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Le Face à Face avec Jean-Gabriel Ganascia, informaticien, philosophe, professeur à Sorbonne Université et spécialiste d’intelligence artificielle.
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##LE_FACE_A_FACE_ETE_2023-08-11##

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News
Transcription
00:00 Face aux prouesses des intelligences artificielles comme Chat-GPT, d'abord on s'émerveille.
00:05 Ensuite, on commence à douter.
00:07 Vont-elles tous nous mettre au chômage ?
00:10 Quels sont les emplois les plus menacés par l'intelligence artificielle ?
00:14 Quels sont ceux qui pourraient émerger et qu'on ne connaît pas encore ?
00:17 Comment se préparer à la révolution qui est en marche ?
00:20 Quels sont aussi les projets fous du milliardaire Elon Musk
00:23 qui rêve de connecter notre cerveau à l'ordinateur pour doper notre intelligence ?
00:27 Pour en discuter, ce midi j'accueille Jean-Gabriel Ganasia,
00:31 professeur à la faculté des sciences de la Sorbonne,
00:34 un des grands spécialistes de l'intelligence artificielle.
00:37 Bonjour Jean-Gabriel Ganasia.
00:39 Bonjour.
00:41 Merci d'être avec nous.
00:42 Et d'abord, en quelques mots simples pour qu'on sache de quoi ou de qui on parle,
00:47 qui est l'intelligence artificielle ?
00:49 C'est une intelligence à l'état gazeux ?
00:52 Alors, est-ce qu'on peut personnaliser l'intelligence artificielle ?
00:57 C'est une question ancienne.
00:59 Pour moi, en tant que chercheur, l'intelligence artificielle,
01:01 c'est d'abord une discipline scientifique.
01:04 Et vous ne personnalisez pas la physique,
01:06 vous ne décidez pas qui est la physique, qui est la mathématique,
01:09 ou qui sont les mathématiques.
01:10 Donc, une discipline scientifique qui a pour objectif
01:14 de simuler les différentes facultés cognitives.
01:17 La perception, le raisonnement, la mémoire,
01:20 la communication avec le langage naturel,
01:22 et c'est ce qu'on fait depuis la naissance de l'intelligence artificielle,
01:26 en 1956, ça fait aujourd'hui 67 ans.
01:29 Et on obtient des résultats qui sont époustouflants,
01:33 comme vous l'avez dit précédemment,
01:35 en particulier cette année, plus exactement à la fin de 2022,
01:39 donc il y a un peu plus de 6 mois de cela,
01:42 on a réalisé des outils qui sont capables de générer du texte
01:47 et de dialoguer avec nous,
01:49 avec des phrases qui sont bien formées,
01:52 mieux construites certainement que beaucoup de nos étudiants.
01:55 Et en un temps record.
01:57 Et en un temps effectivement record.
02:00 Et donc on est étonné, déconcerté,
02:03 et bien sûr, craindre un tout petit peu
02:08 pour les métiers classiques,
02:11 les métiers qui semblaient être protégés,
02:14 les métiers intellectuels, par exemple,
02:16 les avocats, les journalistes, etc.
02:20 Quand on regarde plus dans le détail, on se rend compte que,
02:23 certes, les textes qui sont engendrés
02:26 sont à peu près corrects syntaxiquement,
02:30 et qui nous convainquent,
02:31 mais quand on les lit en détail,
02:33 on se rend compte qu'il y a beaucoup d'erreurs,
02:35 qu'en termes techniques, on appelle des hallucinations,
02:38 même si le terme est mal choisi,
02:40 parce que lorsque vous hallucinez,
02:42 c'est que vous avez des perceptions
02:45 qui ne correspondent pas à la réalité.
02:47 Il s'agit ici non pas d'hallucinations en ce sens-là,
02:51 mais de ce qu'on pourrait appeler une affabulation,
02:54 c'est-à-dire un logiciel qui raconte des histoires
02:57 qui peuvent sembler à peu près convaincantes,
03:02 mais bien sûr qui n'ont aucun rapport avec la réalité.
03:06 Dans certains cas, ça peut être extrêmement gênant,
03:09 et ça peut donner prise, entre autres,
03:11 à ce qu'on appelle des fake news, des infox,
03:15 et donc des effets désastreux.
