Garance Pineau, Directrice Générale du MEDEF, revient sur son parcours et partage sa vision du leadership féminin.
Une intervention forte dans le cadre du Think & Do Tank Marie Claire – Agir Pour l’Égalité sur le thème : "Plus de femmes à la tête des organisations".
Une intervention forte dans le cadre du Think & Do Tank Marie Claire – Agir Pour l’Égalité sur le thème : "Plus de femmes à la tête des organisations".
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00:00Je voudrais d'abord vous accueillir au MEDEF, la maison des entreprises de France, pas encore évidemment suffisamment dirigée par des femmes, mais je pense qu'on va en reparler.
00:18Je suis très heureuse de vous voir si nombreuses ici, de voir tous ces engagements et ces parcours que j'ai un peu écoutés et j'aurai évidemment le retour de toutes vos discussions un peu plus tard.
00:34Et je suis très heureuse qu'on puisse accueillir, je crois, pour la troisième année consécutive cette manifestation. Je voudrais bien sûr remercier les organisatrices et les présidentes, les coprésidentes d'Agir pour l'égalité,
00:49parce que je crois que c'est très important de faire le point à échéance régulière. Alors il y a une étude qui a été publiée ce matin. J'imagine que beaucoup d'entre vous l'ont vue.
01:00Il a été publié par un cabinet de conseil qui s'appelle Heidrich and Struggles, tout est dit, qui fait le point justement sur les suites de la loi Rixin.
01:11Je crois que vous avez accueilli la députée un peu plus tôt et qu'elle a dû peut-être s'exprimer sur ce point et qui dit les choses. Je crois que ça fait un bon résumé.
01:18Cette étude, elle dit en gros, depuis l'adoption de la loi, les progrès ont été considérables. C'est le mot qui est utilisé dans l'étude. Mais il reste évidemment insuffisant.
01:28Ça, nous le savons. Et le risque qu'il se pose aujourd'hui, c'est que les progrès soient trop lents parce que la pente est différente.
01:37Et donc je crois que ce seul résumé doit effectivement justifier de continuer la mobilisation évidemment partout et par tous et par toutes et à tous les niveaux.
01:49Alors ici, on fait les choses, je dirais, au MEDEF. Je le redis peut-être parce que peut-être que tout le monde ne connaît pas ce réseau.
01:58On représente 200 000 entreprises indirectement partout, sur tout le territoire national, dans tous les secteurs, toutes les tailles d'entreprises.
02:07Et donc on a évidemment quand même une photographie assez intéressante, pas exhaustive, enfin assez complète quand même de ce qui se passe dans tous les domaines,
02:13mais en matière notamment d'égalité économique. Et donc on agit principalement à trois niveaux.
02:22D'abord, au sein de nos instances, parce qu'évidemment, pour pouvoir porter un message, il faut être crédible.
02:26On s'est doté dès 2018 d'une charte de la mixité qui est aujourd'hui adossée à nos statuts et qui nous donne un objectif de 30% de représentation des femmes
02:36dans l'intégralité de nos instances, qui est un objectif qui a été atteint et dépassé. On agit également dans notre réseau.
02:45On a un réseau territorial, notamment, qui est très riche, très puissant. Et donc nous avons créé en 2019 un réseau qui s'appelle Femmes du MEDEF,
02:53dont je suis très fière parce que je crois beaucoup à cette initiative. Ce réseau, aujourd'hui, compte 35 clubs partout sur le territoire national,
03:01avec un objectif d'atteindre 50 clubs d'ici à la fin de cette année. Et il permet de mettre en valeur, de mettre en lumière,
03:08de regrouper des femmes chefs d'entreprise qui, d'ailleurs, échangent sur à la fois leur parcours, leurs difficultés, les opportunités, justement,
03:18d'être des femmes chefs d'entreprise. Et nous, on les accompagne dans leur parcours de chef d'entreprise, mais aussi dans leur parcours militant
03:25pour les faire progresser, notamment pour arriver dans nos instances dirigeantes.
