Tous les dimanches, Aymeric Pourbaix et ses invités abordent l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique dans #EQE
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00:00Bonjour à tous, bienvenue dans Enquête d'Esprit sur Europe 1 et CNews.
00:04Après la dissolution de l'Assemblée nationale, il y a au moins une victime collatérale,
00:09la loi sur la fin de vie, qui devait autoriser ou non l'aide à mourir, un euphémisme,
00:14pour parler de suicide assisté et d'euthanasie.
00:17Certains font déjà pression pour que cela redevienne un enjeu de campagne pour les législatives,
00:22mais au-delà du débat politique, ce coup d'arrêt permet d'examiner en profondeur
00:25les enjeux spirituels de la fin de vie.
00:28Toutes les religions se sont plus ou moins opposées à l'euthanasie,
00:32l'Église catholique plus que les autres, c'est donc une voix qui mérite d'être écoutée
00:37et c'est aussi l'occasion de recentrer le débat sur ce que les chrétiens ont à proposer
00:40comme alternative à l'euthanasie, à la peur de la mort et de la souffrance.
00:45Tout cela, on en parle avec nos invités de cette semaine,
00:49le père Xavier Snowek, il a été aumônier d'hôpital,
00:52Louis Bouffard, qui est le porte-parole des associations familiales catholiques,
00:57et puis Sœur Maëlys de l'abbaye de Farmoutier.
01:00On verra quel rôle cet établissement joue, notamment pour la fin de vie.
01:04Et puis cette émission, vous le savez, est en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
01:09Tout de suite, les informations religieuses de la semaine avec Somaya Labidi.
01:13Générique
01:25Bonjour Somaya.
01:26Qu'ont voté les différentes religions aux européennes ?
01:28C'est la question qu'on se pose avec vous.
01:30Bonjour Aymeric, bonjour à tous.
01:32Selon les conclusions d'un sondage IFOP pour la Croix sur les élections européennes,
01:37les catholiques votent de plus en plus pour le RN,
01:40les musulmans votent en majorité pour la France insoumise.
01:43En revanche, pas de chiffre sur l'électorat juif et l'Ouaroche brune.
01:47Sur l'ensemble des catholiques pratiquants réguliers et occasionnels,
01:52la percée du Rassemblement national est nette.
01:55Ils sont 32% à avoir choisi la liste de Jordan Bardella, selon un sondage IFOP.
02:00Dans le détail, chez les pratiquants réguliers,
02:0318% choisissent le RN, LR et Reconquête obtiennent 16% et 10% chacun.
02:08Le sociologue Yann Raison-Ducleuzeau parle d'un éparpillement du vote.
02:12Il y a une sensibilité particulière des pratiquants réguliers
02:17aux questions de bioéthique, aux questions de morale familiale.
02:22Le fait que les Républicains aient voté la constitutionnalisation du droit à l'avortement,
02:29ça a pu jouer dans une frange de l'électorat.
02:31Et puis surtout, ce qu'il faut regarder,
02:33c'est la banalisation du vote RN parmi les catholiques.
02:38Côté musulmans, c'est la France insoumise qui est plébiscitée à hauteur de 62%,
02:43un vote assez traditionnel selon Guillaume Bernard, professeur en sciences politiques.
02:47Les musulmans votaient déjà très massivement à gauche.
02:50On peut penser qu'ils se sont radicalisés au profit de LFI,
02:54en particulier à cause de la guerre au Proche-Orient
02:57et des prises d'opposition pro-Gaza, voire parfois pro-Hamas.
03:02Pas de sondage sur l'électorat juif.
03:04Seuls chiffres connus, les résultats chez les Français d'Israël.
03:0746% ont voté pour Reconquête, 31% pour LR et 12% pour le RN.
03:13Dans le reste de l'actualité, le pape François a rencontré Emmanuel Macron
03:18vendredi dernier en marge du G7 à Paris en Italie.
03:21Cinquième entrevue officielle à huis clos qui n'a duré que quelques minutes.
03:25Le pape est venu au G7 pour une conférence sur l'intelligence artificielle.
03:29Il a également rencontré Joe Biden et Volodymyr Zelensky.
03:33Parmi les sujets d'actualité au cœur des discussions des leaders du G7,
03:37la guerre en Ukraine et à Gaza, mais aussi le contexte politique français
03:41et la fin de vie, point de désaccord majeur entre le pape
03:44et le chef de l'État français.
03:46Justement, le Saint-Père qui milite pour des omélies courtes
03:50pendant les messes, le souverain pontife,
03:52s'est adressé aux prêtres au cours d'une catéchèse mercredi dernier.
03:56Je vous propose de l'écouter.
03:59L'omélie doit être courte, une image, une pensée, un sentiment.
04:04L'omélie ne doit pas durer plus de huit minutes parce qu'après ce temps,
04:08l'attention se perd et les gens s'endorment, et ils ont raison.
04:14Une omélie doit être comme ceci, et je veux le dire aux prêtres
04:18qui parfois parlent beaucoup et dont on ne comprend pas ce qu'ils disent.
04:23Jeudi dernier, les Juifs du monde entier ont fêté Shavuot,
04:2750 jours après Pâques.
04:29C'est la troisième grande fête juive.
04:31Elle célèbre l'anniversaire du don de la Torah à Moïse,
04:34dont les tables de la loi transmis par Dieu sur le Mont Sinai.
04:39Direction la Corse à présent.
04:41Le 13 juin, la grande fête populaire de Saint Antoine de Padoue
04:44a réuni les fidèles à Bastia au programme
04:47Messe et procession dans la plus pure tradition corse.
04:50Saint Antoine, leur protecteur, fait encore de nombreux miracles.
04:54Reportage sur place de Christina Lutzi.
04:58Comme chaque année, le 13 juin, les fidèles affluent nombreux
05:01tout au long de la journée vers le couvent Saint Antoine de Bastia
05:04pour célébrer et prier leur Saint protecteur,
05:07mais également pour témoigner de leur reconnaissance
05:10pour des grâces miraculeuses obtenues par son intercession.
05:13Je suis là pour remercier Saint Antoine de m'avoir sauvée
05:16parce qu'il y a deux ans de ça, j'ai eu un accident
05:19d'une chute du troisième étage.
05:21J'ai été plongée dans un coma de 15 jours.
05:24Et ma mère a fait appel à un moine de Saint Antoine.
05:28Il est venu à l'hôpital avec les reliques de Saint Antoine.
05:32Et une heure après, je me suis réveillée
05:34et ma mère a remercié les médecins.
05:37Mais les médecins, ils ont dit qu'il n'y avait pas de problème.
05:40Pour le cardinal Bustillot, qui a célébré la messe solennelle,
05:43ce saint ancien, si moderne et ingénieux dans ses intuitions,
05:46peut constituer un modèle à suivre.
