Catholiques français : pourquoi faut-il être romain ? : En Quête d’esprit (Émission du 25/06/2023)

  • l’année dernière
Tous les dimanches, Aymeric Pourbaix et ses invités abordent l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique dans #EQE

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Bonjour à tous, bienvenue dans Enquête d'Esprit.
00:02 En septembre prochain, le pape François sera à Marseille.
00:05 Il devrait rencontrer Emmanuel Macron pour la quatrième fois.
00:09 La première, c'était il y a cinq ans, jour pour jour, le 26 juin 2018,
00:13 lorsque le président français avait pris son titre de chanoine d'honneur
00:17 de la basilique romaine du Latran.
00:19 Mais de son côté, le pape François n'a pas souhaité, lui,
00:22 faire une visite d'État en France, contrairement à Benoît XVI.
00:25 Et Jean-Paul II, est-ce le signe que les relations entre la France et Rome,
00:28 la cité des papes, sont distendues ?
00:30 Pourtant, ces liens sont anciens, depuis que la France est France,
00:34 en quelque sorte, mais les catholiques français, rois en tête,
00:37 ont aussi été tentés par une forme de résistance à Rome,
00:40 sans jamais tomber dans la rupture, comme les Anglais,
00:43 ou aujourd'hui, les Allemands.
00:44 La France est-elle donc une fille aînée de l'Église, bien peu fidèle,
00:48 comme l'a dit le souverain pontife ?
00:50 Nous partons à la découverte de cette histoire passionnante
00:53 à l'occasion de la fête de Saint-Pierre, jeudi prochain.
00:55 C'est le premier pape, mort martyr à Rome,
00:57 et sa fille spirituelle, Sainte-Pétronille, est honorée en France.
01:02 Avec moi, Véronique Jacquet. Bonjour Véronique.
01:04 - Bonjour à tous.
01:05 - Qui seront donc nos invités pour parler de cette histoire passionnante ?
01:08 - Eh bien, l'écrivain Christiane Rancet,
01:10 auteur de "Bella Italia" aux éditions Talendier.
01:13 Il y a aussi Geoffroy Caillé, en face de moi,
01:15 rédacteur en chef du Figaro Histoire.
01:16 Et puis à mes côtés, Martin Dumont,
01:18 historien, auteur de "La France dans la pensée des papes".
01:21 - Voilà, et puis cette émission, vous le savez,
01:23 est en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
01:26 Tout de suite, les infos, Éloi Rochebrune.
01:28 Bonjour Éloi, et on commence par parler avec vous
01:42 de la liberté religieuse dans le monde.
01:45 - Bonjour Aymeric, bonjour à tous.
01:46 Selon un rapport de l'Aide à l'Église en Tétresse,
01:49 publié cette semaine, 62 pays sur 192
01:53 sont le théâtre de discrimination et de persécution
01:56 à l'encontre des religions.
01:58 Monseigneur Dhabire, évêque au Burkina Faso,
02:01 a témoigné du climat de terreur
02:03 dans lequel vit la communauté catholique dans son pays.
02:06 Le récit de Sandra Tchoumbo.
02:07 - Le rapport dresse un constat sans appel.
02:11 La liberté religieuse s'est fortement dégradée
02:14 ces dernières années, et plus particulièrement en Afrique,
02:16 à cause de l'expansion djihadiste.
02:18 Monseigneur Dhabire, président de la Conférence des évêques
02:21 du Burkina Niger, le vit au quotidien.
02:23 Plusieurs de ses fidèles sont déjà tombés sous les balles
02:26 à cause de leur foi.
02:27 - Le témoignage de ce fidèle qui a perdu la vie
02:30 parce que les terroristes lui avaient intimé l'ordre
02:35 de retirer la croix qu'il portait,
02:39 et il l'a refusé en répondant qu'il avait toujours
02:43 porté cette croix et pour rien au monde,
02:45 il ne s'en séparerait.
02:47 Devant cette résistance, les terroristes l'ont abattu.
02:52 - Depuis 2021, le prélat ne se déplace plus qu'en hélicoptère
02:55 car les routes sont contrôlées par les djihadistes.
02:58 - Aujourd'hui, je crois que nous avons tous besoin,
03:01 en France ici aussi, d'être ferme dans la foi,
03:05 d'assumer notre foi.
03:08 C'est cela qui pose parfois problème
03:11 chez beaucoup de chrétiens catholiques.
03:13 - Sur les 28 pays du monde où la liberté religieuse
03:16 est menacée par des persécutions, 13 se trouvent en Afrique.
03:20 - Henri, le héros au sac à dos qui s'est interposé
03:23 lors de la tuerie d'Annecy, a repris son pèlerinage
03:26 des cathédrales.
03:27 Nous l'avons suivi entre l'abbaye de Hautecombe
03:30 et la cathédrale de Belay dans l'Ain.
03:31 Il s'est confié sur le sens de cette marche
03:33 à notre journaliste Charles Bagé.
03:35 - Bien sûr, les cathédrales sont des symboles très forts
03:38 du combat entre le bien et le mal,
03:41 pour la simple et bonne raison que c'est le temple
03:46 d'un trésor caché qui s'appelle le Christ,
03:48 que c'est des temples construits par les hommes,
03:50 avec des moyens d'hommes,
03:52 tout au service de la vérité qu'est le Christ.
03:57 Ces bâtiments gratuits sont le signe d'un amour
04:03 inconditionnel des hommes envers leur créateur,
04:06 de la société envers son créateur.
04:08 Dans ce sens-là, ce sont des fleurons d'un combat
04:13 peut-être plus eschatologique qu'on connaît
04:16 entre le bien et le mal à travers le temps.
04:19 88 prêtres vont être ordonnés cette année,
04:21 une forte baisse comparée à l'année dernière
04:24 qui en comptait 122.
04:26 La communauté Saint-Martin compte 7 nouveaux prêtres,
04:29 les Charismatiques du Chemin Neuf, 6,
04:32 et la Fraternité Saint-Pierre et le Diocèse de Paris, 5.
04:36 Blaise Pascal a fêté cette année ses 400 ans.
04:39 Le Pape François lui a rendu hommage
04:41 dans une lettre apostolique.
04:43 Pour lui, et comme pour Laurence Plasenet,
04:45 présidente de la Société des Amis de Port-Royal,
04:48 le mathématicien français est très actuel
04:50 et est un modèle pour ceux qui cherchent la vérité.
04:54 Pascal est aussi l'homme d'un univers
04:57 aussi violent et déchiré que le nôtre.
04:59 Lorsqu'il est jeune, il vit au temps de la Fronde.
05:02 On a déjà dit que c'était le moment d'un grand remplacement
05:05 de la science qui était héritée de l'Antiquité
05:08 par la science moderne.
