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Anne-Charlène Bezzina est constitutionnaliste et maître de conférences en droit public.
Regardez L'invité de RTL du 14 avril 2023 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL matin
00:06 RTL il est 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez, Amandine Bégaud. Vous recevez donc ce matin Anne-Charlène Bézina,
00:12 spécialiste de notre constitution et politologue.
00:14 Maître de conférence également en droit public, Anne-Charlène Bézina.
00:18 Vous connaissez parfaitement le fonctionnement du conseil constitutionnel puisque vous y avez consacré votre thèse et vous y avez été
00:25 stagiaire, stagiaire d'aide à la décision. En quoi ça consiste ? Alors exactement, je ne suis pas la seule à avoir été concernée par ça.
00:31 Ce sont beaucoup de jeunes doctorants au moment où nous rédigeons justement cette thèse,
00:35 nous avons l'opportunité d'être reçue au conseil constitutionnel
00:37 comme stagiaire d'aide à la décision. Alors aide à la décision ça signifie finalement être attachée au service de la
00:42 documentation et au service juridique également pour aider finalement les membres, les
00:48 services à travailler au quotidien sur la doctrine, sur la jurisprudence.
00:53 Et c'est vrai qu'on se rend compte qu'il y a un énorme poids des services au sein du conseil constitutionnel. Le secrétariat général qui est vraiment
01:00 un directeur des travaux, les membres aussi qui sont présents mais il y a en effet
01:05 un gros travail de l'intérieur par les services juridiques et de la documentation etc qui en fait anticipe beaucoup le travail.
01:13 Donc c'est vrai que le conseil constitutionnel a un peu cette réputation d'être une institution très confidentielle.
01:18 C'est la plus secrète non ? Très secrète, c'est vrai que pendant longtemps ça a été un culte d'ailleurs. Le conseil constitutionnel avait tellement peur en fait
01:25 d'être sous le feu des projecteurs un peu politiques que ce culte du secret permettait une certaine indépendance de l'institution et c'est un peu comme
01:31 ça qu'elle l'a cultivé au départ.
01:33 Aujourd'hui le conseil constitutionnel a quand même assez bien fait sa mue en essayant de
01:36 rentrer aussi un petit peu dans le concert des cours européennes, en publiant des choses mais c'est vrai que ça reste assez secret.
01:42 Alors on va parler bien sûr dans un instant de cette décision très attendue mais justement essayons de jouer les petites souris.
01:47 Je disais très basiquement à l'heure où on se parle les sages ne se sont pas mis d'accord, ils n'ont pas pris leur décision.
01:53 Alors on ne sait pas à quelle heure exactement a lieu leur délibération, peut-être a-t-elle été anticipée hier soir ?
02:00 C'est difficile. C'est très secret, on ne sait absolument pas. C'est le président qui convoque
02:05 l'ensemble des membres à une date délibérée etc.
02:08 Bon pour qu'on nous donne la conférence de presse ce soir on a tendance à se dire que la délibération a lieu aujourd'hui.
02:14 Impossible de savoir vraiment quand. C'est en tout cas des moments de délibération qui sont vraiment des délibérations
02:19 intéressantes notamment parce que chacun essaye d'arriver jusqu'à l'accord. Il y a une grande part à la négociation
02:26 entre les neuf membres. Mais ils sont tous enfermés dans une pièce
02:31 autour d'une même table, les neufs ? C'est un peu le principe oui en effet de
02:36 s'enfermer jusqu'à la fumée blanche. Comme pour un journée de concours d'assises par exemple ? Oui oui alors il y a
02:41 maintenant beaucoup de communication de la part du conseil consultionnel qui prend la photo sur son site de cette nouvelle table des délibérations qui est en U
02:48 et qui permet d'avoir un ordre protocolaire autour du président en fonction des années de nomination etc.
02:53 Chacun ayant sa place attitrée dont il ne bougera plus pendant tout son mandat.
