Face à l'Info Été (Émission du 12/07/2023)

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Tous les soirs et pendant tout l'été, les chroniqueurs de #FacealinfoEte débattent de l'actualité du jour de 19h à 20h

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00:00 Et à 19h01, voici l'essentiel de l'actualité présentée par Simon Guélin.
00:05 Bonsoir.
00:06 Bonsoir à tous.
00:10 12 personnes ont été interpellées après l'attaque visant le maire de Lail-les-Roses
00:13 dans la nuit du 1er au 2 juillet.
00:15 Une voiture bélia foncée sur la maison de Vincent Jambrin, le maire de cette ville
00:20 du Val-de-Marne.
00:21 Son épouse s'est cassée le tibia en tentant de fuir avec ses enfants de 5 et 7 ans.
00:26 Emmanuel Macron promet d'agir avec la plus grande détermination en cas de débordement
00:30 lors des festivités du 14 juillet.
00:32 Le chef de l'État s'est exprimé lors d'une conférence de presse à l'issue du
00:36 sommet de l'OTAN en Lituanie.
00:38 Et selon lui, après plusieurs jours d'émeutes en France, l'ordre républicain doit être
00:42 respecté partout.
00:43 Un peu plus tôt, Gérald Darmanin a annoncé le déploiement d'un dispositif exceptionnel
00:48 pour assurer la sécurité de la fête nationale.
00:50 Du 13 juillet au soir au 15 au matin, 130 000 policiers et gendarmes seront mobilisés.
00:56 Ils seront 45 000 chaque soir.
00:58 Une fête nationale que vous pourrez bien sûr suivre sur CNews lors d'une édition
01:02 spéciale vendredi à partir de 9h.
01:05 Enfin, 4 jours après la disparition d'Émile, l'enquête de terrain n'a rien donné.
01:09 Accidents, homicides, enlèvements, toutes les hypothèses restent étudiées par le
01:13 parquet.
01:14 L'enfant de 2 ans et demi a disparu samedi au Vernet, c'est dans les Alpes-de-Haute-Provence.
01:18 Les opérations de ratissage autour du hameau sont terminées.
01:22 Au sommaire de Face à l'Info, ce soir c'était le 12 juillet 1998.
01:30 Il y a tout juste 25 ans, l'équipe de France remportait sa première Coupe du monde de
01:34 football, qui est devenue la France Black Blomber 25 ans après la victoire des Bleus.
01:40 Et bien Alexandre de Vécu nous dira qu'elle s'est en réalité très vite dissipée.
01:44 Hier à l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin a rendu hommage aux policiers morts
01:49 dans l'exercice de leur fonction.
01:50 L'ensemble de l'hémicycle s'est levé, à l'exception des députés de la France
01:55 Insoumise.
01:56 Comment interpréter cette attitude et comment la police est-elle vraiment perçue par les
01:59 jeunes des banlieues ? Jean-Sébastien Ferjou nous répondra.
02:02 Ils ont 14, 17 et 18 ans et ils ont causé la mort d'un homme car il leur avait simplement
02:08 demandé de faire moins de bruit.
02:10 Céline Pina reviendra sur le meurtre de Philippe Matto, susceptible à gêner, battu à mort
02:15 par l'un de ses adolescents.
02:16 Vous nous expliquerez Céline que pour ces jeunes, il n'y a pas de relation à l'autre
02:20 mais plutôt de groupe à groupe.
02:22 Il y a 88 ans, le 11 juillet 1935, s'éteignait celui qui avait déchiré la France à la
02:28 fin du 19e siècle, le capitaine Dreyfus, condamné pour haute trahison.
02:33 La célèbre affaire Dreyfus a brisé cet homme qui n'a cessé durant sa vie de se
02:37 remémorer les événements qui l'ont terrassé.
02:40 Marc Menand nous raconte ce soir.
02:42 Et puis enfin, Valérie Pécresse a présenté aujourd'hui ses propositions d'aménagement
02:47 du territoire.
02:48 En Ile-de-France figurent dans ses propositions une clause anti-ghetto, objectif freiner la
02:53 production des logements sociaux dans les communes qui en comptent déjà au moins 30%
02:58 afin de ne plus créer des zones de paupérisation.
03:01 Est-ce une bonne idée ? Alexandre Devecchio nous donnera son avis.
03:04 Et avant d'entendre vos chroniques respectives, nous avons appris aujourd'hui la mort de
03:23 Milan Kundera, écrivain tchèque naturalisé français en 1975.
03:27 Il est décédé hier à Paris.
03:30 Il avait 94 ans.
03:35 L'un des grands écrivains du siècle.
03:38 Alors, pour plusieurs raisons.
03:39 Déjà, la personnalité étonnante qu'est la sienne, son parcours, on n'a pas le temps
03:43 de le raconter en une minute.
03:44 Sachez néanmoins qu'il est issu d'une famille où la musique rayonnait au quotidien.
03:50 Très tôt, il sera au piano.
03:51 C'est important parce que quand on lit Kundera, on sent une musicalité.
03:56 C'est sans doute ce tempo qu'il a pioché dans les notes qui lui permettront d'avoir
04:02 cette envergure quand il sera dans l'écriture.
04:04 C'est un communiste convaincu quand il est jeune.
04:07 Oui, il adhère au parti.
04:09 A 18 ans, il est à Prague.
04:12 Il a suivi des études de lettres.
04:13 Après, il est passé aux études de cinéma.
04:16 Son premier livre, ce sera "L'homme, ce vaste jardin".
04:22 C'est 24 poèmes.
04:23 Et là encore, on est dans le lyrisme.
04:25 Lorsque l'invasion de la Tchécoslovaquie se fait en 1968, alors qu'il avait été
04:33 exclu du parti, il avait été exclu du parti parce qu'il avait écrit dans un de ses livres
04:38 qui s'appelle "La plaisanterie".
04:39 Pour moi, c'est l'un des meilleurs.
04:40 "L'optimisme est l'opium du genre humain.
04:44 L'esprit saint pue la connerie.
04:46 Vive Trotsky !"
04:47 Alors, vous pensez bien, hop, en dehors du parti.
04:50 Ensuite, eh bien, il avait été réintroduit.
04:53 Et après Prague, lorsque les Soviétiques ont pris le pouvoir, en 1970, il est de nouveau
05:00 exclu.
05:01 Et en 1975, avec sa femme, il obtient 730 jours d'autorisation d'aller visiter l'Occident.
05:09 Il prendra la R5.
05:12 On a une cinquantaine de disques, la musique, les quelques éléments nécessaires pour
05:18 envisager de s'installer en France, en espérant toujours pouvoir revenir au pays.
05:22 Et c'est grâce à la femme d'Edgar Ford, l'ex-président de l'Assemblée, qu'il
05:28 trouvera une place de professeur à Rennes.
05:31 Et de là, le long cheminement qui sera le sien.
05:34 Un petit point de contrariété.
05:37 En 2008, un procès verbal laisse sous-entendre qu'il aurait été un sycophante.
05:43 Il aurait dénoncé un déserteur de l'armée tchécoslovaque qui serait venu en Occident.
05:50 Mais l'ensemble des écrivains l'ont soutenu et il a été blanchi.
05:55 Depuis très longtemps, il ne parlait plus.
05:57 Il acceptait juste de répondre par écrit.
06:00 Il est dans la pléiade.
06:02 Pourquoi est-ce que l'œuvre et les positions de Milan Kundera, écrivain tchèque, sont
06:07 importantes pour nous Français ?
06:08 Je ne sais pas qui veut répondre, Alexandre ou Céline.
06:11 En fait, pour ma génération, il a été l'homme notamment de l'insoutenable légèreté
06:16 de lettres.
06:17 On oublie le succès.
06:18 Alors effectivement, quand l'insoutenable légèreté de lettres sort, c'est déjà
06:21 un écrivain reconnu.
06:22 Il a une œuvre derrière lui.
06:24 Mais cette histoire va le faire exploser.
06:26 Et quand on va approcher un petit peu plus près de ce que raconte Milan Kundera, il
06:32 met le doigt sur quelque chose qui aujourd'hui est encore plus fort.
06:35 Lui, il vient des pays d'Europe centrale et il explique qu'en fait, ces pays d'Europe
06:39 centrale ont été détruits culturellement.
06:41 Pris entre un Occident qui ne les reconnaissait pas comme appartenant à sa sphère et qui
06:46 les a renvoyés du côté de l'Est et par une Russie à laquelle ils étaient profondément
06:51 étrangers, mais qui les a entraînés dans sa périphérie.