05:10 Pascal a vécu des guerres politiques,
05:12 des conflits très violents, même en France,
05:15 pendant la période politique, religieuse et économique.
05:19 C'est une période où on a des disettes,
05:21 où la population peut souffrir beaucoup.
05:25 Je ne crois pas que notre monde soit si différent
05:28 du monde du XVIIe siècle.
05:29 Le spectacle-événement La Dame de Pierre,
05:32 en hommage à la cathédrale Notre-Dame de Paris,
05:34 sera présenté pour la première fois
05:36 au Palais des Congrès de Paris du 30 juin au 2 juillet.
05:40 Entrez dans les coulisses de cette déclaration d'amour
05:43 à Notre-Dame de Paris avec Hélène Charpy.
05:47 90 comédiens bénévoles, 400 costumes et 20 musiques originales
05:52 pour un spectacle qui aura pris près de 4 ans de préparation.
05:55 La Dame de Pierre met à l'honneur Notre-Dame de Paris.
05:58 Le projet est né au lendemain de l'incendie.
06:00 J'ai voulu raconter à tous les Français
06:01 qui avaient été bouleversés par l'incendie de Notre-Dame,
06:04 raconter son histoire et lui rendre hommage.
06:05 La Dame de Pierre est avant tout un projet porté
06:08 par des amoureux de la cathédrale Notre-Dame.
06:10 Avec La Dame de Pierre, on fait un pari,
06:12 on se dit que si on veut défendre notre patrimoine demain,
06:14 il faut l'aimer et pour l'aimer, il faut apprendre à le connaître.
06:17 Et c'est ce qu'on fait avec La Dame de Pierre,
06:18 on raconte cette histoire incroyable de Notre-Dame de Paris.
06:20 Le spectacle retrace les 800 ans d'histoire de l'édifice,
06:24 du temps des bâtisseurs de cathédrales jusqu'à l'incendie en 2019,
06:27 en passant par Victor Hugo.
06:30 Après Paris, La Dame de Pierre entamera une tournée nationale
06:33 à Lyon, Lille ou encore Bordeaux.
06:35 Dès l'automne prochain et jusqu'en 2025.
06:37 C'est la fin de votre journal, Emeric.
06:43 C'est à vous pour la suite d'Enquête d'Esprit.
06:45 Merci Eloi.
06:47 Sans la ville de Rome, qui est le cœur de l'Église,
06:49 la France serait-elle encore la France ?
06:52 On en parle aujourd'hui dans Enquête d'Esprit avec Martin Dumont.
06:54 Bonjour.
06:56 Vous êtes historien, auteur de notamment La France dans la pensée des papes.
07:01 C'est publié au Cerf.
07:02 Avec nous également Christiane Rancet.
07:04 Bonjour.
07:05 Vous êtes écrivain, auteur de Bella Italia,
07:07 publié chez Taillandier, un itinéraire amoureux,
07:11 et notamment de Rome.
07:12 Bien sûr, vous nous en parlerez.
07:14 Également avec nous, Geoffroy Caillé.
07:15 Bonjour.
07:17 Vous êtes rédacteur en chef au Figaro Histoire.
07:19 Et ce mois-ci, votre journal fait sa une sur les sources de la civilisation occidentale,
07:25 dont les Romains, bien sûr, vous nous direz.
07:27 Et puis Véronique, vous nous parlerez de la tentation récurrente des rois de France
07:31 de couper le cordon avec Rome.
07:33 Et puis nous serons également, je le signale tout de suite,
07:36 en fin d'émission avec Mgr Athanasius Schneider,
07:39 cet évêque du Kazakhstan, qui nous parlera de l'Église
07:43 et de l'importance de Rome dans l'Église universelle.
07:46 Alors, la France est-elle encore la fille aînée de l'Église ?
07:48 Je vous propose d'écouter et de regarder cette séquence d'Emmanuel Macron au latran.
07:53 C'était en octobre 2022.
07:55 C'était donc la deuxième fois que le chef de l'État français s'y rendait.
07:59 Et regardez, il est visiblement très agréablement surpris.
08:04 - Vous êtes plusieurs de Perpignan ? - Oui, si.
08:07 - Vous êtes bienvenue. - Merci.
08:10 - Vous êtes bienvenue. - Merci.
08:12 - Vous faites bien de venir. - Merci à vous.
08:15 - C'est magnifique. - Oui, c'est magnifique.
08:18 - Je vous laisse. - Merci.
08:20 Il faut aller voir la statue d'Henri IV.
08:23 C'est pour ça que vous savez que je suis là.
08:26 - Je vous montre. - Merci.
08:29 - Avec des amis, tu sais quoi ? - Non.
08:32 - Merci. - Merci à vous.
08:35 Je reviens par amis.
08:38 Au cours de cette même visite, le président français a déclaré
08:42 "des fils invisibles nous unissent en parlant de la France et de Rome.
08:46 Je vous demande de prier pour nous, dirigeants du monde", il l'a dit aux chanoines du latran.
08:50 Et puis on verra aussi s'afficher à l'écran la statue d'Henri IV,
08:55 qui figure à la basilique romaine du latran,
08:59 en signe de ces liens entre la France et Rome.
09:02 Martin Dumont, ça veut dire que les relations entre la France et Rome
09:05 ne sont pas si mauvaises, quoiqu'en dise d'ailleurs le pape François,
09:08 c'était en 2015, en disant "la fille aînée de l'Église, certes,
09:11 mais elle est bien peu fidèle".
09:14 - Bien peu fidèle, oui. - Oui, effectivement.
09:17 Le pape François avait dit...
09:20 On dit en Espagne "la France fille aînée de l'Église",
09:24 mais pas la plus fidèle.
09:27 Il voulait parler simplement de la question religieuse en France,
09:32 et éventuellement aussi d'autres questions politiques
09:35 qui avaient pu entraîner des tensions avec Rome,
09:39 mais des tensions qui ont disparu, quoiqu'on puisse penser.
09:44 De la présidence d'Emmanuel Macron, les relations sont excellentes
09:47 actuellement entre Rome et la France.
09:50 - Et c'est important qu'elles le soient ?
09:53 - Oui et non. Je ne sais pas si on peut dire que c'est important,
09:56 mais en tout cas c'est un héritage du passé,
09:59 et c'est une bonne chose que ces relations soient de nouveau calmes
10:02 et apaisées, tranquilles.
10:05 - Je me souviens notamment que le président Hollande, lui,
10:08 avait refusé de se rendre au latran pour prendre son titre de chanoine,
10:11 comme le font les rois et les présidents français depuis Henri IV.
10:14 - Oui, il y a une conception un peu trop restrictive de laïcité.
