• l’année dernière
Regardez Le Journal Inattendu du 30 septembre 2023 avec Nathalie Renoux.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 12h30, 13h30
00:12 Le journal inattendu de Boris Cyrulnik avec Nathalie Renou sur RTL.
00:17 Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce journal inattendu. Nous allons passer une heure avec le
00:25 psychiatre le plus célèbre de France, le chanteur de la résilience, cette capacité à surmonter un traumatisme.
00:31 Bonjour Boris Cyrulnik.
00:34 Vous venez de publier un livre "40 voleurs en carence affective".
00:38 On va évidemment en parler tout au long de cette émission mais d'abord une question. C'est votre 37e ouvrage.
00:44 Est-ce que vous n'êtes pas lassé d'écrire ?
00:46 Ben non, je commence à apprendre. J'espère rapidement passer à la cinquantaine.
00:53 Merci beaucoup d'être avec nous. Je suis très heureuse de vous recevoir. On va parler de ce dernier ouvrage qui traite de la violence
00:58 des hommes que vous comparez d'ailleurs à celle des animaux.
01:01 Les animaux se bagarrent, dites-vous, les hommes eux font la guerre. Et puis cette violence, eh bien, elle se dessine dans la petite enfance.
01:07 Ce que vous avez à nous dire là-dessus fait résonance d'ailleurs avec l'actualité.
01:12 Vous allez nous éclairer sur le harcèlement scolaire ou encore sur le scandale des crèches.
01:16 Mais d'abord place à l'information et d'ailleurs n'hésitez pas à réagir.
01:21 Tout de suite, le journal.
01:23 Les recherches se poursuivent en Alsace après la disparition de Lina. Les enquêteurs ce matin se sont intéressés à un sac.
01:30 Il s'agissait d'une fausse piste. C'est ce que nous dira notre correspondant dans le Grand Est.
01:34 Quel homme, neuf jours après son opération, Antoine Dupont, retrouve ses coéquipiers à Aix-en-Provence ? Il va reprendre
01:42 progressivement l'entraînement physique. Nous prendrons de ces nouvelles.
01:46 C'est le premier week-end d'octobre et pourtant on se croirait en plein été dans le sud où les températures dépassent les 30 degrés.
01:54 Les terrasses sont pleines comme en juillet et août. Bonjour Valérie Quintin.
01:58 Bonjour.
01:59 Vous nous confirmez qu'il fait chaud, très chaud. Oui vraiment très chaud. 33 degrés attendus à Perpignan cet après-midi. 30 degrés à Agen, 26 à Grenoble,
02:07 24 à Rennes comme à Nice d'ailleurs, 23 degrés à Paris, 20 degrés à Lille. Un ciel parfaitement dégagé.
02:12 A l'heure qu'il est, il me reste un brouillard à Nancy et c'est à peu près tout. Partout ailleurs, le ciel est tout bleu et il va le rester jusqu'à ce soir.
02:18 Merci beaucoup Valérie.
02:20 Le journal inattendu sur RTL.
02:23 Avant de développer ces titres de l'actualité, on commence par cette marche blanche et par cette émotion
02:29 très forte ce matin à Conchennouches dans l'heure. 300 personnes se sont rassemblées en hommage à Lisa, trois ans,
02:37 morte après avoir été frappée,
02:40 maltraitée par sa mère et son beau-père. Un enfant qu'il ne faut pas oublier, c'est ce qu'a dit le maire Jérôme Pasco,
02:45 très touché au micro de Frédéric Veil. "C'était très important
02:49 pour Lisa pour dire que
02:51 ce drame absolument indicible et horrible
02:54 doit nous guider sur les actions à venir. C'est à dire que si des enfants meurent sur les coups de meurtriers de cette manière-là,
03:00 de cette manière aussi sordide et aussi violente, on est en échec. Donc il faut
03:05 dominer et rebondir et faire en sorte qu'on puisse agir. Alors c'est maintenant ce temps-là avec
03:10 les institutions sur lesquelles on va travailler pour faire en sorte qu'on soit meilleur sur la formation de nos professionnels,
03:16 sur l'écoute de la parole de l'enfant,
03:19 sur la manière de détecter les signaux faibles et puis ensuite de les faire remonter,
03:22 sur la manière d'accompagner en fait et puis de faire en sorte qu'on puisse se dire que...
03:26 Alors je sais pas si, en l'espèce, on aurait pu sauver la vie de Lisa, mais si on peut sauver d'autres vies,
03:31 si on peut sauver d'autres situations, on le fera. Et il faut qu'on soit déterminé à le faire. Et là clairement ce matin, j'ai mis en
03:36 jeu nos mandats. Je l'ai dit, ça sert à rien si on n'est pas en capacité d'agir pour protéger nos enfants,
03:42 mais on raccroche nos écharpes et on fait autre chose.
03:44 Des mots très forts. À la fin de cette marche blanche, les participants ont tous déposé une rose blanche devant une stèle dans les jardins
03:51 de la mairie. Rappelons que dans cette affaire, la mère et le beau-père de la fillette sont mis en examen et
03:58 écroués. Boris Cyrulnik, est-ce que vous souhaitez réagir ? Comment détecter les signaux faibles de violence à l'égard d'enfants ?
04:04 Alors je pense que pour protéger les enfants, il faut protéger les parents.
04:10 C'est-à-dire que si
04:12 il y a beaucoup d'infanticides, beaucoup plus qu'une féminicide, il faut en parler parce que c'est l'indicateur d'une désorganisation sociale.
04:20 Les femmes sont beaucoup trop seules et très souvent le conjoint n'est pas là ou...
04:27 Il faut parler des féminicides, on parle trop peu des infanticides qui sont
04:33 beaucoup plus nombreux et qui sont en majorité commis par des femmes abandonnées, des femmes seules.
04:39 Donc je pense que la meilleure prévention de l'infanticide, c'est l'aide et la protection et la sécurité
04:45 affectives des parents.
04:48 La suite de ce journal, en Alsace, les recherches se poursuivent pour retrouver la trace de Lina,
04:54 15 ans, disparue depuis samedi dernier dans le Barin. Ce matin, les enquêteurs ont travaillé sur la découverte d'un mystérieux sac.
05:02 Bonjour Yannick Holland.
05:04 Bonjour.
05:04 Il s'agissait là d'une fausse piste.
05:06 Oui, c'est un jeune homme de 22 ans qui habite normalement à l'autre bout de l'Alsace mais qui avait décidé de venir en pleine nuit
05:13 faire ses propres recherches pour retrouver Lina.
05:15 Il a refait le parcours qu'elle aurait dû emprunter et à 6h30 du matin, il a remarqué au bord de la route,
05:22 caché derrière un tas de ronces, un sac poubelle dont il se dégageait une odeur extrêmement suspecte à l'intérieur des ossements.
05:29 Alors évidemment, il a prévenu la gendarmerie qui a dépêché les spécialistes de l'identification criminelle sur place.
05:35 Heureusement, les médecins légistes ont pu déterminer très vite qu'il s'agissait d'ossements d'origine animale.
05:42 Une fausse alerte mais il faut évidemment
05:45 vérifier toutes les pistes.
05:47 Par ailleurs, la présence de ce sac interroge tout de même. Dans une zone qui avait déjà été fouillée le week-end dernier par les gendarmes
05:53 et lundi par les battues citoyennes,
05:55 ce sac a-t-il été déposé entre temps ou les fouilles n'ont-elles pas été assez minutieuses ?
06:01 En tout cas, on le voit vraiment, le moindre indice, la moindre piste est vérifiée par les gendarmes une semaine après la disparition de Lina.
06:08 Yannick Holland, correspondant de RTL dans le Grand Est.
06:11 Pas de changement de gouvernement en vue. La motion de censure à l'encontre d'Elisabeth Borne, la 18e depuis qu'elle est à Matignon,
06:18 n'a pas abouti. Les députés l'ont rejetée au cours de la nuit.
06:23 Dans un instant, on prendra des nouvelles d'Antoine Dupont de retour au sein du 15 de France. Ce sera juste après la pause.
06:30 C'est le journal inattendu avec Boris Cyrulnik. A tout de suite.
06:34 Le journal inattendu sur RTL avec Boris Cyrulnik et Nathalie Renaud.
06:41 Il est midi 37 sur RTL.
06:43 Vivre ensemble, la coupe du monde de rugby sur RTL.
06:47 C'est la bonne nouvelle de la matinée pour les bleus du rugby.
