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L'ancien chef de l'État est l'invité du Grand Jury à quelques jours du premier anniversaire de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Regardez Le Grand Jury avec Olivier Bost et Marie-Pierre Haddad du 19 février 2023

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Le grand jury RTL Le Figaro LCI. Olivier Bost.
00:16 Bonjour à tous, bienvenue dans ce grand jury. François Hollande, bonjour.
00:20 Bonjour.
00:21 Un an de guerre en Ukraine, Emmanuel Macron souhaite une défaite de la Russie sans l'écraser.
00:26 Vous analyserez ses précautions du chef de l'État et vous nous direz comment faut-il s'y prendre avec Vladimir Poutine,
00:33 que vous avez connu quand il annexait la Crimée.
00:36 Nous parlerons aussi des retraites et du triste spectacle de l'Assemblée nationale,
00:41 et puis du nucléaire et de vos choix de l'époque pour réduire la part de l'atome pour notre électricité.
00:47 Ce grand jury est en direct, vous pouvez poser toutes vos questions à François Hollande.
00:53 Ça se passe sur les réseaux sociaux avec le hashtag #LeGrandJury.
00:56 Pour nous interpeller, vous prenez ce hashtag #LeGrandJury.
00:59 C'est Marie-Pierre Haddad de la rédaction de RTL qui scrute les réactions et vos questions et nous alerte avec ce signal.
01:06 Pour vous interroger à mes côtés, Bastien Auger de TF1 LCI. Bonjour Bastien et bienvenue.
01:11 Merci.
01:12 Et Marion Mourgue du Figaro. Bonjour Marion.
01:14 Et c'est Marion Mourgue qui vous pose la toute première question de ce grand jury.
01:17 Depuis quelques jours, les mots d'Emmanuel Macron ont changé pour parler de l'Ukraine.
01:22 Il dit désormais dans un entretien accordé au Figaro qu'il veut la défaite de la Russie en Ukraine mais sans l'écraser.
01:28 Est-ce que vous trouvez que le président français prend encore trop de précautions pour parler de l'Ukraine et de la Russie ?
01:34 Nous sommes donc un an après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
01:39 Et la question qui est forcément posée et qui préoccupe tous ceux qui nous écoutent, c'est combien de temps ce conflit va durer ?
01:47 Avec quel risque d'escalade et d'embrasement du monde entier ?
01:52 Donc dire que nous souhaitons la défaite de la Russie est à l'évidence le mot qu'il faut utiliser, défaite.
02:01 C'est-à-dire qu'il convient que la Russie se retire des territoires ukrainiens qu'elle occupe, qu'elle occupe depuis son opération militaire,
02:10 qu'elle occupe aussi par les séparatistes ukrainiens il y a maintenant plus de 8 ans.
02:18 Ensuite, de ne pas vouloir écraser la Russie, mais si c'est sans doute l'interprétation qu'a Emmanuel Macron,
02:27 c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'aller sur le territoire russe, d'aller frapper la Russie en tant que telle,
02:32 qu'on vient de la repousser et de lui faire entendre raison et pour l'emmener vers la négociation.
02:38 Et tout ça suppose un rapport de force militaire.
02:41 Et donc la conclusion c'est que nous devons, l'Europe, les États-Unis, aider massivement les Ukrainiens,
02:48 effectivement à créer un rapport de force, à vaincre la Russie et à s'arrêter là, parce que ce serait finalement l'objectif qui serait atteint.
02:57 Et sur cette tactique précisément, croyez-vous comme Volodymyr Zelensky qu'Emmanuel Macron a changé ?
03:03 Oui, je pense que dans les mots de Zelensky, il y avait une part de reproche.
03:08 Ce qui avait pu être dit sur ne pas humilier la Russie ou avoir avec Poutine quelques dialogues qui pouvaient à un moment paraître utiles.
03:20 Je pense que Zelensky voulait montrer que ce temps-là était terminé et que maintenant Emmanuel Macron, la France,
03:26 l'Allemagne était entièrement dévouée pour aider l'Ukraine sans penser qu'il y a une offre de négociation aujourd'hui de la part de Vladimir Poutine.
03:38 Alors peut-être arrivons au fait lui-même.
03:41 C'est-à-dire que ma conclusion c'est que la guerre va durer.
03:45 Elle va durer longtemps.
03:47 Elle va durer tant qu'il n'y a pas eu un rapport de force militaire qui aura été créé dans un sens ou dans un autre.
03:55 Mais l'idée, pardonnez-moi, c'est justement que cette guerre ne dure pas trop longtemps.
03:59 C'est quand même ça que les Occidentaux ont aujourd'hui en tête.
04:02 Parce que si elle ne dure pas longtemps, elle revient à l'avantage de la Russie.
04:05 Pour qu'elle ne dure pas longtemps, il faut aider massivement l'Ukraine.
04:09 Car sinon, il va y avoir ce que l'on appelle un conflit gelé.
04:13 C'est-à-dire qu'il va y avoir une situation où il n'y aura ni vainqueur ni vaincu.
04:17 Où les forces vont se stabiliser comme dans d'autres époques avec des tranchées.
04:23 Et au bout d'un certain moment, il y aura l'acceptation de l'amputation du territoire ukrainien.
04:29 Ce qui est inacceptable pour les Ukrainiens.
04:32 Et ce qui serait extrêmement dangereux pour notre propre sécurité et pour l'ordre international.
04:38 Parce que ça signifierait que la Russie, par l'acte qui a été le sien, c'est-à-dire l'invasion de l'Ukraine,
04:44 a pu obtenir un avantage territorial.
04:47 Est-ce qu'Emmanuel Macron a raison de commencer à penser à l'après, à la préparation de la paix,
04:53 et dire qu'il faudra un jour donner des garanties de sécurité à la Russie ?
04:56 Est-ce qu'il a raison de dire cela ?
04:58 Les seules garanties de sécurité qu'il faut donner, c'est à l'Ukraine.
05:02 Parce que dans une négociation, je peux en témoigner, avec Minsk en 2015,
05:08 c'est l'Ukraine qui demandait des garanties.
05:11 Pour qu'il n'y ait pas d'invasion.
05:13 Parce qu'elle était toujours possible. Et la preuve, c'est qu'elle a eu lieu.
05:17 Donc les garanties premières de sécurité, c'est à l'Ukraine qu'il faut les accorder.
05:22 Ensuite, il y a sûrement vis-à-vis de la Russie, ce qui a toujours été la position de la France,
05:28 avant même ce conflit, c'est-à-dire, aussi bien Nicolas Sarkozy que moi-même,
05:34 c'est que l'Ukraine ne doit pas rentrer dans l'OTAN.
05:37 Car ça, ce serait pour les Russes, la partie Russe, le fait majeur qui justifierait précisément leur intervention.
05:46 Donc ne leur laissons pas ce prétexte.
05:48 Vous évoquiez les accords de Minsk, et avec le recul, puisque c'était pendant votre quinquennat,
05:53 est-ce qu'ils ont servi à quelque chose ?
05:55 Ils ont servi à faire pendant 8 ans un arrêt du conflit.
05:59 Et ils ont servi aussi, ce n'était pas forcément leur but premier,
06:03 mais à permettre aux forces ukrainiennes de s'organiser, de pouvoir être préparées à un éventuel conflit.
06:11 Et si elles ont aussi bien résisté au moment de l'invasion, c'est précisément parce que du temps a été laissé.
06:17 Je me souviens encore de Minsk, parce que, à ce moment-là, la partie Russe, Poutine,
06:22 était dans un rapport de France qui lui était extrêmement favorable.
06:26 Il voulait gagner du temps parce que chaque jour qui passait,
06:29 c'était une partie du territoire ukrainien qui était dévorée.
06:33 Et donc tout l'avantage des accords de Minsk, ça a été d'arrêter ce processus,
06:37 et de permettre que l'Ukraine puisse retrouver, à un moment, une stabilité,
06:42 et les moyens d'assurer sa défense.
06:44 Vous avez dit que, pour vous, le conflit allait durer longtemps.
06:48 C'est aussi une inquiétude des Français.
06:50 Est-ce que vous diriez, comme Marine Le Pen et d'autres responsables politiques,
06:53 qu'il y a les germes d'une troisième guerre mondiale dans ce conflit,
06:57 et qu'on va donc s'attendre à de nouvelles crises pendant un temps très long ?
07:03 Non, je ne partage pas du tout cette thèse.