10:19 Ça avait déjà été le cas dans les années 70.
10:22 Un président français, c'est Georges Pompidou, je crois,
10:25 qui avait refusé de se rendre à Rome pour obtenir ce titre.
10:30 Par souci, il considérait que la laïcité, sa conception de la laïcité,
10:35 n'allait pas venir chercher ce titre.
10:39 Après, il faut voir qu'il y a le discours officiel,
10:44 et puis les relations telles qu'elles sont, parce que François Hollande
10:47 était quand même allé à Rome, avait rencontré le pape en visite privée,
10:50 et avait tenu à montrer que les catholiques avaient une place
10:53 dans la société.
10:55 - Il y a des éléments aussi structurants dans cette relation,
10:58 notamment le 30 mai dernier, une messe pour la France a été célébrée
11:01 à la Basilique Saint-Pierre, dans la chapelle Sainte-Pétronille.
11:04 Le 13 décembre, une autre messe à la Basilique du Latran,
11:07 cette fois pour la prospérité française, grâce à Henri IV
11:11 et à sa conversion au catholicisme, qui avait été attestée par le pape.
11:14 Les présidents français avaient pris le relais des rois
11:18 pour porter ce titre honorifique.
11:20 Geoffroy Caillé, si on remonte encore plus loin historiquement,
11:23 la France a non seulement été la protectrice des états pontificaux,
11:26 mais finalement un peu la fondatrice, avec notamment Pépin-le-Bref.
11:30 - Oui, la France est présente du début jusqu'à la fin des états pontificaux.
11:34 Au début, il y a le traité de 754, par lequel Pépin-le-Bref,
11:38 père de Charlemagne, s'engage à donner au pape Étienne II
11:42 les territoires qu'il reprend au Lombard, qui assiège Rome.
11:45 Il défait l'emprise des Lombards sur Rome en 756,
11:50 et c'est la naissance des états pontificaux.
11:52 Tous les anciens territoires qui avaient été pris par les Lombards
11:56 deviennent propriété des papes, et ça dure jusqu'en 1870.
12:00 Et bien sûr, on peut dire que le Vatican est quand même un héritier direct
12:03 de ces états pontificaux, depuis les accords du Latran en 1929.
12:06 Et en 1870, qu'est-ce qui se passe ?
12:08 Les oives pontificaux, dont la majorité sont des français,
12:11 sont là en septembre 1770, sous les murs de Rome,
12:14 au moment où l'armée italienne de l'unité
12:18 commence à bombarder les murs de Rome et se bat jusqu'au bout pour le pape.
12:22 Ils y auraient tous laissé leur vie si le pape n'avait pas demandé
12:25 à cesser le feu de façon à les préserver.
12:29 Et puis, il faut citer bien sûr aussi dans cette longue histoire,
12:31 le fils de Pépin-le-Bref, Charlemagne, qui a été couronné empereur
12:35 par le pape lui-même en l'an 800.
12:37 Donc, ça montre effectivement les liens très étroits
12:39 qu'il y a pu y avoir entre la France et le cœur de l'Église qui est à Rome.
12:43 Oui, d'ailleurs, il suffit de rentrer dans Saint-Père-de-Rome
12:45 pour tomber sur ce disque de porphyres magnifique
12:47 qui est maintenant au début de la nef de Saint-Pierre,
12:50 qui autrefois se trouvait dans l'abside de l'ancienne Saint-Pierre,
12:52 disque sur lequel, on le sait, Charlemagne s'est agenouillé
12:55 pour recevoir le couronnement des mains du pape à Noël 800.
13:00 Voilà, donc ça montre aussi le pouvoir spirituel finalement de l'Église
13:03 qui s'exerce également sur les rois et les empereurs.
13:05 Christiane Rancet, dans votre livre "Bella Italia",
13:08 vous parlez de l'éternité retrouvée à propos de la ville de Rome.
13:12 Pour quelles raisons ?
13:14 Parce que c'est sans doute la ville et les peuples italiens,
13:17 tous les Italiens, c'est sans doute la ville qui garde ce lien profond
13:22 avec son propre passé.
13:24 L'Église catholique, le Vatican, l'universalité sont nées,
13:29 je dirais, de la présence du passé de l'Empire romain.
13:33 C'est à cause de cet Empire romain que Rome s'installe à Rome,
13:38 le Vatican s'installe à Rome.
13:40 Et ce qu'il y a de merveilleux chez les Italiens,
13:43 c'est qu'effectivement, il n'y a jamais de refus de leur passé.
13:46 Il n'y a pas de question de laïcité ou pas.
13:48 Ils épousent leur histoire, ils ont épousé leur histoire gréco-latine,
13:53 romaine, impériale, l'histoire des Vatican, l'humanisme, la Renaissance,
13:59 les luttes souvent un petit peu très guerrières, on va dire,
14:04 entre les villes et entre ces grandes familles, mais ils ne renient rien.
14:07 C'est l'anti-cancel culture ou auchisme.
14:10 Ils savent qu'ils sont nés de cette histoire et que Rome est née de cette histoire.
14:15 Justement, que la force de Rome et du Vatican a été d'épouser ce qu'il avait précédé
14:20 pour pouvoir mieux irradier sa parole sur le monde.
14:24 Et c'est pour ça, effectivement, qu'il y a toujours cette sensation d'éternité,
14:28 de retrouver une éternité quand on va dans la ville dite éternelle, d'ailleurs.
14:32 Peut-être cela explique-t-il aussi pourquoi, effectivement, la France doit conserver
14:37 ses liens avec Rome, pourquoi il faut être romain, bien sûr.
14:40 On continue cette discussion passionnante après la pub.
14:44 Vous restez en notre compagnie, bien sûr.
14:46 La France, est-elle encore la fille aînée de l'Église ?
14:51 On en parle aujourd'hui dans Enquête d'Esprit avec nos invités Martin Dumont.
14:54 La France dans la pensée des papes s'est publiée au Cerf avec Christiane Rancet,
14:58 Bella Italia aux éditions Taillendier, Geoffroy Cayet qui est rédacteur en chef
15:02 au Figaro Histoire, Véronique Jacquier qui nous parlera des rois de France
15:05 un peu rebelles par rapport à l'Église de Rome.
15:08 Et puis, en fin d'émission, nous serons en compagnie de Mgr Schneider
15:11 qui nous parlera de l'Église de Rome et puis des catholiques français
15:14 qui ont peut-être besoin d'être confortés pour cette émission, je le rappelle,
15:18 en partenariat avec France Catholique.
15:20 Alors, qu'est-ce que Rome a apporté à la France, à la civilisation
15:24 de manière plus générale ?