06:51 Antoine Dupont est de retour auprès de ses coéquipiers à Aix-en-Provence. Jean-Michel Rascol, bonjour.
06:57 Bonjour.
06:59 Neuf jours seulement après avoir été opéré de la mâchoire, Antoine Dupont a donc eu le feu vert du médecin pour reprendre une activité physique.
07:07 Effectivement, Antoine Dupont va rejoindre l'équipe de France dans la soirée à Aix-en-Provence.
07:12 Sa visite post-opératoire auprès du professeur qui l'a opéré, le professeur Lowers à Toulouse.
07:17 C'est bien passé. La consolidation de sa fracture, aidée par la pose de deux petites plaques en métal au niveau de la pommette, est bien engagée.
07:26 Le joueur est autorisé à reprendre une activité progressive dirigée.
07:30 Ce qui veut dire qu'il doit éviter tout contact dans un premier temps et que cette reprise se fera sous contrôle du staff médical du 15 de France.
07:38 Bien sûr, il ne sera pas opérationnel pour France-Italie. Vendredi prochain à Lyon, véritable huitième de finale pour les bleus.
07:45 Mais sa participation pour les quart de finale le 15 octobre et puis en demi-finale, s'il y a une demi-finale, est peut-être envisageable.
07:53 En tous les cas, le 15 de France va retrouver son capitaine au quotidien dans la vie de groupe.
07:58 Et ça, pour Dupont et les bleus, c'est déjà une petite victoire.
08:02 Merci pour cette bonne nouvelle Jean-Michel Rascol, pour RTL, vous qui suivez le rubis pour nous.
08:07 Et puis hier soir, dans cette Coupe du Monde et dans le groupe des bleus, la Nouvelle-Zélande a écrasé l'Italie 96 à 17, 14 essais du côté des All Blacks.
08:16 Et c'est face aux Italiens que les Français joueront leur qualification pour les quart de finale.
08:21 Jean-Michel Rascol nous l'a dit, ce sera vendredi prochain.
08:25 Cet après-midi, trois matchs à suivre. Argentine-Chilie à 15h, Fidji-Géorgie à 17h45 et enfin Écosse-Roumanie à 21h.
08:35 Des matchs à suivre à la télévision sur M6 et en fil rouge tout au long de la journée sur RTL.
08:41 Du football avec la victoire hier soir de Lens face à Strasbourg 1-0 en ouverture de la 7e journée de Ligue 1.
08:49 Deux matchs à suivre aujourd'hui. Clermont-PSG à 17h. Les Parisiens retrouveront sans doute Kylian Mbappé de retour après sa blessure de dimanche dernier.
08:58 Et puis ce soir, Monaco reçoit l'OM avec son nouvel entraîneur. Et ce sera dans RTL Foot entre 20h30 et 23h.
09:07 Et puis notez, l'un des rendez-vous sport de la soirée, c'est aux Zenith de Paris. Un combat de MMA.
09:13 Un duel entre Jordan Zébo et Cédric Doumbé, qui est surnommé la "Grande Gueule du MMA". Et pour ce combat, Zébo a perdu 8 kg en 24h.
09:22 Je ne sais pas comment c'est possible, c'est incroyable. Le MMA, Boris Cierulnik, c'est un sport extrêmement violent, avec quelques règles mais très violents.
09:30 Ça vous parle, ça, cette violence, y compris dans une arène ?
09:35 La fonction du sport, c'est de ritualiser la violence. Donc le MMA, ça ritualise un peu, parce qu'il y a des règles, mais c'est quand même l'expression et l'entraînement à la violence.
09:46 Ce qui a été le cas de l'éducation de tous les petits garçons dans toutes les cultures. Est-ce qu'il faut continuer ? Est-ce que c'est possible de changer ? Je ne sais pas, il faut réfléchir.
09:58 Et le rugby ? Ça vous intéresse, vous regardez ?
10:00 Ah ben le rugby n'est pas un sport violent.
10:02 Il peut blesser parfois, on l'a vu.
10:06 Alors il blesse souvent, mais pratiquement tout le temps, ce n'est pas intentionnel. Le ski, le cheval, la moto provoquent beaucoup plus d'accidents graves.
10:16 Et la fonction du rugby, c'est justement de maîtriser, de ritualiser la violence. Et on voit souvent que le joueur qui a blessé la pommette de Dupont s'est confondu en excuse, tellement il était malheureux d'avoir blessé cette vedette.
10:31 On va passer à l'étranger maintenant. Un mot du Haut-Karabagh, une région désertée par ses habitants depuis l'offensive éclair de l'Azerbaïdjan.
10:40 Avec un tout dernier chiffre, 100 000 réfugiés sont arrivés en Arménie. L'ONU envoie sur place une mission ce week-end. C'est la première depuis 30 ans dans la région.
10:50 Des scènes d'apocalypse à New York, avec des inondations spectaculaires qui ont paralysé la ville hier. Des rues inondées, des égouts débordants, un métro submergé.
11:01 Mais heureusement, aucune victime a déploré. C'est tout simplement le mois de septembre le plus pluvieux depuis un siècle dans la ville.
11:10 En France au contraire, c'est la chaleur qui est exceptionnelle. On vient de vivre le mois de septembre le plus chaud de l'histoire.
11:16 Et il flotte encore, un petit air d'été ce week-end, vous l'avez remarqué. Du soleil, du beau temps, des températures dépassant les 30 degrés dans le sud.
11:23 Résultat, des Français en terrasse, comme nous le confirme Fabien, restaurateur d'Argelès-sur-Mer dans les Pyrénées-Orientales.
11:30 On vit l'équivalent d'un été. On retourne sur juillet et août. On a fait 33 degrés hier, là on est à 26 déjà.
11:37 Et on va encore avoir un très très beau temps. En plus il n'y a pas de vent, mer dégagée. Superbe, super super attractive.
11:43 Les gens sont en short-t-shirt pour l'ensemble. Tous les matins, ils ont tous leurs serviettes, leurs petits trucs.
11:51 Ils vont nager, après ils prennent le petit-déj, ils prennent leur routine quotidienne.
11:55 Il y a plus de monde que d'habitude ? Des personnes qui flânent ?
11:57 Ah oui, parce que nous on fait des services. On fait des services, on oscille entre 60 et 80 le midi et le soir on est quasiment complet.
12:03 C'est vrai qu'en termes d'influence, c'est vrai que c'est la première année où on voit autant de monde débarquer d'un coup.
12:07 Des propos recueillis par Hermine Leclech. On a parlé d'Antoine Dupont, à l'instant un Français au top.
12:14 Et d'ailleurs, ne manquez pas dans Le Point cette semaine, un article sur ces Français que le monde nous envie.
12:20 Nos prix Nobel, Alain Aspet ou Jean Tirole, nos économistes, nos champions de la high-tech, nos artistes.
12:25 Avec en une Camille Cotin, l'actrice française qu'Hollywood adore.
12:29 Et à en croire la traduction de ses publications dans au moins une quinzaine de langues, le monde nous envie aussi Boris Cyrulnik.
12:38 Merci d'être à mes côtés.
12:39 Si des auditeurs ne vous connaissaient pas et que je devais vous présenter,
12:43 je leur parlerais d'abord du petit garçon à l'enfance fracassé par la guerre.
12:48 Avant même de leur dire que vous êtes devenu un neuropsychiatre reconnu,
12:53 auteur de 37 livres, des essais et des récits personnels.
12:58 Avant même de leur parler de ces thématiques qui traversent votre travail.
13:03 La théorie de l'attachement qui décrit les conséquences du manque d'attention, d'amour dans la petite enfance.
13:09 La résilience, cette capacité à se relever d'un traumatisme.
13:13 Un concept que vous avez vulgarisé.
13:16 Avant tout cela, je leur dirais que vous aviez deux ans au début de la guerre,
13:22 que vos parents, juifs hachkénazes, sont morts en déportation,
13:25 que vous avez été placé dans une institution dans le Vercors
13:29 et que la solitude et les carences affectives, vous savez ce que c'est.
13:34 Mais il n'y a pas de fatalité. Cette histoire qui est la vôtre, vous a orienté vers la psychiatrie.
13:40 Et vous êtes devenu cet étudiant qui écumait les clubs de jazz,
13:44 puis ce psychiatre à la production foisonnante, auteur, je le répète, de 37 livres.
13:51 Ce mari, ce père, qui a construit sa vie et sa carrière.
13:55 Bref, l'incarnation de la résilience.
13:59 * Extrait de Petite fleur *
14:07 Petit la claque pour Petite fleur.