07:06 C'est parce que, précisément, nous voulons éviter la troisième guerre mondiale,
07:10 que le conflit est localisé, et qu'il concerne à la fois les forces ukrainiennes,
07:16 appuyées sur le plan des armes, mais pas des hommes,
07:21 par les Occidentaux, les Européens et les Américains,
07:24 et de l'autre, la Russie, qui fait toujours la menace du nucléaire.
07:30 Mais c'est bien que cette menace-là, si elle était à un moment brandie pour être utilisée,
07:36 frapperait d'abord la Russie.
07:38 Donc on est, pour un moment, et à mon avis pour longtemps, dans un conflit localisé.
07:42 Mais c'est un enjeu mondial, c'est ça qu'il faut bien comprendre.
07:45 On peut être sur un conflit qui ne déborde pas, et je crois que c'est souhaitable,
07:49 mais pour autant, la conclusion du conflit va avoir des conséquences mondiales.
07:53 Si Poutine est défunt, c'est-à-dire est obligé de se retirer de l'Ukraine,
07:58 ça voudra dire pour tous les régimes autoritaires, la Chine, l'Iran et d'autres,
08:03 qu'il n'est pas possible d'aller aussi loin.
08:06 Si en revanche, il obtient même un gain territorial minime,
08:10 ça veut dire, pour les mêmes régimes autoritaires, que la force peut l'emporter sur le droit.
08:14 Sauf que cette analyse-là, ça veut dire l'Occident un peu contre le reste du monde.
08:18 Alors c'est précisément ce qu'il faut éviter, puisque la diplomatie russe et chinoise est assez active,
08:25 vous l'avez vu, et essaie de convaincre partie du monde que finalement,
08:30 c'est un conflit qui n'intéresse pas les pays en développement ou les pays à émergence,
08:35 c'est un conflit de privilégiés.
08:38 Et donc nous devons, vis-à-vis de l'Inde, vis-à-vis de l'Afrique du Sud, vis-à-vis de l'Afrique en général,
08:43 vis-à-vis des pays d'Amérique latine, faire bien comprendre que ce qui se joue,
08:46 ce n'est pas une affaire européenne ou une affaire occidentale,
08:50 ce qui se joue, c'est une rupture dans l'équilibre du monde.
08:53 Bastien Auger.
08:54 Vladimir Zelensky dit "nous avons besoin de vitesse".
08:57 Sous-entendu, la France et les autres pays sont trop lents à livrer des armes.
09:00 Est-ce que vous pensez aussi qu'on pourrait livrer plus d'armes et plus rapidement ?
09:04 Oui, oui, Zelensky, il est parfaitement au courant de ce qui se passe sur le terrain.
09:09 C'est-à-dire, après avoir reculé, les forces russes mobilisent considérablement des personnels
09:19 et ont des matériels de plus en plus nombreux à utiliser sur le champ de bataille,
09:25 sans compter le groupe Wagner qui agit.
09:28 Donc, pour Zelensky, plus tôt seront distribués les aides qui sont promises,
09:34 mieux l'organisation de la contre-offensive pourra s'organiser.
09:38 Mais il suffit ou il en faut plus ?
09:40 Comme il le dit, il n'en faut pas forcément plus, mais il faut qu'elles arrivent.
09:43 On a beaucoup parlé des chars, on parle maintenant des avions,
09:47 mais ça ne doit pas être un vocabulaire, ça ne doit pas être simplement des promesses qui sont faites.
09:52 À un moment, il faut les mettre sur le champ de bataille.
09:54 Mais pour les mettre sur le champ de bataille, il faut former les personnels.
09:57 Il faut aussi avoir des règles d'utilisation.
10:00 Former les personnels, ça je crois que c'est en train de se faire.
10:03 Les règles d'utilisation, c'est éviter que ces armes puissent aller jusqu'au territoire russe.
10:08 Justement, le ministre de la Défense n'exclut pas qu'on forme en France des pilotes ukrainiens.
10:13 Pour vous, vous dites, il faut accélérer.
10:15 La France est un peu trop timorée dans sa prise de décision là-dessus, sur ce point-là ?
10:19 Non, pas la France en particulier.
10:21 Je pense que l'Europe a mis du temps.
10:23 Ce n'était pas si facile.
10:24 Et qu'est-ce qu'on a découvert à l'occasion de ce conflit ?
10:27 C'est que l'Europe de la Défense n'existe pas vraiment.
10:30 C'est que lorsqu'il faut fournir des chars aux ukrainiens,
10:34 il y a les Challenger britanniques, il y a les Léopard allemands,
10:38 il y a les Leclerc français, il y a même des chars américains.
10:42 Mais comment voulez-vous mener un conflit inoffensif pour les ukrainiens,
10:46 si vous avez 4 chars différents ?
10:48 Donc il était très important de se dire que c'était les Léopard qui devaient être mis prioritairement sur le champ de bataille.
10:55 Et puis on verra pour les avions.
10:57 Ce qu'il faut maintenant avoir comme conclusion,
11:00 c'est que l'Europe doit s'organiser pour sa défense,
11:03 et notamment avoir des matériels communs.
11:06 Un char, un avion, des pièces d'artillerie.
11:09 Justement, on en est loin.
11:10 Et on en est loin.
11:11 Donc là aussi, ne perdons pas de temps.
11:13 Il n'y a pas que Zelensky qui dit qu'il faut aller vite.
11:15 Nous-mêmes, nous devons aller vite et s'organiser en conséquence.
11:18 Est-ce que vous croyez à l'Europe de la Défense,
11:20 ou plutôt une part de l'OTAN qui finalement serait européenne,
11:24 mais intégrée vraiment dans l'OTAN ?
11:26 C'est-à-dire qu'en clair, il ne s'agirait pas d'une armée européenne au sens...
11:32 Oui.
11:33 Non, l'Europe de la Défense, elle est dans l'OTAN.
11:35 Elle ne peut pas être à l'extérieur.
11:36 Ceux qui disent qu'il faut quitter l'OTAN...
11:38 Mais aujourd'hui, c'est un concept qui n'existe pas.
11:39 Ceux qui disent qu'il faut quitter l'OTAN ne veulent pas d'Europe de la Défense.
11:42 Aucun autre pays.
11:44 Peut-être que le nôtre serait prêt à se mettre dans une organisation
11:48 qui aurait rompu avec l'Alliance Atlantique.
11:51 Deuxièmement, est-ce que ça peut se faire à 27 noms ?
11:53 Il y a des pays, je ne vais pas les citer,
11:55 mais vous les connaissez, la Hongrie et d'autres,
11:57 qui ne veulent pas être dans une Europe de la Défense.
11:59 Donc ça doit se faire à quelques pays.
12:01 D'où l'importance du lien entre la France et l'Allemagne.
12:04 Ça a un peu tardé là aussi à se manifester.
12:08 Il faut que le chancelier et le président de la République aillent là beaucoup plus vite.
12:13 Et je crois qu'il y a eu des progrès dans ce domaine.
12:16 Parce que c'est de cette union entre la France et l'Allemagne
12:20 que l'on pourra créer cette Europe de la Défense,
12:22 dans laquelle d'ailleurs le Royaume-Uni aura sa part.
12:25 Elle peut être en dehors de l'Union Européenne,
12:27 mais elle est dans l'Europe de la Défense.
12:29 Mais de manière tout aussi pragmatique,
12:31 l'autre enseignement de cette guerre pour l'instant,
12:33 c'est que les ressources de l'armée française apparaissent comme très limitées.
12:38 Vous, sous votre mandat, vous aviez réduit, je crois, les dépenses de l'armée.
12:42 Est-ce qu'on a les moyens de donner des armes aux Ukrainiens
12:47 et de faire baisser un stock qui apparaît déjà extrêmement faible ?
12:50 Non, moi je n'avais pas réduit les dépenses militaires,
12:53 puisqu'à partir de 2015, on était face à une menace très sérieuse,
12:57 notamment terroriste.
12:59 Et nous avions aussi fait deux interventions,
13:02 l'une en Afrique de l'Ouest et l'autre en Syrie et en Irak.
13:06 Mais c'est vrai que c'était des opérations extérieures,
13:08 qui appelaient des matériels un peu particuliers, des projections.
13:13 Là, nous sommes sans doute dans la perspective de conflits,
13:16 ce que disent les spécialistes de haute intensité,
13:18 c'est-à-dire où c'est le champ de bataille tel qu'on l'a connu.
13:22 Est-ce que ça veut dire qu'il faut se lancer,
13:25 être perdu dans ce type de fabrication ? Non.