15:25 Geoffroy Cayet, en 2004, vous le rappelez dans votre numéro
15:29 du Figaro Histoire consacré aux sources de la civilisation occidentale,
15:32 la France en 2004, présidée par Jacques Chirac, refuse d'inscrire
15:35 les racines chrétiennes de la France dans le projet de constitution européenne.
15:39 Déception évidemment du Saint-Siège.
15:41 Du coup, vous vous prenez un peu le contre-pied dans votre numéro
15:45 et vous rappelez ce que nous devons à cette antiquité gréco-romaine
15:48 et notamment dans l'expansion de la religion catholique.
15:51 C'est un peu la phrase de l'écrivain Charles Péguy.
15:53 Les légions romaines avaient marché pour lui, c'est-à-dire lui, le Christ.
15:57 Oui, le laic antique à l'Occident est absolument immense.
16:00 Il a transité par Rome, parce qu'au départ, c'est un laic
16:05 qui est essentiellement grec.
16:06 Mais à côté du droit, de la philosophie, de la politique,
16:09 de la religion, de la statuaire, on trouve comme héritage le christianisme
16:13 parce que le Christ est né dans la Judée occupée par les Romains
16:16 et si tout, évidemment, la moelle du christianisme est juive
16:21 et correspond à l'histoire et à la religion du peuple juif,
16:23 elle s'est propagée dans l'Empire romain, elle est devenue romaine
16:27 et le meilleur exemple de ça, c'est finalement les voyages de Saint-Paul.
16:31 Saint-Paul, citoyen romain, né à Tarse, qui s'est déplacé
16:36 dans tout le bassin méditerranéen au fil de ses nombreux voyages
16:39 en bateau, à pied, grâce aux moyens que lui a offerts l'Empire romain.
16:44 D'abord les routes, les fameuses routes romaines, et puis les ports maritimes.
16:48 Saint-Paul fait le tour du bassin méditerranéen en profitant des moyens
16:53 offerts par l'Empire. On sait qu'il va mourir à Rome,
16:56 quelques années après Saint-Pierre.
16:58 Et donc tout ce christianisme primitif s'est développé avec les moyens
17:03 que lui offrait l'Empire et puis après l'appui politique
17:06 que lui ont offert aussi les empereurs.
17:08 Est-ce que c'est cela, Christiane Rancet, que les Français,
17:11 notamment les catholiques français, viennent chercher à Rome ?
17:14 Cette vision à 360 degrés, l'universalité, à l'image de cette place Saint-Pierre
17:18 avec ses bras étendus, c'est finalement ça, Rome ?
17:22 C'est l'universalité contre une certaine forme de sectarisme
17:26 ou de repli peut-être parfois qui peut exister ?
17:29 Oui, ça a été la pensée sans doute de Saint-Paul,
17:32 la plus révolutionnaire qu'il soit.
17:35 Ni maître, ni esclave, ni juif, ni grec, ni homme, ni femme.
17:42 Donc c'est Rome qui va effectivement au cours des siècles
17:46 cristalliser cette idée.
17:49 Pourquoi Rome ? Vous l'avez très bien dit aussi,
17:51 c'est parce que c'était la plus grande métropole de l'Antiquité
17:55 et Saint-Pierre ne s'y trompe pas, Saint-Paul non plus.
17:58 C'est là qu'ils vont parce qu'ils savent que c'est aussi la ville
18:01 qui est celle qui irradie le plus, centralise le plus,
18:05 mais aussi irradie le plus.
18:07 Donc ils vont avoir l'intelligence extraordinaire
18:09 de se servir de ce rayonnement pour faire rayonner cette parole.
18:15 Et cette idée va perdurer au cours des siècles
18:20 et Rome va même après le sac des barbares,
18:24 après cette nuit longue du début du Moyen-Âge,
18:30 ce qui va constituer encore une idée, un voyage commun,
18:38 ce va être ces pèlerinages à Rome sur la tombe de Saint-Pierre
18:43 et ça va être effectivement ces pèlerins qui vont aller dans cette vie
18:47 et repartir avec les idées qu'ils vont y avoir,
18:50 les échanges qu'ils vont y avoir connus,
18:52 les idées qu'ils vont y avoir prises
18:54 et ça va rester effectivement cette espèce de melting pot,
18:59 on dirait aujourd'hui, d'idées de gens et qui continuent.
19:02 Les pèlerinages continuent à être effectivement très importants.
19:05 Véronique ?
19:06 Oui, c'est-à-dire qu'il y a eu la culture gréco-latine
19:09 et là on voit l'avènement d'une nouvelle culture
19:12 qui est quelque part la Romanité, on pourrait l'appeler comme ça ?
19:15 Geoffroy Caillé ?
19:16 Oui, la Romanité, c'est cette culture universelle
19:21 qui vraiment prend naissance sur la tombe de Saint-Pierre.
19:25 Qui est intrinsèque au christianisme, voilà.
19:27 Oui, c'est ça.
19:28 C'est comme les sages.
19:29 Oui, c'est là où vous voyez à quel point,
19:32 c'est Benoît XVI qui a rappelé à quel point le christianisme
19:35 était une religion d'historien.
19:37 C'est toute cette densité de l'histoire
19:39 qu'on trouve dans le cœur vraiment de l'universalisme romain,
19:43 de la naissance du Christ, je le disais, en Judée,
19:46 occupée par les Romains, jusqu'à ce passage des siècles
19:49 et ce que lui ont apporté différentes nations chrétiennes
19:52 aux premiers chefs desquelles la France.
19:54 Alors ce qui est intéressant justement à ce titre,
19:57 une des particularités à Rome, ce sont ce qu'on appelle
19:59 les pieux établissements de la France à Rome et à l'Ourette.
20:02 Alors ça veut dire quoi ?
20:03 Ça veut dire notamment qu'il y a cinq églises
20:06 qui appartiennent à l'État français.
20:09 C'est unique au monde, il me semble.
20:11 Geoffroy Caillé, vous, vous avez passé des années à Rome.
20:14 Comment se fait-il qu'il y ait effectivement
20:16 ces églises françaises qui appartiennent à l'État
20:19 et pourtant qui attirent les pèlerins du monde entier ?
20:22 Parce que depuis Charlemagne, le fils de Pépin le Bref,
20:24 dont on parlait tout à l'heure,
20:26 obligation était faite d'aider les pèlerins
20:30 et la colonie française des pauvres de Rome,
20:33 les pauvres de la colonie française.
20:35 Et donc petit à petit, on a institué des fondations charitables
20:40 chargées de s'occuper de ces personnes,
20:43 des confréries formés de laïcs et de clercs.