14:10 Est-ce que ce portrait, Boris Cyrulnik, vous convient ?
14:13 - Tout à fait. Petite fleur, c'est des moments délicieux de mon adolescence.
14:18 C'était chanté par Armstrong, mais Petit la claque le fait très très bien.
14:22 Il est très jazzy et c'est très très bien.
14:25 C'était une époque où on n'avait pas peur d'être heureux,
14:27 alors qu'aujourd'hui, il y a cet étonnant problème des jeunes qui commencent à avoir peur d'être heureux.
14:33 - Mais pourquoi les jeunes auraient-ils peur d'être heureux aujourd'hui ?
14:37 - Parce que la modernité n'est pas un facteur de protection.
14:40 On va trop vite, on est trop seul.
14:42 Et la modernité, malgré les progrès techniques, fantastiques, magiques, incroyables,
14:48 la modernité développe la solitude et l'absence de tissage de lien de l'attachement,
14:54 c'est-à-dire le déclenchement des angoisses.
14:56 Et les jeunes sont de plus en plus anxieux.
14:59 - Justement, cette théorie de l'attachement, vous vous y êtes beaucoup intéressé,
15:04 y compris dans ce livre qui est votre actualité.
15:07 Je vais sortir ce livre.
15:09 Il s'appelle "40 voleurs en carences affectives".
15:13 Est-ce que l'on peut résumer cela en disant que les carences affectives dans la petite enfance
15:20 font le lit de l'agressivité et de la violence à l'âge adulte ?
15:25 - Alors, on le formule un peu différemment.
15:28 Une carence affective, surtout chez les garçons, provoque une dysfonction cérébrale,
15:34 ce qui fait que ces petits garçons, très tôt, n'apprennent pas à contrôler l'expression de leurs émotions.
15:40 Or, dans les petites années, avant la parole, on sait ce qu'il faut faire pour leur apprendre à contrôler les émotions.
15:47 Il faut sécuriser l'enfant, sécuriser la mère ou celle ou celui qui joue la fonction de figure maternelle.
15:56 Ça peut être un homme, maintenant, il y a des jeunes pères qui s'investissent de plus en plus, c'est une figure maternelle.
16:01 Et on voit qu'à ce moment-là, il y a un tel bouillonnement de neurones dans les petites années
16:07 que le processus de résilience neuronale se déclenche en une nuit ou deux.
16:14 On ne le fait pas. On ne le fait pas toujours.
16:16 Un bébé frustré, isolé, est très facile à blesser, il est très facile à réparer,
16:22 mais plus on attend, plus la réparation, plus la résilience est difficile.
16:26 - Ah oui, effectivement. Alors après, quand on est enfant, pourtant on a l'impression encore que les enfants sont malléables,
16:31 mais plus tard, dans l'enfance, c'est plus difficile de réparer des blessures ?
16:35 - Mais bien sûr. Un bébé se blesse, si on le laisse seul, une heure ou deux, il a peur,
16:42 c'est la première fois qu'il arrive au monde, il ne sait pas ce qu'il faut faire, il a besoin d'une figure d'attachement.
16:47 Naturellement, c'est la mère. Aujourd'hui, c'est la femme ou l'homme ou une autre femme qui l'entoure et sécurise l'enfant.
16:56 Si on s'y prend tôt, c'est du gâteau. Plus on attend, plus c'est difficile.
17:00 Parce que le cerveau, la dysfonction cérébrale devient une structure cérébrale.
17:05 Or, on a toujours besoin d'attachement, pas seulement quand on est bébé,
17:09 mais quand on est adolescent, quand on est adulte et même chez les personnes âgées.
17:13 L'attachement est le vrai tranquillisant naturel.
17:16 Or, actuellement, la société moderne ne tisse pas bien le lien de l'attachement.
17:21 - On est attaché à nos téléphones, à nos écrans et ça, ce ne sont pas des êtres humains, ça ne suffit pas.
17:25 - Et bien voilà. C'est-à-dire qu'un écran, c'est une performance technique stupéfiante,
17:30 ça n'est pas une performance relationnelle. Mon écran ne m'a jamais souri.
17:35 Mais il fait des performances qui m'impressionnent, c'est de la magie.
17:41 Mais quand un bébé est mis devant un écran, il est hypnotisé.
17:47 Et il n'apprend pas à décoder les mimiques faciales de sa mère.
17:50 Il ne sait pas quand elle se vache ou quand elle l'invite à un câlin.
17:54 Il n'a pas appris à décoder les mimiques faciales.
17:57 Il est hypnotisé par les changements de couleur, le rythme.
18:00 Ça lui plaît beaucoup. - Ça lui plaît, mais ce n'est pas suffisant pour le construire en réalité.
18:04 - Ça lui plaît, mais il n'apprend rien.
18:09 - On va continuer de parler de tout ça, c'est passionnant évidemment.
18:12 Mais c'est juste après la pause. On se retrouve, Boris Cyrulnik, pour votre journal inattendu.
18:19 [Générique]
18:25 Le journal inattendu de Boris Cyrulnik, avec Nathalie Renou sur RTL.
18:31 Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik est mon invité aujourd'hui.
18:34 Votre actualité, on le disait, c'est ce livre "40 voleurs en carence affective" avec un sous-titre.
18:40 "Bagarres animales et guerre humaine puisque vous comparez le rapport à la violence de l'homme et de l'animal".
18:47 Alors en préambule, vous parlez de vous.
18:49 Vous parlez de cette institution dans laquelle vous avez été placé enfant.
18:53 Où les enfants devaient se taire et obéir.
18:56 Je vous lis.
18:57 "Dans ce désert affectif, la plupart des enfants s'éteignaient ou devenaient de petites brutes.
19:03 J'ai fait partie de ceux qui ont réussi à s'évader en observant le monde des animaux.
19:09 Ce fut salutaire ?"
19:11 - C'était fondamental.
19:13 C'était la seule relation affective que j'avais dans cette institution, c'était avec des animaux.
19:19 Donc j'observais les fourmis.
19:22 Vous ne pouvez pas savoir à quel point c'était passionnant.
19:24 Il y avait des débarquements, il y avait des attaques, des fourmis volantes, des transports.
19:30 C'était un film magnifique.
19:34 Et puis il y avait un trou dans le grillage et j'allais voir le chien du voisin.
19:39 On était très copains.
19:40 Dès que j'arrivais, il me faisait la fête, il couchait les oreilles, il remuait la queue.
19:43 Je le racontais mes malheurs, il n'a pas répété un seul mot.
19:47 C'est-à-dire qu'il était très content de me voir, c'était la seule relation affective.
19:51 - Et cette relation-là, elle était cruciale finalement ?
19:54 - Fondamentale.
19:55 Elle m'a permis de m'apaiser au contact d'un animal.
20:00 - Alors dans ce livre, vous comparez, vous opposez d'ailleurs parfois hommes et animaux.
20:04 Les animaux se bagarrent pour survivre notamment, tandis que les hommes eux font la guerre.
20:09 Ils sont capables de détruire la planète.
20:11 Est-ce que vous diriez que finalement c'est nous les plus violents ?
20:15 - Alors la racine de la violence n'est pas la même.
20:18 Les animaux eux, les êtres humains, ont une racine émotionnelle, c'est-à-dire très proche de la biologie.
20:25 C'est ce qu'on disait tout à l'heure, s'il y a une défaillance de l'environnement,
20:30 il y a une dysfonction cérébrale et les enfants ne sont pas capables,
20:34 n'ont pas appris à maîtriser leurs émotions.
20:36 On apprend à maîtriser ses émotions par la relation et par la parole.
20:41 Si on isole un enfant, on ne lui apprend pas à maîtriser ses émotions,
20:46 il a un retard de langage et les mots ne lui apprennent pas non plus à maîtriser les émotions.
20:51 Donc il se bagarre parce qu'il ne sait pas, il explose, il ne sait pas contrôler.
20:56 Les êtres humains ont cette dimension animale en eux avec les mêmes dysfonctions cérébrales,
21:01 exactement les mêmes.
21:02 C'est réparable, c'est résiliable comme on le disait tout à l'heure,
21:05 d'autant plus facilement que c'est précoce.
21:08 Mais la violence humaine, elle est particulière.
21:10 Elle s'enracine sur une représentation verbale,
21:14 sur un récit qui peut très bien n'avoir aucun rapport avec le réel.
21:19 Et ça, c'est la civilisation qui le produit.