06:55 Toute leur identité et toute leur culture a été massacrée.
06:59 Et donc aujourd'hui, il a écrit un très, très beau texte sur l'avenir de l'Europe
07:04 où il disait qu'il fallait faire attention et que les cultures sont mortelles et qu'il
07:08 avait le sentiment qu'y compris en Occident, la culture européenne était en train de
07:13 disparaître.
07:14 Oui, tout à fait.
07:15 C'est l'Occident qu'il nappait.
07:17 Et effectivement, il dit que la culture des pays de l'Europe centrale a été plutôt
07:24 menacée que complètement détruite par le communisme.
07:26 Parce que justement, ces pays ont pu survivre parce qu'ils ont maintenu justement une
07:30 forme d'identité culturelle.
07:32 Donc, c'est finalement un éloge de la culture pour montrer que si les nations finalement
07:37 peuvent à la limite perdre leur souveraineté, c'est ce qui est arrivé à tous ces pays-là.
07:41 Mais si elles veulent survivre, elles doivent préserver leur identité.
07:44 Je crois que ça nous aide aussi à comprendre l'attitude des pays d'Europe centrale qui
07:48 sont vivement critiqués à l'intérieur de l'Europe, que ce soit la Pologne ou la
07:53 Hongrie, qui par exemple sur l'immigration ont des politiques très dures, très fermes,
07:57 même sur leur souveraineté sont plus fermes que les autres pays européens.
08:01 Parce que je crois que justement, ils ont perdu leur souveraineté pendant très longtemps.
08:05 Ils ne l'ont retrouvée qu'en 89.
08:07 Donc, ils la gardent jalousement et surtout, ils veulent conserver à tout prix leur identité.
08:13 Donc, il y a une vraie leçon, je pense, à tirer de l'expérience des pays d'Europe centrale.
08:16 Jean-Sébastien Ferjot, qu'est-ce que vous retenez de Milan Kundera ?
08:19 Je crois plus ou moins ce qu'en a expliqué Céline Pina, effectivement, sur cette Europe
08:25 et cette Europe centrale dont il était originaire et que l'Occident a abandonné, comme vous
08:30 le disiez, à la Russie alors qu'il n'y avait aucun lien, même pour la Hongrie d'ailleurs,
08:33 qui n'avait pas de lien particulier avec ce qui se passait de l'autre côté, qui
08:37 étaient des gens qui étaient orientés plus vers le Danube, notamment.
08:40 Et c'est vrai qu'il a dénoncé plusieurs fois l'amnésie en matière d'histoire et
08:49 sur le point qu'évoquait Marc, même si lui a démenti les accusations qui avaient
08:53 été portées contre lui d'avoir été un informateur dans certains de ses romans, on
08:58 voit aussi, comme il montre, comme les individus peuvent être pris au piège d'une histoire
09:01 implacable qui les dépasse et finalement être pris au piège d'idéologies, d'où
09:05 l'intérêt d'ailleurs de défendre la culture pour que chacun puisse toujours préserver
09:08 la liberté et son autonomie.
09:10 Juste, c'est la notion d'assimilation, il écrivait en français, il avait appris la
09:14 langue, vous voyez ?
09:15 Voilà pour cet hommage que nous voulions rendre donc à Milan Kundera qui est décédé
09:19 hier à Paris, il avait 94 ans.
09:22 Alexandre de Vecchio, à présent, nous célébrons un anniversaire aujourd'hui puisqu'il y
09:26 a 25 ans déjà, quel beau souvenir la victoire de l'équipe de France lors de la Coupe du
09:31 monde de football, c'était en plus à Paris.
09:33 On parlait alors à l'époque de cette France black blombeur, 25 ans après cette victoire,
09:40 qu'est devenue, Alexandre de Vecchio, qu'est devenue cette France black blombeur dont on
09:44 a tant parlé ?
09:45 D'abord, il faudrait savoir si cette France a existé un jour.
09:52 Je ne suis pas sûr qu'à l'époque elle existait, en tout cas je pense qu'elle n'existait
09:55 pas de la manière dont la voyaient les éditorialistes de l'époque.
09:58 À l'époque, ils voient en fait dans le succès de l'équipe de France l'apothéose de la
10:03 France multiculturaliste, de SOS racisme, ou même de la France multiraciale dont Zinedine
10:08 Zidane serait le meilleur représentant.
10:09 Déjà, ces éditorialistes avaient mauvaise mémoire parce qu'ils oublient que l'équipe
10:13 de France, en réalité, a toujours été mélangée de Coppa à Platini, de Marius
10:18 Trésor à Gentilgada, en passant par Louise Fernandez, si vous voulez.
10:23 Donc, il y a une espèce de fantasme de France à l'américaine, d'équipe de France patchwork
10:29 des communautés, qui je crois n'a jamais correspondu à la réalité.
10:32 Moi, je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'il ne s'est rien passé en 1998.
10:36 Je pense qu'il y a eu un véritable élan.
10:38 Moi, j'avais 10 ans à l'époque et je me souviens de la liesse populaire, deux jours
10:43 avant le 14 juillet, les Champs-Élysées envahies, enfin, pleines d'allégresse, et
10:53 puis le scénario de cette finale.
10:55 Et je crois qu'il y a eu quand même un moment de réel enthousiasme dans le pays, qu'en
11:02 réalité, cet enthousiasme ne traduisait non pas la volonté d'avoir une France à
11:05 l'américaine, multiculturalisme, mais justement un désir d'appartenance, d'identité, de
11:10 communion nationale, de rassemblement derrière le drapeau, si vous voulez.
11:17 Et puis, il y a aussi une adhésion aux valeurs collectives qu'incarnait l'équipe de France.
11:22 Les journalistes étaient beaucoup moqués d'Aimez Jaquet avec son accent stéphanois.
11:27 On le critiquait parce qu'il avait exclu Eric Cantona à l'époque.
11:31 C'était quasiment le meilleur joueur du monde.
11:33 Il l'avait exclu de l'équipe parce qu'il pensait que l'équipe devait primer sur tout
11:37 et justement que les joueurs devaient se fondre dans l'équipe et servir le drapeau.
11:42 Et je crois que les Français se reconnaissaient dans cette France-là, dans ce patriotisme-là.
11:47 Ça signifie que pour vous, l'illusion de la France black-blomber s'est en fait très
11:53 vite dissipée ?
11:54 Elle s'est malheureusement très vite dissipée.
11:56 Je vous l'ai dit, je fais partie de ceux qui pensent qu'il s'est passé quelque chose,
12:00 mais c'était peut-être déjà le début de la fin, les derniers feux justement de cette
12:04 France républicaine, de cette France où les identités particulières s'effaçaient derrière
12:10 l'identité nationale.
12:12 On l'a très vite vu, puisque en 2001, le 6 octobre 2001, trois ans après, il y a le
12:19 match France-Algérie au Stade de France et la Marseillaise sifflait.
12:24 La pelouse du Stade de France envahit.
12:27 Zinedine Zidane, qui était un modèle d'intégration qui est scopieusement conspué et traité
12:35 de harkis par des jeunes Français en réalité, mais qui ne se sentent pas Français, qui
12:40 se sentent Algériens.
12:41 C'est quelques semaines après le 11 septembre 2001.
12:45 À l'époque, on ne l'a pas entendu parce que TF1 avait volontairement baissé le son,
12:49 mais il y a des cris "Ben Laden" dans la foule, "Vive Ben Laden".
12:55 Donc on voit bien qu'on est très loin de cette France black-blanc-beurre idéalisée.
13:02 On a une France qui commence à se fracturer avec toute une partie de la jeunesse française
13:07 qui est née en France, mais qui ne se reconnaît pas, n'adhère plus à l'identité nationale.
13:14 Ensuite, en 2010, il y a l'épisode Nice Now.
13:19 Là, c'est carrément l'équipe de France qui, d'une certaine manière, se fragmente de l'intérieur.
13:25 Il y a l'épisode de la grève des joueurs, mais il y a aussi ce qu'a raconté le journaliste
13:30 Daniel Riolo dans son livre au titre évocateur "Rakai Football Club", où il expliquait
13:37 finalement Franck Ribéry qui maltraitait Johan Gurküff parce que celui-ci était trop
13:44 bien élevé ou parce qu'il était soupçonné d'être homosexuel, avec une forme de communautarisme,
13:50 les buffets halals qui étaient imposés à toute l'équipe.