20:47 Et tous ces petits pays, ces régions,
20:52 la Lorraine pour Saint-Nicolas-des-Lorrains,
20:56 la Bretagne, Saint-Yves-des-Bretons,
20:58 la grande province de Bretagne.
21:00 On peut les citer, Saint-Louis-des-Français,
21:02 Saint-Claude-des-Bourguignons, la Trinité des Monts.
21:04 La Trinité des Monts.
21:05 Et tous ces cinq...
21:06 On les voit d'ailleurs défiler sur l'écran.
21:08 Ces cinq pays qui ont été petit à petit incorporés à la France,
21:12 la dernière c'est la Lorraine à la fin du XVIIIe siècle,
21:15 et ont chacun une église nationale.
21:18 Et donc la France est représentée à travers ces églises.
21:21 La plus importante c'est évidemment Saint-Louis-des-Français,
21:23 celle qui attire le plus encore aujourd'hui les Français à Rome.
21:26 C'est une grande église et puis elle abrite des merveilles,
21:29 notamment l'étoile du Caravage.
21:31 Et puis la plus spectaculaire peut-être sur la montagne du Pinchot,
21:35 c'est la Trinité des Monts,
21:36 qui remonte à une fondation de Charles VIII,
21:38 qui voulait honorer les minimes lors de Saint-François de Paule,
21:41 qui était venu au secours de son père Louis XI.
21:45 Donc la foi des rois se mêle à ces constructions,
21:48 et ces constructions, ces institutions,
21:51 sont au service au départ des pèlerins et des Français de Rome.
21:54 C'est un cas absolument unique dans la ville.
21:56 On peut faire un cocorico.
21:58 Il y a de quoi être heureux et de voir que vraiment,
22:02 aujourd'hui encore, les pèlerins français ont des points de référence
22:05 très très clairs dans la ville de Rome.
22:07 Et c'est un motif supplémentaire pour eux justement de s'y sentir accueillis.
22:10 Alors il y a des liens spirituels à travers notamment bien sûr ces églises.
22:13 Il y a aussi, Martin Dumont, des liens intellectuels, culturels,
22:17 et notamment à travers les papes du XXe siècle.
22:20 C'est l'objet de votre livre,
22:22 "L'Église dans la pensée des papes",
22:24 "La France dans la pensée des papes".
22:26 Et quels sont ces liens justement ?
22:28 On pourrait citer par exemple Pidouze, le futur Pidouze,
22:31 qui en 1937 à Notre-Dame parle de son amour de l'âme de la France,
22:36 qu'il appelle à se réveiller.
22:37 On est en 1937, il ne deviendra pas plus tard.
22:40 Et comme cela, on pourrait en citer plusieurs
22:43 qui effectivement ont un lien, un attachement à la France.
22:45 Oui, effectivement, quand on parle des relations entre Rome et la France,
22:49 entre les papes et la France,
22:50 on ne peut pas laisser de côté cette espèce de lien charnel
22:55 qu'il y a entre eux, qu'entretiennent les papes avec la France,
23:00 et notamment à cause des formations intellectuelles.
23:04 Vous parliez tout à l'heure du fait que les pèlerins
23:07 viennent à Rome et en repartent chargés d'un poids historique et religieux.
23:13 Je pense par exemple à quelqu'un qui s'appelle Louis Veuillot,
23:16 qui était très connu au 19e siècle.
23:19 Un journaliste.
23:20 Un journaliste, mais qui a beaucoup fait pour la diffusion de la Romanité.
23:24 Le parfum de Rome.
23:25 Le parfum de Rome, exactement.
23:26 On vient à Rome pour se plonger dans cette ambiance extrêmement particulière
23:29 et on repart chargés d'amour pour le pape.
23:33 Mais après, au 20e siècle, je pense par exemple à Pionze,
23:37 qui avait une grande dévotion pour Thérèse d'Elysée,
23:40 qu'il canonise, mais à qui il attribue sa guérison.
23:43 Il était extrêmement malade et il considère que c'est à Thérèse d'Elysée
23:47 qu'il doit sa guérison.
23:49 Alors ça c'est un peu une constante Thérèse d'Elysée,
23:51 parce que l'actuel pontife, le pape François,
23:53 a aussi une dévotion très forte à Sainte Thérèse d'Elysée.
23:55 C'est la sainte préférée de François.
23:56 François a dit "c'est ma sainte préférée".
23:58 Donc effectivement, tout au long du 20e, déjà au 19e,
24:01 mais après au long du 20e siècle,
24:03 les papes entretiennent un lien très particulier avec la France
24:06 à cause intellectuelle.
24:07 J'aurais aussi peut-être cité Paul VI, avec Jacques Maritain,
24:10 puis avec les théologiens français, qu'il connaît très bien.
24:14 En fait, il a assisté Pidouze à la secrétariat d'État,
24:19 donc il a pu voir tous les théologiens passer
24:23 et il est imprégné de culture française.
24:27 - Cécienne Rancet, le parfum de Rome, c'est quelque chose
24:29 qui doit vous parler, j'imagine, parce que de manière personnelle,
24:31 en tout cas dans l'introduction de votre livre,
24:33 "Bella Italia", je rappelle le titre,
24:35 vous nous dites cet attachement, finalement, que vous avez
24:38 à l'Italie de manière générale, mais peut-être à Rome en particulier ?
24:42 - Oui, parce qu'effectivement, il y a cette universalité extraordinaire,
24:46 il y a cette chance qu'on a de renouer avec notre propre histoire,
24:50 parce que l'Italie, c'est le nid et le lieu
24:54 où toute l'histoire occidentale, de la culture
24:57 et de la civilisation occidentale a germé et s'est épanouie.
25:02 On parle évidemment du christianisme,
25:05 mais on peut aussi parler de toutes les idées que le christianisme a enfantées,
25:09 c'est-à-dire l'humanisme, de la Renaissance,
25:13 cette idée effectivement d'universalité, d'un occuménisme,
25:18 d'un dialogue avec les autres religions.
25:21 Vous parliez des intellectuels, mais Emmanuel Mounier,
25:24 avec le personnalisme, a beaucoup influencé cette idée d'un occuménisme,
25:28 puisqu'il était revenu sur ce principe du respect de la dignité humaine.
25:34 Il y a eu aussi Jean Guitton, qui a été un grand ami de Paul VI,
25:40 ou André Frossard, qui était un grand ami de Jean-Paul II,
25:44 donc qui a écrit ce très beau livre sur ces dialogues.
25:46 Il y a effectivement cette permanence, et on le retrouve à Rome,
25:50 parce qu'il n'y a pas à Rome cette espèce de crispation
25:54 qu'on connaît en France, historique.