02:56 Et cette délibération elle est évidemment sous l'oeil du grève, sous l'oeil du secrétariat général
03:02 et elle est censée permettre qu'après le membre rapporteur et bien chacun puisse,
03:07 article par article parfois, de la décision
03:09 donner ses réserves, son sens de l'interprétation parce que le rapporteur arrive avec une décision presque déjà ficelée.
03:15 Et c'est là ensuite qu'il y a une base de travail qui s'établit et les délibérations peuvent durer deux, trois, quatre heures. Et on vote ?
03:21 Et on vote évidemment chacun doit voter. Alors le président a voix prépondérante en cas de partage.
03:28 Sa voix peut compter double. C'est rare qu'il y ait partage. Généralement une majorité arrive à se dégager et c'est la majorité qui fait foi.
03:35 Mais on n'a pas en France de système dite d'opinion dissidente qui fait que ceux qui n'auraient pas voté pour ont le droit de publier leurs
03:40 opinions contraires.
03:41 Une fois que c'était libéré c'est l'institution qui est censée avoir donné son aval.
03:45 Et le détail de ces débats n'est pas rendu public. Il faut attendre
03:47 25 ans pour que ça le soit. Est-ce que ça entretient pas justement un peu...
03:52 Alors il y a ce côté secret et on comprend pourquoi.
03:57 Mais une espèce de suspicion dans l'opinion publique. Pourquoi après tout ne pas dire qui a voté quoi ? Ce serait plus transparent non ?
04:02 Alors c'est un peu le problème du Conseil constitutionnel. C'est qu'organiquement il est un peu aligné sur les assemblées parlementaires.
04:08 Ses crédits sont des crédits des pouvoirs publics et non pas des juges.
04:12 Les membres nommés sont des membres mais on ne les
04:15 qualifie pas vraiment de juges. Et ces délibérations ne sont pas des délibérations de justice avec des minutes, un greffe etc. Elles sont calquées sur
04:22 les pouvoirs publics donc les archives de l'assemblée, du président, du premier ministre. Et c'est vrai que c'est un peu dommage à la fois.
04:27 Le Conseil constitutionnel dit souvent que ça lui permet aussi d'avoir
04:31 une publication de ses débats une fois que les choses sont apaisées. On imagine un petit peu
04:35 dans quelle ambiance la décision du Conseil constitutionnel va être rendue ce soir. Est-ce que la
04:39 publication du délibéré changerait quelque chose au caractère très infalamable de sa décision ? C'est quelque chose qui n'est pas forcément certain. Plus il y a
04:46 de transparence et moins il n'y a pas forcément de contestation malheureusement.
04:50 Alors que peuvent-ils décider ? C'est bien sûr la grande question du jour. Première hypothèse, une censure totale de cette loi. Ça vous n'y croyez pas ?
04:56 Personnellement non.
04:57 Eu égard au précédent jurisprudential. Mais encore une fois,
05:01 comme tout juge, le Conseil constitutionnel est maître de sa jurisprudence. C'est-à-dire qu'il est capable aussi de revirer et de choisir le moment
05:07 social, sociétal, jurisprudential où il faut renforcer, affaiblir sa jurisprudence. Par exemple, aucun des
05:14 constitutionnalistes n'avait présagé qu'en plein confinement le Conseil constitutionnel se mettrait à contrôler des ordonnances ratifiées
05:19 dont on avait enseigné pendant 50 ans qu'il ne le ferait pas et lui-même s'y engageait.
05:24 Étant donné que pour les droits fondamentaux ça lui avait paru important de le faire. Donc
05:27 sauf revirement, je ne crois pas à la censure totale. Et le feu vert total non plus ?
05:30 Vous n'y croyez pas ? Le feu vert total non plus, je n'y crois pas tellement puisque c'est vrai qu'en termes de loi de financement de
05:34 la sécurité sociale, puisque ici nous sommes face à une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, c'est très rare que le Conseil constitutionnel
05:41 valide entièrement eu égard au domaine très particulier de ces lois de financement. Donc finalement j'ai envie de dire une censure partielle,
05:48 peut-être un oui au RIP, le référendum d'initiative partagée, ce serait la meilleure
05:54 des solutions, il n'y aurait pas de grands gagnants, pas de grands perdants ?