05:49C'est l'occasion aussi de mettre en valeur un saint venant du passé,
05:52mais il nous parle encore aujourd'hui.
05:55Cela nous montre que la sainteté n'est pas anachronique,
05:58mais que justement notre société a besoin de modèles
06:01d'intuitivité et d'intimité.
06:04C'est l'occasion aussi de mettre en valeur un saint venant du passé,
06:07mais que justement notre société a besoin de modèles de vie,
06:10de sainteté, d'une vie authentique.
06:13Et finalement, Saint Antoine, avec sa radicalité,
06:16il nous parle aussi d'authenticité.
06:18La journée s'achève par la distribution des petits pains bénis
06:21de Saint Antoine, suivi de la traditionnelle procession.
06:27Et puis on termine ce journal avec la Vierge de la Flotte en Ré
06:30qui est enfin de retour, déplacée sur un bout de terrain privé
06:33à quelques mètres de son emplacement d'origine.
06:37Conclusion de trois ans de bataille judiciaire entre la mairie
06:40et l'association La Libre Pensée.
06:43Voilà ce qu'on pourrait dire de l'actualité de la semaine, Emeric.
06:46Merci beaucoup Soumaya Labidi.
06:49Nous parlons dans Enquête d'Esprit de la fin de vie,
06:52des enjeux spirituels de la fin de vie avec nos invités,
06:55le père Xavier Snowek. Bonjour mon père.
06:57Bonjour.
06:58Merci d'être avec nous. Vous êtes prêtre à Paris,
07:00chaplain de l'Ordre de Malte.
07:01Vous avez été aussi aumônier d'hôpital
07:03et vous avez accompagné de nombreuses personnes en fin de vie.
07:06Vous publiez une réflexion, ces temps-ci,
07:08dans la revue 1000 raisons de croire.
07:10Ça s'appelle « Plaidoyer pour une fin de vie consciente ».
07:13Avec nous également Louis Bouffard. Bonjour.
07:15Bonjour.
07:16Merci d'être avec nous. Vous avez 24 ans.
07:18Vous êtes étudiant en droit des affaires à la Sorbonne
07:21et vous êtes atteint de la myopathie de Duchenne,
07:23une maladie dégénérative et évolutive.
07:26Vous êtes l'aîné de sept enfants.
07:28Vous partagez avec votre famille une grande foi
07:31qui vous a permis de traverser les épreuves de la vie,
07:33notamment le décès de votre maman.
07:35Vous nous en parlerez.
07:36Vous êtes l'auteur de ce livre, justement, lumineux,
07:38« Un cœur joyeux ».
07:39C'est publié chez MAM.
07:41Et vous avez été nommé récemment porte-parole
07:43des associations familiales catholiques sur la fin de vie,
07:46justement pour parler, pour porter une parole d'espérance.
07:50Avec nous également, sœur Maëlys. Bonjour, ma sœur.
07:52Merci d'être avec nous.
07:53Vous êtes moniale de l'abbaye de Farmoutier.
07:55Farmoutier, c'est en Seine-et-Marne.
07:57Vous êtes aussi infirmière de formation.
07:59Et votre communauté a la particularité d'être un Ehpad
08:02pour religieuses âgées intégrées dans un monastère,
08:05donc avec ce lien, justement, entre la fin de vie
08:08et la spiritualité.
08:10Vous nous en parlerez.
08:11Alors, l'actualité, bien sûr, c'est,
08:13après la dissolution de l'Assemblée nationale,
08:15les textes de loi ont tous été abandonnés,
08:18dont celui sur la fin de vie,
08:20après trois semaines d'auditions, d'examens
08:22qui devaient aboutir à autoriser une aide à mourir,
08:25c'est-à-dire le suicide assisté ou l'euthanasie.
08:28La réaction, évidemment, des partisans de l'euthanasie,
08:31de l'ADMD, l'association du droit à mourir dans la dignité,
08:34a dit « notre déception est immense ».
08:37Et puis, de l'autre côté, évidemment,
08:38le soulagement du côté des partisans des soins palliatifs
08:41opposés à abréger la fin de vie.
08:43Je voudrais notamment qu'on regarde
08:44cette citation intéressante de Claire Fourcade,
08:47qui est la présidente de la SFAP,
08:49la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs.
08:51Voilà ce qu'elle dit.
08:52« D'une position plutôt défensive,
08:54nous allons pouvoir redevenir force de proposition ».
08:57Et je trouve que c'est intéressant.
08:58Père Xavier Snoek, première question pour vous.
09:00D'abord, est-ce que c'est une bonne nouvelle,
09:02ce coup d'arrêt à la loi fin de vie ?
09:04Et d'autre part, est-ce que c'est l'occasion,
09:05notamment pour les chrétiens,
09:06de proposer leur vision de manière positive ?
09:10Peut-être, oui.
09:11Peut-être parce qu'il me semble
09:12qu'on n'a peut-être pas été assez force de proposition.
09:15Et justement, je suis ravi que la sœur soit là,
09:18puisqu'elle nous montre justement une proposition.
09:21Et je pense qu'avec quelques confrères,
09:24on y a réfléchi.
09:26Comment nous, catholiques,
09:28comment, croyant plus généralement, engagés,
09:31nous pourrions être des aides pour les personnes
09:34et en particulier proposer d'être peut-être
09:38personnes de confiance pour les personnes
09:40qui se posent des questions,
09:43qui justement ont un projet de vie.
09:47Parce que je pense qu'il faut toujours dire
09:49que la fin de vie, de toute façon,
09:51ce n'est pas quand est-ce qu'elle commence.
09:53Ma sœur, je pense que nous sommes tous en chemin
09:57vers la fin ou plutôt le départ vers le ciel.
10:01C'est-à-dire qu'il ne suffit pas de lutter
10:02contre le fait d'abréger la vie,
10:06mais il faut proposer quelque chose d'autre.
10:09C'est ça, vraiment, le sujet.
10:10Louis Bouffard, encore un mot sur ce projet de loi
10:13qui a subi un coup d'arrêt, on le disait,
10:15mais est-ce qu'il est véritablement enterré ?
10:17On a vu notamment, mercredi dernier,
10:19Emmanuel Macron annoncer qu'il mènera,
10:21s'il a une majorité, le projet de loi jusqu'au bout.
10:24Est-ce que c'est la crainte, notamment,
10:26des associations familiales catholiques
10:27que vous représentez ?
10:29On le sait qu'avec la dissolution,
10:31le texte devient caduque,
10:33mais si Emmanuel Macron a dit
10:36qu'il remettrait le sujet sur la table,
10:38on le sait qu'il reviendra malheureusement bientôt.
10:41Donc, il nous faut vraiment élaborer
10:47une proposition.
10:49Moi, je crois fermement que la famille
10:51a un rôle central à jouer,
10:54notamment en tant que cellule vitale de la société.