13:29 Ça veut dire que ce n'est pas à la France en particulier
13:31 de faire plus d'efforts de défense, elle va en faire d'ailleurs.
13:34 Il faut un quoi qu'il en coûte quand même pour ce budget-là ?
13:37 Je crois que ça a déjà été annoncé, le quoi qu'il en coûte.
13:39 Mais aller encore plus loin ?
13:41 Non, il faut le faire avec les Européens.
13:43 C'est les Allemands qui ne dépensaient pas grand-chose pour leur défense.
13:46 Ils ont finalement accepté l'idée qu'il fallait constituer un fonds de 100 milliards.
13:50 Il y a d'autres pays, mais nous, il y a une loi de programmation militaire
13:53 qui a été annoncée, une augmentation d'un tiers du budget de la défense.
13:56 Je ne sais pas comment ça sera financé,
13:58 mais je crois qu'effectivement, ça fait partie de ses obligations.
14:01 On est dans une économie de guerre.
14:03 Et dans une économie de guerre, si la Russie reste menaçante,
14:06 si on ne sort pas de ce conflit dans ces prochains mois,
14:09 alors il faut s'organiser en conséquence.
14:11 Donc pour résumer, il faut creuser nos déficits
14:13 pour faire face à l'effort de guerre ukrainien ?
14:15 Non, je ne pense pas qu'il faille creuser les déficits,
14:18 ils sont suffisamment élevés.
14:19 Mais il faut maintenir un effort de défense
14:22 de l'ordre de 2% de la richesse nationale,
14:24 ce qui est à peu près ce qui existe aujourd'hui,
14:26 un peu plus sans doute.
14:27 Mais là aussi, on y reviendra, savoir qui paye
14:31 et comment nous organisons cette nouvelle défense à l'échelle de l'Europe.
14:36 Je crois qu'il faut dire la vérité aux Français.
14:38 Si on veut avoir une sécurité, il faut la payer.
14:40 Quand on dit aux Français, une partie croissante de vos impôts
14:43 va aller dans la défense, dans l'investissement pour l'avenir,
14:46 est-ce que ça veut dire que les Français doivent se dire aussi
14:49 que peut-être il faut être prêts psychologiquement
14:51 à un jour entrer en guerre nous-mêmes,
14:54 ou à devoir se défendre ?
14:55 Est-ce que c'est quelque chose qui existe ?
14:57 Vous connaissez l'adage, c'est en préparant la guerre
15:01 qu'on obtient la paix.
15:03 C'est-à-dire qu'il faut montrer,
15:04 je crois que la France l'a toujours fait,
15:06 je rappelle qu'elle a la force de dissuasion,
15:08 qu'elle a un équipement militaire assez perfectionné.
15:11 C'est en étant justement capable de montrer ses forces
15:16 que l'on évite précisément qu'il puisse y avoir des attaques contre nous.
15:20 Et je crois qu'une des faiblesses de l'Europe,
15:22 c'est qu'elle a toujours pensé que ce serait les États-Unis
15:25 qui viendraient la sauver si elle était menacée ou attaquée.
15:29 Et bien, même si là aujourd'hui,
15:31 Joe Biden fait tout ce qu'il peut,
15:33 mais est-ce qu'on est sûr que dans deux ans,
15:35 un président d'une autre sensibilité
15:38 n'aurait pas l'idée de se replier sur son continent
15:42 et de laisser les Européens se défendre seuls ?
15:45 Par rapport à cette perspective, il faut s'organiser.
15:48 Je crois que ce conflit ukrainien,
15:50 il a modifié beaucoup de choses dans nos vies,
15:53 mais surtout dans nos décisions politiques.
15:55 Première chose, l'Europe est apparue plus que jamais nécessaire.
15:58 Elle a été unie.
16:00 Deuxième chose, il faut se rendre plus indépendant,
16:05 en tout cas moins lié aux gaz russes en particulier
16:09 et aux énergies fossiles en général.
16:12 Et troisièmement, il faut assurer sa sécurité.
16:14 Voilà les trois leçons du conflit ukrainien.
16:16 Une première interpellation sur les réseaux sociaux.
16:18 Marie-Pierre Haddad.
16:19 Oui, on évoquait justement la question de l'avis des Français.
16:22 L'avis s'est posé par rapport à Auchan,
16:25 le chef de la diplomatie ukrainienne,
16:27 qui a déclaré il y a deux jours sur Twitter
16:29 que Auchan s'est transformé en une arme à part entière
16:32 en faveur de l'agression russe.
16:34 Il y a eu une enquête du Monde qui est sortie
16:36 et qui explique que le distributeur français
16:38 a participé à une collecte de produits
16:40 qui est justement allée à l'armée de Vladimir Poutine.
16:42 Est-ce que vous comprenez que des Français
16:44 souhaitent boycotter les marques comme Auchan
16:46 qui restent sur le territoire russe ?
16:48 Et est-ce que vous pensez que Auchan
16:50 doit cesser toute activité en Russie ?
16:52 Auchan doit s'expliquer pourquoi rester en Russie
16:56 alors que d'autres entreprises s'en sont retirées.
16:59 Je crois qu'il y a des enjeux aussi d'emplois
17:01 pour les Russes et pour aussi les Français.
17:05 Et deuxièmement, on doit s'expliquer.
17:07 Autant rester en Russie pour faire la distribution,
17:12 autant si c'était pour fournir des moyens alimentaires
17:17 et peut-être d'autres produits à l'armée russe,
17:20 ce serait extrêmement grave.
17:22 Donc on doit tout savoir de cette affaire.
17:25 Et les Français auront à juger
17:27 si Auchan a commis l'irréparable.
17:30 Marion Moroghien.
17:31 Justement depuis le début du conflit,
17:33 les Français ont massivement soutenu les Ukrainiens.
17:36 Est-ce que vous craignez aujourd'hui
17:38 qu'ils puissent cesser ce soutien,
17:40 qu'ils puissent avoir l'impression
17:41 que ça dure trop longtemps aussi pour leur quotidien ?
17:43 Alors ça c'est le calcul de Poutine.
17:45 Vous disiez que je le connaissais,
17:48 je l'ai perdu de vue depuis un certain temps,
17:50 mais je sais comment il réfléchit.
17:52 La différence entre un dictateur et un démocrate,
17:55 c'est que le dictateur pense qu'il est là pour toujours.
17:58 Le démocrate, ça s'est vérifié, n'est pas là pour tout le temps.
18:01 Donc le dictateur sait qu'il a le temps pour lui,
18:04 ou il croit avoir le temps pour lui.
18:06 Donc il se dit que le conflit dure n'est pas un problème.
18:09 Parce qu'à un moment ou un autre,
18:11 il peut y avoir un changement de président aux Etats-Unis,
18:14 et il peut y avoir une lassitude de la part de l'opinion publique.
18:17 Il y a d'autres sujets de préoccupation,
18:19 on en a quand même dans nos pays respectifs,
18:21 soit par des mouvements sociaux,
18:24 soit par des difficultés économiques.
18:25 Donc son calcul, c'est de penser que d'ici six mois, un an,
18:28 il y aura un oubli de ce qui se passe en Ukraine,
18:32 et non pas une forme d'indifférence,
18:34 mais une espèce de calcul.
18:36 - Et vous, vous pensez que les Français tiennent bon bon ?
18:38 - Écoutez, tant pis, on laisse la Russie prendre un bout du territoire ukrainien,
18:42 et puis on va à la négociation, si je puis dire, quoi qu'il en coûte.
18:45 - Et ce risque n'existe pas pour vous ?
18:47 - Si, ce risque existe, c'est pour ça qu'il est très important
18:49 de soutenir toujours l'opinion publique dans ce qu'elle a de plus positif,
18:54 c'est-à-dire qu'elle voit les massacres,
18:55 elle voit les bombardements,
18:57 elle voit un pays ravagé par la guerre,
18:59 et elle doit se dire, la France,
19:01 que ce qui est arrivé à l'Ukraine peut arriver demain à d'autres pays.
19:05 - Bastien Auger.
19:06 - Emmanuel Macron a rappelé à Munich
19:08 que la Russie était face à une alliance atlantique nucléaire.
19:11 Est-ce qu'il faut en parler, de cette dissuasion nucléaire,
19:14 ou est-ce que moins on en parle, plus c'est efficace ?