03:18 Ce qui est sûr, c'est que l'intelligence artificielle
03:21 n'est plus seulement un sujet technologique.
03:23 Aujourd'hui, c'est un sujet de société.
03:26 Alors on pourrait imaginer qu'en laissant
03:28 les tâches répétitives et automatiques
03:31 aux machines, à l'intelligence artificielle,
03:33 les humains pourraient potentiellement se concentrer
03:36 sur des activités plus valorisantes.
03:38 Mais est-ce que ce n'est pas une vision
03:40 un peu trop optimiste des choses ?
03:44 Je crois que la vision est un tout petit peu biaisée,
03:47 c'est qu'on laisse entendre qu'on laisse des tâches
03:51 à l'intelligence artificielle qui est personnalisée.
03:54 Or, je crois que ce qui est vraiment important
03:56 de comprendre pour les auditeurs,
03:59 c'est que notre monde se transforme.
04:02 Et un métier, c'est un ensemble de tâches,
04:06 et certaines de ces tâches peuvent être effectivement
04:09 déléguées aux machines et exécutées automatiquement.
04:13 Mais le métier n'en reste pas moins le métier.
04:16 C'est-à-dire que vous devez continuer tous les jours
04:20 à faire votre travail, sachant mettre en œuvre
04:24 ces automatismes qui peuvent rendre des services considérables.
04:27 C'est vrai, bien sûr, dans de nombreuses activités professionnelles.
04:31 Par exemple, si on fabrique des outils,
04:34 c'est vrai par exemple pour un médecin,
04:35 il va continuer à être médecin,
04:37 il va prendre en charge le patient,
04:39 il va assurer sa responsabilité de médecin,
04:42 mais il peut utiliser l'intelligence artificielle
04:45 pour essayer de retrouver des articles
04:49 dans des bases de données considérables
04:53 pour éventuellement faire un diagnostic automatique.
04:55 Mais oui, sur un point très précis.
04:57 Par exemple, un dermatologue,
04:59 il va pouvoir, avec des outils d'intelligence artificielle,
05:02 essayer de faire un diagnostic de cancer de la peau.
05:05 Et donc, ça va être complet,
05:07 d'un terre, de son activité de médecin
05:10 qui a déjà repéré une lésion,
05:15 et qui dit "attention, il y a peut-être un problème,
05:17 je vais m'aider d'un logiciel".
05:19 Et puis, si le logiciel lui dit que c'est potentiellement dangereux, malin,
05:23 à ce moment-là, il faut prendre en charge cette lésion
05:28 et donc opérer, faire ce qu'on appelle une ponction,
05:33 puis ensuite avoir tout un processus.
05:35 Donc oui, le métier ne disparaît pas.
05:37 Je crois que c'est important.
05:38 De même, un journaliste, il peut s'aider de ses outils,
05:42 d'abord pour chercher de l'information,
05:44 c'est extrêmement important,
05:45 et puis éventuellement, il peut utiliser ça pour rédiger des articles,
05:49 à condition ensuite de les relire, de transformer les choses,
05:52 parce que s'il confie à la machine, il y aura des catastrophes,
05:55 parce qu'elle peut inventer des faits qui n'existent pas.
06:00 Vous parlez des journalistes, vous parliez tout à l'heure des avocats.
06:04 Effectivement, dans ces professions,
06:06 l'intelligence artificielle peut être une forme d'assistance,
06:10 mais elle est incapable aujourd'hui d'élaborer une stratégie
06:15 pour ce qui est de l'avocat,
06:17 ou elle est incapable d'enquêter pour ce qui est du journaliste.
06:22 Exactement, le métier du journaliste,
06:23 vous le savez mieux que moi, bien sûr,
06:25 c'est de confronter les sources.
06:27 Ce n'est pas parce qu'une personne va raconter une histoire
06:30 que je la crois tout de suite.
06:31 Mais ensuite, il y a des personnes de confiance,
06:34 et puis vous assurez que ce qu'une personne dit,
06:37 d'autres personnes la confirment.
