il y en avait partout, y compris dans les dossiers des sièges.
24:59 On s'est alors posé la question de savoir si quelqu'un avait tiré d'un avion.
25:02 La piste d'un attentat terroriste est alors envisagée.
25:08 Un passager avait-il embarqué avec une arme à feu ?
25:11 Mais les enquêteurs vont ensuite découvrir ce que l'appareil transportait dans sa soute.
25:20 Il s'agissait en fait des petits roulements dans les stylos à billes.
25:27 Ces minuscules billes qu'on trouve dans l'extrémité de ces stylos.
25:30 Il y en avait des dizaines de milliers.
25:32 Lors du crash, la puissance d'impact a été si forte que les billes ont été projetées hors de la soute,
25:44 jusque dans la cabine et le cockpit.
25:52 La piste criminelle étant écartée, Larry Vance et ses collaborateurs doivent étudier les autres causes possibles de l'incendie.
25:58 On savait où le feu avait démarré.
26:02 On savait que c'était dans le plafond du cockpit.
26:04 On a donc commencé à rechercher les sources inflammables dans cette zone.
26:07 Et évidemment, on a tout de suite pensé au câble électrique.
26:11 L'avion contenait 250 km de câblage.
26:20 3000 pièces ont été collectées sur le site du crash.
26:23 Membre de l'équipe d'enquêteurs, Jim Foote sait que la tâche qui les attend, lui et ses collègues, est colossale.
26:31 Ils doivent d'abord identifier la provenance de chaque câble dans l'avion.
26:36 Les câbles B provenaient de la zone située entre l'arrière du cockpit et la première porte.
26:44 Ils étaient très importants pour nous.
26:46 Nous avons donc recherché tous les câbles marqués B.
26:50 Nous allons examiner chaque centimètre de ces câbles.
26:52 Jim Foote et son équipe recherchent les câbles endommagés ou dénudés
26:58 dans le but d'identifier celui qui a déclenché l'incendie.
27:01 Pour n'importe quel câble, si la gaine isolante frotte contre un métal, elle s'use.
27:08 Et lorsque du courant passe, le contact avec le métal peut produire un arc électrique.
27:15 Un arc électrique est une décharge d'électricité qui jaillit d'un câble dénudé sous tension.
27:20 De manière comparable à un éclair, il génère une brusque étincelle et une forte chaleur.
27:27 Cet arc électrique fait fondre les fils de cuivre du câble et se traduit par la formation de boules de cuivre caractéristiques.
27:36 Ce sont ces boules de cuivre que recherchent les enquêteurs.
27:42 Ils trouvent 20 segments de câbles présentant des traces d'arc électrique,
27:46 la plupart étant issus du plafond du cockpit.
27:49 N'importe lequel de ces segments a pu déclencher l'incendie.
27:53 Huit d'entre eux alimentaient la dernière génération du système de divertissement embarqué
28:00 qui avait été installé en classe affaires et en première classe l'année précédant le crash.
28:09 Malgré des tests intensifs, les enquêteurs ne parviennent pas à déterminer quel arc électrique est à l'origine du sinistre.
28:15 Nous étions déçus après tous les efforts accomplis.
28:20 Malgré tous les éléments matériels que nous avions récupérés,
28:24 nous n'arrivions pas à identifier le principal arc électrique en cause.
28:28 L'analyse des câbles est sur le point d'être difficile.
28:36 L'analyse des câbles est sur le point d'être abandonnée
28:39 et Jim Foote se résigne à ne pas trouver l'arc électrique déclencheur.
28:43 Mais au dernier moment, il décide de jeter un nouveau coup d'œil à l'un des câbles issus du système de divertissement embarqué.
28:50 Il ne les manipulait pas avec autant de précaution qu'avant.
28:56 Il a ouvert les extrémités qui étaient toutes froissées.
29:01 J'ai commencé à défaire les câbles et c'est là que j'ai trouvé une deuxième trace d'arc électrique,
29:06 sur le même côté que l'un des autres câbles qu'on avait déjà identifiés.
29:10 Larry ?
29:13 Regarde ça.
29:18 Je connaissais bien ces câbles, et Jim aussi.
29:25 Alors quand j'ai regardé au microscope et que j'ai vu cette trace d'arc, je me suis dit, ça y est, on l'a trouvé.