19:17 - Un moment, c'était Vladimir Poutine qui en parlait,
19:20 pour nous faire peur justement, pour nous impressionner,
19:22 en disant "si ça va trop loin, on ne sait jamais,
19:25 j'ai l'arme nucléaire à ma disposition".
19:28 Je pense qu'il faut rappeler qu'elle existe,
19:31 sinon pourquoi dépenser autant pour sa modernisation ?
19:35 Enfin, moins on en parle, mieux on se porte.
19:38 - Justement, il y a un an, vous aviez dit que Vladimir Poutine
19:42 ne ferait pas l'usage de cette arme nucléaire.
19:44 Est-ce que vous n'avez pas parlé trop vite ?
19:46 Est-ce que finalement, il n'est pas prêt à tout,
19:48 et il faut laisser toutes les options sur la table ?
19:50 - Non, je pense que Vladimir Poutine est un être
19:54 qui a une pensée qui n'est pas la nôtre.
19:58 Il veut rétablir l'Empire russe,
20:00 il veut reconstituer l'Union soviétique,
20:03 il utilisera la force puisqu'il a pensé que nous étions faibles,
20:06 et que les Ukrainiens étaient incapables de résister.
20:10 Mais il a aussi une lucidité.
20:14 Il sait que par exemple, s'il devait utiliser,
20:16 par aventure, une arme nucléaire,
20:20 il y aurait une riposte de même ordre sur son territoire,
20:24 et ça, il sait qu'il ne peut pas prendre ce risque.
20:26 Vous avez dit "OK", à juste raison,
20:28 la position des pays émergents, des pays du Sud.
20:32 Ces pays du Sud, face à l'utilisation d'une arme nucléaire,
20:36 seraient totalement hostiles à celui qui l'aurait utilisée.
20:41 - Donc concrètement, pour vous, il n'y aura pas d'escalade nucléaire ?
20:44 - Non, il ne peut pas y avoir d'escalade nucléaire,
20:46 mais il peut y avoir une escalade classique, ça suffit déjà.
20:49 Vous avez vu combien la Russie mobilise 100 000, 200 000, 300 000 soldats,
20:55 combien les matériels sont de plus en plus sophistiqués.
20:58 Donc ça, cette escalade-là, oui, elle existe,
21:00 et nous y participons puisque nous fournissons des armes,
21:03 mais le nucléaire, non.
21:05 Puisqu'on en parle, ça fait partie de la stratégie de communication de Poutine.
21:10 Nous faire peur, nous impressionner,
21:12 nous dire, finalement, à quoi bon ?
21:14 Laissez tomber, faites en sorte que l'Ukraine puisse un jour adhérer à l'Union Européenne,
21:19 mais pas toute l'Ukraine.
21:21 Et laissez-nous faire sur la partie qui nous intéresse.
21:24 Et si nous cédions à cette tentation,
21:27 eh bien, ce serait d'abord un avantage considérable
21:31 qui serait donné à Vladimir Poutine,
21:33 et deuxièmement, ce serait là l'escalade,
21:35 parce que demain, il y aurait d'autres tentations,
21:38 et Zelensky l'explique très bien,
21:40 les Ukrainiens ne défendent pas simplement le territoire ukrainien,
21:42 ils défendent aussi une conception des relations internationales.
21:45 Marie-Pierre Haddad.
21:47 Oui, cette guerre est très documentée sur les réseaux sociaux,
21:49 il y a beaucoup de vidéos et de témoignages de ce qui se passe en Ukraine.
21:52 Les États-Unis, eux, accusent la Russie de "crime contre l'humanité",
21:57 c'est une première, est-ce que vous reprenez aussi ces propos ?
22:00 Les crimes de guerre sont avérés,
22:03 et les crimes contre l'humanité,
22:06 qui ont pour conséquence d'être, justement, imprescriptibles,
22:10 permettront demain, ou après-demain, après la guerre,
22:14 qu'il y ait des procès, c'est ça.
22:16 Est-ce que Vladimir Poutine doit être, justement, concerné de ça ?
22:18 Alors, si vous dites à Vladimir Poutine que s'il arrête le conflit,
22:21 et qu'il va à la négociation, il va passer devant un tribunal,
22:24 je ne suis pas sûr que ça le mettrait dans les meilleures dispositions.
22:27 Mais tous les généraux qui sont autour de lui,
22:29 tout son entourage, sont effectivement sous la menace.
22:32 À ce propos d'ailleurs, toutes les options,
22:34 d'autres que Vladimir Poutine, au sein du système actuel,
22:36 ne me paraissent pires.
22:37 C'est Emmanuel Macron qui a confié cela.
22:40 Vous êtes d'accord avec ça, d'abord ?
22:42 Moi, je pense qu'il y a une unité dans le système de Vladimir Poutine.
22:47 Il a acheté tout le monde.
22:50 Il a mis sous sa férule tout son entourage.
22:53 Et donc, il n'y a pas de dissension.
22:56 Il peut y avoir, du côté des militaires, peut-être des doutes,
23:00 mais du côté du système politique qui lui est lié,
23:05 Vladimir Poutine est le seul maître.
23:07 Et c'est Vladimir Poutine qui a commis l'irréparable, j'évoquais.
23:11 L'irréparable, c'est-à-dire une invasion, de bombarder, de commettre des crimes.
23:17 Donc, la peste...
23:19 Alors, est-ce qu'il y a pire que Vladimir Poutine ?
23:21 C'est possible, mais d'abord, c'est Vladimir Poutine le coupable, l'agresseur.
23:27 Et je pense que dans ce conflit, il ne faut pas essayer de faire de la politique à la place des Russes.
23:33 On verra bien ce qui se passera.
23:34 Il faut d'abord permettre aux Ukrainiens de retrouver la souveraineté et la térité de leur territoire.
23:39 Mais ce que vous dites quand même, c'est donc la peste sera avec Poutine.
23:42 Enfin, il n'y a pas de...
23:43 Tant que le système propose Vladimir Poutine comme chef d'État,
23:49 je ne vois pas comment on peut faire autrement.
23:52 Bastien Roger.
23:53 Si l'on essaie de tirer quelques leçons du passé, vous étiez au pouvoir lors de l'annexion de la Crimée,
23:58 vous avez participé à l'élaboration des accords de Minsk, on en parlait tout à l'heure.
24:03 Beaucoup considèrent que c'est un échec, qu'ils n'ont pas été respectés.
24:06 Est-ce que vous...
24:07 Est-ce que nous, est-ce que vous avez été naïfs à l'époque ?
24:11 Et quelles leçons on peut en tirer pour que cela ne se reproduise pas si demain, il faut négocier des accords de paix ?
24:16 Je pense que la communauté internationale a été faible lorsque il y a eu d'abord la non-intervention au Syrie,
24:30 après l'utilisation des armes chimiques par Bachar el-Assad.
24:35 Et le fait que Obama n'ait pas voulu me suivre dans une opération punitive
24:40 a été interprété par Vladimir Poutine comme un libre accès à d'autres conflits,
24:47 à commencer d'abord par celui de la Syrie, puis ensuite de l'Ukraine.
24:50 Quand il y a eu la première guerre en Ukraine, c'est-à-dire la prise de la Crimée et l'occupation du Donbass,
24:57 pour beaucoup d'Européens, d'Occidentaux, c'était des sanctions qui devaient être prononcées
25:04 et pas d'actions militaires massives, peut-être aussi parce qu'il n'y avait pas les moyens de l'assurer.
25:09 Donc les accords de Minsk étaient absolument nécessaires pour arrêter l'offensive russe
25:15 et pour permettre justement à l'Ukraine de retrouver une certaine stabilité.
25:20 Quand vous dites ça, ça veut dire qu'à l'époque, quand vous vous approuvez, vous soutenez ces accords...
25:24 Mais je ne les ai pas approuvés, je les ai négociés.
25:26 Voilà, et vous pensez au fond de vous que ça ne suffira pas à long terme à empêcher la guerre, c'était une idée du temps.
25:31 Non, on pensait que ça devait être une des solutions pour que la guerre ne se produise pas.
25:37 La solution, c'était que l'Ukraine retrouve son intégrité territoriale, ce qui était prévu par les accords de Minsk,
25:42 et qu'il y ait une autonomie qui soit donnée aux régions de l'Est, ce qui était la demande des Russes.
25:48 Nous souhaitions, et ça a été des heures et des heures après, Minsk, que cet accord soit mis en œuvre.