06:39 Et ça, bien sûr, les outils d'intelligence artificielle,
06:42 pour l'instant, ont du mal à le faire.
06:44 Peut-être que ça viendra d'ailleurs,
06:45 mais aujourd'hui, c'est difficile.
06:47 De même, un avocat, il peut utiliser
06:50 des outils d'intelligence artificielle comme chaque GPT
06:54 pour suggérer un certain nombre d'idées, de pistes,
06:57 mais ensuite, il faut qu'il construise une stratégie,
07:00 et puis qu'il assure de la pertinence des différents arguments
07:03 et sont avancés par la machine.
07:06 Tout ça, moi, je crois, est vraiment passionnant,
07:08 parce qu'on voit que l'activité humaine se transforme.
07:11 Certains en ont peur.
07:13 Vous voyez, par exemple, je vais donner un exemple.
07:16 Lorsque vous êtes journaliste,
07:19 que vous faites rédiger une petite feuille de chou,
07:22 vous avez besoin d'illustrer vos propos.
07:25 Pendant longtemps, on faisait à peine un graphiste.
07:27 Aujourd'hui, vous avez des outils comme Mediourner ou Dalai,
07:32 qui permettent de générer automatiquement des images
07:35 pour illustrer le propos, pour agrémenter le texte.
07:38 Et là, bien sûr, ça fera du travail en moins pour les graphistes.
07:42 Vous voyez qu'il y a quand même des petites questions
07:45 que l'on peut se poser.
07:46 Ça peut changer l'activité dans certains secteurs.
07:49 Alors, le Conseil d'orientation de l'emploi anticipe
07:52 10% d'emplois vulnérables en France
07:56 et 50% d'emplois qui pourraient être impactés
07:59 significativement sans forcément disparaître.
08:02 Mais 10% d'emplois qui sont vulnérables
08:04 et qui pourraient disparaître demain ou après-demain.
08:07 Alors, je crois que ce sont des chiffres
08:12 qu'il faut vraiment examiner en détail,
08:15 parce que ça fait très longtemps qu'on nous explique
08:18 que la technologie en général et l'intelligence artificielle
08:21 plus particulièrement vont transformer les emplois.
08:24 Vous savez que l'origine du terme "robot",
08:27 c'est une pièce de théâtre qui a été rédigée en 1921,
08:31 donc il y a un peu plus d'un siècle,
08:33 par un dramaturge tchèque,
08:35 il se termine, donc cette pièce de théâtre,
08:37 tragiquement parce que les robots exécutent des métiers
08:41 à la place des hommes et gagnent en unité
08:43 ce que les hommes perdent en unité et y prennent le pouvoir.
08:46 Donc, il y a une crainte,
08:49 toute année dans nos pays en particulier,
08:51 de voir les robots se substituer à nous.
08:53 On peut dire que derrière,
08:55 il y a une forme de peur de la transgression.
08:59 Les robots, ce sont des créatures que nous avons faites
09:03 et nous avons l'impression qu'en les faisant,
09:05 nous nous mettons à la place de Dieu
09:06 et donc que nous prenons une place
09:08 qui n'est pas la nôtre d'une certaine façon.
09:11 Et c'est pour ça qu'il y a cette crainte-là.
09:13 Ce qui est très intéressant,
09:14 c'est qu'il y a des pays où c'est l'inverse,
09:16 où même les robots, par exemple au Japon,
09:19 on pense que grâce aux robots,
09:22 on va pouvoir régler les problèmes de la société,
09:25 qui est vieillissante,
09:27 et donc on va pouvoir d'abord travailler,
09:30 parce qu'il n'y aura plus assez de personnes pour travailler,
09:32 et s'occuper des personnes âgées.
09:34 Donc oui, la perspective sur le travail
09:37 dépend des sociétés dans lesquelles nous sommes.
09:40 - Effectivement.
09:40 - Ensuite, sur les résultats.
09:43 - Je vous en prie, je vous en prie.
09:46 - Les résultats concrets,
09:48 les pays où il y a le plus de robots,
09:51 sont quand même les pays où il y a le moins de chômage.
09:53 L'Allemagne et le Japon.
09:55 Et donc, ça peut poser un certain nombre de questions.