03:31Et puis, enfin, dans notre activité d'influence, qui est quand même notre premier métier au niveau national, au niveau européen
03:38et au niveau international, on porte évidemment la cause et la voie de l'égalité professionnelle,
03:45ce qui a justifié que nous sommes la première organisation professionnelle à avoir adhéré au programme Génération Égalité de l'ONU,
03:52ce qui nous permet notamment d'organiser des événements autour de ce réseau.
03:56Ce qui a justifié aussi, et c'était très important d'y être, notre présence dans la délégation de la ministre Aurore Berger,
04:02la semaine dernière, où il y a 10 jours à New York, à la conférence sur les femmes.
04:08Je crois que c'est la première fois que le MEDEF était présent dans cette manifestation.
04:11Mais c'est très important aussi de porter la voie particulière de l'égalité économique,
04:14qui est souvent la première condition du respect des autres droits des femmes.
04:18Donc pour nous et pour moi, c'était important d'y être.
04:22Et c'est aussi ça qui nous a permis d'accueillir en ces murs, je crois que Marlène Schiappa nous rejoindra plus tard,
04:29active l'ONG qu'elle a créée pour promouvoir aussi les femmes au plus haut niveau dans les organisations
04:36et en particulier dans les entreprises.
04:38Et c'est aussi ce qui justifie l'initiative que nous prendrons en 2025 pour augmenter la part des femmes
04:43dans les filières techniques, scientifiques et dans les écoles d'ingénieurs,
04:47qui est un sujet sur lequel je reviendrai et qui nous tient beaucoup à cœur.
04:50Alors en dépit de tout ça, évidemment, nous, on veut faire plus et on veut faire mieux,
04:55parce qu'on l'a dit, les choses ne sont pas gagnées.
04:59Et aussi parce que la vision qu'on a ici, dans la maison des entreprises,
05:02c'est que c'est aussi une question de performance économique.
05:05Je pense que vous aviez eu ces discussions plus tôt, une question d'égalité,
05:07c'est une question aussi de la manière dont on voit et dont on est au monde,
05:11mais c'est une question de performance.
05:12Et je crois qu'aujourd'hui, les effets négatifs de la non-mixité sont très bien documentés.
05:20Alors j'ai vu une tribune que j'ai trouvée très intéressante hier dans les échos,
05:23que je vous invite à lire si vous ne l'avez pas fait,
05:25qui a été signée par Marie-Éloi, qui dit exactement ça.
05:28J'ai trouvé que c'était une très bonne...
05:29Mais surtout, les organisations internationales, à commencer par la Banque mondiale,
05:33chiffrent désormais les effets de la non-mixité,
05:36mais surtout le potentiel de l'égalité économique,
05:39en disant par exemple qu'on augmenterait potentiellement le PIB mondial de 20%
05:43si on réalisait pleinement l'égalité économique.
05:46Donc à partir de là, je trouve que quand on pose la question de cette manière,
05:51on la regarde tout de suite un peu différemment.
05:54Alors si la mixité est créatrice de valeurs,
05:56pourquoi ça bloque encore ?
05:57Alors évidemment, il y a mille raisons,
05:59et j'ai entendu, je viens d'écouter le débat qui vient d'avoir lieu,
06:05et tout ça est vrai,
06:06entre l'autocensure, l'ensemble des biais culturels qui sont encore présents,
06:11et dont nous sommes tous vecteurs, je pense,
06:14jusqu'au dérive de certaines idéologies qui conduisent certaines administrations,
06:19effectivement, rayées le mot femme de la carte mentale,
06:22et surtout des communications publiques.
06:23Enfin, laissons ça de côté.
06:25Je crois que pour nous, ici, il y a deux points principaux.
06:30Le premier, ça reste, et ça a été évoqué aussi ce matin,
06:33c'est une question clé, je crois, parce que c'est une question première,
06:35c'est la question de l'orientation.