25:53 Il ne l'a pas été parce que Vladimir Poutine ne le souhaitait pas,
25:57 parce qu'une partie des Ukrainiens n'étaient pas non plus désireux de le mettre pleinement en œuvre,
26:03 et donc on a été dans cette situation. Mais personne n'avait à ce moment-là pensé que ce serait un prétexte pour la guerre.
26:09 Pourquoi Poutine déclare-t-il la guerre, il y a un an ?
26:13 Il déclare la guerre parce qu'il pense toujours que nous sommes faibles.
26:17 Là, maintenant, l'exemple de l'Afghanistan, où les Américains se sont retirés et le régime taliban s'est de nouveau installé.
26:23 Il voit les Européens divisés et il pense que les Ukrainiens ne pourront pas résister.
26:29 Là, il s'est trompé. Il n'avait pas imaginé la guerre quand il fait les accords de Minsk.
26:34 Il l'a fait parce qu'il a eu conscience qu'il pouvait être dans un rapport de force supérieur, et là il s'est trompé.
26:42 Il s'est trompé parce qu'il a surestimé ses armées, sous-estimé les Ukrainiens, et pensé que l'Europe et les Etats-Unis ne réunissent pas.
26:49 Est-ce que vous aussi vous avez été un petit peu naïf à ce moment-là, collectivement ?
26:53 Quand ?
26:54 Au moment de ces accords de Minsk.
26:55 Mais non, parce que si nous n'avions pas fait les accords de Minsk, il est clair que le conflit se serait une fois encore noué,
27:03 et qu'il y aurait eu la guerre, et à ce moment-là dans des conditions beaucoup plus périlleuses pour l'Ukrainien.
27:07 Justement, là vous nous expliquez qu'on avait des expériences, des enseignements, qu'on connaissait le logiciel, si je puis dire, de Vladimir Poutine.
27:15 Est-ce que vous trouvez qu'Emmanuel Macron a trop tardé à réagir à cette guerre alors qu'on savait comment allait fonctionner la Russie ?
27:22 D'abord, bien d'audacieux aurait été celui qui aurait dit "forcément il va y avoir une intervention russe".
27:29 Il y avait des conditions.
27:30 Non mais une fois qu'elle avait été...
27:31 Une fois que la guerre a été engagée par la Russie...
27:35 Est-ce qu'il aurait fallu aller plus vite ?
27:37 Beaucoup avaient pensé, peut-être Emmanuel Macron aussi, que ça serait une guerre courte, et qu'à ce moment-là il fallait assez rapidement proposer une négociation.
27:46 Enfin, au bout de quelques semaines, il était clair que Vladimir Poutine ne voulait pas s'arrêter là.
27:52 Donc pour vous il s'est enfermé dans cette...
27:53 Non, il a... Enfin moi je ne suis pas venu pour critiquer mon successeur, parce que c'est toujours extrêmement préjudiciable pour la France.
28:02 Je crois qu'il a espéré avant la guerre que Vladimir Poutine entendrait raison.
28:06 Il a été trompé par les mensonges de Poutine, et une fois la guerre engagée, il a espéré qu'elle pourrait déboucher sur une négociation parce que ce serait l'intérêt de tous.
28:18 Et là, Vladimir Poutine n'a pas laissé grande place pour la négociation.
28:21 Et encore aujourd'hui, il ne fait aucune offre parce qu'il va essayer de geler le conflit, et puis attendre, nous lasser, nous impressionner, nous faire peur,
28:31 et espérer qu'à un moment de guerre lasse, c'est le cas de le dire, de guerre lasse, nous laisserons faire.
28:37 François Hollande, la seconde partie de ce quinquennat irait dans quelques instants, où nous parlerons notamment de la réforme des retraites, du spectacle à l'Assemblée,
28:44 mais aussi de vos choix sur le nucléaire lors de votre quinquennat. A tout de suite.
28:48 [Générique]
29:03 François Hollande est l'invité de ce Grand Jury. Nous allons à présent parler des retraites, alors à la fois sur le fond et sur la forme.
29:09 D'abord sur la forme avec ce qui s'est passé à l'Assemblée, Bastien Auger.
29:13 En deux semaines de débat, Elisabeth Borne a plusieurs fois reculé, les Républicains se sont divisés, la France Insoumise a bloqué,
29:21 le Rassemblement National est resté plutôt discret. Selon vous, qui sort le plus abîmé, affaibli de cette séquence ?
29:27 Nous avons vécu une quinzaine de dupes, puisque chacun des acteurs a été à contre-emploi.
29:34 Le gouvernement d'abord, puisqu'il a pris une procédure exceptionnelle pour faire passer une réforme, celle des retraites,
29:41 comme si c'était un budget de la Sécurité Sociale, et donc il a ouvert la critique du temps et du passage en force, du temps court et du passage en force.
29:52 Le deuxième acteur, c'est la France Insoumise, qui n'a même pas entendu ce que lui demandaient les organisations syndicales,
29:59 celles qui sont supposées conduire le mouvement, qui étaient d'arriver le plus rapidement possible à l'article 7, pour que les Français soient éclairés.
30:07 Troisième acteur, la droite, qui jusqu'à présent était connue pour faire une surenchère, pour avoir une réforme plus dure.
30:16 64, 65, 67 ans, c'était les mots qu'on avait entendus des leaders de droite, et qui là, apparaissaient comme étant ceux qui demandaient un assouplissement,
30:27 un allègement, une amélioration sociale, ce qui a entraîné d'ailleurs une division dans leur camp, tellement cette position est absurde,
30:34 de leur point de vue, puisqu'elle est contradictoire avec tout ce qu'ils ont dit jusqu'à présent.
30:38 Et enfin, le dernier acteur, le Rassemblement National, qui s'est caché tout au long de la discussion, et à la fin, a sorti une motion de censure,
30:48 dont il savait parfaitement, le Rassemblement National, qu'elle ne pouvait pas passer.
30:52 Donc, c'est finalement un formidable gâchis, puisque aucun des acteurs n'en sort victorieux, ni le gouvernement, ni l'opposition, et surtout pas les Français.
31:03 Donc c'est pour ça que, quand il y a une réforme de cette importance, c'est pas rien de vouloir reporter de 2 ans l'âge de départ à la retraite,
31:10 le moins que l'on puisse demander à un Parlement, c'est précisément d'être le Parlement.
31:14 Marion Bourguin.
31:15 Est-ce que vous iriez jusqu'à dénoncer, comme l'ont fait les écologistes, les ratés stratégiques de la France insoumise ?
31:20 Est-ce que, finalement, Jean-Luc Mélenchon et ses troupes ont choisi la mauvaise stratégie ?
31:24 Jean-Luc Mélenchon, il est dans une stratégie.
31:28 Lui, il est dans une stratégie qui est celle de ne pas faire voter le texte pour que le mouvement social puisse durer.
31:36 Je conteste cette stratégie, mais il en a au moins une.
31:39 Il est en totale contradiction avec les organisations syndicales, qui elles, veulent qu'il y ait des débats pour que les Français soient éclairés.
31:48 Ce qui est grave, ce n'est pas la stratégie seulement de Jean-Luc Mélenchon,
31:52 c'est que les alliés de la NUP aient découvert à la fin qu'ils étaient enferrés et qu'ils étaient finalement conduits dans une impasse.
32:01 Enfin, c'était tout au début qu'il aurait fallu clarifier le point de vue et faire en sorte qu'il y ait véritablement un débat
32:08 et d'empêcher que Jean-Luc Mélenchon, qui est à l'extérieur du Parlement, puisse le bloquer, ce débat.
32:13 Donc ça, ça vaut pour les écologistes, mais aussi pour le Parti Socialiste ?
32:15 Pour tous les alliés de la NUP qui ne peuvent pas se réveiller.
32:18 Les seuls qui ont été ainsi les plus effrayés par les débordements, ce sont les communistes.
32:23 C'est vous dire où on est arrivé.
32:25 Il y a une autre lecture aussi, c'est que Jean-Luc Mélenchon n'a pas pris la tête des cortèges dans la rue et que quelque part, il a tenu sa revanche à l'Assemblée.
32:32 Il n'est pas à l'Assemblée, donc c'est difficile de prendre une revanche quand on n'est pas là-dedans.
32:36 Il a influé la France Insoumise pour qu'elle bloque tout.
32:41 Oui, mais là, c'est un jeu de rôle.
32:43 Oui.
32:44 Qu'est-ce qui est important pour nos concitoyens ?
32:47 C'est de savoir s'ils peuvent repousser cette réforme quand ils n'y sont pas favorables, ou l'améliorer lorsqu'ils pensent qu'elle est nécessaire.