21:21 C'est-à-dire que nous, êtres humains, on est capables de détruire une civilisation
21:26 au nom de l'idée qu'on s'en fait.
21:28 Mais cette idée, elle n'a peut-être aucun rapport avec le réel.
21:31 Regardez le racisme.
21:33 Qu'est-ce qui justifie la violence du raciste ?
21:36 C'est l'idée qui se fait de l'autre,
21:38 ce n'est pas la connaissance qu'il en a.
21:40 Or, il n'y a pas plus naturel que la bagarre.
21:43 Si vous me faites peur, je vais me défendre, je vais m'enfuir.
21:47 Et si vous me coincez dans un coin, je vais vous agresser.
21:50 Ça, c'est animal.
21:51 Mais la représentation, c'est à la fois la qualité de l'homme,
21:54 puisque c'est son intelligence,
21:56 mais cette intelligence peut l'amener à des extrémités.
21:59 Et voilà.
22:00 C'est-à-dire que le fait de vivre dans un monde d'idées,
22:03 c'est la créativité, c'est les merveilles du cinéma,
22:07 de la poésie, de la littérature, de la philosophie.
22:10 Mais, comme c'est coupé du réel, ça peut être aussi bien le délire.
22:13 Il n'est pas nécessaire d'être psychotique pour délirer.
22:16 La plupart du temps, c'est des gens normaux, bien élevés,
22:19 qui se mettent à délirer quand ils habitent un récit
22:22 qui n'a plus aucun rapport avec le réel.
22:24 Et là, on devient capable des pires crimes.
22:27 Les guerres de religion ont été d'une cruauté extraordinaire.
22:31 Les guerres actuelles sont des merveilles de civilisation.
22:34 Il y a des chars techniques.
22:37 L'intelligence artificielle va tuer des millions et des millions d'êtres humains.
22:41 C'est la machine qui va le faire.
22:43 La machine qu'on a créée grâce à notre intelligence.
22:46 Et on est en train de faire couper du réel.
22:49 C'est la machine qui tue.
22:50 Moi, j'y suis pour rien.
22:51 Je n'ai fait qu'obéir.
22:53 En forme de déresponsabilisation ?
22:55 Déresponsabilisation, aucune culpabilité.
22:58 Je peux tuer des milliers d'êtres humains sans aucune culpabilité
23:03 si j'habite un monde de représentation coupée du réel.
23:06 Je reviens à votre théorie de la violence qui s'ancre,
23:10 évidemment, dès la petite enfance.
23:12 Vous évoquez l'importance des mille jours de l'enfant.
23:15 D'ailleurs, je signale que le gouvernement a fait appel à vous il y a quelques années.
23:20 Pour réfléchir à cette question,
23:21 vous avez publié un rapport qui fourmillait de recommandations pour les parents
23:25 et que vous avez remis au gouvernement,
23:28 qui concernait d'ailleurs aussi les modes de garde.
23:30 Alors, une première question sur ce point.
23:32 Est-ce que d'abord, tous les parents sont armés pour répondre aux besoins d'un enfant ?
23:38 Tous les parents sont armés à condition de ne pas être seuls.
23:43 C'est le village qui protège le mieux un enfant.
23:47 La mère, parce que statistiquement, c'est elle qui porte les enfants
23:51 tant que l'utérus artificiel n'est pas inventé.
23:54 Aujourd'hui, on en passe encore par là.
23:56 Voilà, et les femmes sont encore utiles à ça.
23:58 Merci.
24:00 Mais il ne faut pas que...
24:04 On ne peut pas reposer que sur la mère.
24:06 Voilà, c'est le village.
24:08 La mère est un élément du village.
24:10 Donc, il y a nécessairement autour d'elle
24:14 celui que de mon temps on appelait le mari.
24:17 Je ne sais pas comment disent les jeunes aujourd'hui,
24:19 mais c'est un mot qui est en train de disparaître.
24:21 Le compagnon, le conjoint.
24:23 Le parent 1 et le parent 2.
24:25 C'est pas joli ça.
24:27 Mais oui, mais il y a aujourd'hui des couples
24:29 qui sont de même sexe.
24:31 Alors on va dire le parent 1 et le parent 2.
24:33 C'est aussi pour ça.
24:35 Mais ça fait deux figures d'attachement dans ces cas-là.
24:37 Et ça, ça rassure l'enfant.
24:39 C'est un protecteur de la mère et de l'enfant.
24:43 Je voudrais en venir, Boris Cyrulnik, au scandale des crèches
24:45 qui a été soulevé par un livre très récemment.
24:49 Une crèche dont on a vu que parfois
24:51 il y avait si peu de personnel
24:53 que les enfants pouvaient pleurer des heures sans être consolés.
24:57 Ils n'avaient pas toujours à manger suffisamment.
24:59 On ne leur changeait pas leur couche suffisamment.
25:03 Également parce que pas assez de personnel.
25:05 Tout ça, est-ce que ça nous promet des petits abîmés
25:07 et donc des adultes défaillants ?
25:09 Si on ne fait rien, oui.
25:11 Mais qui nous demande de rien faire ?
25:13 Il est donc nécessaire d'intervenir très tôt
25:15 pour former les métiers de la petite enfance.
25:17 Pour faire une unité pour les assistantes maternelles
25:23 et surtout se méfier de la commercialisation de la santé
25:27 qui est en train de se mettre en place aujourd'hui.
25:29 La commercialisation du bien-être
25:31 est un marché incroyable
25:33 de je ne sais pas combien de dizaines de milliards d'euros.
25:37 Les bébés sont pris dans des crèches,
25:41 des institutions commerciales
25:43 où parfois on met le bébé devant le mur
25:45 pour qu'il s'endorme.
25:47 Il n'est pas stimulé, il s'endort.
25:49 Il n'apprend rien.
25:51 La seule adaptation, c'est le sommeil.
25:53 Mais ça rapporte beaucoup d'argent.
25:55 Donc ça veut dire qu'il faut lutter
25:57 contre la commercialisation du bien-être.
25:59 Il faut lutter contre la commercialisation de la médecine
26:01 qui est en train de se commercialiser.
26:03 Et à ce moment-là,
26:05 si on fait quelque chose,
26:07 ces enfants qui ont acquis
26:09 une petite vivacité émotionnelle
26:11 qui peut se transformer en brutalité,
26:13 si on s'en occupe tout de suite,
26:15 ils ne seront pas délinquants.
26:17 C'est rattrapable.
26:19 Il faut agir maintenant, on vous entend.
26:21 Tout se joue dans l'enfance.
26:23 Il faut agir pour que ces petits-enfants
26:25 ne deviennent pas des hommes violents.
26:27 Enfin, heureusement,
26:29 il y a des choses qui peuvent se réparer.
26:31 On en parlera dans un instant
26:33 avec la résilience,
26:35 une grande notion sur laquelle vous avez travaillé
26:37 et que vous avez vulgarisé.
26:39 Ça va nous apporter un peu de lumière
26:41 dans cette émission, tout comme vos choix musicaux.
26:43 Vous avez souhaité écouter
26:45 Offenbach, Orphée aux enfers.
26:47 Un mot peut-être de ce choix ?
26:59 Pourquoi Offenbach ?
27:01 Parce que la mémoire
27:03 fait revenir des moments heureux.
27:05 Et Offenbach,
27:07 j'étais à l'hôpital psychiatrique de Digne,
27:09 j'avais deux bébés
27:11 dont on s'occupait beaucoup.
27:13 On leur mettait Offenbach.
27:15 Ils adoraient ça.
27:17 Tous les deux se mettaient à danser et à rythmer
27:19 dès qu'on leur mettait Offenbach.
27:21 Nous, on était profondément heureux.
27:23 Entendre Offenbach,
27:25 ça me rend encore heureux aujourd'hui.
27:27 Moi aussi, ça me donne le sourire.
27:29 Je suis sûre que nos auditeurs nous accompagnent.
27:31 On parle résilience dans un instant
27:33 avec vous, Boris Cyrulnik.
27:35 C'est tout de suite après la pause et après Offenbach.
27:37 RTL, le journal inattendu.
27:41 RTL.
27:45 RTL, il est 13h.
27:47 [Musique]
27:51 Le journal inattendu de Boris Cyrulnik.
27:53 13h, les titres de l'actualité.
27:55 Nathalie Renaud.
27:57 Antoine Dupont de retour
27:59 parmi ses coéquipiers à Aix-en-Provence.
28:01 Neuf jours après avoir été opéré
28:03 de la mâchoire, le prodige
28:05 du rugby français va reprendre
28:07 progressivement une activité physique.