10:58Il faut vraiment que l'État soit là
11:00pour soutenir les familles,
11:02les aider, notamment dans l'accompagnement
11:04des proches en fin de vie.
11:06Et vous avez l'impression que,
11:07lors de ces discussions,
11:08trois semaines de discussions, on le disait,
11:10la famille, justement, a été la grande oubliée
11:12de ce projet de loi ?
11:14Oui, on oublie que la famille
11:16est vraiment celle qui sera vraiment endommagée
11:21par une légalisation de l'euthanasie
11:23et du suicide assisté.
11:25On oublie que l'euthanasie et le suicide assisté
11:28ne suppriment pas la souffrance,
11:30mais la déplacent sur les familles.
11:32Ce sont les familles qui portent le deuil.
11:35Moi, je peux en témoigner
11:37la manière dont on a pu accompagner ma maman
11:40dans ces derniers instants,
11:42quand elle a eu un accident de cheval
11:44qui a passé une semaine dans le coma.
11:46On a pu être tous ensemble autour d'elle,
11:48à prier, à chanter, vraiment pour l'accompagner.
11:51Je me souviens d'un moment
11:52où j'ai pu lui tenir la main.
11:54Donc, ça a été un renfort
11:56et je pense qu'on a besoin,
11:58en tant que chrétien,
12:00d'aider nos proches,
12:01d'aider les membres de nos familles
12:03à se préparer à cette grande rencontre
12:05avec le Seigneur.
12:06Alors, justement,
12:07on va essayer d'approfondir cette notion
12:09parce que, quand même,
12:10il y a un côté positif dans ce débat
12:12qui vient de se terminer,
12:13sur la fin de vie,
12:14c'est qu'il y a eu la reconnaissance
12:16des besoins spirituels de la personne
12:18en fin de vie.
12:19C'était le deuxième jour
12:20de la discussion à l'Assemblée
12:22et de la France insoumise
12:23au Rassemblement national.
12:24Donc, il y a eu une majorité
12:25pour s'entendre sur cette importance
12:27de la spiritualité à l'approche de la mort.
12:30C'est un amendement, d'ailleurs,
12:31on peut le souligner,
12:32qui a été porté par un communiste,
12:34Pierre Dareville,
12:35qui disait aussi
12:36qu'il y a quelque chose d'assez irréductible
12:39qui m'oppose à ce texte.
12:41C'est une loi brutale,
12:42c'est ce que vous disiez, Louis Bouffard,
12:43effectivement,
12:44un terrible message de renoncement
12:45et d'abandon.
12:48Sœur Mahélis,
12:49une réaction, justement,
12:50sur cette dimension spirituelle ?
12:52Elle est absolument nécessaire
12:54lorsqu'on parle de la fin de vie,
12:55lorsqu'on l'expérimente comme vous,
12:57vous le faites,
12:58à l'abbaye de Farmoutier,
12:59et ne pas le faire,
13:00ce serait, comme l'a dit un autre député,
13:03une atteinte fondamentale aux droits humains ?
13:05Absolument.
13:06Vraiment, c'est une bonne nouvelle
13:09que cette prise en compte
13:11des besoins spirituels de la personne,
13:13parce que la dimension spirituelle de l'être
13:17fait partie intégrante de l'humanité,
13:21c'est vraiment quelque chose d'essentiel,
13:23et c'est aussi ça qui nous permet
13:25de changer de regard sur la mort.
13:28Et dans cette période de réflexion
13:31et ce délai qui nous est donné,
13:34c'est peut-être ça
13:35sur lequel il faut axer notre effort,
13:37c'est de changer de regard.
13:39Qu'est-ce que c'est la mort ?
13:41Est-ce que c'est la fin de quelque chose,
13:44ou est-ce que c'est un passage vers une autre vie ?
13:49Est-ce que c'est un passage de la vie à la vie ?
13:53Pour nous, il y a une notion de rendez-vous.
13:57Ce n'est pas la fin de tout.
13:58Ce n'est pas la fin de tout.
13:59Il y a une notion de rendez-vous, de rencontre,
14:01et une rencontre, ça se prépare,
14:05et c'est sûr que la dimension spirituelle
14:08est vraiment essentielle dans cette démarche.
14:10Je vous rappelle aussi que cette dimension spirituelle
14:12dont on parle, depuis 2005,
14:14elle fait partie des définitions officielles
14:16du soin donné par l'OMS,
14:18l'Organisation Mondiale de la Santé.
14:20Ça veut dire que, Père Xavier Snovec,
14:22c'est une dimension consubstantielle,
14:24on pourrait dire, de la personne humaine,
14:26qu'on soit croyant ou pas.
14:28Oui.
14:29Mais justement, tout ça, c'est un tout.
14:32On ne peut pas cloisonner le spirituel,
14:36la relation au sein de la famille,
14:39comme Louis Bouffard vient de le rappeler.
14:42Et je crois que c'est justement ça qu'il faut créer.
14:45Et ce que je trouvais extrêmement violent
14:48dans le projet de loi,
14:50c'est que, bien évidemment,
14:52dans une famille, dans un entourage,
14:55les personnes ne vont pas être forcément en adéquation,
14:59ni avec celui qui nous rassemble,
15:03avec le patient ou le proche.
15:06Pas l'enfant de vie.
15:07Voilà.
15:08Et puis, chacun dans la famille va avoir...
15:11Moi, je vois bien des familles très...
15:14Au moment des obsèques, on voit...
15:16Il y a des familles qui arrivent très unies
15:19au moment des obsèques,
15:20et puis il y en a qui arrivent complètement éclatées,
15:23parce que, justement,
15:24les dernières années de vie de la personne,
15:27personne n'était vraiment d'accord sur comment faire.
15:31On se renvoie des responsabilités,
15:34on se renvoie des choix qui ont été pris,
15:37et finalement, de quel droit telle ou telle personne a pris.
15:41Voilà.
15:42Moi, je me suis retrouvé un jour auprès d'une dame
15:46qui était...
15:47Qu'on avait sédatée.
15:49Vraisemblablement, un membre de la famille,
15:52personne de confiance,
15:53avait donné l'autorisation.
15:55Les autres n'étaient pas d'accord.
15:58Heureusement, il n'y a pas eu de...
16:01Ça aurait pu partir dans un gigantesque procès.
16:05Donc, effectivement, cette violence...
16:07Il y a une violence.
16:08...qui rejaillirait sur les familles.
16:11La question de, effectivement,
16:13de quel droit que vous posiez,
16:15on va marquer une courte pause
16:17et on va reprendre sur cette question précisément.
16:19Qui peut décider de l'heure de la mort ?
16:21Et puis, on parlera aussi, bien sûr,
16:22de la question de la souffrance,
16:23parce que ça, c'est un argument
16:25qui est utilisé par les partisans de l'euthanasie.
