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Anne Fulda reçoit Hélios Azoulay pour son livre «Pour Tommy - 22 janvier 1944» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Elios Azoulay.
00:01 - Bonjour Anne Fulda.
00:02 - Alors vous êtes écrivain, vous êtes compositeur et vous êtes à l'origine de la traduction en français de ce petit livre
00:09 très touchant et très beau qui s'appelle Pour Tommy, 22 janvier 1944.
00:14 Un livre qui a déjà été publié en néerlandais, en allemand, en tchèque, en anglais et en hébreu et qui est désormais traduit en français
00:20 avec un petit texte que vous avez écrit aux éditions du Rocher.
00:23 Alors racontez-nous l'histoire de ce livre écrit par un père pour l'anniversaire de son fils pour les trois ans
00:29 de son fils.
00:30 - On devrait dire dessiné, n'est-ce pas ?
00:32 - Oui, dessiné d'ailleurs.
00:33 - Puisque Bédrich Frita a été peintre, dessinateur et caricaturiste à Prague avant que la grande affaire,
00:40 qui est la déportation des juifs d'Europe de l'Est, ne le rattrape.
00:44 Et en 1940, il est envoyé dans le camp de Térésine.
00:47 Il fait partie d'ailleurs du premier convoi et on lui demande là-bas de créer un bureau des dessinateurs dont il assurait la direction.
00:54 Ainsi, il se retrouve plusieurs mois plus tard, un nombre incalculable, enfin incalculable, une vingtaine, une trentaine,
01:00 j'exagère, mais d'artistes en tout cas, qui sont là-bas pour dessiner, faire des dessins de propagande.
01:05 Mais lui, dans le secret, crée perpendiculairement à ça une oeuvre clandestine remarquable.
01:11 Et pour l'anniversaire de son fils, qui le rejoindra dans le camp quelques mois après avec sa femme,
01:15 il dessine pour les trois ans de son gamin, Tommy, 52 aquarelles sublimes de beauté intense, d'amour pur.
01:25 Et qui d'ailleurs n'ont rien à voir avec tous ces destins clandestins qu'il réalise en cachette et qui sont...
01:31 - Qui racontent la vie du camp, du gâteau... - Exactement !
01:33 - La crasse, la saleté, la mort, absolument ! - La noirceur...
01:36 - Exactement ! Tandis que là, il lui donne à manger du rêve, à défaut d'ailleurs de pouvoir lui offrir un gâteau d'anniversaire.
01:41 Bien qu'il dessine ce gâteau d'anniversaire, il lui donne à manger du rêve à son gamin.
01:45 - Oui, et c'est du rêve coloré, c'est poétique.
01:48 Alors, on voit le petit garçon qui n'est pas un petit garçon idéalisé dans plusieurs postures.
01:53 On le voit en train de faire des colères, on le voit aller aux toilettes, on le voit...
01:57 On le voit, on voit le père qui imagine...
01:59 Et là, on sent un peu l'angoisse du futur, effectivement, qui imagine le futur qu'aura ce petit garçon.
02:06 - Bien sûr ! - Est-ce qu'il sera ingénieur, boxeur ?
02:08 - Absolument ! - Pas homme d'affaires, point si style.
02:10 Et finalement, ce qui est frappant, c'est le contraste entre ces dessins, effectivement, très poétiques, magnifiques, plein d'amour.
02:17 Et puis, la réalité des camps, sachant que c'était un caricaturiste, un dessinateur engagé.
02:25 - Complètement ! - Antifasciste.
02:26 - Tout à fait, tout à fait. - C'est une des explications.
02:28 Alors, la question, évidemment, qu'on a envie de se poser, c'est qu'est devenu le petit Tommy,
02:32 puisque... Donc, Thomas, puisque son père va mourir, sa mère aussi du typhus.
02:38 Et Thomas ?
02:39 - Thomas va survivre.
02:42 Et Thomas, après la guerre, va être adopté.
02:47 Par un des camarades peintres de Bédrige-Frita.
02:51 Et cet homme avait promis à Auschwitz, d'ailleurs, où ils étaient allés tous les deux,
02:55 puisque tous les deux s'étaient fait prendre pour leur œuvre de dessinateur et de résistant.
02:58 Et il avait promis à Bédrige, si je survis, j'adopterai ton fils Tommy.
03:05 Et c'est le cas. Il va survivre, il va adopter ce gamin sublime.
03:10 Et il va aller déterrer tous ces dessins que le père, la veille de son arrestation, avait enterrés à l'intérieur du camp.
03:17 Il lui avait donc donné la planque, révélé la planque de ces dessins.
03:21 Et il y avait une centaine de dessins, voilà, ces dessins effroyables, clandestins, dont je vous parlais tout à l'heure.
03:28 Et en dessous, ces dessins, le fameux petit livre pour Tommy, que je suis bien heureux, bien sûr, de publier, parce que c'est de l'amour pur.
03:36 C'est de l'amour, c'est l'amour d'un père. C'est de l'amour, c'est de l'amour, c'est de l'amour pur.
03:40 Et Tommy va garder toute sa vie ce livre.
03:41 Tommy meurt en 2015 et toute sa vie, il va garder ce livre dont il a hérité et se plonger, d'après ce que j'en sais, d'après ce que ses fils, les fils de Tommy, m'ont raconté, et se plonger très, très régulièrement dans la lecture de ce livre, tentant, j'imagine, de déchiffrer qui était son père.
03:58 Je veux dire, il n'avait plus que ça à faire, essayer de déchiffrer qui était son père en se plongeant dans ses aquarelles sublimes.
04:05 Alors, dernière question, certains pourraient voir des points communs avec le fameux film "La vie est belle", c'est-à-dire, effectivement, une manière de, à travers le rêve, qu'il n'a pas pu transmettre tout de suite, de faire passer une réalité trop, trop dure pour être vrai.
04:19 Vous trouvez que la comparaison tient la route ou pas ?
04:24 Je trouve qu'elle tient la route, absolument.
04:25 Comme je vous le disais, là-bas, c'était Thérésine, même si sa situation était quelque peu privilégiée en tant que dessinateur, etc.
04:34 Bon, c'était la crasse, c'était la fin, il était encerclé de mort, cet homme-là.
04:38 Et ce qui est passionnant, c'est de se dire qu'il a pu donner et convoquer en lui tellement d'art et tellement de délicatesse, non pas de fragilité, mais tellement de délicatesse.
04:50 C'est ça qu'il a donné.
04:51 C'est un livre, ensemble, vous savez, c'est un livre sur l'héritage.
04:54 Voilà, voilà.
04:55 C'est un livre sur l'héritage, c'est un art d'hériter.
04:57 C'est un livre sur l'héritage.
04:59 En tout cas, c'est vraiment un très joli livre qui est poétique, donc un livre de dessin avec un texte que vous avez écrit.
05:06 Et donc, ça s'appelle Pour Tommy, 22 janvier 1944, et c'est publié aux éditions du Rocher.
05:12 Merci beaucoup, Elie Sazoulé.
05:13 Mais merci à vous.
05:15 [Musique]
05:18 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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