29:30 Jim l'a trouvé ?
29:31 Jim l'a trouvé.
29:32 Pour vérifier que c'est bien l'arc qui a déclenché l'incendie,
29:38 les enquêteurs élaborent une maquette du réseau de câbles équipant le cockpit.
29:42 Il y a beaucoup de câbles qui courent dans le plafond dans cette zone, et ils sont fixés à un support métallique.
29:49 On pense que le câble s'est énoussé au contact de ce support.
29:52 À sa vitesse de croisière de 900 km/h, un avion de ligne est soumis à des vibrations constantes.
30:00 Les enquêteurs pensent que ce sont ces vibrations qui ont émoussé la gaine isolante du câble,
30:05 aboutissant à la création d'un arc électrique sur le support métallique.
30:09 Nous avons presque tout de suite compris que c'était ça.
30:16 Étant donné l'emplacement des câbles, c'était précisément là où avait eu lieu cet arc électrique que le sinistre s'était déclenché.
30:27 L'équipe en conclut que le câblage du système de divertissement embarqué présente un grave défaut de sécurité.
30:33 Par précaution, Swissair retirera ensuite de tous ses appareils ce système non essentiel.
30:39 Les enquêteurs ont trouvé l'origine de l'incendie du vol Swissair 111.
30:53 Mais ils doivent encore répondre à d'autres questions.
30:57 Ils savent que les pilotes ne pouvaient pas éviter le sinistre.
31:02 Mais ils veulent savoir s'ils pouvaient éviter le crash.
31:05 En tant qu'enquêteurs, on a la responsabilité de dire quelles circonstances ont poussé les pilotes à prendre les décisions qu'ils ont prises,
31:14 et si ça a conduit à la perte de l'appareil.
31:20 Larry Vance et son équipe examinent les décisions prises par les pilotes dans les dernières minutes avant le crash.
31:26 Les enregistrements des boîtes noires prouvent que la fumée et les flammes ont envahi le cockpit après qu'ils ont coupé l'alimentation électrique de la cabine des passagers.
31:37 Ils ont du même coup arrêté les ventilateurs de recirculation situés à l'arrière, ce qui a eu pour effet de modifier tout le flux d'air associé à l'incendie.
31:49 L'air issu des ventilateurs avait attiré les flammes vers la cloison par feu à distance du cockpit.
31:55 Une fois les ventilateurs éteints, les flammes ont changé de direction.
31:59 Ça a changé la donne comme ça d'un seul coup.
32:05 Le feu fait rage dans le plafond situé au-dessus du cockpit, endommageant les systèmes de vol essentiels de l'appareil.
32:16 Il a mis hors service presque tous les instruments de vol utilisés pour contrôler l'avion, pour maintenir son assiette et son orientation.
32:23 Tous ces instruments ont commencé à lâcher plus ou moins en même temps.
32:27 L'appareil n'était plus en état de poursuivre son vol.
32:32 Mais les pilotes ne peuvent être mis en cause pour avoir coupé l'alimentation électrique de la cabine des passagers.
32:39 En agissant ainsi, ils n'ont fait que suivre la procédure prévue par Swissair en cas de fumée d'origine inconnue.
32:46 Une autre décision déterminante, prise par les deux pilotes dans les dernières minutes avant le crash, sera en revanche largement critiquée.
32:54 L'une des questions est de savoir si les pilotes ont tardé à tenter un atterrissage d'urgence.
33:01 Selon les enquêteurs, ils se sont déroutés vers l'Ifax avant de virer vers l'océan pour un délestage de carburant.
33:10 Le choix des pilotes de procéder à ce délestage a différé la tentative d'atterrissage prévue.
33:16 Cette procédure aurait pu être ignorée.
33:18 Les enquêteurs veulent savoir si ce détour a coûté la vie des 229 passagers et membres d'équipage.
33:28 - Elle était leur altitude initiale ? - 33 000 pieds.
33:35 Ils calculent que pour une approche directe sur Halifax, les pilotes auraient dû amorcer leur descente au moment où ils ont déclaré panne-panne-panne.
33:42 Mais à ce stade, ils ne savent pas encore qu'Halifax est une option possible.
33:50 Cependant, un avion fonctionnant normalement aurait mis 13 minutes pour effectuer la descente.