32:54 Or, ils n'ont été, ni ceux qui y sont opposés, ni ceux qui y sont acquis, en aucune manière bénéficiaient dans ce débat sur les retraites.
33:05 Et c'est tout à fait dommageable.
33:07 Maintenant, le Sénat va prendre la suite, et puis il y aura une commission mixte paritaire et sans doute un nouveau débat à l'Assemblée Nationale.
33:13 Mais il n'empêche, regardons l'état de notre démocratie, parce que c'est ça qui compte.
33:18 J'évoquais la menace extérieure tout à l'heure, avec l'Ukraine, avec des régimes autoritaires qui pèsent sur notre sécurité et notre destin commun.
33:27 Et à l'intérieur, ce qui peut nous rendre plus forts, c'est précisément la démocratie, c'est précisément la cohésion, c'est précisément le respect des institutions.
33:36 On peut ne pas être d'accord, et c'est souhaitable d'ailleurs qu'il y ait des clivages, mais c'est ce qui fait la force d'une nation.
33:42 Et là, nous avons mis les Français en distance par rapport au Parlement, et en distance par rapport au gouvernement, compte tenu de la procédure qui a été choisie.
33:51 Je pense que c'est source de grands dangers.
33:54 Les réseaux sociaux, Marie-Pierre Haddad.
33:56 Oui, parmi toutes les réactions qu'il y a eu sur ce débat à l'Assemblée, il y en a une qui a particulièrement été remarquée, c'est celle de Laurent Berger, de la CFDT, vous évoquiez les syndicats.
34:05 Il a écrit sur Twitter "des millions de manifestants contre les 64 ans", et pendant ce temps, l'Assemblée nationale donne un spectacle désolant au mépris des travailleurs, et il a ajouté ce mot, il a dit "c'est honteux".
34:16 Est-ce que vous qualifiez aussi ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale de honteux ?
34:20 D'abord, je vais dire un mot de Laurent Berger.
34:23 Quand j'étais président, c'était un interlocuteur particulièrement difficile quand il était en négociation, mais particulièrement précieux, parce qu'on savait qu'il fixait des lignes rouges, et que si on ne les respectait pas, il y avait un risque de conflit, et si on les respectait, on pouvait trouver un compromis.
34:40 Emmanuel Macron reproche qu'il ait été finalement trop présent sous votre quinquennat, et a envie de faire peut-être l'inverse.
34:45 On voit le résultat. Le compromis, il est utile. C'est important d'avoir un partenaire comme la CFDT ou d'autres syndicats qui se mettent dans un processus de compromis.
34:56 C'est la première fois, peut-être sous la Ve République, donc ça remonte à loin, qu'il y a un mouvement social qui est conduit par une organisation réformiste comme la CFDT.
35:07 C'est la première fois. Donc pour le gouvernement, ça aurait dû être l'élément principal de la négociation, plutôt que de négocier avec M. Chioti ou avec M. Pradié.
35:18 C'était essentiellement vis-à-vis de Laurent Berger et des syndicats réformistes, et d'autres syndicats aussi, qu'il fallait se tourner.
35:25 Parce qu'il a raison, Laurent Berger. Il y avait des millions de gens dans la rue qui ont défilé calmement, qui ont dit ce qu'ils avaient à dire pour contester cette réforme,
35:34 qui s'y sont repris à plusieurs fois, qui ont même fait grève, qui ont perdu de l'argent. Et qu'est-ce qui se passe à l'Assemblée ? On voit ce spectacle.
35:41 Donc il a raison, d'un côté l'obstination d'un gouvernement, et de l'autre, l'obstruction d'une opposition de l'LFI.
35:48 – Vous trouvez qu'Emmanuel Macron a sous-estimé le rôle et le poids que pouvait avoir Laurent Berger ?
35:53 – Mais dans une démocratie, j'y reviens parce que c'est l'essentiel, il y a à la fois la démocratie politique.
36:00 Est-ce qu'elle a progressé depuis maintenant plusieurs semaines ? Le spectacle à l'Assemblée suffit pour donner la réponse.
36:08 Et puis il y a la démocratie sociale. La démocratie sociale, ça veut dire, il y a des partenaires sociaux, patronat et syndicats,
36:13 et on essaye de trouver des solutions, notamment par rapport à une question aussi majeure que les retraites.
36:20 Est-ce qu'elle a progressé ? La démocratie sociale, non. Donc on est devant un double échec de la démocratie politique et de la démocratie sociale.
36:28 Donc il y a péril, il faut vraiment que du côté du gouvernement, ils reprennent la langue aussi rapidement que possible avec les syndicats,
36:36 et notamment avec Laurent Berger, je crois qu'il était à votre émission la semaine dernière, c'est ce qu'il demandait instamment.
36:43 Et deuxièmement, il faut que l'Assemblée nationale, quand elle sera de nouveau saisie,
36:47 après que le Sénat ait fait son travail, puisse retrouver une sérénité et une clarté.
36:53 C'est pas parce qu'on est calme qu'on n'est pas clair. C'est pas parce qu'on est excité qu'on est convaincant.
36:58 Bastien Auger.
37:00 Le fond du débat a aussi été pollué par beaucoup de polémiques. On a vu le visage d'Olivier Dussopt sur un ballon de football,
37:07 ça valait une sanction à un député, on a vu des insultes, on a vu aussi à Marseille un char de syndicats qui représentait Elisabeth Borne pendue.
37:16 Est-ce que vous trouvez que ça met en danger la démocratie, cette violence symbolique, ou est-ce que vous dites que ça a toujours existé,
37:23 peut-être que la majorité surréagit un peu, la violence fait partie du débat ? Quel est votre regard là-dessus ?
37:27 Souvent la violence, elle venait de la rue. On avait vu d'ailleurs avec les Gilets jaunes cette violence-là s'exprimer.
37:35 C'était rare qu'elle vienne de l'Assemblée nationale elle-même.
37:39 Ça ne veut pas dire qu'il n'y ait pas eu des débats, j'ai été parlementaire très longtemps, qu'il n'y ait pas eu des débats qui étaient tendus,
37:44 des obstructions fréquentes, des interpellations, mais là quand même, dire à un ministre qu'il est un assassin,
37:55 ou avoir ce ballon sans qu'on y voit un symbole tout à fait insupportable, non, je pense qu'il y a une espèce de dérive qui me paraît extrêmement dangereuse.
38:08 La dérive c'est de penser que ceux qui gouvernent méritent d'être châtiés, et pour ce qui concerne le gouvernement,
38:16 c'est de penser que ceux qui s'opposent méritent d'être oubliés.
38:20 Ben non, il faut faire vivre les institutions et le Parlement, c'est ça qui doit être fait.
38:26 Et là en l'occurrence sur un conflit comme celui-là, la place doit être donnée, il y a encore quelques jours avant que le Sénat ne se saisisse du texte,
38:34 doit être donnée aux organisations syndicales, avant le 7 précisément, puisque le 7, il y a cette intention de bloquer un jour le pays.
38:44 Donc vous appelez à un dialogue syndical-gouvernement avant le 7 mars ?
38:49 Oui, je pense que c'est un dialogue qui est nécessaire compte tenu de la mobilisation qui a eu lieu,
38:54 c'est un dialogue qui est plus clair que de faire ces catimini avec les LR,
39:00 penser que c'est M. Ciotti qui aujourd'hui représente le mouvement social, c'est quand même un peu étrange.
39:06 Mais il représente 62 voix à l'Assemblée, devant le gouvernement à Pétain.
39:09 Oui, c'est-à-dire qu'on préfère faire un arrangement à l'Assemblée nationale avec une droite qui a été jusque-là la plus dure en matière de réforme de retraite,
39:18 et qui aujourd'hui détricote le projet du gouvernement, ce qui est quand même assez ahurissant,
39:22 plutôt que de traiter convenablement, dignement les organisations syndicales.
39:27 Vous avez déjà usé du 49.3, d'une adoption sans vote, est-ce que vous pensez que l'article 7 aurait été voté par la majorité ?
39:39 On ne peut pas le savoir, et c'est précisément ce que les organisations syndicales souhaitaient,
39:44 de pouvoir mettre les uns et les autres devant leurs responsabilités,
39:48 et peut-être qu'effectivement il y aurait eu, et du côté des LR, et du côté de la majorité, des faillances, on va dire.