25:57 À Rome, comme dans toute l'Italie,
26:00 donc à Milho et l'ami de Pépone, même s'ils se fritent un peu,
26:03 ils restent amis, et il y a toujours cette reconnaissance
26:07 de cette dialectique de l'apport de l'un à l'autre
26:10 dans l'idée de notre vie aujourd'hui,
26:13 et des solutions qu'on peut apporter à cette crise.
26:15 Donc il faut aller à Rome de manière régulière
26:17 pour respirer cet air un peu plus pur peut-être
26:19 que celui qu'on respire en France, non ?
26:21 Léonique Jaquet.
26:22 On ne peut pas ne pas songer à la phrase de Jean-Paul II
26:25 à l'adresse des Français et de la France.
26:27 "France, qu'as-tu fait des promesses de ton baptême,
26:29 fille aînée de l'Église."
26:31 Comment faut-il la comprendre, cette phrase, Martin Dumont ?
26:35 Et pourquoi d'ailleurs ne s'adresse-t-on qu'à la France ?
26:38 Pourquoi cette vocation spirituelle ?
26:40 Parce que là, on parle de vocation intellectuelle
26:42 et de partage intellectuel, mais la dimension spirituelle ?
26:45 En fait, il faut voir que Jean-Paul II
26:48 en entretient un lien avec la France qui est très particulier.
26:51 Il était venu en France en 1947,
26:54 quand il était tout jeune prêtre.
26:56 Justement, déjà, on parlait de la France
26:58 comme étant un pays de mission.
27:00 Donc, il a ce souci aussi de réveiller chez les Français
27:04 cette fidélité à leur passé,
27:09 à leur passé notamment spirituel.
27:12 Jean-Paul II a une grande dévotion pour le curé d'Ars,
27:15 pour Thérèse d'Elysieux.
27:17 C'est un pape qui est marial.
27:19 Donc, quand il est tous les voyages, il faut voir...
27:21 Il est venu huit fois en France.
27:22 Il est venu huit fois en France.
27:24 La géographie des voyages de Jean-Paul II en France
27:27 ne sont pas un hasard.
27:29 Il vient à Lyon, il vient à Saint-André,
27:32 il vient à Paris, à l'Institut catholique de Paris,
27:35 il vient au Carme pour rappeler, dans ce discours,
27:38 il rappelle en disant "le martyr des prêtres,
27:40 la fidélité au siège de pierre".
27:42 C'est ça aussi qui est important pour lui de dire
27:44 "Français, n'oubliez pas".
27:47 En tout cas, Français catholiques, n'oubliez pas
27:49 ce que vous devez au centre de la chrétienté.
27:51 C'est Rome qui vient réveiller un peu la foi des Français.
27:56 J'aimerais qu'on s'intéresse aussi,
27:58 parce que cette histoire entre Rome et la France,
28:00 elle a eu aussi des hauts, on en a parlé,
28:02 mais parfois des bas, malheureusement.
28:05 Racontez-nous, notamment Véronique,
28:08 cette tentation récurrente des rois de France
28:11 qu'on appelle le gallicanisme.
28:12 C'est quoi le gallicanisme ?
28:14 C'est l'impression, la tentation de se croire supérieur
28:17 au pape quand on est chef d'État français.
28:20 Le premier exemple, c'est au XIVe siècle,
28:22 un des premiers exemples, peut-être,
28:24 le pape qui se serait fait gifler par l'envoyé de Philippe le Bel,
28:27 menacé d'excommunication, mais il y en a eu d'autres.
28:30 Véronique, racontez-nous.
28:32 Tous les monarques ne sont pas tombés
28:34 dans le piège de cette tentation.
28:36 On peut penser à Saint Louis, bien entendu.
28:38 Mais le gallicanisme, c'est le fait, pour le monarque,
28:41 d'affirmer d'un côté la liberté de l'Église en France
28:45 et de l'autre la supériorité du pouvoir royal
28:47 face aux tentatives d'autorité papale.
28:49 C'était déjà un peu le "en même temps" de l'époque.
28:52 Les rois sont chaque fois sur une ligne de crête
28:55 pour ne pas se laisser dicter une conduite,
28:58 et donc une politique.
29:00 On peut penser à la phrase de Richelieu,
29:02 "L'Église catholique a l'éternité devant elle,
29:05 la survie de la France, c'est un combat de tous les jours."
29:08 Ça reste un peu d'actualité.
29:10 Donc chacun chez soi et les vaches sont bien gardées, si je résume.
29:12 Aucun monarque n'a coupé le lien avec Rome.
29:14 Et ça, c'est fascinant. Pourquoi ?
29:16 On a parlé de la France fille aînée de l'Église,
29:19 tous les monarques se considèrent comme les fils aînés de l'Église.
29:24 Tous ont pris très au sérieux leur sacre à Reims,
29:27 où ils reçoivent l'onction divine.
29:29 Ce jour-là, ils reçoivent d'ailleurs,
29:31 quand ils sont sacrés à Reims, le titre d'évêques du dehors,
29:34 c'est-à-dire évêques hors de la hiérarchie ecclésiastique,
29:37 mais enfin ils ont quand même rang d'évêques,
29:39 donc ça veut dire quelque chose.
29:41 Donc le monarque se considère, par le sacre,
29:44 comme chef temporel de l'Église en France
29:47 et il estime qu'aucune juridiction, même Rome,
29:50 ne peut être au-dessus du pouvoir qu'il tient de Dieu.
29:53 Alors qu'est-ce que ça donne dans le concret ?
29:55 Eh bien par exemple, prenons l'exemple de Louis XIV,
29:58 il avait des relations exécrables avec les papes,
30:01 le monarque absolu,
30:03 et le pays a été au bord du schisme religieux,
30:05 notamment au moment où Bossuet, l'évêque de Maure,
30:08 rédige ce que l'on appelle la déclaration des quatre articles.
30:10 Et ça va très très loin,
30:12 pour dire quelque part à Rome et aux papes,
30:15 "mêlez-vous de vos affaires,
30:17 on déclare que l'autorité du pape est limitée au pouvoir spirituel,
30:21 qu'il n'y a plus d'infaillibilité papale,
30:24 et il y a vocation pour les évêques français
30:28 de vouloir une église gallicane,
30:30 c'est-à-dire vraiment, Rome, on ne veut plus en entendre parler.
30:33 Louis XIV, cela dit, n'ira pas aussi loin,
30:35 il va renoncer à cette déclaration en 1693,
30:39 car il est justement fils aîné de l'église.
30:42 Et puis un autre exemple, ça aussi c'est passionnant,
30:44 c'est celui d'Henri IV,
30:46 c'est un protestant converti au catholicisme,
30:48 le 7 janvier 1599,
30:51 il vient devant le parlement de Paris,
30:53 qui renafle à ratifier l'édit de Nantes,
30:56 qui permet donc la liberté de culte aux protestants,
30:58 au soit bien sûr, à l'époque c'était totalement révolutionnaire,
31:01 puisque cela arrivait après les guerres de religion.
