Anne Fulda reçoit Anne-Cécile Suzanne pour son livre «Les sillons que l’on trace» dans #HDLivres
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Anne-Cécile Suzanne.
00:02 Vous avez un profil très particulier,
00:04 puisque vous êtes agricultrice dans le PERCH,
00:07 et vous êtes consultante en stratégie agroalimentaire à Paris.
00:12 Vous venez de publier un livre qui s'appelle "Les sillons que l'on trace",
00:16 un livre qui est paru chez Fayard, un livre qui est à la fois très personnel,
00:20 qui revient sur votre expérience assez singulière,
00:23 et aussi trace quelques perspectives pour l'avenir de l'agriculture.
00:29 Vous racontez comment vous, qui êtes une fille d'agriculteur,
00:32 du moins votre père est agriculteur, puisque votre mère est médecin,
00:35 aviez décidé de prendre un tout autre chemin
00:38 jusqu'à ce qu'en fait, vous y soyez contrainte
00:41 à cause de la maladie de votre père.
00:43 Parce qu'en fait, vous ne vouliez pas devenir agricultrice.
00:46 -Non seulement, je ne le voulais pas, je ne l'imaginais absolument pas,
00:49 mais mon père, ma mère, s'y refusait également.
00:52 L'idée, c'était justement de me hisser aux plus hautes études possibles
00:57 pour que je sorte de ce milieu-là.
00:59 Et surtout, que je sorte de la dureté de ce métier,
01:02 parce que mon père était agriculteur sans vraiment aimer son métier.
01:07 -Alors, donc, vous avez fait des études, des études commerciales,
01:11 puis votre père tombe malade,
01:13 et vous vous retrouvez contrainte de le seconder,
01:18 mais vous y prenez goût, en fait, ce qui n'était pas prévu.
01:21 -C'est ça, ça a été la grande surprise.
01:23 D'abord, j'ai vraiment repris l'exploitation par sentiment.
01:28 Je voulais juste garder cette part de mon père auprès de moi.
01:30 Et donc, je le faisais encore, à l'époque, au tout début, pour lui,
01:34 et progressivement, en fait, je l'ai fait pour moi,
01:36 pour aussi tout le sens que ça m'a apporté
01:39 d'avoir ces animaux sur l'exploitation,
01:42 parce que j'élève des vaches,
01:43 et de cultiver ces céréales, ces terres,
01:46 qui avaient été transmises de génération en génération.
01:49 -Alors, c'est pas évident, ça ne s'apprend pas,
01:51 même si vous avez vécu dans ce milieu,
01:54 ça ne s'apprend pas du jour au lendemain.
01:55 Les vaches, d'ailleurs, elles reviennent souvent,
01:57 les vaches, les veaux, la naissance,
02:00 c'est quelque chose qui est important,
02:01 il y a un lien particulier qui s'est créé avec,
02:04 c'est quelque chose d'important, on a l'impression.
02:06 -Oui, c'est devenu extrêmement important pour moi,
02:09 pour plein de raisons, en fait.
02:11 Un troupeau, ça se transmet déjà.
02:13 Donc, mon père a fait naître des vaches,
02:15 et après, c'était à moi d'en prendre soin,
02:17 de faire naître des veaux à mon tour.
02:20 Donc, c'était déjà cette notion de continuité de la vie
02:23 qui était importante pour moi.
02:24 Et puis, au-delà de ça, effectivement,
02:26 j'ai un attachement particulier à mes vaches,
02:29 j'aime travailler avec ces animaux-là,
02:31 qui, en fait, tout au long des péripéties
02:33 que je raconte dans ce livre,
02:34 m'ont toujours apporté de la stabilité,
02:36 voire du réconfort,
02:37 et c'est vrai que je ne suis jamais aussi bien
02:40 qu'auprès des vaches, et je raconte ça,
02:41 j'essaie de transmettre au lecteur la beauté, en fait,
02:44 de l'élevage bovin français.
02:46 -Alors, cela dit, c'est évidemment pas un métier facile,
02:49 même si c'est un lieu commun,
02:51 le fait d'être femme ne facilite pas les choses,
02:54 on n'est pas accueillis à bras ouverts,
02:56 et puis il y a des difficultés qui sont liées à ce métier,
03:00 il y a les difficultés liées à la météo,
03:01 aux dettes, aux normes qui étouffent,
03:03 toutes ces difficultés que l'on décrit sans cesse.
03:07 Qu'est-ce qui vous a paru le plus dur ?
03:09 -Alors, dans le parcours que je raconte,
03:12 je pense que le plus dur, finalement,
03:14 ça a été d'être aussi un peu à côté,
03:16 c'est-à-dire qu'on a une image de l'agriculteur,
03:19 de l'agricultrice,
03:20 et moi, je ne correspondais jamais vraiment aux catégories,
03:22 et du coup, on m'a beaucoup dit,
03:24 les autres agriculteurs notamment,
03:27 "Tu n'es pas vraiment agricultrice",
03:29 et quand j'étais à Paris,
03:30 je n'étais pas vraiment non plus capable de parler des enjeux agricoles
03:33 parce que j'étais agricultrice.
03:35 Donc c'est toujours un peu cette non-appartenance qui a été difficile.
03:39 Et puis sinon, spécifiquement,
03:42 je pense qu'il y a eu la relation quand même avec les banques
03:45 et avec l'administration au moment de mon installation,
03:48 qui a été particulièrement difficile aussi.
03:49 -Alors, vous avez été engagée en politique.
03:52 Aujourd'hui, vous n'êtes plus.
03:54 Mais est-ce qu'il y a une question qui revient sans cesse,
03:58 c'est est-ce que la France a vraiment encore les moyens
04:01 de faire évoluer les choses seule ?
04:03 Est-ce qu'aujourd'hui, la dépendance à l'Europe n'est pas telle
04:06 que sans l'Europe, on ne peut pas faire bouger les choses ?
04:09 -En bas de Normande, je vais vous répondre oui et non, en fait.
04:12 La France peut faire des choses.
04:14 Je pense qu'il y a aussi des faux prétextes,
04:16 de dire "Tout appartient à l'Union européenne, c'est faux."
04:19 On peut faire plein de choses, notamment dans l'application
04:21 des normes miroirs qui sont décidées au niveau européen,
04:23 qui protègent la France de l'importation de produits
04:26 qui ne correspondent pas à nos standards de production.
04:28 Là, on a des choses à faire au niveau franco-français.
04:31 Effectivement, néanmoins, il y a aussi des décisions
04:34 qui sont prises au niveau européen.
04:35 C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à un moment donné,
04:37 je me suis engagée au niveau européen
04:38 pour porter des idées agricoles.
04:41 Il y a les deux, mais en tout cas,
04:43 à toujours tout porter sur l'Union européenne,
04:45 on n'arrivera jamais à avancer,
04:46 donc il faut savoir conjuguer, je pense.
04:48 - Donc vous comptez aussi pour qu'il y ait des gestes français.
04:52 Bon, en tout cas, je vous conseille de lire ce livre,
04:55 qui n'est pas justement qu'un livre qui mélange les deux,
04:59 c'est-à-dire "Et l'affectif ?
05:00 Est-ce que c'est vraiment que le lien charnel avec la terre ?"
05:02 Et puis "Les idées pour l'avenir, pour sauver l'agriculture française".
05:06 Ça s'appelle "Les sillons que l'on trace", c'est paru chez Fayard.
05:09 Merci beaucoup, Anne-Cécile Suzanne.
05:10 - Merci à vous.
05:12 (Générique)
05:15 ---
05:16 [SILENCE]