Bras d'honneur à l’Assemblée : Dupont-Moretti doit-il être poursuivi ?

  • l’année dernière
Midi actu avec Benjamin Fiorini, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’université Paris-VIII, Juge assesseur à la Cour nationale du droit d’asile.

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##MIDI_ACTU-2023-03-10##

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Transcript
00:00 - Il est 12h11, merci d'être avec nous. Je reçois donc Benjamin Fiorini,
00:05 qui est maître de conférence en droit privé et sciences criminelles à l'université Paris 8.
00:10 Bonjour Benjamin Fiorini. - Bonjour.
00:13 - Merci d'être avec nous. Vous avez publié une tribune dans Le Monde
00:17 à propos de ces bras d'honneur d'Éric Dupond-Moretti. On a vu les images.
00:22 Le délit d'outrage pourrait être caractérisé à l'encontre du garde des Sceaux, dites-vous.
00:28 Peut-il être sanctionné ? - Théoriquement, oui.
00:34 Théoriquement, ce qu'il faut savoir, c'est que les membres du gouvernement,
00:36 lorsqu'ils commettent un crime ou un délit dans l'exercice de leur fonction,
00:40 et tel était le cas en l'occurrence d'Éric Dupond-Moretti, qui était présent à l'Assemblée
00:44 nationale en tant que membre du gouvernement, en tant que garde des Sceaux, tous les crimes et
00:48 délits commis par les membres du gouvernement dans l'exercice de leur fonction peuvent être
00:51 poursuivis et jugés devant la Cour de justice de la République. C'est ce que prévoit l'article 68
00:56 de la Constitution. Or, les faits qui auraient été commis par Éric Dupond-Moretti,
01:01 il faut toujours employer le conditionnel en la matière, même si les images sont publiques
01:04 et disponibles, ce seraient trois bras d'honneur adressés à un député, en l'occurrence Olivier
01:10 Marlex, qui est président du groupe des députés républicains à l'Assemblée nationale. Et il se
01:14 trouve que ces faits-là, si on regarde attentivement l'article 433-5 du Code pénal, peuvent effectivement
01:21 relever de la qualification d'outrage. Donc, vu qu'on a un délit qui aurait été commis par un
01:26 ministre en exercice, j'en déduis que juridiquement, il serait possible que la Cour de justice de la
01:31 République puisse en être saisie. Mais qui peut ouvrir une procédure judiciaire ? Il y a deux
01:37 possibilités. Deux possibilités seulement. Il y a seulement deux personnes au monde, j'ai presque
01:41 envie de dire, qui pourraient ouvrir cette procédure devant la Cour de justice de la
01:44 République. La première, ça serait la victime dans cette affaire, qui serait par conséquent Olivier
01:49 Marlex lui-même, qui pourrait déposer plainte devant ce qu'on appelle la... - Il pourrait déposer
01:53 plainte ? - Il pourrait déposer plainte devant ce qu'on appelle la commission des requêtes
01:56 près la Cour de justice de la République. Donc ça, c'est une première possibilité. Et la deuxième
02:02 possibilité, qui est prévue par la loi organique qui fixe les procédures devant la Cour de justice
02:08 de la République, la deuxième personne qui pourrait le faire, c'est le procureur général
02:11 près la Cour de cassation, c'est-à-dire François Mollins, qui pourrait en quelque sorte s'auto-
02:16 saisir et saisir la commission d'instruction de la Cour de justice de la République après avoir
02:21 recueilli l'aval de la commission des requêtes. - Bien. Oui, mais Éric Dupond-Moretti, si j'ai bien
02:29 compris, pourrait, lui, estimer que ces gestes visaient, je ne sais pas, la présomption d'innocence
02:36 par exemple ? - Oui, c'est ce qu'il a essayé d'avancer dans l'hémicycle pour justifier ses
02:42 actes, ses gestes. Il a indiqué effectivement qu'il ne visait pas la personne d'Olivier Marlex,
02:46 quand bien même les gestes manifestement auraient été dirigés vers lui, mais qu'il visait ses
02:51 propos. Ça équivaut, en droit, à invoquer le mobile, ce pour quoi on a commis le geste,
02:56 comme un fait justificatif, c'est-à-dire comme quelque chose qui excuserait notre infraction.