31:03 Que dit Henri IV devant le parlement de Paris ?
31:05 "Ne m'alléguez point à la religion catholique,
31:08 je suis plus catholique que vous,
31:10 je suis le fils aîné de l'église."
31:13 Voilà, c'est dire que ce rôle de fils
31:15 fait que chaque fois les rois se sont finalement inclinés devant Rome.
31:19 Voilà, plutôt que de fils aînés de manière générale,
31:21 on pourrait parler des fils aînés, effectivement, de l'église,
31:24 s'agissant des Français et des souverains en particulier.
31:27 On peut ajouter aussi à propos d'Henri IV,
31:29 vous en parliez, qu'on doit à un saint de Rome très connu,
31:32 saint Philippe Néri,
31:34 l'attestation de la sincérité de sa conversion au catholicisme,
31:37 voilà, donc les liens, là encore, très importants.
31:41 Dans ces périodes de difficulté, Martin Dumont,
31:44 le point névralgique qui traverse l'histoire,
31:47 c'est la question de la nomination des évêques.
31:49 Louis XIV en a eu la tentation, Napoléon bien sûr,
31:53 qui avait dicté d'ailleurs un catéchisme national.
31:56 Pourquoi est-ce que c'est une pomme de discorde
31:59 entre France et Rome, cette question,
32:01 d'ailleurs entre tous les États et Rome,
32:03 cette question de la nomination des évêques ?
32:05 Pourquoi c'est aussi névralgique ?
32:07 Il y a toujours la tentation chez les monarques,
32:09 dans tous les pouvoirs politiques,
32:11 de contrôler le personnel religieux,
32:15 puisqu'évidemment ils ont une autorité sur leurs fidèles.
32:19 En France, la question de la nomination des évêques
32:22 a été réglée par le Concordat de Bologne,
32:24 donc sous François Ier,
32:26 jusqu'à la Révolution française,
32:28 jusqu'à la Constitution civile du clergé.
32:31 Donc on n'aura pas le temps évidemment
32:33 de parler de la Constitution civile,
32:35 mais quand il y a le Concordat,
32:37 la nomination des évêques revient effectivement
32:39 sur le devant de la scène.
32:41 C'est le premier consul qui nomme les évêques.
32:43 Et ce qui est important dans l'histoire,
32:45 c'est la question de la...
32:47 En fait, c'est le pape qui donne l'investiture canonique.
32:51 Voilà, ça c'est une chose importante.
32:53 C'est la liberté de l'Église qui est en jeu.
32:55 C'est la liberté de l'Église, mais surtout
32:57 c'est le lien à Rome qui est en jeu,
32:59 ce qui ne se passe pas dans la Révolution
33:01 et qui va être la faute majeure du processus révolutionnaire,
33:04 c'est d'exiger un serment de fidélité à une Constitution
33:08 qui ne reconnaît que de manière subsidiaire l'autorité...
33:12 - Et qui fait des évêques, des préfets en quelque sorte.
33:15 - Qui fait des évêques, mais surtout qui sont élus
33:17 dans la nomination et attestés par l'Assemblée.
33:22 Et en fait, l'autorité canonique
33:28 est considérée comme étant quelque chose d'à côté.
33:34 - Alors qu'elle est fondamentale.
33:36 - Alors qu'elle est fondamentale, et il y a un certain nombre de prêtres,
33:38 voire d'évêques, qui auraient pu éventuellement être pour la Révolution
33:42 et qui à ce moment-là disent "non, le pape condamne,
33:45 nous on revient là-dessus".
33:47 Tout le concordat, effectivement, règle la question des nominations des évêques.
33:51 Les évêques sont considérés pratiquement comme des préfets.
33:53 Et en fait, c'est un des paradoxes de la séparation
33:56 de l'Église des États en 1905, c'est de redonner pleine liberté
34:00 à l'Église de France.
34:02 Pidis arrive donc en 1903-1914, nomme toute une série d'évêques,
34:07 et en fait, c'est amusant quand on voit dans les archives
34:11 au moment des négociations pour la réconciliation franco-vaticane,
34:15 la question de la nomination des évêques revient,
34:17 parce qu'en fait, certains au gouvernement se disent
34:20 "mais en fait, on n'a plus la main sur la nomination des évêques
34:24 et ça peut être bien ennuyeux".
34:26 - Qu'est-ce qui est en jeu derrière cette question,
34:28 ces tensions qu'il peut y avoir, Geoffroy Caillé,
34:31 entre Rome et le pouvoir, l'État français ?
34:35 Est-ce que c'est finalement la question de l'implication
34:38 entre le spirituel et le temporel, et que les relations entre la France
34:41 et Rome sont importantes, parce que justement,
34:43 il faut garder un juste rapport entre ce spirituel et ce temporel,
34:48 donc Rome et l'État français en l'occurrence ?
34:51 - Oui, Martin Dumont l'a bien dit, la tentation du pouvoir civil,
34:55 c'est de contrôler aussi le pouvoir religieux,
34:57 c'est l'éternelle histoire de l'opposition de deux pouvoirs.
35:00 Donc la fidélité à Rome, effectivement,
35:02 elle permet d'assurer finalement un équilibre entre les deux,
35:06 et les liens qui unissent les présidents français
35:09 et le Saint-Siège depuis le canonica d'honneur
35:12 de Henri IV au latran, je trouve,
35:15 représentent exactement le point d'équilibre auquel il faut parvenir.
35:19 Il faut se féliciter effectivement qu'Emmanuel Macron,
35:22 récemment, il m'a même demandé au chamin du latran de prier pour lui.
35:25 En réalité, il n'a pas à le faire, parce que c'est contractuel.
35:28 Depuis 1604, il prie pour le président français,
35:31 pour la France, et à nouveau pour le président français
35:34 le jour de sa mort, à sa messe d'obcèque.
35:36 Mais c'est vrai que le fait de se tenir à cette fidélité
35:41 représente, je pense, le point d'équilibre auquel il faut parvenir.
35:45 - Alors je vous propose à présent de retrouver
35:47 Mgr Athanasius Schneider, qui était en France cette semaine.
35:51 Nous l'avons rencontré à l'occasion de la Saint-Pierre et Saint-Paul.
35:54 Il nous explique, il est évêque auxiliaire au Kazakhstan,
35:57 il nous explique l'importance, effectivement, de Rome
36:00 et de l'Église universelle pour les catholiques français.
36:03 Il les encourage aussi, regardez.