16:29On reste donc...
16:30Vous restez avec nous pour cette discussion.
16:32On se retrouve dans un instant.
16:36De retour dans Enquête d'Esprit,
16:38sur Europe 1 et CNews,
16:39en partenariat avec France Catholique.
16:41Nous parlons de la fin de vie,
16:43des enjeux spirituels de la fin de vie,
16:46avec Louis Bouffard.
16:47Il est porte-parole des associations familiales catholiques
16:50avec la sœur Maëlys de l'abbaye de Farmoutier,
16:53qui accompagne des religieuses âgées,
16:55et puis le père Xavier Snowek,
16:57qui est aumônier de l'Ordre de Malte.
17:00Alors, je vous propose d'écouter ce témoignage
17:02très émouvant de Joseph Massé-Scarron,
17:05qui est essayiste,
17:06et qui, il y a quelque temps, sur CNews,
17:09témoignait, après un geste fatal
17:11envers sa propre mère,
17:13de ses regrets.
17:14Écoutez.
17:16Ma mère avait été mannequin,
17:18très belle femme,
17:19et donc, il y avait, pour tout,
17:23il y a plus de 30 ans,
17:24les soins palliatifs étaient encore plus dérisoires
17:26qu'aujourd'hui.
17:27Donc, c'était un peu de morphine.
17:29Et quand elle sortait, évidemment,
17:31de la situation de morphine,
17:33elle poussait des cris,
17:34pas simplement de douleur,
17:35mais aussi parce qu'elle voyait l'état
17:37dans lequel, elle, elle avait été.
17:40Son ventre totalement noirci,
17:41les intestins...
17:42L'horreur absolue.
17:43Bien.
17:45Et, en fait,
17:47elle me demandait plusieurs fois, elle dit,
17:49il faut arrêter, il faut arrêter.
17:51Et, en permanence, il y avait
17:53une infirmière qui passait,
17:55qui me montrait la dose de morphine,
17:57et qui me disait,
17:58monsieur, si vous poussez un peu plus loin,
18:01ne touchez pas, hein,
18:03parce que son cœur s'arrêtera.
18:05Et moi, je ne comprenais pas,
18:06j'avais un ami médecin,
18:07pourquoi elle me dit ça à chaque fois ?
18:08Cet ami médecin m'a dit, parce que
18:10ils attendent que tu le fasses.
18:13Je l'ai fait.
18:15Et je vais vous dire,
18:1630 ans après, je regrette de l'avoir fait.
18:18Moi, je dis, je regrette de l'avoir fait.
18:22C'est quelque chose qui me hante tout le temps.
18:24Je regrette de l'avoir fait.
18:26Voilà.
18:27Donc, moi, je veux bien qu'on passe,
18:30qu'on parte sur une grande chance.
18:32Pourquoi vous regrettez ?
18:36Parce que je n'ai pas le droit.
18:38Je ne me sentais pas ce droit.
18:40De quel droit ?
18:41C'est une question fondamentale.
18:43Alors, si je me pense, pardonnez-moi,
18:45si je me dis, de quel droit je l'ai fait ?
18:48De quel droit ça a été fait ?
18:51Je n'imagine pas que, d'une manière ou d'une autre,
18:54l'État puisse avoir le droit.
18:57Voilà, témoignage extrêmement émouvant.
18:58Louis Bouffard, peut-être une réaction,
19:00et puis le père Snowek.
19:02Oui, c'est vrai qu'effectivement,
19:04il nous faut lutter contre la souffrance.
19:08Souvent, on dit qu'il y a un choix binaire
19:11entre souffrir atrocement ou mourir.
19:14Or, il y a une troisième voie aujourd'hui.
19:16Les soins palliatifs.
19:17Et il nous faut vraiment les développer,
19:19en rendre l'accès universel.
19:21Il en va de notre responsabilité collective,
19:23en tant que société,
19:25d'accompagner ceux qui souffrent,
19:27mais aussi d'être présents.
19:29Je pense qu'on oublie souvent
19:31qu'il n'y a pas que les souffrances physiques.
19:33Il y a souvent ce moral.
19:34Et il faut aller vers ces personnes,
19:36vers ceux qui sont en fin de vie,
19:38ceux qui souffrent, pour leur dire,
19:40vous faites partie de notre société,
19:42vous avez toute votre place.
19:43Vous comptez pour nous.
19:44On a besoin de vous.
19:46Et je pense qu'il faut vraiment qu'on aille
19:48vers ces personnes, vers nous,
19:50qui souffrons, qui vivons le handicap,
19:53pour nous dire qu'on a toute notre place
19:55dans cette société,
19:56qu'on peut apporter notre pierre à l'édifice.
19:59Vous avez dit, lors d'une conférence, je crois,
20:02le débat actuel sur l'euthanasie me crée une angoisse.
20:04Je me demande, avec mon handicap lourd,
20:06s'il y a un moment où je ne serai plus digne de vivre
20:08ou jugé comme tel.
20:11Oui, c'est vrai, alors que je voudrais rappeler
20:14que la dignité de l'homme est inaliénable.
20:17On est digne parce qu'on est humain.
20:19Et d'ailleurs, dans la Déclaration universelle
20:22des droits de l'homme de 1948,
20:24on dit que l'homme est digne de manière intrinsèque.
20:28C'est-à-dire qu'on ne peut pas perdre sa dignité.
20:31Père Xavier Snowek, vous souhaitiez réagir également
20:33à ce qu'on a entendu de Joseph Macé Scarron ?
20:36Oui, d'abord, je voudrais lui dire
20:38que le Seigneur le regarde avec misère et corde.
20:41Et puis que, justement,
20:45devant la souffrance d'un proche,
20:49chacun a, à un moment ou à un autre,
20:52une pulsion,
20:54de dire qu'il faut que ça s'arrête.
20:57J'ai eu à accompagner,
20:59avec ma cousine médecin,
21:02sa mère.
21:03Sa mère avait une maladie neurodégénérative
21:07et qui...
21:09Je me rappelle tout à fait des derniers moments.
21:12Nous étions tous les deux.
21:16Ma tante, bien sûr, était mal.
21:19Au niveau respiratoire, c'était impressionnant.
21:22Et ma cousine pneumologue...
21:25Nous prions tous les deux.
21:27Et à un moment, ma cousine pneumologue dit
21:29« C'est Xavier, c'est insupportable.
21:31Moi, d'habitude, j'en tue...
21:35Je fais des gestes, je soulage, je mets des tubes... »
21:39Et puis, elle était dans ses descriptions des soins qu'elle...
21:43Et tout d'un coup, elle me dit
21:45« Oh, mais je crois que nous avons été entendus. »
21:48Et ma tante a rendu le dernier soupir.
21:52Mais je me dis, face à...