13:54 Donc là encore, on était loin de cette France black-blanc-beurre.
13:59 Après l'Algérie, il y a toute une série de matchs entre l'équipe de France et des
14:02 équipes du Maghreb, avec à chaque fois le même scénario, des sifflets, des voitures
14:09 brûlées.
14:10 Donc on est très loin de la France 98.
14:14 Ce qui est intéressant aussi, c'est que ça s'inscrit dans une évolution de la France,
14:21 mais aussi dans une évolution du football mondial.
14:24 En réalité, la Coupe du Monde 98, c'est la première Coupe du Monde après ce qu'on
14:28 a appelé l'arrêt Bostman, qui a dénationalisé le football de club.
14:33 Jusque-là, dans les clubs, on avait le droit à trois footballeurs étrangers maximum.
14:39 Et à partir de l'arrêt Bostman, il n'y a plus de limites.
14:42 Donc si vous voulez, le football de club se dénationalise en même temps qu'on assiste
14:47 à une désintégration de la société française.
14:49 Et l'équipe de France n'est plus le miroir de la France black-blanc-beurre, mais le miroir
14:53 de la France fracturée.
14:54 Merci beaucoup Alexandre Devecu.
14:55 On va parler maintenant avec vous, Jean-Sébastien Ferjou, de ce qui s'est passé hier à l'Assemblée
15:02 nationale, alors qu'il évoquait la participation de députés en écharpe à une manifestation
15:06 dans laquelle a retenti le slogan "tout le monde déteste la police".
15:11 Gérald Darmanin a lu hier à l'Assemblée nationale une liste de policiers, une liste
15:16 de noms de ces policiers, morts en service au cours de ces dernières années.
15:20 L'ensemble de l'hémicycle s'est alors levé, à l'exception des députés de la
15:25 France insoumise.
15:26 Comment est-ce que vous interprétez cette attitude, Jean-Sébastien ?
15:30 Je crois qu'elle est malheureusement très cohérente avec l'attitude régulière de
15:35 la France insoumise, puisque tous les groupes se sont levés, y compris les autres groupes
15:39 de la NUPS, à l'exception, et sauf les insoumis, à l'exception quand même notable
15:43 de Raquel Garrido, qui elle s'est levée à ce moment-là.
15:47 Sandrine Rousseau s'est levée, d'ailleurs elle l'a fait remarquer dans la réponse
15:49 qu'elle a faite à Gérald Darmanin, et qui finalement ne m'a presque plus marqué
15:53 que le fait que les insoumis ne se soient pas eux-mêmes levés.
15:56 Qu'est-ce qu'elle a fait Sandrine Rousseau ?
15:57 Sandrine Rousseau, elle s'est mise à lire une contre-liste, en lisant une liste de toutes
16:01 les victimes de, selon elle, les violences policières.
16:05 Mais en mêlant tous les noms, aussi bien Malik Ousekine que justement le jeune Nahel,
16:10 ou que Adama Traoré.
16:13 Alors que parmi ces noms-là, il y a des gens qui effectivement ont été victimes de la
16:17 police, il y en a d'autres qui n'ont pas été victimes de violences policières.
16:20 Et donc tout mélanger, c'est particulièrement mortifère, parce que c'est nous entraîner
16:24 insensiblement sur la spirale du « eux contre nous ».
16:27 M. Rachel Kahn le disait très bien, aujourd'hui d'ailleurs sur Atlantico, il faut savoir
16:31 résister à cette pression, même si on se fait attaquer, même si on se fait insulter,
16:35 même si on nous traite de raciste, même si on nous traite d'islamophobe, parce qu'on
16:38 défend les discours de la République, il faut savoir résister.
16:41 Et d'une certaine manière, malgré tout, dans la réponse du ministre de l'Intérieur,
16:44 il est dans son rôle de défendre la police, de défendre une institution républicaine,
16:48 mais on a besoin de plus.
16:49 Évidemment qu'il faut rappeler et rendre hommage aux policiers morts en service, mais
16:53 il faut aussi plus, il faut réellement mettre sur la table les questions qui se posent sur
16:58 la police.
16:59 Maintenant, moi ce que je trouve particulièrement aussi étonnant dans l'attitude de la France
17:03 insoumise, c'est que c'est totalement déconnecté du réel.
17:05 C'est représentation idéologique contre représentation idéologique, et c'est faire
17:09 abstraction de ce qu'on sait, de ce qu'on peut constater, de ce que peuvent être les
17:14 vrais gens dans la vraie vie, et ça n'est pas les respecter, vous savez que d'ignorer
17:17 ce qu'ils sont, c'est comme un enfant qui s'énerve à vos pieds, si vous faites semblant
17:20 de ne pas le voir, il va continuer à s'énerver.
17:22 Et justement, c'est réduire les gens un peu en quelque sorte à l'état de mineur.
17:26 Et je suis tombé sur un article très intéressant dans Marianne d'un psychiatre, psychologue,
17:30 qui s'appelle Ruben Rabinovitch, qui lui a passé beaucoup de sa carrière à examiner
17:35 justement des gens issus de quartiers populaires.
17:38 Beaucoup parce que la justice les lui envoyait, donc ils étaient obligés de lui parler en
17:41 quelque sorte, puisque pour avoir le fameux papier tamponné pour montrer à un magistrat
17:45 qu'ils étaient bien dans une tentative de réinsertion, ils étaient un peu obligés
17:49 de lui parler.
17:50 Mais il a pu voir aussi des femmes venues de ces quartiers et quasi exclusivement des
17:53 femmes parce que justement, ce sont principalement des femmes qui viennent le voir.
17:57 Et qu'est-ce qu'il en a retenu ? Il en a retenu justement l'incroyable violence de ces meutes.
18:02 Alors on n'essentialise pas, il ne parle pas de tous les gens.
18:04 C'est comme si vous parliez à quelqu'un du SAMU, il va vous décrire des accidents
18:07 sur l'autoroute.
18:08 Tous les gens qui prennent l'autoroute ne finissent pas dans des accidents.
18:10 Donc là, on parle mécaniquement de gens qui sont dans des processus de violence.
18:14 Mais il parle de cette espèce de violence effroyable, de violence qui est quasiment
18:18 consubstantielle aussi à ces groupes-là concernant les femmes.
18:21 Il parle d'enfants qui sont confrontés à de la violence dans ces familles-là.
18:25 Pas forcément qu'ils aient eux-mêmes été victimes de violence, mais qu'il y ait vu
18:29 notamment leur mère, leur soeur être victime de violence.
18:32 Et avec des exemples très forts en disant "faites attention quand on se lamente sur
18:35 l'absence des pères parce que peut-être que leur présence est parfois plus délétère
18:39 que leur absence".
18:40 Et moi, il y a un exemple qui m'a beaucoup frappé, il raconte le cas d'un petit garçon
18:43 de 7 ans.
18:44 Le père a amené ce petit garçon parce qu'il avait des hallucinations.
18:48 Le père l'avait emmené voir un imam qui devait le désexorciser en quelque sorte.
18:53 Et le petit garçon, à un autre moment, le père l'avait entraîné à voler le jouet
18:58 d'un de ses copains pour le lui donner à lui.
19:00 Et le petit garçon n'en a pas voulu, parce que c'était le jouet de son copain.
19:03 Le père s'est mis en colère et finalement, le seul choix qu'avait le petit garçon, c'est
19:06 d'être soit le complice de son père, soit sa victime.
19:10 Et ça, c'est extrêmement révélateur parce que ce que nous raconte Ruben Ravinovich,
19:13 c'est justement ces pères qui ont une mentalité de caïd et de grands frères plus que de
19:17 pères qui ne s'assument pas dans leur paternité et qui entraînent leurs enfants.
19:21 Là encore, il ne s'agit pas d'essentialiser tous les habitants de quartier, comprenez-moi
19:25 bien.
19:26 Mais il décrit très bien chez ceux qui sont dans ces parcours de violence-là, cette mentalité
19:30 de caïd qui s'ancre vraiment et qui tire tous ceux qui vivent autour d'eux là-dedans.
19:37 Alors, comment articuler ces observations à hauteur d'individus avec une analyse sociologique
19:43 ou politique ? Comment passer en quelque sorte du particulier au général et peut-être
19:48 l'essentiel, trouver les clés pour pouvoir agir ?
19:50 Justement, il met en avant quelque chose de très important auquel on ne pense peu, l'existence
19:55 du clan, de la tribu.