10:00 En tout cas, nous amener à prendre un peu de recul
10:04 par rapport à ces craintes que nous avons.
10:07 Je crois que ce qui est vraiment important,
10:08 c'est de comprendre qu'avec les technologies,
10:11 les emplois évoluent.
10:13 Et il faut être capable de s'adapter à cette nouvelle donne.
10:18 Ça veut dire qu'il faut être en mesure de former les personnes,
10:22 afin qu'elles puissent prendre en charge les automatismes.
10:26 Ne pas rester derrière,
10:27 ne pas regarder le passé avec la nostalgie,
10:30 mais au contraire, se demander qu'est-ce que nous pourrions faire
10:32 pour qu'avec ces technologies,
10:34 nous puissions avoir une société qui soit plus harmonieuse,
10:38 plus équilibrée.
10:38 C'est toute la difficulté que l'on rencontre aujourd'hui.
10:42 Ça n'est pas simple, bien sûr.
10:44 Ça veut dire qu'il faut développer des formations.
10:47 Et des formations qui ne sont pas simplement des formations initiales,
10:49 parce qu'au cours d'une carrière qui dure plus de 40 ans,
10:52 les technologies évoluent.
10:53 Et donc, bien sûr, il va falloir se familiariser
10:58 avec les nouveaux outils qui seront mis en place.
11:01 Est-ce que la France est bien préparée à cette adaptation
11:05 à l'intelligence artificielle ?
11:06 Est-ce qu'il faut aussi former dès le plus jeune âge ?
11:09 Est-ce que la France est bien préparée ?
11:15 D'un côté, en France, on a une grande école de mathématiques.
11:19 Il y a beaucoup de chercheurs en intelligence artificielle.
11:22 Il y a de très bons ingénieurs.
11:24 Et d'ailleurs, on sait que dans les grandes sociétés américaines,
11:27 on trouve beaucoup de Français.
11:30 Donc, de ce point de vue-là, on pourrait être assez bien préparé.
11:32 Mais en même temps, il est vrai qu'on est dans un pays,
11:35 et dans un continent d'ailleurs, si on pense à l'Union européenne,
11:39 où il y a une crainte vis-à-vis de l'intelligence artificielle.
11:43 Il y a une certaine frilosité face à l'avenir.
11:46 Et je crois que c'est dommage.
11:47 Je crois qu'il faut bien sûr se rendre compte qu'il y a des dangers.
11:52 Pas uniquement d'ailleurs sur la question de l'emploi,
11:55 mais la protection d'avis privés,
11:57 le risque que la machine prenne des décisions à notre place,
12:02 que nous soyons un peu débordés par toutes ces décisions.
12:06 Donc tout ça, bien sûr, ce sont des questions extrêmement sérieuses
12:09 qu'il faut analyser en détail et se prévenir contre les dangers
12:14 qui peuvent se pointer.
12:17 Mais en même temps, il faut regarder l'avenir de façon positive,
12:21 et se demander qu'est-ce qu'on peut faire de bien.
12:23 Vous savez, sur l'emploi,
12:25 si on regarde les métiers de nos grands-parents,
12:28 de nos arrière-grands-parents, ils étaient extrêmement pénibles.
12:31 La vie était plus courte, physiquement ils étaient épuisés.
12:35 Les métiers d'agriculteur, les métiers d'ouvrier étaient difficiles.
12:40 Les automatismes peuvent, dans une certaine mesure,
12:45 rendre la vie plus agréable et plus facile.
12:48 Mais bien sûr, il y a de nouvelles pénibilités qui sont liées au fait
12:52 qu'aujourd'hui, on est un peu épuisé.
12:55 Le rythme de la machine n'est pas le même que celui de l'homme.
12:58 Et la maladie du siècle, on l'épuise non-physique,
13:02 comme nous voyons il y a un certain nombre d'années
13:05 chez nos grands-parents, nos arrière-grands-parents.
13:07 Mais c'est la maladie mentale, c'est la dépression nerveuse,
13:10 c'est le mal de dos, ce qu'on met toute sa journée sur sa table.
13:15 Et donc, je crois que c'est de ça dont il faut essayer de prendre conscience aujourd'hui.