21:58Lorsque je veillais ma grand-mère,
22:00qui était aussi en détresse respiratoire,
22:02quand j'ai accompagné,
22:04je suis resté longuement avec certaines personnes,
22:06il y a des moments où on dit
22:08« Mais que ça s'arrête, que ça s'arrête. »
22:11Il faut résister à cette pulsion de mort.
22:13Il faut résister à cela.
22:15Et si le cadre législatif l'autorise,
22:19si la personne de confiance,
22:22si les membres de la famille, les proches,
22:26peuvent appuyer sur le bouton, en quelque sorte,
22:29à tout moment,
22:31mais on va entrer,
22:33et cinq minutes après,
22:35ils ne voudraient plus appuyer sur le bouton
22:37parce qu'on se reprend et on résonne.
22:39C'est une tentation à laquelle, il faut savoir,
22:41ne pas céder.
22:42Ne pas céder, mais si.
22:44Et que justement, la loi,
22:46le dispositif doit être là
22:48pour protéger le patient
22:51contre ses propres pulsions suicidaires,
22:55parce que quand on est malade,
22:57quand on souffre,
22:58il y a des moments où on a envie d'en finir.
23:00Et puis, tout le monde a ses pulsions.
23:03Le malade lui-même, le proche,
23:06il faut se protéger contre soi-même.
23:09Et là, une digue risque de sauter
23:12et en quelques secondes, c'est fini.
23:16Sœur Maïdis, une réaction sur cette question
23:18évidemment très importante de la souffrance, notamment ?
23:20Tout à fait.
23:22Cette question de la souffrance,
23:24c'est très important d'y réfléchir
23:26et de donner du sens à ce qui se vit.
23:29Parce que c'est clair que les souffrances de fin de vie,
23:32elles peuvent être très intenses,
23:34voire insupportables.
23:36On sait aussi que maintenant,
23:38la médecine peut apporter des réponses
23:40très fines et adaptées,
23:42qui respectent la personne qui meurt
23:46et aussi ses proches.
23:48Mais il reste que la question de la souffrance,
23:51on a besoin d'y réfléchir de façon plus large
23:55et voir d'abord que la souffrance,
23:58c'est une dimension de la vie.
24:00Elle accompagne toute la vie
24:02et on doit comprendre
24:04quel est le sens de cette souffrance.
24:06Dans ce que nous vivons,
24:08dans la fin de vie,
24:10on a vraiment une perception forte
24:12du fait que ces souffrances-là,
24:14c'est comme des souffrances d'enfantement.
24:16On comprend très bien le sens de la souffrance
24:18quand un bébé vient au monde.
24:20Mais quand on se détache de la terre
24:23pour aller vers le ciel,
24:25il y a aussi une dimension comme ça
24:27de préparation,
24:29de détachement.
24:36Oui, voilà.
24:37Il y a une souffrance particulière
24:39au moment de la fin de vie.
24:41C'est ça que vous dites.
24:42Il y a la souffrance du malade,
24:44mais de toute façon,
24:45on est tous plus ou moins confrontés
24:47à cette souffrance en fin de vie.
24:49Mais il y a une question qui se pose,
24:51c'est la réponse de foi apportée.
24:53Est-ce que sans espérance,
24:55sans la foi,
24:56est-ce que, véritablement,
24:57on peut dépasser, traverser
24:59cette question de la souffrance ?
25:01J'aimerais entendre le père Snowek
25:03et puis Louis Bouffard ensuite.
25:05Oui, je pense,
25:06parce qu'il y a aussi la question
25:08de partir en paix.
25:11Et ça, même s'il n'y a pas
25:13la dimension religieuse,
25:15partir réconcilier.
25:17Je crois que les personnes
25:19qui travaillent en soins palliatifs
25:21disent qu'un des objectifs,
25:24souvent, est aussi
25:26d'organiser une rencontre.
25:28Que des gens qui ne se sont pas vus
25:30depuis des années se revoient.
25:32Moi, j'avoue que
25:34quand mon père est parti,
25:37la veille,
25:40je le raconte dans l'article,
25:42je lui ai dit
25:44tout ce qu'il y avait entre nous.
25:49Il n'y avait pas des montagnes,
25:50mais il y avait quand même
25:51des choses assez importantes.
25:54Et le fait que j'ai pu lui dire
25:56qu'il ait pu acquiescer,
25:58pour moi,
26:00c'était très beau
26:02et très apaisant.
26:04Et quand des personnes,
26:06je me retrouve à célébrer des obsèques
26:08où des personnes sont parties
26:10avec des gros conflits,
26:12où il n'y a pas eu de réconciliation,
26:14tout ça, c'est important
26:16de pouvoir le vivre.
26:17Sœur Maëlys, puis Louis Bouffard.
26:19Oui, cette souffrance de fin de vie
26:21qui peut être morale,
26:23un sentiment de solitude face à la mort,
26:25c'est vraiment aussi elle
26:27qui peut nous aider
26:29à avancer,
26:31à résoudre les conflits.
26:33C'est un aiguillon.
26:35Voilà, comme un aiguillon.
26:37Louis Bouffard, sur la question de la souffrance,
26:39vous n'êtes pas en fin de vie,
26:40c'est une évidence,
26:41mais néanmoins,
26:43vous le dites, vous le racontez,
26:45vous avez perdu l'usage de la marche à 10 ans,
26:47l'usage des bras à 13.
26:49Aujourd'hui, vous avez besoin d'une assistance respiratoire.
26:51Et pourtant, vous dites que
26:53vous avez fait le choix de ne pas vous enfermer
26:55dans la souffrance.
26:57Qu'est-ce qui vous y a aidé ?
26:59Ce qui m'a aidé à ne pas m'enfermer
27:01dans ma souffrance, c'est ma famille,
27:03l'amour de ma famille,
27:05l'entraide,
27:07toute cette joie familiale que l'on a.
27:09C'est aussi décider
27:11de ne pas refuser
27:13d'être aidé, c'est-à-dire accepter
27:15d'être aidé, accepter l'aide
27:17de mes aides de vie, de mes auxiliaires de vie.
27:19C'est aussi
27:21comprendre le véritable sens
27:23de notre existence,
27:25qu'on est ici pour aimer,
27:27être aimé, donner,
27:29se donner, recevoir.
27:31Et il ne faut pas oublier qu'en fin de vie,
27:33il y a encore de la vie.
27:35Il y a encore des actes
27:37d'amour à poser,
27:39un regard simplement,
27:41une main qu'on presse,
27:43aussi
27:45une demande de pardon.
27:47C'est vrai qu'au moment
27:49de la mort de ma maman,
27:51quand elle était dans le coma,
27:53j'ai vu ce geste de mon grand-père
27:55se mettre à genoux devant sa fille
27:57pour lui demander pardon,
27:59pour des broutilles,
28:01mais cet acte
28:03de pardon était quelque chose d'assez incroyable.