02:59 Le problème, c'est qu'en matière d'outrage, ce raisonnement, en droit, n'est absolument pas
03:03 admis. Imagine-t-on, par exemple, des personnes qui, comme tous les mois en France, sont condamnées
03:09 pour des gestes identiques commis à l'égard des forces de l'ordre, par exemple vis-à-vis des
03:12 policiers, imagine-t-on que ces personnes puissent dire et être exonérées de la responsabilité,
03:17 "Ah, mais je ne visais pas le policier, je visais ses propos", ou "Je ne visais pas le policier,
03:21 je visais l'autorité de l'État, que sais-je". On est dans la fable. Cet argumentaire-là,
03:26 cette défense-là, ne tient pas et ne justifie pas des faits d'outrage. - Benjamin Fiorini,
03:30 dans la vie de tous les jours, le bras d'honneur, malheureusement, c'est une habitude pour certains,
03:38 qui n'a pas fait un jour un bras d'honneur d'ailleurs, entre nous, mais est-ce que c'est
03:44 condamnable ? On fait un bras d'honneur à quelqu'un dans la vie, dans la rue, je ne sais pas,
03:49 ou ailleurs, est-ce que c'est condamnable ? - Ça peut être condamnable, notamment si vous
03:53 l'adressez à une personne qui est chargée d'une mission de service public ou dépositaire de
03:57 l'autorité publique. En l'occurrence, un député, un parlementaire de manière générale, peut être
04:01 considéré comme une personne chargée d'une mission de service public. - Oui, vous faites ça à un maire,
04:06 par exemple, un bras d'honneur à un maire, vous pouvez être condamné ? - Vous pouvez d'autant plus
04:10 être condamné qu'il se trouve que le même garde des Sceaux dont nous sommes en train de parler,
04:13 le 7 septembre 2020, a adressé à tous ses procureurs une circulaire exigeant que ce type de fait,
04:20 dès lors qu'il était commis envers des élus, donc des députés, des sénateurs ou des maires,
04:24 par exemple, devait être sanctionné avec la plus grande fermeté. Ça signifie que le garde des
04:30 Sceaux, si l'on suit mon raisonnement, se serait mis en contravention par rapport à sa propre
04:35 circulaire, aurait commis des faits pour lesquels il a demandé à l'autorité judiciaire la plus
04:40 grande fermeté. Que l'autorité judiciaire l'écoute. - Que l'autorité judiciaire l'écoute ? Vous attendez,
04:46 donc vous dites "je ne comprendrai pas que François Mollins...", parce que je ne suis pas certain qu'Olivier
04:52 Marlex déposera plainte. - Je ne sais pas, alors là on serait plus dans l'ordre de la stratégie politique.
04:59 Peut-être qu'effectivement, si l'objectif était de mettre en difficulté davantage Eric Dupond-Moretti,
05:04 il pourrait porter plainte. Peut-être que le fait qu'il puisse porter plainte est déjà peut-être une
05:09 arme en quelque sorte qui permet d'exiger de la première ministre des sanctions contre le garde
05:14 des Sceaux, mais peut-être qu'il ne portera pas plainte, effectivement, pour des raisons politiques.
05:18 - La première ministre n'a pas moyen de sanctionner, si elle a moyen, elle peut le révoquer,
05:26 le pousser à quitter son gouvernement, mais elle n'a pas de moyens juridiques, évidemment.
05:32 - Non, elle pourrait proposer au président de la République, effectivement, de mettre fin à ses fonctions.
05:37 - Voilà, c'est tout. Ce qu'elle peut faire, c'est tout. Enfin, c'est déjà beaucoup, mais c'est tout.