19:56 Parce que c'est quelque chose en Occident qu'on a complètement oublié parce que depuis
19:59 la fin du Moyen Âge et de l'époque féodale, nous n'appartenons plus à des clans.
20:03 L'individu en Occident, il est face à l'État.
20:04 On oublie, mais ça a été la même illusion en allant en Irak ou en Libye, d'imaginer
20:09 qu'on pouvait reconstruire des démocraties comme si justement c'était l'individu face
20:12 à l'État.
20:13 C'est-à-dire face à le clan.
20:14 Et le clan, c'est quoi ? Maurice Berger en parle très bien, le pédopsychiatre Maurice
20:17 Berger en parle très bien.
20:18 C'est ce fantasme de fusion qui fait que vous ne pouvez pas échapper au clan.
20:22 Ce n'est pas une ghettoïsation, puisqu'une ghettoïsation, c'est on vous enferme de
20:25 l'extérieur.
20:26 C'est une forme de séquestration auto-infligée.
20:28 Et prendre ça en compte, c'est comprendre beaucoup de choses.
20:31 Parce que par exemple, le clan, c'est aussi ce qui explique le sentiment de culpabilité
20:35 ou d'absence de sentiment de culpabilité.
20:37 Parce que vous pouvez tout faire flamber dans un quartier, y compris infliger des dommages
20:40 à des gens qui ne vous ont rien fait, puisque vous ne faites que venger votre clan.
20:44 Ce n'est pas hauteur d'individu.
20:46 Vous vengez votre clan et vous considérez que finalement, les gens appartenant au clan
20:50 d'en face, il n'y a pas de raison de se préoccuper de leur sentiment en tant qu'individu.
20:56 Cette existence du clan, elle est aussi ce qui fait que nous, nous inventons des représentations
21:00 de la famille nucléaire.
21:02 Un père, une mère, des enfants, un groupe, une cellule familiale relativement resserrée.
21:06 Alors que justement, là encore, l'éducation se joue par rapport au clan.
21:11 Et ça, c'est quelque chose qui s'est imposé, et notamment à cause de nos abandons.
21:14 On parlait aussi avec Reda Didi, qui dirige une association qui s'appelle Graines de
21:18 France, qui depuis des années travaille dans ces quartiers-là, essaye de ramener de l'ordre,
21:21 de ramener du cadre, parce qu'il y a des gens qui sont en demande de cadre.
21:25 Et pour rebondir sur la France Black Bomber, je lui disais, mais à quel moment, selon
21:28 vous, il y a eu un virage ?
21:29 Il me disait probablement, justement, après 1998.
21:32 Au début des années 2000, la société française a raté quelque chose, a abandonné ces quartiers-là,
21:37 finalement, en considérant que justement, on pouvait les abandonner à leur clan, et
21:41 en abandonnant tous ceux qui, eux, sont en France, ou qui en France veulent vivre comme
21:46 des Français, comme des Occidentaux, justement, en sortant de leur clan.
21:51 C'est aussi le fait qu'on ait imposé des modèles culturels, des rôle-modèles, comme
21:55 on dirait en mauvais franglais, inspirés de la figure du caïd.
22:00 D'ailleurs, regardez en France, je ne résume certainement pas le rap à ça, il y a des
22:02 choses qui sont extrêmement intéressantes dans le rap, mais quand vous regardez aux
22:04 États-Unis, c'est 30%, 40% de la musique qu'il y a écoutée chaque année.
22:08 En France, c'est quasiment 75%, quand vous regardez ce qui a été streamé dans une
22:12 AME.
22:13 Et donc, le fait que nous ayons ces figures-là, symboliques, qui soient devenues les seuls
22:17 exemples de ce qu'est notamment la masculinité dans ces quartiers, ça explique aussi, malheureusement,
22:23 là où nous en sommes arrivés.
22:24 Et la conclusion, quand tire Ruben Rabinovitch, c'est de dire, ce qu'on ne veut pas voir,
22:28 c'est que ces meutes ultra-violentes, en réalité, elles ne sont pas fortes.
22:32 Elles ne sont ce qu'elles sont que parce que nous avons renoncé.
22:36 Elles ne sont pas la cause de la désintégration républicaine, elles sont le symptôme de
22:41 la désintégration républicaine.
22:42 Et c'est ça, je pense, qu'il faut en retenir, en comprenant justement la manière
22:46 dont se construisent aussi ces expériences et cette réalité psychique, et que nous
22:53 ne voulons pas voir, parce que notamment la France insoumise nous enferme dans une explication
22:57 du monde purement sociale et purement les pauvres sont violents, ce qui est d'ailleurs
23:00 parfaitement faux.
23:01 Rien dans la sociologie ni dans l'histoire ne permet de valider cette hypothèse.
23:04 Merci beaucoup Jean-Sébastien pour ces explications extrêmement claires.
23:08 Remarque une très courte pause, vous restez avec nous, dans un instant nous reviendrons
23:12 sur la mort de ce septuagénaire tué, roué de coups par des adolescents, simplement parce
23:18 qu'il leur demandait de faire un peu moins de bruit en bas de chez lui.
23:22 A tout de suite dans Face à l'Info.
23:23 De retour en direct sur C News, soyez les bienvenus dans la deuxième partie de Face
23:32 à l'Info.
23:33 Nous allons revenir à présent sur ce drame qui s'est déroulé à Vieux-Condé dans
23:36 le Nord avec vous Céline Pina.
23:39 Ils ont 14, 17 et 18 ans et ils ont causé la mort d'un homme car il leur avait simplement
23:45 demandé de faire moins de bruit.
23:47 Céline, vous souhaitiez revenir sur ce meurtre de Philippe Matteau, ce septuagénaire battu
23:52 à mort par un groupe d'adolescents.
23:55 Oui, parce que c'est une mort qui est très touchante, qui est très violente aussi.
23:59 Et dont le contraste est vraiment… On avait un homme qui était apprécié par tout un
24:05 village, qui était quelqu'un qui était serviable, qui était généreux, dont on
24:10 voit les gens parler avec énormément de cœur et qui est mort sous une attaque barbare.
24:15 Et ce qui a aussi choqué, c'est la cause infime qui a entraîné ce déferlement de
24:21 violence et finalement la désinvolture effrayante de ces jeunes.
24:25 C'est une barbarie qui finalement, hélas, n'est pas nouvelle.
24:29 Oui, elle est même, j'allais dire, parfaitement renseignée et connue.
24:33 Là, une des personnes les plus célèbres qui en parle, c'est d'ailleurs Maurice
24:36 Berger, un psychiatre qui s'est occupé d'enfants hyper violents et qui raconte
24:41 en fait à quel point aux yeux de ces enfants, l'autre devient un objet sur lequel on décharge
24:46 son agressivité, sa frustration et sa colère.
24:49 Et le psychiatre parle d'un nombre très important de passages à tabac aboutissant
24:54 soit à la mort, soit à des difficultés pérennes pour ceux qui ont subi, que ces
24:59 difficultés soient psychiques ou qu'elles soient physiques.
25:03 Et ce qu'il raconte, c'est finalement que ceux qui commettent ces actes n'écopent
25:08 en général que de peines très légères, voire avec du sursis, ce qui tendrait à démontrer
25:13 à leurs propres yeux que même la société n'accorde aucune importance aux vies qui
25:18 sont ainsi prises ou amoindries.
25:20 Et quel est le profil de ce type d'agresseur ?
25:23 Alors Maurice Berger, lui, va parler de son expérience personnelle.
25:27 Il se trouve que dans le centre d'éducation fermé où il travaille, la grande majorité
25:32 des mineurs dont il s'occupe est originaire du Maghreb.
25:35 Mais ce qu'il dit, lui, c'est que ce qui est déterminant dans le rapport à la violence
25:39 n'est pas du tout l'origine ethnique, mais la structuration familiale.
25:44 Les garçons les plus violents viennent de familles qui ont un fonctionnement clanique.
25:49 Et on va retomber un peu sur ce que nous racontait Jean-Sébastien.
25:52 Pourquoi ? Est-ce qu'il y a une explication à cela ?
25:55 Oui, parce qu'en fait, un clan, c'est un tout.
25:58 C'est un tout dont chaque membre est une des parties.
26:01 Donc si un des membres s'éloigne ou se met à penser différemment, c'est d'une
26:06 violence extrême.
26:07 Il faut le faire revenir dans le rang.
26:08 Normalement, le but normal d'une famille, c'est de donner suffisamment de force et
26:13 de confiance en lui et à un enfant pour qu'il puisse penser par lui-même, choisir sa vie
26:18 et avoir la force, j'allais dire, de supporter tous les événements heureux ou malheureux
26:24 qui arrivent dans une vie.