33:57 Le leur ne s'est maintenu en vol que 10 minutes de plus.
34:02 Quand ils ont décidé de délester du carburant, ils n'avaient déjà plus le temps d'atterrir à Halifax.
34:07 Ils allaient s'écraser quelque part.
34:09 Leur décision n'a rien changé à leur chance de rester en vie ou de mourir.
34:13 Le commandant Urs Zimmermann et son copilote Stéphane Lowe sont dégagés de toute responsabilité pour le crash du vol Swiss Air 111.
34:24 [Musique]
34:34 Les enquêteurs ont reconstitué l'avant de l'appareil, ont établi le point de départ de l'incendie et ont identifié l'arc électrique qui l'a déclenché.
34:42 Mais ils savent qu'une simple étincelle n'a pas pu suffire à provoquer la catastrophe.
34:49 Pour éviter de futurs incendies, il faut maintenant trouver ce qui a alimenté les flammes.
34:54 Il restait une inconnue. Ce qui avait nourri le sinistre.
35:01 Qu'il y ait eu en tellement grande quantité des matériaux inflammables pouvant entraîner la destruction de l'appareil, c'était ça la vraie menace.
35:15 Pour être homologués, tous les matériaux entrant dans l'assemblage des avions américains doivent réussir le test d'inflammabilité de l'US Federal Aviation Authority.
35:24 De toute évidence, le plafond de l'avion Swiss Air contenait un composant hautement inflammable.
35:30 Dans cette partie de la structure, je ne vois aucun élément favorisant la combustion.
35:36 L'attention des enquêteurs se porte sur les fines feuilles qui recouvrent l'isolation en fibre de verre.
35:43 Ce matériau est connu sous le nom de "Millard métallisé".
35:46 Nous avons récupéré un certain nombre de ces films métallisés servant de revêtements isolants.
35:52 Des fragments étaient répandus sur l'océan.
35:55 Pour les analysants, on a découvert des marques de combustion.
35:59 Le Millard métallisé était présent sur 699 appareils américains en service.
36:08 Si ce matériau avait réellement alimenté l'incendie, tous ces avions étaient dangereux.
36:13 On avait collecté suffisamment de fragments non consumés.
36:19 On a posé un échantillon sur le sol et on a approché une allumette.
36:23 P*tain, je n'arrive pas à y croire.
36:33 L'échantillon a brûlé comme de la paille.
36:36 Or l'avion était rempli de ce matériau inflammable.
36:39 Larry Vance est convaincu que le Millard métallisé a alimenté l'incendie qui a conduit au crash.
36:47 On pense avoir trouvé ce qui a alimenté le feu.
36:52 Il informe immédiatement l'US Federal Aviation Authority.
36:56 Dix ans auparavant, le régulateur a fait tester ce matériau et a autorisé son utilisation.
37:05 On a alors fait des recherches sur les antécédents du Millard métallisé
37:10 pour voir s'il y avait déjà eu des constatations en termes de dangerosité du matériau.
37:15 On a trouvé plusieurs accidents au cours desquels ce matériau s'était enflammé à bord d'un avion.
37:29 Suite à ces accidents antérieurs, McDonnell Douglas, le constructeur des avions concernés,
37:34 avait proposé d'enlever le Millard métallisé de tous ses appareils.
37:37 Quatre ans avant le crash de Swissair, l'US Federal Aviation Authority avait à nouveau soumis à l'essai ce matériau
37:46 et avait constaté son caractère inflammable, sans toutefois l'interdire.
37:49 Le fait est qu'il n'y avait encore jamais eu de mort.
37:56 Si l'un des accidents précédents avait fait des victimes, s'il y avait eu des morts, ils auraient sans doute réagi différemment.
38:03 L'autorité de l'aviation civile se trouvait à présent face à un bilan de 229 morts.
38:10 De nouveaux tests sont alors pratiqués sur le Millard métallisé,
38:16 mais cette fois, dans les conditions plus réalistes d'un incendie à bord.
38:20 Les résultats sont édifiants.
38:25 Le régulateur donne quatre ans aux compagnies américaines pour retirer le matériau de leur flotte.
38:30 On sait que la décision a été prise à cause du crash.
38:34 Il a fallu qu'il y ait un certain nombre de morts pour qu'on agisse
38:39 et pour que notre mise en garde sur la sécurité soit prise au sérieux.