36:05 Mgr Athanasius Schneider, bonjour.
36:08 - Bonjour.
36:09 - Quelle est la place particulière des évêques,
36:12 et donc du pape, qui sont les successeurs des apôtres ?
36:16 - Le pape et les évêques ont la tâche,
36:19 comme Jésus avait donné la tâche aux apôtres,
36:23 d'être la voix de Christ,
36:27 de transmettre seulement ce qu'il avait reçu de Jésus.
36:34 Pas de prêcher soi-même,
36:38 pas de prêcher ce que le monde veut,
36:43 ce qui plaît au monde,
36:46 mais ce qui plaît à Dieu,
36:48 ce que Dieu a révélé.
36:50 Pour cette raison, Jésus a dit, avant son ascension au ciel,
36:55 "Allez dans tout le monde et enseignez à tous les peuples,
37:01 "tout le peuple, que j'ai à vous enseigner."
37:07 Donc c'est la tâche principale du pape et des évêques
37:13 de transmettre fidèlement,
37:17 avec soin et zèle, avec amour,
37:22 seulement le trésor divin que Jésus a donné et laissé
37:29 dans les mains du pape et des évêques.
37:32 - Quelle est la place de la ville de Rome,
37:35 particulièrement dans cette église qui est universelle,
37:39 mais qui a aussi un cœur et un centre ?
37:42 - Oui, Jésus, qui est le fondateur de l'église,
37:46 a prévu qu'il faut avoir un centre visible,
37:52 comme toute la communauté humaine aussi a besoin d'un centre
37:59 pour ne pas être désintégrée dans les unités
38:04 et pour cette raison Jésus a choisi Pierre,
38:08 l'apôtre Pierre, de être le signe visible,
38:11 le fondement de l'unité parmi les évêques et les fidèles aussi.
38:17 Et c'était une sagesse divine.
38:21 Même Pierre et ses successeurs n'étaient pas toujours
38:26 automatiquement des saints,
38:29 il y a eu aussi des limites, des défauts,
38:33 mais l'office de Pierre, du pape,
38:37 reste toujours jusqu'à la fin du monde
38:41 et nous devons prier pour le pape
38:44 qu'il puisse d'une manière plus fidèle
38:48 exercer sa tâche que Jésus lui a donnée en Pierre,
38:56 de conforter, de rassurer tous les fidèles,
39:03 tous les évêques dans la foi.
39:06 Mgr Schneider, pour conclure,
39:08 quel message d'encouragement vous pourriez donner aux catholiques
39:12 et même aux autres qui font confiance à l'Église
39:15 dans une période, dans une société en Europe
39:18 où il y a la déchristianisation,
39:21 la société est très déchristianisée
39:23 et donc les catholiques sont contraints à se situer à contre courant ?
39:28 Je voudrais proposer l'exemple des premiers chrétiens
39:33 quand ils étaient aussi parmi les païens,
39:37 parmi le paganisme qui a persécuté les chrétiens.
39:43 L'Église a commencé sa vie contre le courant
39:47 de l'empire romain païen, contre le paganisme.
39:51 Il était ridiculisé, marginalisé, persécuté,
39:57 mais quand même, ils ont eu un rayonnement très fort
40:03 et cette attraction qu'ils ont exercée sur les païens,
40:11 la fidélité, le courage
40:16 et la conviction profonde des premiers chrétiens
40:21 d'être ferme de la foi, d'être très convaincu de la vérité des dieux
40:29 et du bonheur suprême de la foi catholique,
40:34 de la vie avec le Christ, de la grâce,
40:38 c'est le bonheur suprême ici sur la terre.
40:43 Et donc, la volonté, le désir de partager ce bonheur
40:49 de la foi catholique et de la vie de la grâce avec Christ,
40:54 avec tous les autres hommes, c'est notre mission
40:58 et c'est une très belle mission, aujourd'hui aussi,
41:03 même parmi les difficultés.
41:07 Et donc, un chrétien doit toujours être contre-coran,
41:16 un chrétien doit toujours être convaincu de la victoire de Christ
41:25 et c'est l'optimisme vrai, l'optimisme surnaturel de la victoire de Christ.
41:33 Monseigneur Schneider, merci beaucoup d'avoir bien voulu répondre à nos questions.
41:38 Merci beaucoup pour ces mots d'encouragement.
41:40 Merci, Monseigneur, d'avoir été avec nous pour Enquête d'Esprit.
41:44 Voilà, cet entretien au cours duquel est indiqué, finalement,
41:49 ce qui explique l'attraction de Rome.
41:51 C'était le sujet de notre émission, c'est-à-dire cet exemple des premiers chrétiens,
41:54 Saint Pierre en premier lieu, bien sûr, Saint Paul aussi,
41:57 qui sont fêtés dans quelques jours et qui sont morts martyres à Rome.
42:01 Merci beaucoup à tous.
42:03 Christiane Rancet, je signale votre promenade littéraire à travers l'Italie.
42:07 C'est extrêmement vivant.
42:09 Bella Italia aux éditions Taëndié.
42:12 Geoffroy Caillé, Le Figaro Histoire, qui fait sa une, son numéro,
42:16 sur les sources de la civilisation occidentale.
42:18 Là, c'est une promenade dans l'histoire, on peut dire, finalement.
42:20 Martin Dumont, La France dans la pensée des papes,
42:22 pour comprendre les relations contemporaines entre la France et les papes,
42:27 aux éditions du Cerf.
42:29 Merci aussi à Véronique, un autre conseil de lecture pour cette semaine.
42:34 Véronique, qui fait sa une cette semaine sur Saint Paul,
42:37 notamment sur ses voyages, dont on a parlé pendant l'émission,
42:40 donc France Catholique sur abonnement ou sur france-catholique.fr.
42:43 Voilà, et puis un dernier conseil de lecture, ça s'appelle
42:45 La royauté française entre ciel et terre.
42:47 Ça a rapport avec notre sujet, c'est publié chez Via Romana,
42:51 et cela raconte l'irruption du surnaturel dans la vie des rois et des reines de France.
42:57 20 anecdotes miraculeuses depuis Clovis, Charlemagne, jusqu'à Marie-Antoinette.
43:01 Voilà, là aussi, c'est la petite histoire dans la grande, c'est passionnant.
43:05 Merci pour la réalisation de cette émission, Aurélie Lucano,
43:08 et aux équipes techniques de CNews.
43:10 Et puis la semaine prochaine, Véronique ?
43:12 Nous évoquerons la christianophobie, ou plutôt la haine de l'Église à travers les siècles.
43:17 Voilà, merci à vous d'avoir suivi cette émission,
43:20 et l'info continue, bien sûr, sur CNews.
43:23 Merci.

Recommandée