39:56 En tout cas, des votes négatifs, c'est ce qu'on ne saura jamais,
40:00 et c'est pour ça que l'obstruction venue de LFI a été finalement une bouée de sauvetage pour le gouvernement.
40:07 Une interpellation sur les réseaux sociaux, Marie-Pierre Haddad.
40:10 Oui, sur Twitter, un internaute veut savoir ce que vous pensez de la réforme des retraites, si vous devez la qualifier en un mot, ce serait lequel ?
40:18 J'ai déjà qualifié comme inopportune dans le contexte dans lequel nous sommes,
40:22 on va parler de l'économie de guerre qui aujourd'hui frappe notre pays,
40:26 et injuste parce que c'est ce qui est apparu tout au long de ces débats.
40:29 Est-ce qu'il fallait faire une réforme des retraites ? Oui, chaque président a eu à faire une réforme des retraites.
40:34 Moi-même, j'ai fait une réforme des retraites avec Marisol Touraine,
40:38 et je pense qu'elle aurait pu très bien être prolongée aujourd'hui, c'était quoi ?
40:43 La réforme des retraites d'Emmanuel Macron ?
40:45 Ça voulait dire quoi ? Ça voulait dire faire que la durée de cotisation soit portée plus tôt qu'il n'était prévu, à 43 ans,
40:52 et faire appel à des cotisations sociales employeurs comme salariés pour faire le complément,
40:56 et à une juste participation des revenus du capital ou des plus hauts patrimoines.
41:01 On arrivait à financer les 10 à 12 milliards sans qu'il y ait des millions de personnes.
41:06 Vous connaissez le principe d'Emmanuel Macron, ce n'est pas d'augmentation des impôts.
41:10 Oui, mais c'est un principe qui ne tiendra pas, puisqu'on a déjà une hausse des impôts locaux,
41:15 notamment du fonds sciematique que les collectivités sont obligées de relever,
41:19 et demain, vous avez évoqué les dépenses militaires, vous avez évoqué un certain nombre de dépenses liées à la transition écologique,
41:25 il est clair qu'on aura une augmentation des impôts.
41:28 Et moi-même, j'ai procédé à une augmentation des cotisations sociales,
41:32 0,1% par an, c'était sur 5 ans, suffisant pour arriver à bouclier le système.
41:41 Les Français et les entreprises se plaignent déjà du poids des cotisations,
41:44 donc vous dites aujourd'hui qu'il aurait mieux valu les augmenter de manière minime,
41:48 plutôt que la réforme actuelle, et peut-être deuxième question,
41:52 est-ce que vous auriez voté, si vous aviez été parlementaire, cette réforme actuelle ?
41:55 À la réforme actuelle, non, bien sûr, mais sur les cotisations, je pense que les impôts ne doivent pas être augmentés,
42:04 surtout sur les plus modestes, mais vous demandez à des salariés,
42:08 est-ce que vous préférez payer un tout petit peu plus par la voie de la cotisation,
42:13 ou travailler plus longtemps, vous faites des sondages, vous aurez la réponse.
42:17 Certains répondent aussi par le temps de travail, d'autres manières de travailler.
42:21 En l'occurrence, dire à des gens qui ne sont pas loin de l'âge de la retraite,
42:25 vous allez travailler deux ans de plus, c'était insupportable.
42:29 Et donc je crois que la solidarité, parce que c'est ça une réforme des retraites,
42:33 ce sont les cotisants qui payent pour les retraités,
42:35 et bien il fallait en appeler un peu plus de cotisation employeur comme salarié,
42:39 faire travailler plus longtemps, ça c'est normal, quand il y a une espérance de vie qui s'allonge,
42:43 c'est normal que la durée de cotisation, 43 ans, soit appliquée pour tous les salariés,
42:48 et d'ailleurs c'est bien sur les 43 ans que le gouvernement bute aujourd'hui.
42:52 Mais pardonnez-moi, mais vous dites qu'il y aura une augmentation des impôts.
42:55 Augmenter les impôts, vous avez déjà essayé, c'était en 2012,
42:59 deux ans plus tard ça a fini en ras-le-bol fiscal,
43:02 pour reprendre les mots de votre ministre de l'économie de l'époque,
43:06 pourquoi les mêmes décisions ne produiraient pas les mêmes effets ?
43:10 Mais ça dépend à quoi servent les impôts.
43:13 Bien sûr que personne ne souhaite les payer.
43:16 Mais quand il y a eu une baisse de l'impôt sur les revenus du capital,
43:20 quand a été supprimé l'impôt sur la fortune, supprimé la redevance,
43:24 et qu'il y a une perte de matière fiscale,
43:29 c'est quand même très préoccupant que ce soit les plus favorisés qui aient eu les baisses d'impôts.
43:33 Donc si on doit faire des hausses d'impôts, c'est pas sur le plus grand nombre,
43:37 c'est sur ceux qui ont eu, y compris durant la crise, les avantages de plus grand nombre.
43:42 On va vous répondre que taxer les riches, c'est un peu...
43:45 quand la gauche n'est pas au pouvoir, elle revient toujours à cette solution-là.
43:49 Mais quand elle est au pouvoir, elle le fait. Je l'ai fait.
43:52 Vous avez dit que ça n'avait pas toujours été gratifiant, mais je l'ai fait,
43:56 y compris avec une taxe à 75% pour les revenus du salariat depuis la mi-année.
44:00 Deux ans. Mais c'était important. Pourquoi c'est important ?
44:03 Non pas tellement pour les rendements que ça génère, mais pour la symbolique.
44:07 Aujourd'hui, dire à un salarié qui a travaillé dur "Vous allez faire deux ans de plus"
44:11 et ne rien dire à un titulaire d'un gros patrimoine...
44:14 En 2012, vous avez symboliquement taxé les riches, mais à la fin,
44:17 la plupart des Français ont vu leurs impôts augmenter. C'était ça, là.
44:20 Sur quels impôts ? Sur quels impôts les Français ont eu davantage à participer ? Non ?
44:26 L'impôt sur le revenu a quand même augmenté.
44:28 Sur les tranches supérieures, à 45%, oui.
44:31 Oui, mais beaucoup de Français ont senti un poids des impôts qui a augmenté.
44:35 Le ras-le-bol fiscal a été une réalité dans le pays.
44:37 Moi, je suis parti, 55% des Français ne payaient pas l'impôt sur le revenu.
44:41 Ce qui a donc été payé par d'autres.
44:43 Oui, c'est payé par les plus favorisés. Je ne mets pas ça en cause.
44:46 Mais aussi par les classes moyennes qui se sont senties plus pressurisées.
44:49 Ça dépend des classes moyennes, mais les classes moyennes, c'est les deux tiers des Français.
44:53 C'est les deux tiers des Français qui ne payent pas l'impôt sur le revenu ou payent un impôt minime.
44:57 Ça ne veut pas dire qu'ils le souhaitent. C'est très pénible de payer des impôts.
45:00 Mais vous dites bien qu'aujourd'hui, les Français dénoncent le poids des impôts.
45:03 Oui, mais ça dépend de ce qu'on fait de ces impôts.
45:05 Si on doit assurer sa sécurité, c'est quand même mieux d'avoir des impôts.
45:08 Si on veut avoir un hôpital, c'est quand même mieux d'assurer par des cotisations sociales.
45:11 Sauf que tout le monde dénonce l'État aujourd'hui des services publics.
45:13 Donc, on voit bien qu'il y a une adéquation.
45:15 Le problème qui est posé, ce n'est pas tant les impôts qui sont toujours trop lourds
45:19 que le fonctionnement même de l'État, le fonctionnement même des services publics.
45:23 Et c'est ça qui doit être la grande réforme.
45:25 On nous parle de réforme des institutions. Je ne vois pas exactement aujourd'hui l'opportunité.
45:32 Mais la réforme de l'État, la réforme des administrations, la réforme de l'école, la réforme du système de santé.
45:38 Voilà les grands sujets qui doivent être posés.
45:40 Une interpellation avec le hashtag #LeGrandJury, et ça se passe sur Twitter.
45:45 Exactement. Un internaute qui veut savoir si vous considérez encore que votre ennemi, c'est la finance.
45:51 La finance spéculative, oui, bien sûr.
45:53 Vous pouvez le redire aujourd'hui.
45:55 Je dirais de la même manière. Celle qui s'enrichit au fur et à mesure des difficultés que nous pouvons connaître.
46:02 Celle qui spécule sur le désarroi de populations qui n'en peuvent plus. Oui, celle-là, oui.
