• il y a 4 heures
Anne Fulda reçoit Anne-Sophie Stefanini pour son livre «Une femme a disparu» dans #HDLivres

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Anne-Sophie Stéphanini.
00:04Alors, vous êtes éditrice, mais vous êtes également auteure.
00:08Vous avez déjà publié plusieurs romans,
00:10« Nos années rouges », « Cet inconnu », « Vers la mer ».
00:13Et là, vous venez de publier un nouveau roman
00:15qui est paru chez Stock, « Une femme a disparu ».
00:18Un roman envoûtant qui nous donne envie de voyager,
00:21de nous engager aussi, d'être amoureux,
00:24tout un ensemble de choses.
00:26Parce que ce livre, c'est finalement une histoire d'amour,
00:29celle de Constance, qui a 17 ans,
00:32qui arrive dans le cadre d'un échange à Yaoundé.
00:36Elle y rencontre Jean Martial.
00:40Et c'est aussi l'histoire d'amour avec un pays,
00:43le Cameroun, et une ville, Yaoundé.
00:46Et ce pays, vous semblez vraiment bien le connaître,
00:49parce que d'ailleurs, vous l'avez connu.
00:51Oui, je suis partie à 17 ans, un peu comme mon héroïne, Constance,
00:55aussi dans le cadre d'un échange scolaire.
00:58J'ai atterri à Yaoundé comme elle.
01:01Et comme elle, je suis partie ensuite dans un petit village
01:04au sud de Balmaïo.
01:06Et comme elle, j'ai été prise par l'histoire politique de ce pays,
01:10puisque j'arrive à Yaoundé en 97,
01:13et que quelques années auparavant avaient eu lieu
01:16ce qu'on a appelé les « villes mortes » au Cameroun.
01:19Et pour la jeune fille éprise de révolution, d'idéal, d'engagement,
01:24la confrontation avec l'histoire en marche,
01:28le temps de la révolte et les insurrections
01:32qui avaient soulevé l'université à Yaoundé et à Douala,
01:36ça m'avait passionnée.
01:38Et puis j'y suis retournée plusieurs fois, longtemps.
01:42J'y suis tombée amoureuse.
01:44J'ai lu les auteurs camerounais.
01:47Et le Cameroun est à l'origine à la fois de ma vocation d'éditrice,
01:52de lectrice et d'auteur.
01:54Et ce livre-là, qui raconte une disparition d'une professeure à Yaoundé,
02:00c'est un hommage évident, une longue lettre d'amour à ce pays,
02:05à ceux qui ont connu ce temps des villes mortes,
02:08à cette femme disparue et à ceux qui la cherchent.
02:11Et aussi, je ne sais pas si, puisque Constance et vous-même
02:16semblent parfois être les mêmes, mais parfois non,
02:20en tout cas à cet homme, Jean Martial,
02:23qui vient chercher Constance à l'aéroport.
02:27Vous écrivez joliment,
02:29« J'avais peur, mais cet homme m'offrait l'air qui me manquait.
02:31Il avait parlé et tout était revenu.
02:32Les sensations, les odeurs, la vue.
02:34Il était un peu plus âgé que moi, plus grand, plus souriant.
02:37Il portait un blouson en jean trop grand,
02:39comme si lui aussi attendait des vêtements à sa taille.
02:41Que le temps de l'assurance n'était pas encore venu. »
02:45Alors, ce Jean Martial, il permet à Constance de grandir,
02:50de s'émanciper, de connaître presque la vie
02:53dans sa globalité, finalement ?
02:55Oui, Jean Martial, il a quelques années de plus que Constance,
02:59qui est encore lycéenne.
03:00Elle est en première à Paris.
03:01Et elle, elle n'a rien vécu.
03:03Elle n'est jamais tombée amoureuse.
03:05Elle ne s'est pas encore engagée pour une cause.
03:07Elle a très peu voyagé.
03:09Et lui, il attend à l'aéroport.