26:25 Dans la famille clanique, la question, ce n'est pas du tout de se faire naître à
26:29 soi-même.
26:30 L'identité, c'est uniquement celle du groupe.
26:33 Les codes du groupe priment donc sur le rapport à une quelconque loi extérieure.
26:38 Finalement, pour ces jeunes, il n'y a pas de relation à l'autre qui existe.
26:43 Il n'y a que les relations de groupe à groupe.
26:44 Du coup, ils sont rarement en interaction.
26:47 Quand il y a un souci avec quelqu'un qui n'appartient pas au groupe, on rameute le
26:52 groupe et on attaque.
26:53 Donc ces jeunes n'ont aucune inhibition parce qu'en fait, ils n'ont pas de pensée
26:57 propre.
26:58 Ils sont dans l'action et la réaction à partir des codes de leur groupe.
27:02 Et celui qui n'appartient pas au groupe est totalement déshumanisé.
27:06 Il n'y a donc pas de rapport au bien ou au mal, mais de rapport à ce qui est bon ou
27:11 à ce qui est mauvais pour le groupe.
27:14 Donc c'est pour ça que Maurice Berger dit qu'il faut des sanctions.
27:17 Tout simplement parce qu'une peine de prison, même de courte durée, elle a deux avantages.
27:22 Le premier, c'est qu'elle soustrait l'individu à la logique du groupe de façon purement
27:27 physique.
27:28 Elle lui permet peut-être du coup de prendre conscience de son individualité.
27:31 La deuxième fonction, c'est qu'elle empêche l'action et la pulsion.
27:35 Autrement dit, elle permet à certains jeunes de se remettre à penser et d'être un petit
27:42 peu plus conscients d'eux-mêmes.
27:43 Dans la presse et sur les réseaux sociaux, beaucoup de personnes s'indignent de ce que
27:49 la mort d'un jeune défavorablement connu des services de police a suscité.
27:54 Un hommage à l'Assemblée nationale et une prise de parole du président de la République
27:57 alors que le décès de ce vieil homme de 72 ans, frappé par des jeunes, ne suscite
28:03 finalement aucune forme d'hommage national.
28:05 Je pense que le contraste et l'émotion que va susciter la mort de Philippe Matteau vient
28:11 du contraste aussi entre la bonne personne qu'il était et l'atrocité de sa mort,
28:17 et en plus l'imprévisibilité de cette mort.
28:19 Le jeune automobiliste était engagé dans un parcours de délinquance.
28:23 Il ne m'arrêtait pas de mourir ainsi, tout le monde en est d'accord, mais il avait
28:27 pris un chemin de vie dangereux qu'il exposait à cette éventualité entre conduite à grosse
28:32 vitesse de grosse cylindrée, rébellion face à la police, incursion dans le commerce
28:36 de drogue, etc.
28:37 Les émeutes qui ont suivi cette mort ont été très mal vécues par les Français,
28:43 et ceux-ci n'ont pas compris que leur soit imposée une émotion collective qu'en fait
28:48 ils ne ressentaient pas.
28:50 En revanche, pourquoi est-ce qu'ils ressentent une grande proximité avec cette mort-là ?
28:54 Parce que finalement, il se projetait peu pour la plupart dans le décès qui a frappé
29:00 le jeune Nahel.
29:01 Ils n'ont pas réellement imaginé pour eux qu'un policier leur tire dessus était
29:04 de l'ordre de l'impensable.
29:06 En revanche, ce qui paraît les guetter, ou guetter leurs enfants ou leurs parents,
29:11 étant donné l'âge du vieux monsieur, c'est celui de se faire massacrer pour un
29:16 regard mal placé.
29:17 Et en fait, cette peur concerne tout le monde.
29:20 C'est-à-dire que si vous discutez avec les habitants du quartier, encore plus, ils ont
29:24 peur que cela puisse arriver à eux-mêmes ou à leurs enfants.
29:28 Autre point qui choque, la mobilisation communautariste a été vue comme une démonstration de force.
29:35 Du coup, ils ont vu aussi un président de l'Assemblée nationale qui donnait des gages
29:40 aux émeutiers alors que cela ne leur semblait pas juste et pas raisonnable.
29:44 Et aujourd'hui, ils se demandent, mais qui va se lever pour Philippe Matteau ?
29:47 Il y a finalement quelque part une forme de deux poids, deux mesures.
29:51 Finalement, les Français voient bien le « nous » communautariste, ethnique et religieux.
29:57 Mais le « nous » de la nation, celui à laquelle nous sommes tous censés appartenir,
30:02 il apparaît comme inexistant ou désincarné.
30:04 Finalement, avec les émeutes, ils ont vu que la logique de vengeance fonctionnait,
30:10 faisait peur, impressionnait.
30:12 Et avec le décès de Philippe Matteau, ils se demandent si la justice va simplement pouvoir
30:17 être rendue.
30:18 Donc si je vous comprends bien, pour vous, on est ici au cœur de la différence entre,
30:23 d'un côté la justice et de l'autre la vengeance.
30:25 Oui, rappelez-vous, on s'est tous posé la question en disant, mais attendez, le policier
30:31 a été inculpé, justice est donc passée dans un premier temps.
30:34 Pourquoi est-ce qu'on a un tel déchaînement de violence ?
30:38 Justement, parce que la dimension tribale, elle vient aussi du refus de laisser la justice
30:43 et la police agir.
30:44 Parce que l'appartenance au groupe est au-dessus de tout.
30:48 Quand une personne du groupe est touchée, c'est l'honneur de chacun qui est attaqué.
30:52 Donc la vengeance ici, ce n'est pas seulement une expression de colère.
30:56 Elle est là pour montrer la puissance du groupe et son sens de l'honneur.
31:00 Du coup, elle marque aussi la déshumanisation de l'adversaire.
31:04 Et toute notre histoire européenne, c'est la sortie de ce tribalisme féodal.
31:09 Nous, on a essayé de trouver une logique d'organisation politique qui ne soit pas
31:12 fondée sur l'identité ethnique ou religieuse.
31:16 Et pour ça, il fallait investir ce que les hommes avaient en commun, autrement dit, la
31:20 raison et la capacité de création, pour créer leur propre référence et leur propre loi.
31:25 Et dans cette démarche, il y a eu un appel à l'élévation spirituelle, qu'eux ne
31:31 possèdent pas du tout l'attribut.
31:32 L'attribut, finalement, avoir des bêtes humaines, ce n'est pas très important,
31:37 puisque ce qu'on apprend, c'est à utiliser leur pulsion pour marquer de la puissance.
31:42 Voilà pourquoi, finalement, la justice, elle, elle suppose qu'on s'interpose entre
31:50 la victime et le coupable et que ce soit la société elle-même qui sanctionne.
31:55 Parce qu'une fois que c'est la société qui sanctionne, la vengeance est impossible.
31:58 Vous ne pouvez pas vous en prendre à tout un peuple pour avoir sanctionné un des membres
32:04 de votre tribu.
32:05 Aujourd'hui, c'est justement l'absence de sentiments d'appartenance globale qui
32:09 fait que la justice n'est pas acceptée par ceux qui se sentent appartenir à une
32:14 tribu.
32:15 Et c'est bien le problème que nous affrontons.
32:16 Donc, logique de vengeance, en sauvagement, recul de la justice, nous vivons ce que décrit
32:21 le président de la République, un phénomène de décivilisation.
32:24 Oui, tout à fait.
32:25 Max Weber a expliqué le processus de civilisation par deux mouvements.
32:29 Le monopole de la violence légitime appartient à l'État et le refoulement de cette même
32:34 violence est obligé des individus.
32:35 Il s'agit en fait de favoriser l'autocontrôle, l'idée qu'un homme, ça s'empêche.
32:42 Si en revanche, vous favorisez l'idée qu'un homme, ça impose sa puissance et si vous avez
32:47 sur le même territoire les deux logiques qui s'affrontent, alors là, vous n'avez
32:51 plus de nations en commun.
32:53 Et c'est bien ce qui est en train de se passer sous nos yeux.
32:56 Merci Céline.
32:57 Vous êtes d'accord avec ça, Jean-Sébastien Ferjou ? Le meurtre de ce septuagénaire,
33:01 ça participe de ce phénomène de décivilisation décrit par le président de la République
33:05 ?
