Anne Fulda reçoit Sophie Fontanel pour son livre «Admirable» dans #HDLivres
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00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Sophie Fontanel.
00:03 Bonjour. -Bonjour.
00:04 -On vous connaît bien. Vous êtes chroniqueuse,
00:07 vous êtes romancière, vous êtes...
00:09 Je sais pas, à mon avis, vous n'aimez pas le terme "influenceuse",
00:13 avec des articles sur Instagram qui sont très jolis,
00:16 parce que c'est des...
00:17 Qui croquent pas uniquement la mode,
00:19 mais des instants de vie,
00:21 et c'est des tendances avec poésie, acuité.
00:24 Vous venez de publier "Admirables" aux éditions Segers,
00:27 un livre, là aussi, singulier, là aussi poétique, en fait,
00:31 qui est peut-être prophétique et qui pousse à la réflexion.
00:34 -J'espère pas. -On espère que non.
00:37 Alors, c'est un roman qui a des allures de contes, de fables.
00:41 Il se passe en Grèce, c'est probablement pas un hasard.
00:44 Ca commence par une rencontre, celle entre un jeune pianiste,
00:48 enfin, un pianiste supposé jeune, Siméon, et Anne Mirat.
00:51 Anne Mirat a une particularité,
00:53 c'est que c'est la dernière femme bridée sur Terre.
00:56 Comment vous est venue cette idée ?
00:58 Elle m'est venue parce que, bien souvent,
01:01 on n'a pas besoin d'avoir l'âge d'Anne Mirat,
01:03 qui est bien plus âgée que moi.
01:06 À mon âge, ou même plus jeune encore, on se dit parfois...
01:09 "Mais je suis la dernière femme bridée sur Terre, en fait."
01:14 C'est qu'on est entouré de visages qui sont lisses,
01:18 et je cherchais un modèle.
01:21 Je trouvais pas de modèle.
01:23 Je cherchais, je cherchais, et je me suis dit,
01:25 "T'as qu'à l'inventer, le modèle."
01:27 Voilà, j'ai créé cette femme.
01:29 Alors, ce thème du vieillissement,
01:33 c'est pas la première fois que vous l'abordez,
01:36 vous l'aviez déjà fait dans un livre précédent,
01:39 lorsque vous parliez de votre "passage" aux cheveux blancs,
01:43 le fait de l'assumer, entre guillemets.
01:45 C'est important de passer le...
01:49 Enfin, d'accepter la vieillesse ? Ca fait peur ?
01:53 Alors, ce mot d'acceptation,
01:56 c'est l'art de la guerre,
01:58 parce que quand on commence à réfléchir,
02:01 dans la peur de la mort, par exemple,
02:03 l'acceptation, c'est le dernier stade.
02:06 Donc, c'est toujours un peu l'acceptation.
02:09 Et pourtant, c'est bien la question, c'est d'épouser, en fait.
02:14 C'est d'épouser l'évolution de son visage,
02:17 ce que beaucoup de gens ne veulent pas faire.
02:21 Je les comprends, quelque part, mais c'est une fuite.
02:25 Donc, je ne juge pas les gens qui fuient,
02:28 parce que j'ai plein d'amis,
02:30 donc j'aurais bien du mal à juger ces gens,
02:33 mais dans un monde où ça devient la norme,
02:37 d'avoir le visage refait,
02:39 de lutter contre les signes du temps,
02:42 je pense qu'on peut peut-être dire
02:44 que les gens qui ont des rides,
02:46 ils ont une valeur aussi.
02:49 Dans votre livre, il y a un médicament miracle
02:52 qui a été inventé par Josette Derrida,
02:54 ça ne s'invente pas, qui est commercialisé.
02:57 J'allais pas me priver de mon tigeonnement.
03:00 Qui est commercialisé et qui permet de gommer toute trace
03:04 prouvant un vieillissement,
03:06 mais cette uniformisation, cette marée de visage lisse,
03:10 c'est pas du tout un monde idéal.