46:09 En revanche, la finance qui sert à répondre aux besoins de l'économie, non.
46:14 Les banques, tout ce qui assure le crédit immobilier, tout ce qui assure le crédit aux entreprises.
46:18 C'est heureusement qu'il y a une finance qui est saine et qui n'est pas spéculative.
46:22 Moi-même, d'ailleurs, comme président, j'ai créé une banque publique d'investissement pour ça.
46:26 En revanche, la finance qui cherche simplement un profit, une spéculation et un plus-value, non, je pense qu'il faut la taxer.
46:34 Pour revenir aussi sur certaines décisions de votre quinquennat, on va parler maintenant du nucléaire.
46:38 Bastien Auger.
46:39 Vous allez être auditionné à l'Assemblée nationale le 16 mars sur la perte de souveraineté énergétique de la France.
46:45 Et vous savez, la question qui va vous être posée, comment est-ce que vous justifiez d'avoir voulu réduire la part du nucléaire ?
46:51 Est-ce que vous l'assumez toujours, ce choix ?
46:53 Lorsque j'ai été élu président de la République, c'était quelques mois après Fukushima.
46:58 Cette catastrophe qui avait créé une peur quant à d'éventuelles défaillances du nucléaire.
47:07 L'Allemagne venait d'annoncer qu'elle sortait du nucléaire, l'Italie qu'elle fermait ses centrales, la Belgique, tout pareil.
47:14 Et moi j'ai dit non, nous allons garder le nucléaire, mais nous allons faire monter le renouvelable et à terme il y aura 50% d'énergie pour l'électricité qui viendra du nucléaire.
47:25 Et le reste ce sera du renouvelable et d'autres sources d'énergie.
47:29 Je pense que cette position reste la bonne.
47:32 Je n'ai fermé, et encore ce n'est pas moi qui l'ai fermé, que la centrale, les deux réacteurs de Fessenheim.
47:39 Et qui devait d'ailleurs fermer au moment où l'EPR, c'est-à-dire la nouvelle centrale, devait s'ouvrir.
47:46 Elle avait été lancée en 2007 et aujourd'hui elle n'est toujours pas en fonctionnement.
47:52 Donc il était très important de garder toutes les centrales, ce que j'ai fait, et donc à part Fessenheim, aucune autre n'a été fermée.
48:00 Est-ce que vos choix n'ont pas aussi été liés à un accord qui avait été noué entre le Parti Socialiste et les écologistes juste avant votre présidentiel
48:08 et que vous avez récupéré ? Est-ce que ça aussi ça n'exclut pas votre politique, ensuite, nucléaire ?
48:14 Cet accord-là entre partis...
48:17 Qui donnait des circonscriptions aux écologistes.
48:19 Oui, oui, oui, je me souviens très bien. Mais je ne l'ai jamais repris à mon compte.
48:22 J'étais candidat, j'étais tout à fait soucieux que les deux partis, Vert et Socialiste, se trouvent un accord pour donner des circonscriptions à un partenaire, en l'occurrence les écologistes.
48:33 Mais je n'ai jamais repris le texte du même à mon compte, et d'ailleurs dans mon programme, il n'y avait que la fermeture de Fessenheim.
48:39 Oui, mais pardonnez-moi, mais sauf que cette décision-là, précisément, elle plombe le nucléaire ou l'avenir du nucléaire.
48:44 C'est-à-dire que l'avenir du nucléaire semblait bouché à partir du moment où il n'y avait plus de lancement de nouvelles centrales, et où on disait "on va réduire la part".
48:51 Alors, on va peut-être être précis.
48:54 Le nouveau nucléaire, c'est le PERN.
48:56 Le PER, pendant toute la période où j'ai été président, il n'a toujours pas été mis en fonctionnement.
49:03 Et depuis que je ne suis plus président, donc ça fait déjà un certain temps, presque six ans, le PER n'est toujours pas en fonctionnement.
49:10 Parce qu'il y a des problèmes qui tiennent à sa construction.
49:13 Donc, pendant toute la période où j'ai été président, la production nucléaire a été constante à 400 TWh.
49:21 Et s'il y a eu des difficultés ces dernières semaines, ces derniers mois, c'est parce qu'il y a eu des corrosions sur les centrales nucléaires,
49:29 qui n'ont rien à voir avec les investissements qui auraient dû être faits ou pas faits, qui sont en plus sur les centrales les plus récentes.
49:35 Donc, ça n'a rien à voir avec la fermeture de Fessenheim.
49:38 - Mario Morgan.
49:40 - Manuel Valls, qui était avec vous au moment des négociations, et tout au début du quinquennat,
49:44 a quand même expliqué devant la même commission d'enquête parlementaire que la réduction du nucléaire, les 50%, n'était le résultat d'aucune étude d'impact ou analyse de besoin,
49:53 et que l'optique, et c'est vrai, dit-il, était politique.
49:56 - Mais il a raison. L'optique était politique. C'était de dire à tout notre pays, nous allons garder du nucléaire,
50:02 parce que c'est la condition justement de l'indépendance et de la souveraineté, c'est aussi une force que nous avons en France,
50:08 mais nous allons faire davantage de renouvelables.
50:10 Alors après, il faut fixer un objectif en politique. Il faut se dire, ben, 50%, pourquoi 50% ?
50:15 Parce qu'on était à 70%, donc il était tout à fait nécessaire de commencer la part du renouvelable.
50:20 Est-ce que j'ai supprimé des centrales ? C'est là qu'on aurait pu être critique, en disant,
50:24 "Ah, quand même, vous avez privé de centrales nucléaires." Aucune. Aucune n'a fermé durant mon quinquennat.
50:29 - Non, mais c'est vous qui avez mis dans les rails la fermeture de Fessenheim.
50:31 - Fessenheim, je reconnais, et ça devait être compensé par l'ouverture de Flamanville, qui n'a toujours pas été mise en fonctionnement.
50:38 - Et EDF, par exemple, qui a annoncé des résultats catastrophiques cette semaine, vous n'en portez pas de responsabilité ?
50:43 - Ah ben, alors, en aucune façon. C'est très intéressant, ce que vous posez comme question.
50:48 Effectivement, EDF vient d'annoncer 18 milliards de pertes, et un endettement de près de 60 milliards,
50:55 qui est provoqué par des décisions publiques, par les miennes, mais récentes,
50:59 qui sont notamment d'avoir fait contribuer EDF au bouclier tarifaire,
51:04 et deuxièmement, d'avoir obligé EDF à vendre de l'électricité à perte.
51:08 Et comment voulez-vous favoriser des investissements, ou pour le nucléaire, ou pour le renouvelable, avec une entreprise qui est à perte ?
51:15 Durant tout mon quinquennat, EDF a été bénéficiaire.
51:19 Durant tout mon quinquennat, l'État a aidé EDF, y compris avec des augmentations de capital.
51:24 Donc, si on veut du nucléaire ou du renouvelable, et il faudra et du nucléaire et du renouvelable,
51:29 il faut avoir une entreprise comme EDF qui soit capable de dégager des bénéfices, et d'être aidée par l'État.
51:34 C'est ce qui se passe en ce moment.
51:36 – Une toute dernière question dans ce grand jury, François Hollande,
51:38 vous avez dit tout à l'heure, la réforme des institutions, c'est pas du tout une urgence, c'est pas le moment.
51:43 Vous avez déjeuné sur ce sujet des institutions avec Emmanuel Macron, le 3 février dernier.
51:48 Le déjeuner a dû être long, si c'est pas un sujet ?
51:52 – Le président Macron a voulu savoir ce que je pensais des institutions,
51:56 j'ai effectivement des propositions à faire, moi je suis pour un vrai régime présidentiel,
52:01 en supprimant le poste de Premier ministre, en donnant plus de place au Parlement,
52:07 c'est pas du tout la voie qui me paraît être ouverte, on est plutôt sur des corrections,
52:11 sur des changements, peut-être on verra lesquels seront proposés,
52:16 mais honnêtement, c'est pas sur les institutions que le pays peut être remobilisé.
52:21 Il peut l'être sur la question climatique, comment fait-on précisément pour assurer notre transition,
52:27 sur la question de la sécurité, comment fait-on pour être garantie quant à notre destin,
52:32 et il peut l'être aussi sur une façon de vivre en démocratie.
52:36 – Merci beaucoup François Hollande, merci d'avoir répondu à notre invitation pour ce Grand Jury,
52:41 bon dimanche à tous, à la semaine prochaine.
52:43 [SILENCE]