28:05Et je voudrais aussi témoigner
28:07qu'il y a un mois,
28:09j'ai perdu mon grand-père
28:11et il a pu être accompagné
28:13dans ses derniers instants,
28:15entouré de ses quatre enfants,
28:17de sa femme,
28:19et il est mort au moment
28:21où ma tante a entonné
28:23le cantique de Siméon.
28:25Et pour moi, c'est incroyable de se dire
28:27que jusqu'au dernier moment,
28:29il y a de la vie.
28:31Il y a quelque chose à donner et à recevoir.
28:33Et en fait,
28:35la vie, c'est vraiment
28:37ce lien entre
28:39donner et recevoir.
28:41Alors, je vais vous poser une question
28:43à rebrousse-poil, on va dire.
28:45Mais qu'est-ce que ça changerait
28:47si on abrégait justement la fin de vie ?
28:49Est-ce que tout ce que nous décrit
28:51Louis et qui est un très beau témoignage,
28:53mais est-ce que ce serait pas permis
28:55aussi si la personne
28:57décidait d'arrêter sa vie
28:59à tel instant, père Xavier Snowek ?
29:01Qu'est-ce que ça change finalement de laisser
29:03la vie aller jusqu'au bout ?
29:05Je pense que c'est une occasion d'amour qui passerait.
29:07Parce que, justement,
29:09il m'est arrivé
29:11de célébrer des obsèques de personnes
29:13qui s'étaient suicidées.
29:15Et c'est terrible pour ceux qui restent
29:17parce qu'ils ont l'impression
29:19qu'ils n'ont pas assez aimé.
29:21Et je crois que c'est ça.
29:23C'est une occasion d'amour.
29:25Louis raconte et exprime
29:27tout à fait cela dans cette question
29:29qu'il y a l'amour.
29:31Et que...
29:33Et c'est un...
29:35L'oncle d'une...
29:37Au début de mon ministère,
29:39j'ai eu accompagné une femme qui attendait des jumelles.
29:41L'une d'elles était
29:43très handicapée.
29:45Il y a eu des pressions terribles
29:47pour qu'il y ait un avortement thérapeutique.
29:49Elle a refusé. Et ensuite,
29:51il y a eu une mobilisation
29:53des paroissiens,
29:55de la famille, pour...
29:57Et un jour, son oncle m'a dit
29:59« Mais Maryse, si elle n'était pas là,
30:01on ne ferait pas tous... »
30:03Elle est un appel
30:05à aimer.
30:07Elle a été un appel à se dépasser.
30:09Et je crois que tous
30:11les soignants,
30:13les proches
30:15des personnes handicapées,
30:17les proches des malades,
30:19les proches
30:21se dépassent. Moi, je le vois dans le cadre
30:23de l'Ordre de Malte, les bénévoles
30:25qui arrivent pour la première fois
30:27à la masse Saint-Jean,
30:29ils sont tétanisés, ils ne savent pas trop ce qu'ils vont faire.
30:31Et je les vois, petit à petit,
30:33faire des gestes qu'ils n'auraient jamais faits.
30:35Moi-même, j'ai eu ma mère hospitalisée
30:37à domicile. J'aurais jamais cru
30:39que je lui ferais la toilette. Et pourtant,
30:41il a bien fallu, parce qu'entre
30:43deux auxiliaires de vie,
30:45on ne va pas laisser la personne.
30:47S'il y a eu un accident, on ne va pas la laisser.
30:49– Sans malice, une réaction encore
30:51sur ce point ? – Oui, c'est vrai
30:53qu'en vous entendant, on se dit
30:55« On n'a pas le droit
30:57de voler un temps
30:59de vie.
31:01La vie, c'est clair qu'on la reçoit.
31:03Quand on naît, on la reçoit.
31:05Et si la mort
31:07est la fin naturelle de la vie
31:09et un passage vers autre chose,
31:11on se dit « Mais il faut la vivre
31:13jusqu'au bout ». Et nous, on a
31:15vraiment une attention particulière
31:17et pour nous, la belle mort,
31:19c'est la mort réveillée,
31:21c'est la mort où la personne est présente,
31:23entourée, en relation
31:25comme elle peut, quelquefois, même dans le coma,
31:27il reste quelque chose dans la relation,
31:29il reste quelque chose
31:31dans le coma. On peut communiquer,
31:33on peut être présent
31:35les uns aux autres et continuer à aimer
31:37même s'il n'y a plus de mots,
31:39même s'il y a des choses qui passent.
31:41Et donc, l'enjeu, c'est ça,
31:43c'est de ne pas voler des moments de vie.
31:45– Alors, justement,
31:47qu'est-ce que l'Église a à proposer
31:49comme alternative positive
31:51pour ce qui concerne la fin de vie ?
31:53On va se rendre d'abord
31:55à l'abbaye de Fongombo, qui est dans l'Indre,
31:57une abbaye bénédictine
31:59où il y a une tradition ancienne
32:01qui remonte à la Révolution française,
32:03c'est le culte à Notre-Dame
32:05du bien mourir.
32:07À l'abbaye de Fongombo,
32:09voilà plus de deux siècles
32:11que Notre-Dame est honorée
32:13sous un curieux vocable,
32:15Notre-Dame du bien mourir.
32:17Le père Jean Troupeau, archiviste de l'abbaye,
32:19nous explique les racines de cette dévotion.
32:21– La dévotion à Notre-Dame de bien mourir
32:23a vraiment commencé à la Révolution.
32:25Lorsqu'un révolutionnaire
32:27a voulu profaner la statue,
32:29il a cassé la tête
32:31de la mère et de l'enfant,
32:33mais dans sa fureur,
32:35on peut dire,
32:37il est tombé de son échelle,
32:39il a fait une chute mortelle,
32:41mais cependant, il a eu le temps de se repentir.
32:43Et les gens de la contrée ont commencé
32:45à vénérer Notre-Dame
32:47sous ce titre de Notre-Dame du bien mourir
32:49puisqu'elle avait obtenu cette conversion.
32:51– Aujourd'hui encore, les fidèles de la région
32:53se réunissent devant la statue
32:55pour les mourants et leur famille.
32:57Une fois par mois, avec un groupe de priants,
32:59Isabelle récite le rosaire.
33:01– C'est une réponse chrétienne
33:03à la fin de vie.
33:05Donner du sens dans la souffrance,
33:07donner du sens au dernier jour d'une vie.
33:09– La Vierge Marie veille aussi
33:11sur la cinquantaine de moines
33:13dans leur vie de travail et de prière.
33:15Le père François Convert est entré ici en 1972.
33:17Il se confie tous les soirs
33:19à Notre-Dame du bien mourir
33:21après l'office des complices.
33:23– Tous les soirs, je lui demande,
33:25je lui demande pour les gens
33:27qui vont mourir,
33:29surtout ceux qui pourraient se damner,
33:31que Notre-Dame arrive
33:33à les retourner au dernier moment.