33:06 En tout cas, je suis tout à fait d'accord avec l'idée qu'il y a une émotion en France
33:10 des raisons assez proches de ce que disait, enfin, les raisons qu'exposait Céline tout
33:14 simplement parce que chacun peut se projeter dans ce cas-là.
33:17 Mais il y a aussi la mort, je vous en parlais hier, de ce jeune homme Miloud Serviables
33:21 dans un quartier à Toulouse.
33:22 Même chose avec son père qui ne comprend pas pourquoi quand c'est quelqu'un qui était
33:27 sur une trajectoire de délinquance, ça provoque des révoltes et pourquoi quand c'est quelqu'un
33:32 qui ne posait aucun problème dans les mêmes quartiers, sous leur fenêtre, ça ne provoque
33:35 rien.
33:36 Maintenant, juste d'un mot quand même, je trouve qu'il ne faut pas oublier la dimension
33:39 spécifique de la mort de Naël Marzouk qui est quand même le fait qu'on n'est pas censé
33:45 mourir sous les coups d'une institution républicaine et qu'à titre personnel en tout cas, moi
33:49 j'ai trouvé troublant, on verra bien ce que la justice en dit, mais le fait qu'on ait
33:52 l'impression que sans la vidéo, les déclarations de la police auraient été différentes et
33:56 que peut-être les policiers auraient menti.
33:58 Et ça, dans la République, quand vous avez une parole assermentée, je trouve que, en
34:03 tout cas moi, je trouve que ça justifiait, au-delà de la tragédie elle-même, bien
34:08 sûr que personne ne devrait mourir à 17 ans, ça justifiait quand même que tout le monde
34:12 s'en émeute, évidemment pas que tout le monde, et c'est ce que vous décriviez ou
34:15 ce dont je parlais avant, qu'un clan se sente obligé de venger l'honneur du clan et surtout
34:21 d'être dans la vengeance du clan plutôt que dans la recherche de justice.
34:24 Oui, mais c'est là où on a une sorte d'instinct bestial lié à ce principe du clan tel que
34:29 Céline vient de le développer parfaitement.
34:32 C'est-à-dire que là, soudain, ces jeunes se sont dressés et ont enflammé autour d'eux
34:38 parce qu'ils estimaient que leur clan avait été attaqué, que leur identité imaginaire
34:45 était frappée, mais ils n'ont pas le sens de l'ensemble de la nation.
34:49 Pour eux, la citoyenneté n'existe pas.
34:52 On est dans un moiget de boursouflure à plusieurs et par conséquent, si ce moiget en boursouflure
34:59 sans qu'il y a quelque chose qui le menace, viscéralement, on jaillit et on est capable
35:07 de tous les débordements car on n'a pas eu l'incubation de ces principes philosophiques,
35:14 de ces principes moraux qui sont ceux de la République.
35:17 Et l'indigénisme, l'écriture inclusive et l'islamisme tel qu'il se développe et
35:24 se déploie aujourd'hui dans les banlieues fait que c'est ça que nous enracinons.
35:29 Alexandre Devecchio, pour revenir à ce sceptuagénaire qui a été battu à mort par un jeune de
35:35 17 ans, est-ce que vous diriez que ce jeune était effectivement décivilisé ?
35:39 C'est le minimum, désintégré, désassimilé, désaxé d'une certaine manière en tout
35:45 cas.
35:46 C'est quoi la civilisation ? C'est la civilité d'abord.
35:49 Là, il n'y a non seulement aucune civilité, mais il n'y a pas les repères élémentaires.
35:54 Ça s'inscrit dans une crise de l'autorité profonde, dans une crise de la famille, de
36:00 tout ce qui crée des liens dans la société.
36:03 Apparemment, il ne les avait pas intégrés, ce jeune homme.
36:08 Donc oui, à mon avis, l'expression me paraît très bien choisie.
36:11 Nous reviendrons sur la mort de ce sceptuagénaire évidemment dans nos prochaines éditions
36:16 et notamment dans Soir Info à partir de 21h.
36:19 Marc Menand, à présent, votre chronique, vous allez revenir sur l'affaire Dreyfus,
36:25 puisqu'il y a 88 ans, le 11 juillet 1935, c'est Ténier, celui qui avait déchiré
36:32 la France à la fin du 19e siècle, le capitaine Dreyfus, condamné pour haute trahison.
36:37 La célèbre affaire Dreyfus qui a brisé cet homme, qui n'a cessé durant sa vie de
36:42 se remémorer les événements qui l'ont terrassé.
36:46 Et c'est ce que vous nous racontez ce soir, Marc.
36:47 Dreyfus est obsessionnel.
36:49 Il les barattait, ces scènes innommables qu'il avait dû vivre.
36:54 Et quand il disparaît, c'est après cet éteint, lentement, lentement, lentement.
37:00 Et les derniers investissements de vie qui avaient été les siens, c'était au moment
37:06 de la guerre de 1914 où il avait été réintégré dans l'armée.
37:10 C'était distingué au Chemin des Dames et à Verdun.
37:16 Et cet homme, de par l'action qu'il avait menée, non seulement s'était montré
37:21 à la hauteur de ce qu'il était à l'origine, à savoir un brillant officier extrêmement
37:26 bien noté, mais en plus on lui avait accordé la Légion d'honneur.
37:31 On aurait pu penser que c'était suffisant pour faire oublier tout le reste.
37:36 Non, le reste était trop infâme.
37:38 Comment ça commence ? Eh bien, il a 35 ans.
37:41 Il a réussi des études extrêmement brillantes.
37:43 Il est né dans une famille où l'opulence lui permettait de vivre sans souci.
37:48 Épousé lui-même, une femme avec laquelle il était en connivence des enfants.
37:53 Et la position d'officier tellement bien notée qu'il est déjà placé à l'état-major.
38:01 Et il n'imagine pas ce qu'il va lui dégringoler dessus lorsque le 5 octobre 1894, il reçoit
38:11 l'ordre de se présenter au bureau du chef de l'état-major, à savoir le général
38:18 Boisdef.
38:19 On lui demande d'être présent dès 9h du matin et de se présenter en civil.
38:26 Il s'est étonné malgré tout de cette exigence, mais il a le sens de l'obéissance, je vous
38:33 ai dit, c'est un officier qui se distingue de par ses capacités à la réflexion, mais
38:39 aussi son sens de la discipline.
38:41 Et le voilà qui marche dans Paris vers le bureau de l'état-major.
38:46 On est au petit matin, le soleil s'est levé, les oiseaux chantent, quelques mouettes également
38:52 qui sont au-dessus de la scène.
38:54 Il a l'impression d'être dans une légèreté, que la vie lui fait des clins d'œil, qu'il
39:00 est peut-être appelé devant le chef d'état-major pour connaître une promotion.
39:06 Et quand il arrive, on lui dit que le général n'est pas là, il est reçu par le commandant
39:12 Dupati de Clame.
39:14 Ce qu'il ne sait pas, c'est que le commandant Dupati de Clame, depuis quelques jours, enquête
39:21 sur le capitaine Dreyfus.
39:24 Pourquoi enquête-t-il ? Eh bien parce qu'il y a une trahison au sein de l'état-major.
39:29 Il y a une petite femme de ménage, elle travaille à la fois à l'ambassade d'Allemagne et
39:34 puis également à l'état-major.
39:37 Elle a récupéré, on peut penser que l'investigation d'être aux aguets pour repérer quelques
39:46 informations qu'elle butinerait et les transmettrait après à l'état-major, mais elle repère
39:53 des éléments qui ont été déchirés dans une corbeille et qui montrent qu'il y a un
39:57 traître à l'état-major.
40:00 Et très rapidement, eh bien on conclut que c'est notre Alfred Dreyfus qui en est l'auteur.
40:08 Pourquoi ? Ça arrange tout le monde.
40:09 D'abord, il est Alsacien.
40:11 L'Alsace à l'époque, elle est allemande.
40:13 En plus, il a déjà montré qu'il était plutôt très favorable à cette Allemagne
40:18 qui l'aime, ce pays, même s'il est officier français et en plus il est juif.
40:23 N'oublions pas qu'à la fin du XIXe siècle, il y a un antisémitisme extrêmement vivace
40:30 en France.
40:31 C'est lié à quoi ? À la montée des banques.
40:32 Et que trouve-t-on à la tête des banques ? Ce sont les juifs.
40:36 Donc les juifs sont des accaparateurs.
40:38 Ce sont ceux qui sont à l'origine de la misère.
40:41 Et le voilà donc qui est cueilli par le commandant Dupati de Clame qui lui demande de s'installer.