28:09 Un hommage
28:11 très émouvant à la petite Lisa.
28:13 Trois ans morte de maltraitance.
28:15 300 personnes ont participé
28:17 à une marche blanche dans la petite commune
28:19 de Conches-en-Ouche ce matin
28:21 dans l'heure. La mère et le beau-père
28:23 de la fillette sont incarcérés
28:25 dans cette affaire.
28:27 Une météo déroutante à New York.
28:29 L'état d'urgence est décrété après
28:31 des inondations qui ont paralysé la ville
28:33 et noyé le métro.
28:35 En France, on se croirait en été
28:37 en ce premier week-end d'octobre.
28:39 C'est une tradition.
28:41 Dans le journal inattendu, la météo,
28:43 c'est avec vous, Boris Cyrulnik.
28:45 Il fera beau partout en France
28:51 cet après-midi avec un ciel limpide
28:53 sur la plupart des régions
28:55 à l'exception d'un petit quart nord-est
28:57 qui devra composer avec
28:59 quelques passages nuageux.
29:01 Les températures très estivales
29:03 seront comprises entre 20 et 33 degrés
29:05 du Contentin au Roussillon.
29:07 Il fera 22 à Reims,
29:09 23 à Paris,
29:11 24 à Strasbourg,
29:13 25 à Lyon, 30 à Marseille,
29:15 31 à Toulouse
29:17 et 29 sous le soleil de Bordeaux.
29:19 Et on a terminé par Bordeaux
29:21 parce que c'est là où vous êtes né.
29:23 Vous vous rendez compte ?
29:25 C'est bien fait, les choses sont bien faites.
29:27 Quand on parle de vous, Boris Cyrulnik,
29:29 l'exilience vient forcément à l'esprit.
29:31 C'est un concept que vous avez largement
29:33 contribué à vulgariser.
29:35 Le mot a émergé
29:37 dans notre vocabulaire, on l'entend
29:39 à tout va actuellement. Tout le monde
29:41 l'emploie, mais sa définition est-elle
29:43 vraiment claire ? Bonjour Mathias Luguin.
29:45 Bonjour Nathalie, bonjour Boris, bonjour à tous.
29:47 Alors pour RTL, vous êtes allé poser
29:49 la question dans la rue, et qu'est-ce que ça donne ?
29:51 Alors il faut dire qu'on a un petit peu collé les passants
29:53 au tableau, ça doit être les restes des traumatismes
29:55 de ma scolarité.
29:57 Un peu comme dans toutes les classes, il y a ceux qui se font
29:59 attraper, comme par hasard, pile le jour
30:01 où ils n'ont pas appris la leçon.
30:03 Résilience ? Là spontanément,
30:05 pas grand-chose. Non, je ne sais pas. Mais dans quel thème ?
30:07 Pas grand-chose.
30:09 Désolée. Non, je ne veux pas
30:11 être interrogée.
30:13 Si seulement on avait pu répondre ça à l'époque.
30:15 Mais Boris Cyrulnik, je veux vous rassurer, les gens sont
30:17 tout de même très nombreux à connaître le concept
30:19 de résilience. Assez souvent d'ailleurs,
30:21 ils ont un petit peu personnalisé leur définition de la chose.
30:23 C'est le fait d'être capable de résister,
30:25 pas baisser les bras, pas baisser la tête.
30:27 C'est notre capacité à faire face
30:29 aux catastrophes. Et à rebondir,
30:31 je crois. C'est accepter
30:33 les choses telles qu'elles sont et faire avec.
30:35 C'est la capacité à
30:37 tenir le choc dans des difficultés, non ?
30:39 Capacité à accepter beaucoup de choses
30:41 sans pour autant entrer dans une
30:43 forme de colère, de désarroi,
30:45 d'énervement. Vous êtes d'ailleurs
30:47 tombé pendant la période de présence du correspondant
30:49 italien, forcément qu'on vous connaît aussi
30:51 très très bien, au-delà des Alpes.
30:53 La résilience, c'est
30:55 forza, musculo,
30:57 résistere, c'est ça ?
30:59 C'est très bien même. Enfin, comme dans toutes
31:01 les classes, il y a aussi celui qui veut absolument montrer
31:03 qu'il sait tout sur tout. Boris Cyrulnik.
31:05 Oui, les mille ans de petits canards.
31:07 L'art de refermer des fêlures
31:09 en se reconstruisant.
31:11 En même temps, c'est pas mal du tout. Mais mes profs
31:13 à l'école me l'ont toujours dit, ne pas
31:15 se reposer sur ses acquis. Alors Nathalie,
31:17 qu'en dites-vous ? On pourrait peut-être profiter
31:19 de la présence de Boris Cyrulnik pour
31:21 quelques rappels de début d'année. Allons-y,
31:23 mais je vous propose qu'on fasse ces rappels
31:25 avec le principal
31:27 intéressé, la résilience.
31:29 Qu'est-ce que c'est, Boris Cyrulnik ?
31:31 C'est une définition bébête.
31:33 Comment se remettre à vivre
31:35 le mieux possible
31:37 après un trauma ? Il ne peut pas y avoir plus
31:39 logique et plus bébête.
31:41 En revanche, la définition
31:43 scientifique est un concept difficile
31:45 parce qu'il y a une résilience biologique
31:47 dont vous m'avez invité à parler
31:49 tout à l'heure, une résilience affective,
31:51 une résilience psychologique
31:53 et une résilience psychosociale.
31:55 Alors là, effectivement,
31:57 ça cafouille un petit peu.
31:59 Enfin, les gens que
32:01 Mathias est allé interviewer, ils avaient quand même
32:03 plutôt bon. Plutôt bon, oui.
32:05 Et d'ailleurs, ils m'ont fait évoluer.
32:07 Au début, je disais, il faut distinguer
32:09 la résistance et la résilience.
32:11 Et beaucoup des gens que vous avez interviewés
32:13 ne font pas la distinction.
32:15 Et finalement, c'est eux qui ont raison.
32:17 Je pense que quand on a acquis
32:19 des facteurs de protection précocement,
32:21 quand un malheur arrive,
32:23 on affronte mieux. Et ensuite,
32:25 si on est soutenu et si on donne
32:27 sens au malheur, on reprend
32:29 un bon développement plus facilement.
32:31 A l'inverse, si on a acquis dans la petite
32:33 enfance des facteurs de vulnérabilité,
32:35 on souffre beaucoup plus.
32:37 Et si on n'est pas soutenu,
32:39 et si on ne nous aide pas à donner sens au malheur,
32:41 là, la résilience aura de mauvaise qualité.
32:43 Donc maintenant, grâce à vos
32:45 inter... aux gens que vous avez
32:47 interrogés, j'intègre la résistance dans la résilience.
32:49 - Ben voilà, on fait
32:51 évoluer les concepts.
32:53 Est-ce que ça se travaille, la résilience ?
32:55 Est-ce que ça demande un effort ?
32:57 - Bien sûr, la vie est passionnante,
32:59 mais elle demande un effort constant.
33:01 Mais l'effort, ça peut être aussi
33:03 un plaisir. Si vous ne croyez pas,
33:05 regardez les joggeurs,
33:07 les femmes qui font du jogging.
33:09 - Pourquoi les femmes ? Les hommes aussi ?
33:11 - Beaucoup plus de femmes font du jogging
33:13 que des hommes.
33:15 Et elles souffrent,
33:17 elles ont des grimaces de fatigue, elles prennent une douche,
33:19 elles se sentent bien, et le lendemain,
33:21 elles recommencent à souffrir. Parce qu'elles donnent sens
33:23 à la souffrance. Je vais me sentir bien
33:25 après. Donc ça veut dire que
33:27 il n'y a pas de vie sans effort.
33:29 Et actuellement,
33:31 la commercialisation du bien-être
33:33 nous fait croire qu'on pourrait être heureux sans faire d'effort.
33:35 C'est un contresens
33:37 commercial, c'est une
33:39 fausse publicité. Il n'y a pas de vie
33:41 sans effort, mais il peut y avoir
33:43 beaucoup de plaisir à faire des efforts.
33:45 - Dans un de vos précédents livres,
33:47 "La nuit, j'écrirai des soleils", vous parlez
33:49 de l'écriture comme un outil
33:51 de résilience.