13:19 Pas simplement regarder le passé de façon nostalgique,
13:23 mais se demander qu'est-ce que peut être ce futur
13:25 et qu'est-ce que peut nous apporter ce futur.
13:28 Est-ce que la révolution de l'intelligence artificielle est comparable, selon vous,
13:32 à celle qu'on a connue il y a à peu près une trentaine d'années
13:35 avec l'arrivée d'Internet dans nos vies, ou est-ce que ça va bien au-delà ?
13:41 Je crois que c'est complémentaire.
13:42 Je pense que l'intelligence artificielle est directement liée à Internet.
13:48 Parce que, bon déjà, Internet c'est lié à l'intelligence artificielle.
13:51 Plus exactement, pour être extrêmement précis,
13:54 il faut bien comprendre qu'Internet, au départ,
13:58 c'est un réseau de télécommunication d'échange entre ordinateurs.
14:03 Ça naît dans les années 60.
14:05 Et la véritable révolution intervient avec ce qu'on appelle le web ou la toile.
14:09 C'est le couplage des réseaux de télécommunication
14:13 avec un modèle de mémoire qui s'appelle l'hypertexte,
14:16 d'où le protocole que vous connaissez tous, HTTP,
14:18 qui veut dire Hypertext Transfer Protocol.
14:20 Et cet hypertexte, c'est un modèle de mémoire qui a été réalisé en 65
14:25 avec des techniques d'intelligence artificielle.
14:27 Donc on peut dire que le web, c'est déjà de l'intelligence artificielle.
14:31 On est un peu tous comme Monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir.
14:35 Nous faisons de l'intelligence artificielle sans le savoir.
14:38 Mais bien sûr, les progrès d'intelligence artificielle ont été considérables.
14:43 Elle est à la source de l'économie du web.
14:46 Vous voyez que la gratuité des services qui vous sont rendus
14:50 par les grands opérateurs de télécommunication,
14:52 par exemple les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux,
14:56 c'est lié à la publicité.
14:58 Mais cette publicité, elle ne serait pas rentable si elle n'était pas ciblée.
15:02 Et cette publicité ciblée ne peut l'être que parce qu'on fait appel
15:04 à des techniques d'intelligence artificielle,
15:06 plus précisément à de l'apprentissage machine.
15:09 Et puis bien sûr, ça a progressé.
15:10 Aujourd'hui, on a non seulement des techniques de traitement du langage naturel,
15:14 des techniques de traduction automatique qui ont fait des progrès époustouflants.
15:18 Mais dernièrement, on a ces grands modèles de langage
15:21 qui ont été conçus depuis 2017-2018, mais qui ont fait de gros progrès.
15:26 Et à partir de novembre 2022, on a tous constaté avec la GPT
15:32 le caractère étonnant, époustouflant,
15:34 que ces choses-là pouvaient avoir.
15:37 Donc oui, c'est une révolution, je dirais plus une évolution,
15:41 qui est vraiment considérable et que tout le monde peut constater.
15:45 C'est ça qui fait que, en cette année 2023, bien sûr, avec chaque GPT,
15:51 il y a eu un trouble dans la population,
15:53 ce qu'on s'est tous rendu compte,
15:55 à l'évidence qu'on avait affaire à des machines qui savoir l'utiliser.
15:58 Vous savez, moi, l'an dernier, il y a un peu plus d'un an,
16:01 j'avais utilisé GPT, qui est le logiciel à la source de chaque GPT.
16:06 Et je m'étais amusé, il y a une petite chronique éthique
16:09 dans le magazine de la recherche,
16:10 j'avais écrit la moitié de ma chronique avec GPT.
16:14 Et j'avais écrit dans la deuxième partie,
16:18 vous savez, d'habitude, dans ma chronique, je suis d'accord avec tout ce que je dis.
16:21 Et là, j'ai dit, pour une fois,
16:23 doute un tout petit peu du début de la chronique.
16:25 Mais pourquoi ? Parce que ce n'est pas moi qui l'ai écrit.
16:29 Donc, c'est un tout petit peu avant, à l'époque,
16:31 où des gens étaient étonnés, mais ils n'avaient pas pu toucher du doigt.