05:42 Apparemment, d'ailleurs, il y a quelques tiraillements entre Elisabeth Borne et Eric Dupond-Moretti,
05:47 d'après ce que j'ai cru comprendre. - C'est assez compliqué, parce qu'il ne faut pas oublier
05:51 qu'Eric Dupond-Moretti est déjà mis en examen dans une autre affaire, de prise égale d'intérêt
05:56 devant la Cour de justice de la République, de telle sorte que s'il y avait de nouvelles poursuites
05:59 devant la Cour de justice de la République, ça serait un doublé historique, comme Eric Dupond-Moretti
06:03 a souvent qualifié son bilan. Il a souvent parlé de doublé historique, là on l'aurait pour de vrai.
06:08 - Mais vous n'aimez pas Eric Dupond-Moretti, non ?
06:12 - Je n'ai rien de personnel contre Eric Dupond-Moretti. - Ah bon, d'accord. Non, parce que je sens qu'il y a une...
06:16 Non, il n'y a rien de particulier, non ? - Non, c'est simplement que je suis en train, par ailleurs,
06:21 de mener un combat pour la préservation des jurés populaires de cour d'assises, parce que vous savez peut-être
06:25 qu'ils sont supprimés dans la majorité des affaires criminelles depuis le 1er janvier 2023.
06:29 Et il se trouve qu'Eric Dupond-Moretti valide cette suppression des jurés populaires dans 60% des affaires
06:35 depuis le 1er janvier 2023, alors même qu'il en a été un... - 60% des affaires, attention !
06:39 - 60% des affaires, alors même qu'il en a été un défenseur avant, et c'est un retournement de veste
06:45 à partir du moment où il a raccroché sa robe, dont j'ai du mal à m'expliquer.
06:48 - Pourquoi êtes-vous opposé ? Pourquoi est-ce que des magistrats professionnels ne seraient pas mieux
06:54 pour juger certaines affaires aux assises qu'un juré populaire ?
07:01 - Il y a beaucoup de raisons. Pour commencer, le juré populaire, c'est un héritage de la Révolution française.
07:06 C'est quelque chose qui a été créé juste après la Révolution des 1789, donc c'est un héritage démocratique extrêmement important.
07:12 C'est le dernier espace démocratique qui permet à des citoyens de rencontrer des juges, de délibérer avec eux,
07:17 et de rendre la justice au nom du peuple français.
07:20 C'est un espace où les jurés vont apprendre ce que c'est, la réalité des affaires, notamment les affaires de viols
07:25 qui vont représenter 90% du contentieux de ces nouvelles cours sans juré populaire.
07:31 C'est par conséquent aussi une régression pour la cause féministe, puisque ça signifie que les infractions de viols
07:37 ne vont plus avoir ce regard citoyen dont elles bénéficiaient jusqu'alors.
07:41 - Les magistrats vont faire leur travail, quand même. Vous ne jetez pas de l'opprobre sur le travail des magistrats,
07:48 ou magistrates d'ailleurs. - Non, je ne jete pas de l'opprobre sur le travail des magistrats,
07:51 je considère seulement que la participation des citoyens à la justice criminelle est une dimension importante de notre démocratie,
07:58 et qu'on ne peut pas la sacrifier comme ça, en claquant des doigts, sans qu'il n'y ait eu de débat public sur la question.
08:03 Et je m'attèle actuellement justement à ce qu'il y a un débat public sur la question,
08:06 et j'en profite pour dire que j'ai déposé une pétition citoyenne sur le site du Sénat qui vise à préserver les jurés populaires,
08:11 qu'on retrouve sur le site www.sauvonslesassises.fr.
08:15 - Bien, oui, d'ailleurs les jurés populaires, c'est une vraie question, c'est un vrai débat.
08:20 Vous avez raison d'ouvrir ce débat, parce que c'est un vrai débat, c'est vrai qu'il est...
08:24 - Bien, merci beaucoup dans tous les cas Benjamin Fioreni d'être venu nous voir.

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