33:53 - Et oui, parce que dès l'instant,
33:55 si la parole parlait,
33:57 vous êtes en face de moi, je vois
33:59 vos mimiques. C'est-à-dire que même si vous
34:01 ne dites pas un mot,
34:03 votre présence participe à la
34:05 construction de mon discours. Si vous souriez,
34:07 je continue. Si vous froncez
34:09 les sourcils ou si vous me menacez,
34:11 je vais changer de discours.
34:13 Donc, sans dire un mot, vous avez participé
34:15 à mon discours. Dans la parole
34:17 écrite, c'est pas ça du tout.
34:19 Dans la parole écrite, ou bien je lis
34:21 un livre, ou bien je cherche
34:23 à écrire, je pense avec ma main,
34:25 je vais raturer, je vais recommencer,
34:27 je vais faire l'effort de
34:29 comprendre ce qui m'est arrivé,
34:31 et ce travail, qui est un effort,
34:33 qui est un plaisir, va modifier
34:35 non pas le réel, le coup dans le réel, je l'ai reçu,
34:37 mais va modifier la
34:39 représentation du coup, et je vais
34:41 reprendre espoir, à condition
34:43 de me retrousser les manches.
34:45 - Allez tous à vos crayons, écrivez, c'est un effort
34:47 mais qui vous donnera beaucoup de plaisir.
34:49 Quand on a préparé cette émission,
34:51 vous avez évoqué des morceaux de musique,
34:53 on en a écouté, mais aussi des films,
34:55 notamment de Truffaut,
34:57 et notamment Les 400 coups.
34:59 Jean-Pierre Léaud y interprète Antoine Douanel,
35:01 qui vit avec une mère peu aimante,
35:03 un beau-père peu attentif,
35:05 et qui s'engage dans une spirale
35:07 de petites délinquances.
35:09 - Il paraît que tu as volé 10 000 francs à ta grand-mère.
35:11 - Elle m'avait invitée, c'était le jour de son anniversaire,
35:13 et puis alors, comme elle est vieille,
35:15 elle ne mange pas beaucoup,
35:17 et puis elle garde tout son argent, elle n'en aurait pas eu besoin,
35:19 elle allait bientôt mourir.
35:21 Quand je connaissais sa planque, j'étais l'ufo chez
35:23 Léon, je savais bien qu'elle ne s'en apercevrait pas.
35:25 - L'adolescence en difficulté,
35:27 on va en parler
35:29 dans un instant, c'est avec vous Boris Cyrulnik.
35:31 On se retrouve juste après la pause.
35:33 - Le journal inattendu de Boris Cyrulnik,
35:35 avec Nathalie Renou sur RTL.
35:37 - Le journal inattendu de Boris Cyrulnik,
35:39 avec Nathalie Renou sur RTL.
35:41 - Le journal inattendu de Boris Cyrulnik,
35:43 avec Nathalie Renou sur RTL.
35:45 - On s'est quitté avec un extrait
35:47 des 400 coups de François Truffaut,
35:49 l'adolescence en difficulté,
35:51 c'est évidemment une thématique
35:53 qui vous est chère, Boris Cyrulnik.
35:55 On va en parler, et on va parler
35:57 d'une forme de violence adolescente,
35:59 le harcèlement scolaire,
36:01 un grand sujet du moment.
36:03 Et face à vous, nous avons invité
36:05 un jeune homme qui a été
36:07 lui-même victime de harcèlement,
36:09 Elian Potier, bonjour, merci d'être avec nous.
36:11 - Merci à vous.
36:13 - Alors, vous êtes aujourd'hui président
36:15 de l'association Urgence Harcèlement.
36:17 Avec vous deux, je vais énumérer quelques mesures
36:19 qui ont été prises très récemment
36:21 la semaine dernière par le gouvernement,
36:23 et vous allez me dire ce que vous en pensez.
36:25 D'abord, changer le harcèleur
36:27 d'établissement pour que le harcelé,
36:29 lui, puisse rester.
36:31 Elian.
36:33 - Je pense que c'est une excellente mesure.
36:35 Enfin, on prend en compte
36:37 l'urgence
36:39 et la problématique du harcèlement,
36:41 et aussi le fait de laisser une victime
36:43 dans son établissement, parce que c'est tout simplement
36:45 pas possible qu'en 2023, on demande
36:47 à la victime de partir. Et moi, j'ai dû partir
36:49 de mon établissement, donc évidemment que ça me fait énormément plaisir,
36:51 cinq ans après, de voir qu'il y a des mesures
36:53 qui sont faites pour protéger la victime,
36:55 et que c'est plus à la victime de partir, que c'est au harcèleur
36:57 de prendre leur responsabilité
36:59 et de changer d'établissement. - Quand vous avez dû partir,
37:01 c'était comme une deuxième punition. Vous étiez
37:03 non seulement harcelé, mais en plus, c'est vous
37:05 qui aviez dû quitter votre établissement.
37:07 - Mon chef d'établissement m'avait dit "si tu n'avais pas parlé de ta vie privée,
37:09 on n'en serait pas là premièrement". Donc c'est une grosse claque
37:11 qu'on se prend à 15 ans.
37:13 Et aussi, parce que j'ai dû
37:15 quitter mon établissement, et donc c'est encore une deuxième
37:17 punition, comme vous venez de dire,
37:19 de partir, de changer d'univers
37:21 à 15 ans, alors qu'on n'y est
37:23 pour rien. - Boris Cyrulnik,
37:25 changer le harcèleur d'établissement,
37:27 est-ce que ça vous paraît être une bonne mesure ?
37:29 - C'est la protection du harcelé.
37:31 C'est la première protection.
37:33 Et c'est vrai que
37:35 les harcèleurs, généralement,
37:37 les filles, ça va aussi harceler.
37:39 Ce n'est pas la même méthode. Elles n'harcèlent
37:41 pas physiquement, elles harcèlent par le smartphone,
37:43 par les écrans, et là,
37:45 elles font aussi beaucoup de mal.
37:47 Je pense qu'effectivement, la première méthode, c'est
37:49 de protéger le harcelé.
37:51 - Deuxième
37:53 mesure dont on va parler,
37:55 instaurer des cours d'empathie,
37:57 comme c'est le cas notamment au Danemark.
37:59 Est-ce que ça, ça vous paraît être une bonne mesure ?
38:01 - Bien sûr.
38:03 L'empathie, il y a une pédagogie
38:05 de l'empathie. Tu ne peux pas
38:07 tout te permettre. Et pour que
38:09 le harcèleur se freine
38:11 lui-même, inhibe sa violence,
38:13 il faut qu'on lui
38:15 apprenne à se représenter le monde mental
38:17 de l'autre. Voilà ce qui va se passer dans le monde
38:19 mental de l'autre, si tu fais ce geste,
38:21 si tu l'humilies.
38:23 Beaucoup de ces harcèleurs,
38:25 ça va les freiner. Pas tous.
38:27 Il y a des garçons,
38:29 ou pas plus rarement des filles, qui ont un plaisir
38:31 sadique à faire du mal. Mais la plupart du temps,
38:33 les harcèleurs sont eux-mêmes en difficulté.
38:35 Et ils n'ont pas
38:37 confiance en eux, parce que quelque chose autour
38:39 d'eux s'est mal passé, et ils croient
38:41 réparer leur image d'eux-mêmes
38:43 en humiliant un autre.
38:45 Donc je pense que la protection,
38:47 c'est d'éloigner le harcèleur
38:49 et de lui apprendre
38:51 la pédagogie de l'empathie
38:53 par un film, par un roman, par une pièce
38:55 de théâtre. Voilà ce qui se passe
38:57 dans le monde mental de l'autre.
38:59 Vous parliez de harcèleurs. On a rarement
39:01 de témoignages
39:03 d'enfants qui harcèlent parce qu'ils
39:05 ne veulent pas parler, parce qu'ils ont honte.
39:07 Sur RTL, en début de semaine,
39:09 une femme adulte a accepté
39:11 de se confier sur ce qu'elle a fait
39:13 subir à une camarade. Je vous propose
39:15 d'écouter et vous réagirez.
39:17 J'ai senti des intimidations
39:19 dans la cour de récréation, des coups de pied,
39:21 des coups de poing, et c'était
39:23 plus, si tu le redis à ton père,
39:25 ça sera encore pire la prochaine fois.
39:27 À la maison, comme
39:29 je subissais la violence de mon frère qui me frappait
39:31 et que je ne pouvais pas me défendre, pour moi c'était une façon
39:33 de déchaîner ma colère.
39:35 Un enfant
39:37 qui harcèle est un enfant qui va mal ?