16:36 Et ce n'est qu'à partir de la fin novembre 2022,
16:39 bien sûr, tout le monde a éprouvé la même stupéfaction
16:43 que celle que j'avais éprouvée en mai 2022.
16:48 Alors justement, Jean-Gabriel Ganasia,
16:52 à Hollywood, vous le savez, en ce moment, les scénaristes sont en grève.
16:55 Ils se sont en grève depuis plus de 100 jours.
16:57 Leurs revendications portent sur la rémunération liée aux plateformes comme Netflix,
17:03 mais aussi sur l'intelligence artificielle.
17:05 Ils craignent qu'on demande à l'IA d'écrire des scénaris.
17:09 C'est farfelu.
17:11 L'IA n'est pas capable ou ne sera jamais capable de créativité ?
17:16 Ah, je pense qu'ils ont tout à fait raison de s'inquiéter.
17:20 L'IA est capable de faire preuve de créativité.
17:23 Moi-même, il y a une vingtaine d'années,
17:26 j'ai travaillé avec des étudiants sur la créativité musicale.
17:30 Nous avons réalisé un logiciel qui était en mesure
17:34 de générer la ligne de base dans un trio rythmique en jazz.
17:37 Vous savez qu'en jazz, on a de l'improvisation.
17:40 Il y a une créativité minimale qui est en œuvre.
17:44 C'est ce qu'on avait fait.
17:45 Les scénaristes ont raison de s'inquiéter parce que,
17:48 bien sûr, on peut, en prenant leurs anciens scénarios,
17:51 essayer avec des modèles de langage tels que JLPT,
17:55 générer de nouveaux scénarios automatiquement.
17:58 Et qui plus est, les acteurs aussi peuvent s'inquiéter
18:00 parce qu'on peut prendre leur voix, on peut prendre leurs images,
18:04 et avec des outils d'intelligence artificielle,
18:08 créer automatiquement des vidéos qui les mettent en scène.
18:12 Et vous savez très bien que les hommes politiques aussi peuvent s'inquiéter
18:17 parce qu'on est capable, avec ces mêmes technologies,
18:20 de créer des fakes, des infox, des fausses informations
18:24 qui les mettent en scène et qui font dire à un personnage politique,
18:27 qui font tenir des propos à un personnage politique
18:28 qu'il n'a vraiment jamais tenu.
18:30 Donc c'est ça, bien sûr, qui change totalement la donne.
18:33 Et je dirais, peut-être, puisque vous êtes journaliste
18:36 et que tout le monde nous entend ici,
18:38 que nous avons aujourd'hui, en tant que citoyens,
18:41 une responsabilité particulière.
18:42 Car nous sommes dans une société de l'information,
18:46 nous recevons des informations,
18:47 et ensuite nous sommes en mesure de les diffuser.
18:50 C'est-à-dire que ce n'est plus comme auparavant,
18:52 où seuls les médias puissants pouvaient diffuser l'information.
18:56 Chacun de son téléphone portable peut mettre sur Twitter,
18:59 sur Facebook, énormément d'informations,
19:01 et donc être le relais de toutes ces informations.
19:05 Et je crois que ce qui est très dangereux aujourd'hui,
19:07 et que chacun devrait apprendre, et ce que l'école doit enseigner,
19:12 c'est que nous avons une responsabilité,
19:13 c'est-à-dire qu'il ne faut pas relayer n'importe quelle information.
19:20 C'est vraiment quelque chose d'extrêmement important.
19:22 Et quand on reçoit une information,
19:24 il faudrait faire comme les journalistes,
19:26 c'est-à-dire qu'il faut être capable de confronter cette information
19:28 pour s'assurer que cette information est vraie.
19:31 Donc oui, nous vivons dans une société
19:34 qui est totalement transformée,
19:35 qui est nouvelle,
19:37 dans laquelle il y a de nouvelles dangerosités
19:40 qui apparaissent, qui sont liées à l'information.
19:43 - Jean-Gabriel Ganassia, allons plus loin encore,
19:46 mais pas si loin au fond.