40:50 Il lui dit que le général va arriver dans quelques instants.
40:51 Il lui demande de remplir également quelques feuillets administratifs.
40:56 Peut-être que Dreyfus, à ce moment-là, se dit que oui, la bonne surprise d'attendre
41:01 qu'il va connaître une promotion.
41:02 Et puis, soudain, le commandant lui dit écoutez, le général ne tardera pas.
41:09 Il se trouve que j'ai une lettre à écrire.
41:12 Je me suis blessé aux doigts.
41:15 Accepteriez-vous de prendre cette lettre sous la dictée ? Bien évidemment, dit le
41:21 capitaine Dreyfus, même si la manœuvre n'est pas très claire dans son esprit, il se prête
41:27 au jeu.
41:28 Et le voilà qui écrit soudain le commandant qui lui dit votre main tremble.
41:32 Ma main ne tremble pas.
41:35 Il continue d'écrire sous la dictée.
41:37 Soudain, le commandant lui dit je vous arrête pour haut trahison.
41:42 Et deux hommes qui se trouvaient dans un recoin du bureau lui suit le dossier.
41:47 Il est ceinturé et conduit à la prison du Cherchemidi, lieu lugubre où aussitôt on
41:55 le place dans une cellule.
41:57 Il est privé de tout contact avec l'extérieur.
42:01 Haute trahison, haute trahison, haute trahison.
42:04 Il tombe fou.
42:05 Il y a un gardien qui le surveille.
42:08 Interdiction de lui parler.
42:10 Et pendant quelques jours, ce n'est que du bouillon qui lui est servi avec un petit
42:15 vin légèrement sucré.
42:17 Pas moyen de contacter son épouse.
42:21 Et il tombe dans une sorte de démence.
42:24 Il y a des instants où il est pris par des rires incroyables.
42:28 Et puis après il se tape la tête contre les murs.
42:30 Il pleure.
42:31 Et arrive dans cette nécessité d'enquête un beau matin, M. Bertillon.
42:39 M. Bertillon, c'est celui, vous savez, qui a inventé les empreintes digitales.
42:43 Et lui aussi, il lui demande de se prêter un jeu d'écriture.
42:47 Et il conclura qu'effectivement, c'est bien le capitaine Dreyfus qui est à l'origine
42:53 de cette trahison.
42:54 Et le voilà donc condamné à attendre un procès devant le conseil de guerre.
43:00 Ce sera à la fin du mois de décembre.
43:04 Et ce procès est inique, bien évidemment.
43:06 Il a pour avocat de manche, c'est un homme brillant, une belle éloquence.
43:11 Et qui croit qu'il obtiendra la libération de Dreyfus.
43:16 Mais tout est truqué.
43:17 Et en réalité, on l'écoute à peine plus grave que ça.
43:21 Au moment du délibéré, on donne à ce tribunal, qui est un tribunal militaire, un dossier
43:27 secret auquel, et bien de manche, n'a pas eu accès.
43:32 Donc il lui manque des informations.
43:34 Et quand, quelques heures plus tard, la nouvelle de la sentence tombe, c'est la condamnation.
43:41 Et cette condamnation, et bien c'est la dégradation et le bagne.
43:47 La dégradation a lieu le 5 décembre.
43:51 Il voit venir une escouade, quatre soldats avec un adjudant, et on le conduit à l'école
43:59 militaire.
44:00 Et à l'école militaire, il y a là tout l'aéropage, le général Darras sur son cheval.
44:06 Lui, on a arraché tous ses galons, on a fait semblant de les recoudre pour que l'adjudant,
44:11 qui va lui enlever ses décorations, si je puis dire, déjà celles qui lui auréole
44:20 son uniforme, les galons, tout est arraché.
44:22 On brise son sabre.
44:24 Et dans la presse, on le traite de traite.
44:28 Il est là, il essaie de garder une dignité.
44:30 Il sera conduit au bagne.
44:32 Pendant quatre ans, il va subir l'horreur.
44:35 L'horreur de l'isolation la plus totale à l'île du diable.
44:40 On fait même en sorte qu'il ne puisse pas avoir de café.
44:43 On lui donne des grains de café, mais qui sont des grains de café vert.
44:46 Il faut pour lui trouver un peu de bois pour faire chauffer un morceau de métal et tenter
44:52 de griller ce café.
44:53 Les conditions sont épouvantables.
44:55 On connaît la suite.
44:56 Il revient en France.
44:59 Notre Émile Zola qui obtiendra la réouverture du procès avec le j'accuse.
45:06 Et pendant la guerre, je vous l'ai dit, n'oublions pas que quand Zola est porté au Panthéon,
45:13 et bien nous avons Dimitri.
45:16 Dimitri, qui est un journaliste du Gaulois, qui lui tire dessus.
45:22 Il est blessé.
45:23 On voulait sa mort, mais Dimitri, lui, et bien sera relaxé.
45:27 Merci beaucoup Marc.
45:29 Est-ce que vous diriez très rapidement, Jean-Sébastien Ferjou, que cette affaire Dreyfus a laissé
45:33 des traces, y compris jusque dans notre société et dans notre vie politique actuelle ?
45:38 Bien sûr, le fameux j'accuse de Zola, tout le monde l'a en tête.
45:45 Après, c'est aussi une référence qui est malheureusement détournée.
45:48 Regardez un certain nombre de gens ont comparé ces jours-ci encore l'affaire de la mort
45:53 tragique de Nahel à une affaire Dreyfus, ce qui n'a strictement, mais vraiment strictement,
45:58 rien à voir.
45:59 Quand bien même la responsabilité de la police serait-elle établie, il n'y a pas un complot,
46:03 il n'y a pas une volonté, il n'y a pas une hostilité, il n'y a pas un racisme qui justifiait
46:06 l'action des policiers.
46:08 Donc oui, ça a été la cause de beaucoup d'engagement.
46:11 Mais comme souvent en matière d'histoire, il ne faut pas non plus comparer n'importe
46:15 quoi à n'importe quoi.
46:16 Venons-en à présent au dernier thème abordé dans ce Face à l'info avec vous, Alexandre
46:21 Devecquie.
46:22 De Valérie Pécresse, qui a débattu aujourd'hui de son plan aménagement de l'île de France
46:29 en annonçant notamment une clause anti-ghetto, une clause qui vise à freiner la production
46:34 de logements sociaux dans les communes qui en détiennent déjà plus de 30%.
46:38 L'objectif, c'est évidemment d'éviter de créer des zones de paupérisation.
46:43 Est-ce que cela vous semble être un bon moyen de casser les ghettos, Alexandre ?
46:48 D'abord, il faudrait savoir ce qu'on entend par ghetto.
46:52 Valérie Pécresse parle de zone de paupérisation.
46:56 On entend dès lors ghetto social.
46:57 Est-ce que ce sont des ghettos sociaux ou est-ce que ce sont des ghettos culturels ?
47:02 Peut-être un peu des deux, mais je ne crois pas comme Sandrine Rousseau, si vous voulez,
47:07 que les émeutes ont été posées simplement par la pauvreté.
47:12 Sinon, les émeutiers n'auraient pas brûlé tout ce qui leur permettait justement de pouvoir
47:17 sortir de là, à commencer par les écoles, mais aussi les bibliothèques.
47:22 On voit bien qu'ils se sont attaqués aux symboles de la France.
47:25 Il y a même eu des drapeaux brûlés.
47:27 Il y a également le mémorial de la résistance et de la déportation qui a été souillé.
47:33 Je ne crois pas que c'était totalement un hasard, puisqu'il y a eu des tags sur la Shoah
47:37 qui ont été faits.
47:38 Donc, je crois que ces émeutes ont illustré une fracture culturelle.
47:43 Et on est bien en présence tout autant de ghettos sociaux que de ghettos culturels.
47:48 Vous allez me dire quel est le rapport avec les logements sociaux.
47:54 Eh bien, on sait que les logements sociaux sont des pompes aspirantes à l'immigration,
48:00 qu'il y a une concentration des populations dans les mêmes quartiers.
48:04 Un chiffre, 11% des Français sans ascendance étrangère ont un logement social contre
48:10 35% d'immigrés, parmi eux 53% pour les immigrés d'Afrique subsaharienne et 50% pour les Algériens.
48:17 Dès lors, si on veut éviter des concentrations de populations, des regroupements, ça me
48:21 paraît effectivement de bon sens de limiter les logements sociaux au même endroit.