05:57 Alors c'est vrai que les choses ont un petit peu changé hier soir,
05:59 puisqu'en réalité les sénateurs et députés de l'ANUP ont déposé une nouvelle demande de référendum d'initiative partagée
06:07 qui corrige un petit peu les défauts de motivation, on va dire, de la première procédure
06:12 de RIP. Donc on a l'impression que même si le Conseil constitutionnel devait censurer la première mouture
06:19 de ce référendum d'initiative partagée, là où la première a échoué, la seconde pourrait réussir.
06:25 Donc moi je pense que ça peut être aussi une décision en deux temps, avec un non à la première proposition de RIP et un oui à la prochaine,
06:31 mais en effet on peut se dire que
06:33 l'idée que socialement ça sera difficile de faire passer que la réforme des retraites passe,
06:38 peut être un petit peu plus facile à digérer pour l'opposition si le RIP se déploie pendant les 18 mois qui y suivent.
06:44 Donc il y a quand même une petite dimension politique Anne-Charlotte Bézina,
06:47 parce que quand je vous entends, vous dites "pour faire passer dans l'opinion"...
06:53 Alors là je parle en tant que commentatrice,
06:56 c'est pour ça aussi que moi j'ai le sentiment que ça serait peut-être un petit peu cet équilibre.
07:01 Ce que je veux dire c'est qu'ils y pensent quand même au contexte, à ces manifestations...
07:05 Je pense très largement que le Conseil constitutionnel est une institution, je lui dis que je ne crois pas du tout aux critiques sur sa composition
07:12 politique, ou égard à la manière dont les choses sont travaillées, mais
07:17 évidemment le moment d'aborder la censure totale d'une loi, le moment de savoir aussi comment on va faire passer un message aux législateurs et aux citoyens,
07:25 est quelque chose qui est profondément travaillé au sein de l'institution, et c'est pour ça que sa composition politique
07:29 récupère parfois au sein des délibérations, on s'en rend compte, des avantages
07:33 que les juristes purs et simples n'auraient pas forcément, puisque le fait d'avoir souvent eu beaucoup d'expériences politiques un petit peu diverses
07:40 permet aux membres de bien connaître les "après" de la décision,
07:44 et notamment de les anticiper dans la motivation, dans les communiqués de presse, pour essayer de parer à toute critique.
07:50 Je pense que de toute façon ce soir, il n'y a pas de véritablement de bonnes décisions que peut rendre le Conseil constitutionnel,
07:56 mais c'est vrai que cet équilibre entre le RIP et la décision est encore plus délicat
08:01 à manier pour le Conseil, qui n'a pas une décision à rendre, mais trois maintenant.
08:04 On attend beaucoup, beaucoup de cette décision du Conseil constitutionnel,
08:08 trop d'après vous Anne-Charlene Bézina ?
08:11 Oh oui, assurément, puisque je pense que le Conseil constitutionnel est un peu la queue de comète du cycle législatif,
08:15 et comme l'a dit notre président, c'est évidemment la fin du processus juridique,
08:20 mais certainement pas la fin de la désadhésion du peuple,
08:25 quand je parle de peuple, dans cette expression étant connotée, on peut dire en tout cas des citoyens,
08:31 avec cette loi en tant que telle.
08:34 Donc, qu'elle suit son avenir ?
08:35 Ça ne sera pas une solution à la crise qu'on connaît aujourd'hui ?
08:37 Ça ne sera pas une solution à la crise, bien sûr que non, et c'est heureux, on est dans un état de droit,
08:41 le juge va jouer son rôle de juge, il va faire une lecture juridique de la conformité de cette loi à la Constitution,
08:45 mais encore une fois, ce n'est pas en lisant la décision du Conseil constitutionnel
08:49 que les citoyens vont trouver la solution à ce qui leur semble être le gap démocratique
08:53 entre les institutions représentatives et leurs souhaits profonds.
08:56 Merci beaucoup Anne-Charlene Bézina.
08:58 nous.

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