19:47 Le milliardaire Elon Musk compte parmi ceux qui craignent
19:51 que l'IA rende le cerveau humain obsolète
19:54 et mène à la disparition de notre espèce.
19:56 Du coup, pour éviter cet apocalypse,
19:58 il a créé la startup Neuralink.
20:00 De quoi s'agit-il ?
20:02 L'objectif est de permettre à l'humain une symbiose avec la machine.
20:06 Plutôt que d'être en compétition avec l'intelligence artificielle,
20:09 notre cerveau pourrait collaborer avec la technologie.
20:12 Qu'est-ce que ça vous inspire ?
20:14 C'est de la science-fiction totale ou c'est alarmant ?
20:18 - Alors ça m'inspire deux choses.
20:20 D'abord un sentiment d'exaspération
20:24 parce que ce sont des histoires de science-fiction
20:28 qui viennent entre autres d'un roman,
20:30 d'un cycle même d'ailleurs,
20:32 c'est plusieurs romans,
20:33 de romancier anglais Ian Banks,
20:35 décédé prématurément,
20:36 le cycle de la culture,
20:37 dans lequel il explique avec la dentelle neurale
20:40 que nous allons pouvoir connecter notre cerveau
20:42 et essayer d'établir des liens entre tous les cerveaux.
20:48 Donc c'est une très belle histoire de science-fiction,
20:50 de ce point de vue-là très intéressant.
20:51 Et si jamais on l'avait fait en œuvre,
20:53 ce serait une dictature terrifiante,
20:55 c'est-à-dire que vous n'auriez plus d'intériorité,
20:56 tout ce que vous pensez,
20:57 les autres pourraient le savoir.
21:00 Et ce que dit Elon Musk,
21:02 c'est qu'avec sa société,
21:03 il va être en mesure non seulement d'augmenter notre mémoire
21:08 en rajoutant des dispositifs,
21:10 mais ensuite de mettre tous les cerveaux en contact.
21:12 Donc heureusement,
21:14 ce que connaît aujourd'hui les neurosciences
21:17 montre qu'il n'y a aucun élément qui nous permet de réaliser ça.
21:21 Et si ça advenait,
21:23 ce serait vraiment effrayant
21:24 et je crois qu'il faudrait absolument s'y opposer
21:26 parce que c'est le statut même de l'homme
21:30 qui serait changé,
21:30 l'individu ne serait plus indépendant.
21:33 Et puis celui qui posséderait ces technologies
21:35 serait capable de mettre ce qu'il veut dans la tête des gens.
21:38 Donc ce serait bien pire que toutes les dictatures
21:40 qu'il n'y a pu avoir dans le passé,
21:42 que toutes les formes de propagande.
21:46 Et je trouve que,
21:47 et c'est pour ça que je suis vraiment énervé,
21:50 c'est que non seulement il faudrait s'opposer à des projets comme cela,
21:53 or les différents comités d'éthique dans lesquels j'ai pu être
21:56 n'ont pas pris une position assez vigoureuse,
21:59 assez ferme face à ce projet d'Elon Musk.
22:02 Mais en plus de ça, Elon Musk est un menteur
22:05 parce que lorsque on voit ce qu'il réalise,
22:08 il n'y a aucune façon pour l'instant d'aller jusque là.
22:13 Pour le dire très simplement,
22:15 on est capable aujourd'hui…
22:18 Voilà, en deux mots,
22:18 on est capable de lire ce qui se passe dans le cerveau
22:22 avec des technologies issues de l'imagerie fonctionnelle cérébrale,
22:27 c'est-à-dire qu'on repère les signaux électromagnétiques
22:30 qui sont corrélés avec notre activité nerveuse.
22:33 Donc on peut savoir quelles sont nos intentions.
22:35 Cela permet de faire des interfaces subordinales.
22:36 Mais on n'est pas capable, et c'est ça qui est important,
22:39 d'écrire dans le cerveau,
22:40 c'est-à-dire de rajouter de l'information,
22:42 de rajouter des éléments.
22:44 Et ça bien sûr, pas encore.
22:45 Merci beaucoup Jean-Gabriel Ganasia
22:48 d'avoir été avec nous dans les débats de lundi.

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