03:11Il est étudiant à l'université de Yaoundé.
03:13Il a connu le temps des manifestations et de la répression.
03:17Il est en avance sur elle de tant de choses.
03:20Et surtout, il la prend par la main.
03:22Il l'emmène, il traverse Yaoundé ensemble.
03:24Il traverse le quartier de Biémassy, qui compte tant.
03:27Et il va lui montrer cette ville, l'histoire de ce pays,
03:32l'histoire de ceux qui se battent, des révolutionnaires.
03:35Il va être, d'une certaine manière, celui qui lui permet
03:38de mieux comprendre, de mieux vivre le temps de ce voyage
03:43et de cette rencontre.
03:44Et il l'emmène en particulier dans un bar, un maquis à Yaoundé,
03:48où sont affichés au mur tous les grands leaders de la révolution.
03:52Et il lui parle d'une femme, en lui disant qu'il y a quelques années,
03:56une professeure d'histoire à l'université de Yaoundé,
03:59qui venait danser ici, a disparu.
04:02On pense qu'elle a été emprisonnée et qu'elle est sans doute morte
04:07dans les prisons d'État parce qu'elle réclamait plus de droits
04:11pour ses étudiants et pour elle-même.
04:13Et cette femme, personne ne sait ce qu'elle est devenue.
04:16Cette femme, d'une certaine manière, elle te ressemble.
04:19Et Jean Martial, en lui racontant cette histoire,
04:21il ne soupçonne pas que Constance va garder en elle la trace
04:26de cette histoire, plus encore que la trace de ce premier amour.
04:31Et que c'est la naissance d'une obsession pour elle
04:35qui est devenue cette femme, qui était telle.
04:37Qu'est-ce que ça veut dire, lui ressembler ?
04:39Et qu'est-ce que ça veut dire, la chercher ?
04:41Et cette idée de la disparition, qui vous est chère,
04:44et Constance, effectivement, n'en arrivera pas.
04:47Elle va repartir en France.
04:49Elle va faire sa vie, comme on dit.
04:51Et puis elle va revenir.
04:53Parce qu'en fait, elle n'arrive plus à quitter ce pays étant elle.
04:58En fait, c'est autant un livre sur la disparition,
05:00la disparition d'un amour, la disparition d'une femme,
05:03la disparition d'une jeunesse, que le livre des retrouvailles.
05:07Constance, elle va mettre 20 ans à retourner au Cameroun.
05:12Entre-temps, le Cameroun aura vécu en elle l'histoire camerounaise.
05:15Elle sera devenue professeure d'histoire à son tour.
05:18Elle travaillera sur les mouvements révolutionnaires africains.
05:23Elle va donner naissance à son fils, qu'elle va appeler Ruben,
05:27en hommage à Ruben Umnobe, qui est un grand leader
05:30de l'indépendance camerounaise.
05:32Et elle va écrire un roman sur la femme disparue,
05:36en hommage à Jean Martial qui lui avait raconté cette histoire
05:39et en hommage à tous les disparus de ces années 90 au Cameroun.
05:43Et quand elle retourne, c'est là que le roman prend
05:46encore un autre souffle, une autre dimension.
05:49Elle, elle pense retrouver le pays de sa jeunesse.
05:52Elle pense retrouver son amour.
05:53Elle pense même peut-être retrouver cette femme.
05:55Parce que quand on écrit, on a l'impression de convoquer les absents.
05:59Et elle va se confronter, non seulement à l'absence
06:02de ceux qu'elle croyait retrouver, au changement de ce pays,
06:06et à un homme qui lui dit, en fait, il faut vraiment chercher cette femme.
06:10Tu l'as fait dans un livre, il va falloir continuer à écrire.
06:14En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre.
06:16Ça s'appelle Une femme a disparu.
06:18C'est paru chez Stock.
06:19Merci beaucoup Anne-Sophie Stefanini.
06:21Merci.

Recommandations