03:12 C'est ça dont on se rend compte.
03:13 C'est ce que j'ai voulu montrer.
03:15 C'est qu'on peut être lisse, sans rides, sans tâches,
03:18 mais c'est pas obligatoirement le paradis.
03:20 C'est le paradis, parce que vous n'avez plus de rides.
03:24 Mais ce que j'ai voulu montrer, c'est, OK, faisons-le.
03:29 Là, on comprend, on peut pas tout dire,
03:31 mais il y a une raison pour laquelle tout le monde se jette
03:33 sur ce médicament.
03:34 Et ce que j'ai voulu montrer,
03:36 c'est que qu'est-ce que c'est, un monde où on n'a plus de rides ?
03:39 C'est un monde où on va donc mourir en ayant l'air jeune.
03:43 Donc on va pas comprendre, on va dire comment, déjà ?
03:47 Déjà qu'on se dit déjà quand on vieillit.
03:49 C'est ça que j'ai voulu montrer,
03:51 c'est qu'il y a un sens au fait de vieillir.
03:54 Lutter contre le vieillissement,
03:56 c'est se dire à soi-même qu'il y a un précipice
03:58 dans lequel il faut pas tomber.
04:00 Bien évidemment, il y en a un à la fin,
04:02 mais on peut peut-être le voir autrement qu'un précipice.
04:04 Et ensuite, c'est dire aux jeunes,
04:06 "Attention, après la jeunesse, il n'y a plus rien."
04:10 Voilà pourquoi nous, on veut absolument rester jeunes.
04:13 Je pense que c'est une société malade, en fait.
04:16 Dans votre livre, vous évoquez deux catégories de femmes,
04:20 sans les pointer du doigt, d'ailleurs,
04:22 les parfaites et les pas refaites.
04:25 Mais effectivement, ce qui est intéressant, c'est la leçon,
04:29 c'est qu'en fait, tout n'est pas perdu
04:31 et qu'il peut y avoir une forme de révolution douce
04:34 qui fait qu'on peut survivre sans avoir le visage lisse
04:39 et en allant paisiblement vers la vieillesse.
04:43 Comme c'est un conte, ce que j'ai écrit,
04:45 et que je voulais que ça ait un côté Agatha Christie,
04:48 comme c'est un conte, il y a des obstacles.
04:51 C'est-à-dire qu'il y a une réalité
04:53 que tous ces gens n'ont plus de rides,
04:55 qu'ils ont très peur des pentes,
04:57 parce qu'ils ne peuvent plus prendre la pente de l'âge,
04:59 et aussi, ils ont très peur de se casser le col du fémur,
05:02 parce que même s'ils n'ont pas de rides, ils vieillissent.
05:04 Donc, c'est la folie, en fait, d'une société.
05:07 Et comme c'est un conte, je me suis dit,
05:09 moi, je n'en peux plus des dystopies.
05:11 Je n'en peux plus que ce soit le constat...
05:14 Beaucoup de livres sont comme ça.
05:15 "C'est horrible, regardez comme c'est horrible."
05:17 Je témoigne de ce qu'il y a, à quel point c'est horrible.
05:19 Moi, je me suis dit, il faut que je trouve une solution.
05:21 Donc, j'avais pour mission
05:23 que mon héroïne trouve une solution à la folie du monde.
05:27 Elle est bien plus intelligente que moi, vous imaginez.
05:31 - Alors, on dit bravo à Admira.
05:33 Elle s'en sort bien,
05:34 et on se laisse emporter dans ce joli conte contemporain.
05:39 Donc, ça s'appelle "Admirable".
05:40 C'est paru aux éditions Seger, je vous le conseille vivement.
05:43 - Merci, je vais le lire. - Voilà, lisez-le, franchement.
05:45 Vous verrez, je vous découvrirai.
05:47 Merci, Sophie Fontanel.
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