33:35– Des grâces nombreuses
33:37qui ont conduit au couronnement
33:39de Notre-Dame du bien mourir en 1991
33:41à l'occasion du 9e centenaire
33:43de la fondation de l'abbaye.
33:45– Voilà ce reportage
33:47signé Éloi Rochebrune.
33:49Alors, c'est aussi l'occasion,
33:51Père Xavier Snowey, que je vous pose la question.
33:53Cette bonne mort,
33:55qu'est-ce qu'une bonne mort justement ?
33:57C'est la question que nous nous posons.
33:59À travers ce reportage,
34:01on a vu ce révolutionnaire converti.
34:03Est-ce que la fin de vie
34:05est une occasion de conversion finalement ?
34:07– Bien sûr, bien sûr.
34:09Je pense que tous les aumôniers d'hôpitaux,
34:11tous les bénévoles des aumôneries le diront.
34:13Moi je le disais souvent,
34:15il y a des ouvriers
34:17de la 11e heure trois quarts.
34:19Parce que je crois que
34:21ces dernières semaines,
34:23quand les gens,
34:25on se concentre sur l'essentiel,
34:27je crois que tout ce qui a été semé
34:29aussi durant la vie remonte,
34:31porte du fruit.
34:33Je crois qu'il y a des grâces.
34:35Si dans la prière du
34:37« Je vous salue Marie »,
34:39ça se termine par « Maintenant
34:41et à l'heure de notre mort »,
34:43je crois que la Vierge Marie
34:45est toute présente à nous,
34:47qu'il y a des grâces d'Etat
34:49et il y a beaucoup de gens
34:51qui font des étapes importantes
34:53à une vitesse extraordinaire.
34:55– Parce que le temps est compté justement peut-être ?
34:57– Le temps est compté,
34:59on est à l'essentiel,
35:01on ne se laisse pas distraire
35:03par tout ce qui nous entoure,
35:05qui a empêché qu'on aille à la messe,
35:07qu'on fasse un pèlerinage,
35:09on est dans son lit
35:11et il y a des heures
35:13qui semblent compter,
35:15il y a des gens qui vont
35:17demander à se confesser
35:19alors qu'ils ne se sont jamais confessés de leur vie,
35:21j'ai célébré un mariage
35:23à l'hôpital,
35:25j'ai vu vraiment des gens.
35:27Et puis aussi, je rappelle
35:29des gens qui n'étaient pas forcément,
35:31par exemple j'ai accompagné
35:33des gens que je connaissais
35:35assez bien et qui n'étaient pas très pieux
35:37et quelqu'un par exemple,
35:39un jour m'a dit,
35:41qu'est-ce que je dois faire pour les soignants
35:43en tant que chrétien ?
35:45Il était membre de l'ordre de mâle,
35:47c'était je pense chez lui assez mondain,
35:49et bien là,
35:51les trois derniers mois de sa vie,
35:53c'était plus mondain du tout.
35:55Qu'est-ce qu'en tant que chrétien,
35:57de quoi dois-je témoigner du Christ
35:59auprès de ceux qui m'entourent,
36:01auprès des soignants ?
36:03– Dans ces derniers moments.
36:05– Oui, je ne m'attendais pas à ça de lui.
36:07– Sœur Maëlys, peut-être avez-vous
36:09été confrontée avec vos
36:11religieuses âgées, qui sont donc
36:13affarmoutiées, peut-être à des demandes
36:15d'abréger
36:17face à la souffrance, et dans ces cas-là,
36:19est-ce qu'il peut y avoir des retournements justement
36:21de dernière minute, des conversions d'une certaine manière ?
36:25Qu'est-ce que vous répondez ?
36:27– Je n'ai jamais été confrontée
36:29à cette demande.
36:31Parce qu'en fait, on travaille
36:33beaucoup
36:35à donner du sens à tout ce qui se vit.
36:37– C'est avant que ça se prépare.
36:39– Voilà, nous on croit aussi
36:41beaucoup à l'accompagnement
36:43et à la préparation dans le long terme.
36:45Et c'est vrai que
36:47quand une sœur
36:49rejoint l'abbaye,
36:51il y a toute une attention portée
36:53à la réconciliation,
36:55à la médiation,
36:57soit avec les communautés, soit
36:59un travail d'accompagnement aussi,
37:01pour que la paix advienne
37:03et que ces moments
37:05si importants
37:07de la grande rencontre
37:09puissent être apaisés.
37:11– Oui Bouffard, il y a quelque chose
37:13dans votre témoignage vis-à-vis de votre maman
37:15qui est je trouve très intéressant,
37:17c'est que vous avez dit
37:19j'ai vécu une forme de retraite,
37:21alors évidemment il y avait la tristesse,
37:23mais aussi une forme de retraite spirituelle,
37:25donc en tant que proche
37:27d'un patient en fin de vie,
37:29de votre maman,
37:31comment se fait-il ?
37:33– En fait c'est parce que j'ai compris
37:35le véritable sens de notre existence,
37:37c'est la préparation
37:39tout au long de notre vie
37:41de la rencontre avec le Seigneur.
37:43Pour moi, la mort
37:45elle se prépare tout au long
37:47de notre vie,
37:49pas parce que la mort c'est la fin de tout,
37:51mais parce que par le Christ
37:53qui est mort sur la croix et par sa résurrection,
37:55il a ouvert un passage
37:57vers la vie éternelle, et finalement
37:59la mort n'est qu'un passage,
38:01vers la vie en plénitude,
38:03cette vie avec Dieu et en Dieu,
38:05cette vie de plénitude
38:07et d'amour, et en fait je pense que
38:09la manière de se préparer
38:11à mourir, c'est tout au long de sa vie
38:13c'est aimer,
38:15c'est ça je pense qu'on est
38:17vraiment ici pour apprendre à aimer.
38:19– À chaque instant.
38:21– Pour apprendre à aimer en vérité.
38:23– Dans la règle de Saint-Benoît
38:25que vous observez ma soeur,
38:27il y a effectivement cette recommandation
38:29de regarder finalement,
38:31je le dis mal sans doute, la mort chaque jour.
38:33– Avoir chaque jour la mort
38:35devant les yeux. – Qu'est-ce que ça veut dire ?
38:37– Alors ça ne veut pas dire
38:39entretenir des pensées tristes tout au long
38:41du jour et de la vie,
38:43c'est au contraire avoir
38:45le souvenir que notre vie
38:47elle est orientée vers
38:49un au-delà
38:51qui donne sens à tout.
38:53Et Louis disait
38:55que ce qui
38:57donne sens c'est de vivre dans l'amour.