48:26 Bien évidemment, ça ne suffit pas.
48:28 Ça doit s'inscrire dans une vision globale.
48:30 Alors précisément, qu'est-ce qu'il faut faire de plus selon vous si ça ne suffit pas ?
48:33 Vous l'avez compris, la question de l'immigration est centrale.
48:38 Il faut commencer par suspendre les flux parce que s'il y a des regroupements de population,
48:43 c'est parce que les flux sont trop importants.
48:45 Si on veut de la mixité sociale, de la mixité culturelle, ça commence par maîtriser l'immigration
48:52 parce que vous pourrez mettre en place toutes les politiques d'assimilation du monde,
48:56 vous n'y arriverez pas si il y a une concentration des mêmes populations au même endroit,
49:00 s'il y a une population homogène.
49:02 Ensuite, il y a une question qui n'est jamais abordée, c'est celle du clientélisme des
49:06 élus locaux en banlieue.
49:09 Beaucoup d'élus locaux s'aident au communautarisme parce que ça permet d'avoir plus de voix,
49:16 tout simplement.
49:17 Ça permet d'acheter la paix sociale, ça permet d'acheter des agents électoraux.
49:20 Un seul exemple, mais il y en aura beaucoup, celui de Jean-Christophe Lagarde, ancien
49:25 maire de Dorancy.
49:26 Il y avait un livre d'Ezethel, le maire et les barbares, qui expliquait qu'il avait
49:32 pactisé avec le gang des barbares, qui était à l'origine du meurtre d'Ilan Halimi.
49:38 Ça, c'était pour un exemple.
49:40 Il y a un autre, à mon avis préalable, c'est d'en finir avec un antiracisme qui est devenu
49:44 mortifère, qui enferme justement les individus à résidence identitaire et qui, à force
49:50 de répéter que la France est raciste, fait que les gens sont de plus en plus paranoïaques
49:54 et sont défiants évidemment à l'égard de la France.
49:56 Il y a évidemment la refondation de l'école.
49:58 On doit mettre le paquet sur la transmission de la culture et de l'histoire, justement
50:02 recréer une culture collective, éviter les cultures particulières.
50:06 Peut-être qu'on peut aussi créer un service national, mais il faut qu'il soit réellement
50:10 obligatoire et qu'il soit d'une durée de six mois, sinon ça n'a pas de sens.
50:14 Est-ce qu'on pourrait aussi éventuellement s'inspirer d'exemples étrangers qui auraient
50:18 fonctionné ?
50:19 Effectivement.
50:20 Alors, vous allez finir par croire que c'est une mode, mais le Danemark, là aussi, est
50:26 assez précurseur.
50:27 En mai 2018, il a adopté un plan ambitieux pour assimiler les minorités et combattre
50:31 la délinquance et l'islamisation dans les zones de non-droit.
50:35 Un plan justement intitulé "Un Danemark sans société parallèle, plus de ghetto en 2030".
50:40 C'est très intéressant.
50:41 Ils définissent précisément le terme "ghetto".
50:43 C'est le seul pays à le faire.
50:45 Ils disent que celui-ci se caractérise par un taux de 50% d'habitants d'origine non-occidentale.
50:50 Ils parlent bien d'origine non-occidentale, pas seulement des derniers arrivés.
50:54 Mais ils parlent aussi d'origine non-occidentale, qui est un pays qui est très bien réunité
50:58 par un pourcentage élevé de criminalité, un fort taux de chômage et de faible revenu.
51:03 Et le plan prévoit justement une série de mesures ciblées visant les étrangers.
51:07 La limitation à 30% d'enfants d'immigrés dans les écoles, l'interdiction aux personnes
51:12 détentrices d'un casier judiciaire d'avoir accès à un logement social, des peines deux
51:17 fois plus lourdes pour les caïds de banlieue, l'obligation pour les étrangers d'inscrire
51:20 en langue et les valeurs danoises, les absences à l'école et aux examens pourront être
51:24 sanctionnées par des baisses d'allocations sociales, et les parents ne seront pas autorisés
51:30 à envoyer leurs enfants dans leur pays d'origine pour se détourner de l'éducation danoise
51:34 ou les marier sous peine de 4 ans de prison.
51:40 Je cite le texte très précisément, on voit que ce sont des mesures extrêmement fermes.
51:47 Pour être tout à fait honnête, on ne peut pas les prendre aujourd'hui dans le cadre
51:50 actuel puisque le Danemark au moment du traité de Maastricht avait voté dans un premier
51:55 temps non au traité de Maastricht, du coup il a négocié des clauses dérogatoires,
52:00 donc en réalité si on veut mettre en place ce type de politique en France, il faut qu'il
52:04 y ait une évolution de la législation européenne et sans doute un bras de fer finalement entre
52:08 l'État français et la Commission européenne.
52:10 Ensuite, ce qui est très intéressant, je vous ai dit, ces mesures sont extrêmement
52:12 fermes.
52:13 Je ne dirais pas que ce soit des mesures qui ont été prises par des sociodémocrates
52:16 au Danemark en consensus d'ailleurs avec la droite classique et la droite populiste.
52:20 Je pense qu'en France, ces mesures seraient malheureusement classées à l'extrême droite.
52:24 Merci beaucoup Alex.
52:25 On a salué depuis une question.
52:27 C'est vrai qu'en France, personne ne s'est véritablement attaqué au fait de casser
52:31 ces ghettos et pourtant aujourd'hui ça saute aux yeux, c'est quelque chose qui paraît
52:35 absolument indispensable.
52:36 La question c'est est-ce qu'on a les moyens de les casser ? C'est-à-dire aujourd'hui
52:42 la France connaît une crise du logement, on a de vrais problèmes d'ailleurs pour
52:46 bâtir et pour loger déjà toute la population, y compris les classes moyennes.
52:50 Comment voulez-vous casser des ghettos quand vous ne savez pas que faire des populations
52:54 qui sont à l'intérieur ? Ça c'est la première chose.
52:57 Et la deuxième chose, c'est qu'aujourd'hui ces populations assurent le pouvoir d'un
53:01 certain nombre de maires, d'élus locaux, voire d'élus nationaux.
53:05 Donc pourquoi voulez-vous qu'ils sient la branche sur laquelle ils sont assis ? On
53:09 a un vrai souci aujourd'hui qui est le fait que certains construisent toute leur carrière
53:15 sur une base de clientélisme.
53:17 Une fois qu'ils arrivent à un niveau national, ils ne peuvent pas casser ce qui les a fait
53:22 rois.
53:23 Ce que j'ai oublié justement sur la question du clientélisme, j'ai dit il faut mettre
53:27 fin au clientélisme, vous allez me dire comment.
53:30 Il y a des pays où il y a une mise sous tutelle de certaines communes pour des raisons souvent
53:36 économiques.
53:37 Pourquoi les préfets ne pourraient pas le faire quand ça concerne la cohésion nationale.
53:42 Je pense qu'il va falloir en passer par des mesures aussi radicales.
53:46 Peut-être qu'on oublie quelque chose aussi dans l'équation, c'est tout simplement
53:49 la croissance économique.
53:50 Parce que le meilleur moyen d'intégration, ça reste l'intégration sur le marché du
53:53 travail.
53:54 Quand vous regardez l'exemple américain, personne ne comprenait pourquoi les salaires
53:58 ne baissaient pas alors qu'ils étaient déjà à un taux de chômage très bas.
54:01 Parce qu'il y avait des gens qui étaient encore sur les côtés du marché du travail.
54:04 Et là ça y est, ils sont en train d'intégrer les migrants.
54:07 Sauf que ce qu'il nous a annoncé, c'est une crise de la prospérité et l'impossibilité
54:11 de continuer à rêver d'un monde en croissance alors que tout ce qui permet de nous donner
54:15 de l'énergie est en train de s'étendre.
54:16 On n'aura pas d'état de providence en un temps quand on aura l'immigration, ça c'est
54:19 une réalité.
54:20 Merci à tous les quatre d'avoir participé à ce Face à la Faux.
54:24 On se retrouve demain évidemment.
54:25 J'espère que vous serez fidèles au rendez-vous.
54:28 Vous l'avez été en tout cas depuis le début de la semaine.
54:30 Et je vous en remercie.
54:31 Dans un instant, vous avez rendez-vous avec l'heure des pros, Eliott Deval.
54:33 Et quant à moi, je vous retrouve à 21h avec un très grand plaisir dans Ce soir Info.
54:38 A tout à l'heure donc.
54:39 Merci.
54:39 ...