38:51 L'enquête sur le crash du vol Swissair 111 est la plus longue jamais menée par le Canadian Transportation Safety Board.
38:57 Elle a duré au total quatre ans et demi.
39:00 À partir des découvertes et des conclusions des enquêteurs,
39:06 nous pouvons désormais vous révéler l'enchaînement des événements auxquels les pilotes ont été confrontés
39:11 dans les dernières minutes avant le crash de l'avion Swissair dans l'océan.
39:15 [Musique]
39:21 21 minutes avant le crash.
39:23 Un câble dénudé dans le plafond génère un arc électrique qui enflamme le minard métallisé.
39:28 Le commandant sent une odeur étrange mais pense à un simple problème de climatisation.
39:35 18 minutes avant le crash.
39:42 Apercevant de la fumée, les pilotes décident d'atterrir et se déroutent sur Halifax.
39:46 16 minutes avant le crash.
39:51 Les ventilateurs du système de climatisation aspirent l'incendie vers l'arrière du fuselage.
39:57 La fumée disparaît alors du cockpit.
40:00 11 minutes avant le crash.
40:05 Tout en amorçant une boucle pour perdre de l'altitude,
40:08 les pilotes entreprennent un détour afin de délester du carburant au-dessus de l'océan.
40:12 Ils ignorent tout de ce qui se passe dans le plafond.
40:15 8 minutes avant le crash.
40:23 Le commandant coupe l'alimentation électrique de la cabine des passagers.
40:27 Les ventilateurs de la climatisation s'arrêtent faute de courant,
40:35 ce qui entraîne un changement de direction de l'incendie,
40:38 désormais libre de progresser au-dessus du cockpit.
40:41 7 minutes avant le crash.
40:46 Le feu détruit le système de pilotage automatique,
40:50 obligeant les pilotes à utiliser les commandes manuelles.
40:53 Ce n'est qu'à ce moment qu'ils réalisent l'extrême gravité de la situation.
41:02 Les enquêteurs pensent que le commandant Ours Zimmermann laisse alors les commandes à son copilote
41:06 pendant qu'il tente de combattre le sinistre.
41:08 6 minutes avant le crash.
41:14 L'incendie met hors service les principaux écrans de vol,
41:18 le système de communication avec le contrôle aérien et les boîtes noires.
41:22 Dans la fournaise infernale, le copilote Stéphane Love lutte pour garder le contrôle de l'appareil.
41:31 Enfin.
41:32 Les 229 passagers et membres d'équipage périssent.
41:58 Pour éviter qu'une telle catastrophe ne se reproduise,
42:01 le Canadian Transportation Safety Board a émis des recommandations.
42:05 Bon nombre d'entre elles ont été adoptées au niveau mondial.
42:08 L'agence a notamment préconisé une remise à plat complète des procédures applicables en cas de fumée d'origine inconnue.
42:15 Nous avons recommandé qu'en cas de fumée ou d'odeur à bord d'un avion,
42:20 on traite ça comme un incendie non maîtrisé jusqu'à preuve du contraire.
42:25 Depuis le crash du vol Swiss Air 111, cette approche a largement fait son chemin dans le secteur aérien.
42:31 La principale avancée obtenue par les enquêteurs a été l'interdiction du minard métallisé.
42:38 Grâce aux résultats de nos investigations, certains matériaux qui pouvaient être présents dans les avions ne le sont plus.
42:47 Notre travail a fait progresser les choses en matière de sécurité.
42:51 Si dans les pays occidentaux, le minard métallisé n'est plus utilisé à bord des avions,
42:58 certaines compagnies aériennes opérant dans les pays en développement ne l'ont toujours pas banni de leur flotte,
43:04 au mépris total de la vie de leurs passagers.
43:07 Doit-on attendre une autre catastrophe pour renforcer encore la sécurité du transport aérien mondial ?
43:18 Il faudra un autre drame pour qu'on prenne à nouveau le problème au sérieux.
43:23 Alors on dira, vous avez prévenu et vous n'avez rien fait.
43:27 Maintenant vous devez agir parce que ça va se reproduire.
43:30 Les gens ne changent pas tant qu'ils ne sont pas placés devant leur responsabilité.
43:34 [Musique]

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