38:59Si on est invité à vivre
39:01l'amour aujourd'hui c'est parce que
39:03la plénitude de la vie ça sera cet amour
39:05même et on est
39:07invité à entrer petit à petit
39:09parce qu'il y a une lutte en nous
39:11contre cet amour
39:13et la mort en fait c'est un peu
39:15ce passage
39:17où on va
39:19pouvoir se redéployer
39:21mais pour pouvoir passer
39:23il faut être dans cet amour.
39:25– D'où aussi
39:27la nécessité, il nous reste
39:29quelques minutes avant la fin de cette émission,
39:31d'avoir des structures qui permettent
39:33de vivre comme votre abbaye
39:35à Farmoutier, il y en a d'autres également
39:37mais sans doute pas assez.
39:39Père Snowek finalement, est-ce que
39:41cette discussion qu'on a vue
39:43sur la fin de vie qui a été difficile
39:45qui provisoirement a connu
39:47un coup d'arrêt mais est-ce qu'elle ne
39:49s'arrête pas aussi de se dire qu'il faut que l'église propose
39:51autre chose, des alternatives et davantage
39:53d'alternatives à ce qui est proposé
39:55aujourd'hui pour la fin de vie en France ?
39:57– Je dirais deux choses,
39:59je pense que comme Louis Bouffard
40:01et la sœur Bailis ont
40:03bien dit quand même que c'était
40:05toute une vie et je crois que
40:07en tant que chrétien
40:09d'abord, nous avons
40:11à regarder peut-être la vie
40:13davantage comme étant
40:15cette vie sur cette terre
40:17pour se préparer à l'autre.
40:19– Comme un don, quelque chose qu'on ne reçoit.
40:21– Et on a parfois l'impression
40:23que même les chrétiens vivent pour
40:25la vie d'aujourd'hui,
40:27ne vivent pas les yeux tournés vers le ciel.
40:29Ça je crois que c'est très important
40:31que justement
40:33vous avez tous les deux dit
40:35l'adoption de l'amour
40:37et je crois qu'on assiste
40:39aujourd'hui à une société très dure,
40:41très violente
40:43et justement nous avons
40:45à nous réconcilier, je crois que
40:47d'autres sociétés françaises ont à se réconcilier
40:49à cesser
40:51d'être dans la violence
40:53et là on assiste
40:55depuis quelques jours dans la classe politique
40:57à des règlements, c'est impressionnant
40:59et cette violence
41:01en quelques heures où les gens sont obligés
41:03de se déterminer et on est dans une situation
41:05de violence. Mais je crois que ces situations
41:07de violence elles sont partout
41:09dans toutes les couches de la société
41:11et que justement
41:13c'est parce qu'on n'investit
41:15pas assez dans le spirituel
41:17et justement
41:19aussi quel
41:21accompagnement allons-nous avoir
41:23de ceux qui
41:25sont
41:27personnes handicapées, personnes âgées
41:29et là nous allons vivre à Paris
41:31les Jeux Olympiques
41:33pour de nombreuses
41:35personnes, c'est des situations
41:37très difficiles. Comment allons-nous
41:39traverser l'été
41:41avec
41:43la plupart des auxiliaires de vie
41:45pour ne pas pouvoir venir et nous chrétiens
41:47nous en paroisse
41:49est-ce qu'on demande aux personnes
41:51quel lieu de
41:53ressources sommes-nous
41:55par rapport aux personnes aussi qui sont
41:57C'est un regard d'ensemble
41:59qu'il faut changer. Voilà et puis
42:01comment
42:03nous entraînons-nous
42:05quand on arrive sur justement
42:07des processus, des hospitalisations
42:09des choses comme ça, de nombre de personnes
42:11qui n'ont pas, aujourd'hui Louis
42:13nous a décrit une situation
42:15familiale unie mais
42:17des personnes partent à l'hôpital
42:19seules, on les ramasse
42:21par terre parce qu'elles sont tombées dans l'escalier
42:23moi je me suis retrouvé la personne
42:25de confiance
42:27d'un couple hospitalisé
42:29qui habitait au-dessus de chez moi
42:31il n'y avait personne. Je voudrais
42:33avoir une réaction de Louis Bouffard parce que
42:35on arrive au terme malheureusement de cette
42:37réflexion parce que dans votre témoignage
42:39je rappelle le titre de votre ouvrage
42:41un cœur joyeux et au vu effectivement
42:43des épreuves de votre vie
42:45vous dites j'ai choisi la vie
42:47ça a été et c'est
42:49sans doute toujours votre combat
42:51mais comment est-ce que
42:53la foi et à quel moment vous avez
42:55choisi ce combat
42:57et de l'orienter vers la vie ?
42:59Moi j'ai la chance d'être dans une famille
43:01profondément unie, profondément
43:03croyante. J'ai la chance depuis
43:05tout petit d'avoir cette foi
43:07qui me porte, qui m'aide
43:09à affronter les difficultés
43:11de l'existence
43:13mais pour revenir
43:15sur la notion de famille
43:17c'est vrai que je pense
43:19qu'une légalisation de l'euthanasie
43:21du suicide assisté viendra diviser
43:23les familles ça c'est certain. Il y aura
43:25beaucoup de personnes qui auront
43:27des divisions entre ceux qui sont pour, ceux qui sont
43:29contre, ceux qui sont pour auront
43:31par la suite on le sait
43:33des remords, des regrets
43:35vraiment ça va être
43:37très dangereux. Moi je pense que
43:39effectivement il y a une différence entre
43:41les deuils
43:43naturels liés à une mort
43:45naturelle d'un proche et les morts
43:47brutales par euthanasie
43:49qui entraîneront
43:51des deuils pathologiques
43:53des deuils douloureux
43:55où la personne finalement
43:57les proches n'arriveront plus à en sortir
43:59c'est ça qui est vraiment tragique.
44:01Merci en tout cas de nous avoir aidé à éclairer
44:03cette question et bien c'est sûr
44:05complexe et difficile. Louis Bouffard
44:07je rappelle que vous avez écrit aussi un autre
44:09livre, Une lueur dans les tranchées, qui a reçu
44:11un prix, le prix des écrivains catholiques
44:13et puis bien sûr vous pouvez retrouver
44:15France Catholique sur
44:17internet ou par abonnement
44:19France Catholique qui fait sa une cette semaine
44:21sur la question du mariage, nous en reparlerons
44:23d'ailleurs dans cette émission.
44:25Merci à tous, merci à Aurélie
44:27Lucano et aux équipes techniques de
44:29CNews, à vous d'avoir suivi cette émission et puis la
44:31semaine prochaine, à l'occasion des ordinations
44:33des prêtres en France, nous parlerons justement
44:35du sacerdoce, à quoi sert-il
44:37pourquoi les prêtres sont-ils célibataires
44:39et comment retrouver des vocations
44:41en France, évidemment une question cruciale
44:43là aussi mais en attendant vous restez à notre
44:45écoute.