39:39 C'est un enfant à qui on n'a pas
39:41 appris à contrôler ses impulsions
39:43 et à qui on n'a pas appris ce que ça fait
39:45 dans le monde de l'autre. Donc il va mal.
39:47 Et Léon Potier,
39:49 vous, est-ce que vous saviez qui vous harcelait ?
39:51 Est-ce que vous saviez, d'ailleurs, quelle était l'origine
39:53 de cette violence
39:55 qui vous a fait du mal ?
39:57 Je sais que certains ont vécu des choses
39:59 pas très faciles dans leur vie
40:01 personnelle.
40:03 Ils avaient perdu un membre de leur famille,
40:05 c'était assez compliqué de continuer
40:07 comme tout
40:09 jeune à cet âge-là.
40:11 Après, je ne sais pas
40:13 si vraiment on peut mettre une justification
40:15 derrière. Je pense
40:17 que tout le monde, et même
40:19 dans la vie d'adulte, on est capable d'être méchant
40:21 l'un envers l'autre. Et je ne sais pas
40:23 s'il y a vraiment une raison derrière à mettre.
40:25 Il y a évidemment des situations particulières,
40:27 mais il y a aussi des gens qui
40:29 s'amusent à faire du mal
40:31 juste parce que ça leur fait plaisir
40:33 et parce qu'ils aiment ça, tout simplement.
40:35 Est-ce qu'il y a aussi dans le harcèlement un phénomène de groupe ?
40:37 Est-ce que le groupe amplifie
40:39 la violence ?
40:41 Alors effectivement, il y a certains
40:43 jeunes qui éprouvent
40:45 un plaisir sadique à jouir de la
40:47 souffrance qu'ils infligent aux autres. Ce n'est pas la majorité.
40:49 Mais ça existe.
40:51 En revanche,
40:53 je pense que
40:55 faire du mal, c'est
40:57 une défense maladroite.
40:59 C'est un mauvais plaisir, on appelle ça un mauvais plaisir.
41:01 C'est-à-dire que c'est une défense maladroite.
41:03 Donc, comme on disait tout à l'heure,
41:05 il y a une pédagogie possible.
41:07 Et le phénomène de groupe ? Le fait que les enfants,
41:09 les adolescents soient ensemble et puis
41:11 s'entraînent les uns les autres.
41:13 Alors là, il y a un mimétisme, il y a une contagion,
41:15 un panurgisme qui fait
41:17 que ça peut provoquer un phénomène
41:19 de groupe. Et là, pour le harceler,
41:21 c'est très difficile de se défendre.
41:23 Parce que là, déjà se défendre contre
41:25 un seul harceleur, ce n'est pas facile.
41:27 D'autant que les harcelés sont souvent
41:29 anormalement gentils.
41:31 C'est-à-dire qu'il y a une gentillesse...
41:33 Et Léon Pottier, vous êtes quelqu'un d'anormalement gentil
41:35 et je dirais que c'est superbe.
41:37 - Oui, ça fait plaisir, merci beaucoup.
41:39 J'ai aussi des défauts.
41:41 - Mais non,
41:43 ça veut dire que les harceleurs,
41:45 quand ils ont un frein
41:47 en face d'eux, ils harcèlent beaucoup moins.
41:49 Et comme les harcelés sont
41:51 souvent des garçons
41:53 ou des filles qui
41:55 ne pensent pas à l'agressivité,
41:57 ça leur fait perdre un mécanisme de défense,
41:59 un moyen de défense. Parce qu'ils ne pensent pas
42:01 à riposter par l'agressivité.
42:03 Donc ça veut dire
42:05 que
42:07 il y a un
42:09 mimétisme de groupe
42:11 et là, ça devient dangereux
42:13 parce qu'on ne peut plus le contrôler.
42:15 - Un dernier mot
42:17 sur ce point, Léon Pottier, on parle
42:19 beaucoup de harcèlement scolaire. Est-ce que vous
42:21 pensez que cette parole qui se libère,
42:23 ça va faire du bien ? Ça va aider
42:25 des enfants qui, peut-être, n'auraient
42:27 pas osé parler auparavant ?
42:29 - Évidemment, encore une fois, quand je
42:31 repense à ma situation d'il y a 5 ans,
42:33 on en parle de plus en plus.
42:35 On a juste à voir
42:37 les chiffres des appels du
42:39 30-20 et du 30-18 qui ont
42:41 bondi énormément. Il y a énormément
42:43 d'appels maintenant. Donc on voit que
42:45 la parole se libère. Ce n'est pas qu'il y a plus de harcèlement,
42:47 c'est que les jeunes parlent plus
42:49 et signalent de plus en plus
42:51 de faits de harcèlement. Donc maintenant,
42:53 il y a un plan interministériel qui a été lancé.
42:55 Je suis très heureux
42:57 d'y avoir contribué et d'avoir vu les
42:59 mesures qui ont été annoncées parce que ça montre aussi
43:01 la connaissance de ce phénomène
43:03 et aussi, indirectement,
43:05 ça montre que les victimes
43:07 ne seront plus seules, elles seront accompagnées
43:09 aussi bien avec l'État qu'avec les associations
43:11 et les jeunes qui sont investis
43:13 sur cette problématique.
43:15 - Et on peut citer deux numéros ?
43:17 - Maintenant, il n'y en a qu'un seul, le 30-18.
43:19 - C'est le 30-18, parce que jusqu'à il y a quelques jours,
43:21 c'était encore le 30-20 et le 30-18. Aujourd'hui,
43:23 un seul numéro,
43:25 le 30-18 pour le harcèlement scolaire
43:27 et pour le cyberharcèlement.
43:29 - Exactement. - Merci beaucoup,
43:31 Elian Potier, d'être passé nous voir pour
43:33 parler de ce dossier.
43:35 On reste avec vous, Boris Cyrulnik,
43:37 c'est votre journal inattendu. A tout de suite
43:39 après la pause.
43:41 Le journal inattendu de Boris Cyrulnik
43:43 avec Nathalie Renou sur RTL.
43:45 Le journal inattendu de
43:47 Boris Cyrulnik avec
43:49 Nathalie Renou sur RTL.
43:51 "Nous chanterons
43:53 le temps des cerises
43:55 et
43:57 le père signe
43:59 et mère le moqueur."
44:01 - Sur le temps des cerises d'Yves Montand,
44:03 un morceau que vous avez choisi, un air
44:05 nostalgique. Je voudrais qu'on ouvre une partie
44:07 un peu plus personnelle de cette émission,
44:09 Boris Cyrulnik. Vous avez parlé
44:11 beaucoup de la petite enfance, avec
44:13 des recommandations d'ailleurs pour les parents.
44:15 Mais vous, quel père êtes-vous ?
44:17 Quel père avez-vous été ?
44:19 - Je rêvais d'être un père parfait,
44:21 ce qui est
44:23 imparfait.
44:25 Je crois que les enfants doivent apprendre
44:27 que leurs parents se trompent, ce qui est
44:29 le mieux, parce que ça leur
44:31 apprend à faire leur part d'effort
44:33 dans la relation.
44:35 Donc, alors, le
44:37 père que j'ai été, j'aurais
44:39 aimé. J'ai commis ma part d'erreur.
44:41 Mais ça reste encore...
44:43 - Vous nous rassurez, parce qu'on a l'impression
44:45 que finalement, quand on est
44:47 neuropsychiatre et qu'on s'intéresse à la petite
44:49 enfance, on a toutes les clés.
44:51 - Mais oui, mais j'étais pas neuropsychiatre à la maison.
44:53 - Voilà, c'est ça.
44:55 - J'étais à la maison, j'étais amoureux, fatigué,
44:57 injuste,
44:59 rigolard, j'étais tout comme un père
45:01 normal. Enfin, j'espère, un père
45:03 normal, donc imparfait.
45:05 - Quand on est neuropsychiatre et qu'on passe
45:07 du temps à écouter les malheurs des autres,
45:09 est-ce que c'est pesant ?
45:11 - Oui, oui, oui. On a fait
45:13 beaucoup d'enquêtes sur ce que les
45:15 jeunes appellent maintenant le "burn-out".
45:17 Avant, on appelait ça l'épuisement
45:19 professionnel. Et on constate
45:21 que dans les métiers de technologie
45:23 où il n'y a pas de relation humaine,
45:25 par exemple radiologie, ou quand je faisais
45:27 de l'électro-encéphalographie, il n'y a pas
45:29 de burn-out. C'est la machine
45:31 qui dit "tiens, ça s'aggrave".
45:33 J'ai un papi en face de moi. Quand j'ai
45:35 une personne en face de moi
45:37 qui me raconte comment elle souffre,
45:39 que je dois lui dire "Monsieur, Madame,
45:41 ça s'aggrave", je prends
45:43 ma part de sa souffrance. Et je rentrais
45:45 chez moi, souvent, le soir entamé.
45:47 Et on constate que dans les métiers
45:49 du soin, les infirmières, les médecins,
45:51 les psychologues payent très cher
45:53 ces relations d'aide. - Et du coup, quel est
45:55 votre rapport à la légèreté ?
45:57 - Alors,
45:59 le rugby fait partie de la légèreté.
46:01 C'est-à-dire que
46:03 quand je regarde un match de rugby
46:05 avec des copains et qu'on crie comme des idiots,
46:07 qu'est-ce que ça fait comme bien, alors ?
46:09 - Ça tombe bien,
46:11 en ce moment, vous êtes gâté.
46:13 Vous avez 86 ans, vous avez du recul, forcément.
46:15 Quel est votre plus grand regret ?
46:17 Et puis, quel est votre plus grande réussite ?
46:19 - Alors, mon plus grand
46:21 regret, c'est de ne pas
46:23 avoir compris que le progrès
46:25 a été bourré d'effets secondaires.
46:27 Après la guerre, je croyais
46:29 qu'on allait tout régler. Je croyais
46:31 que les médicaments allaient soigner toutes les maladies,
46:33 que les progrès sociaux allaient
46:35 réparer toutes les injustices, que l'éducation
46:37 allait être merveilleuse.
46:39 Qu'est-ce que j'ai été naïf ? Je ne savais pas
46:41 que tout progrès se paye
46:43 et qu'il n'y a pas de progrès
46:45 sans effets secondaires. Les écrans
46:47 sont la preuve. C'est des progrès
46:49 fantastiques qu'on paye.
46:51 Je pense que l'école, qui est en train
46:53 de s'effondrer actuellement,
46:55 se paye, et que ça explique
46:57 pourquoi on voit se développer
46:59 des écoles privées où seuls les enfants
47:01 de riches ont accès. Ces écoles sont
47:03 bonnes, il n'y a pas de violence,
47:05 les enfants apprennent bien.
47:07 Il faut avoir des parents riches pour aller
47:09 dans ces écoles. - Mais ça, ça n'est pas possible
47:11 pour une société. La société doit donner
47:13 la même chance à tous ses enfants. - Alors voilà.
47:15 Eh bien, quand on est en train
47:17 de laisser se cliver une société
47:19 entre un top de jeunes
47:21 remarquables, ils sont gentils,
47:23 ils sont gais, ils sont intelligents,
47:25 ils apprennent bien, ils auront des métiers
47:27 très bien payés, ils vont courir le monde,
47:29 ils sont minoritaires,
47:31 et ils ne peuvent faire ces bonnes études,
47:33 ils ne valent rien. Mais ils ne peuvent faire ces
47:35 bonnes études que s'ils ont des parents capables
47:37 de les payer. Donc il y a une injustice sociale
47:39 parce qu'on voit apparaître
47:41 une majorité de gosses largués
47:43 au sens maritime.
47:45 Ça va trop vite, on lâche les voiles,
47:47 on ne sait plus où il faut naviguer.
47:49 Et à ce moment-là, ces gosses largués sont
47:51 des proies pour les gourous,
47:53 et on voit se développer actuellement
47:55 énormément de sectes, ce qui
47:57 est toujours un signe de désorganisation
47:59 sociale. - Il y a du travail.
48:01 Merci beaucoup, en tout cas, Boris
48:03 Cyrulnik, d'être venu
48:05 partager cette heure à mes côtés, d'être
48:07 venu dans ce journal inattendu.
48:09 Je vous rappelle le titre de votre dernier ouvrage
48:11 "40 voleurs en
48:13 40 voleurs en carence affective".
48:15 La semaine prochaine, j'aurai
48:17 le plaisir de recevoir Tony Estanguet,
48:19 président du comité d'organisation des Jeux de Paris
48:21 2024. Dans un instant,
48:23 entrer dans l'histoire avec Laurent Dutch,
48:25 qui nous parlera de Guillaume
48:27 le Conquérant. Et pour finir,
48:29 comme chaque semaine, nous prenons le large.
48:31 Prenez le large
48:33 avec le journal inattendu
48:35 sur RTL.
48:37 Et nous prenons des nouvelles du bateau Triana
48:39 engagé dans l'Ocean Globe Race,
48:41 course autour du monde, à l'ancienne, sans
48:43 électronique à bord, avec son skipper
48:45 Jean D'Artuy. Bonjour Jean, comment allez-vous ?
48:47 - Bonjour, écoutez, très
48:49 bien. Là, on continue
48:51 notre descente
48:53 de l'Atlantique Nord. On est
48:55 à l'approche, voire à l'entrée du fameux poteau
48:57 noir, donc on va aborder la bataille du poteau noir.
48:59 Ce matin, on a eu une chasse
49:01 de dauphins qui a duré
49:03 20 minutes sur la droite du bateau, et puis
49:05 à gauche, on a des bancs entiers de poissons volants.
49:07 En tout cas, le spectacle
49:09 est toujours fantastique, parce que cette
49:11 descente d'océan qui n'en finit pas,
49:13 dans des bonnes conditions, est pour nous
49:15 l'occasion extraordinaire de voir la nature,
49:17 de faire des relevés astronomiques
49:19 avec le soleil. On a quasiment tous les jours
49:21 pu faire des relevés astronomiques.
49:23 On a des nuits magnifiques, on a des animaux
49:25 marins, donc si vous voulez, c'est une course
49:27 extraordinaire qu'on est en train de vivre.
49:29 Et on est à peu près à la moitié de la première étape,
49:31 puisqu'on a fait 3000 miles sur
49:33 un peu près 6000 miles, que va durer
49:35 la descente de tout l'Atlantique
49:37 jusqu'à Cape Town en Afrique du Sud.
49:39 On se souvient que vous avez un coéquipier
49:41 qui a été élitreillé parce que blessé.
49:43 Comment ça se passe à bord ?
49:45 Est-ce que l'équipage va bien ? Est-ce que l'entente
49:47 est toujours au beau fixe ?
49:49 Ça a plutôt resserré les liens, parce que
49:51 c'est vrai qu'on n'a pas été ménagé pendant les deux
49:53 premières semaines de course. Vous vous souvenez
49:55 qu'on a cassé la barre, on a eu cet
49:57 équipier blessé. Ensuite, on a eu
49:59 pendant quasiment une semaine,
50:01 une banne de moteurs et de générateurs,
50:03 ce qui veut dire plus du tout d'énergie à bord.
50:05 Pendant une semaine, on a vraiment économisé
50:07 l'eau. C'est un apprentissage
50:09 assez douloureux, mais pour le moment,
50:11 qui a plutôt eu tendance à resserrer l'équipage.
50:13 Il faut vous imaginer, c'est un peu le loft
50:15 à l'époque d'M6. D'un 15 mètres carré
50:17 à 7 équipiers.
50:19 En ce moment, il fait 40 degrés à l'intérieur du bateau,
50:21 donc on dort très mal. Évidemment, personne
50:23 n'a le loisir de
50:25 prendre de douche depuis maintenant trois semaines.
50:27 La nourriture est un peu comme on peut,
50:29 etc. Donc, il faut
50:31 énormément prendre sur soi.
50:33 L'équipage a le moral.
50:35 On est à fond sur le bateau et on
50:37 espère que nos performances, que nous ne connaissons pas,
50:39 puisque nous ne connaissons pas les positions
50:41 de nos concurrents, on espère que nos performances sont
50:43 bonnes. Donc, si vous avez des informations,
50:45 n'hésitez pas à nous les donner.
50:47 Je ne veux pas briser les règles de cette course,
50:49 mais en tout cas, on vous souhaite
50:51 de continuer à descendre
50:53 l'Atlantique aussi rapidement que possible.
50:55 Merci en tout cas d'avoir été avec nous
50:57 et bonne continuation. On vous retrouve
50:59 la semaine prochaine.
51:01 C'était le journal inattendu
51:03 de Boris Cyrulnik. Merci infiniment
51:05 d'avoir été avec nous. Dans un instant,
51:07 Laurent Dutch, entrée dans l'histoire.
51:09 Très bon week-end à tous et à samedi prochain.
51:11 Le journal inattendu
51:13 sur RTL.
51:15 [SILENCE]