06:37Alors j'ai entendu ce matin, enfin juste avant,
06:40qu'on disait que les femmes sont formées, c'est vrai,
06:42mais elles sont encore formées dans des métiers très segmentés.
06:46Et l'orientation reste très segmentée.
06:48On a des métiers qui sont encore aujourd'hui traditionnellement masculins,
06:52la tech, le BTP, l'ingénierie, etc.
06:55Effectivement, malheureusement, ça se traduit dans les chiffres
06:57de l'accès des femmes dans les écoles d'ingénieurs.
07:01Et puis on a des métiers traditionnellement féminins,
07:04dans le soin, dans le médical et le paramédical, etc.
07:07Donc il faut qu'on arrive...
07:09Juste le chiffre de l'industrie, je trouve intéressant,
07:11et il dit tout, il y a seulement 28% des actifs de l'industrie
07:15qui sont des femmes.
07:17Et comme je le disais, effectivement,
07:18quasiment toutes les écoles d'ingénieurs, aujourd'hui,
07:21malheureusement, accueillent de moins en moins de femmes,
07:23c'est-à-dire la part des femmes dans les écoles d'ingénieurs
07:25et les filières techniques et scientifiques,
07:27tente à baisser ces dernières années,
07:29alors qu'elles étaient plutôt en progression, voire en stabilité.
07:33Ce qui veut dire que je crois qu'il faut que nous donnions
07:36des perspectives aux jeunes filles,
07:39de manière beaucoup plus claire,
07:41sur les carrières qui les attendent,
07:43sur les conditions de rémunération,
07:45sur les difficultés, sur les opportunités,
07:47en tout cas qu'elles aient une vision plus claire
07:49dès le plus jeune âge, j'ai envie de dire,
07:53sur la réalité dans quoi elles s'engagent,
07:57dans un sens, d'ailleurs, comme dans l'autre.
08:00Et c'est pour ça que moi, je crois beaucoup au rôle modèle,
08:02à la figure des rôles modèles.
08:04Et ce que nous allons faire en 2025 au MEDEF, ici,
08:07c'est massifier, on dit le matchmaking, pardon,
08:11le terme français, ce serait la mise en relation
08:14des femmes qui sont des femmes modèles,
08:17c'est-à-dire qui sont intégrées,
08:18qui ont fait des carrières,
08:19ou qui sont à tous les niveaux, d'ailleurs,
08:21de carrière et de progression professionnelle,
08:23avec des jeunes filles, des collégiennes.
08:26Ça se fait beaucoup, évidemment, déjà,
08:27dans des collèges et des lycées,
08:28mais il faut massifier ce mouvement.
08:30D'abord, parce qu'il y a plein de femmes
08:30qui ont réussi à le faire,
08:32qu'elles aient brisé ou pas le plafond de verre,
08:34et qu'elles soient, malheureusement ou pas,
08:35dans le...
08:36Comment on a dit ?
08:37La falaise de verre.
08:39C'est ça ?
08:40Et des jeunes filles qui ont besoin, encore une fois,
08:42d'une information, à mon avis,
08:44détaillée, encore une fois, sur ce que ça veut dire.
08:46Et puis, la deuxième chose,
08:47c'est évidemment la conciliation de la vie
08:49personnelle et professionnelle,
08:52qui reste un sujet majeur, encore une fois,
08:53ça se voit dans les chiffres.
08:55La charge domestique des femmes
08:56est encore beaucoup plus importante
08:58que celle des hommes.
09:00L'équilibre n'est pas du tout là.
09:02Ce qui fait que ça se traduit aujourd'hui,
09:05pour les femmes en général, peut-être,
09:07pour les femmes cadres en particulier,
09:09par une progression des burn-outs
09:11qui devient préoccupante.
09:12Donc, tant mieux si ça évolue avec les générations.
09:16Je m'en réjouis, mais ça veut dire
09:17qu'il faut qu'on reste très vigilants aussi
09:19sur cette question de la conciliation.
09:21Alors ça, c'est quand même un peu la théorie.
09:23Pardon, je n'ai pas beaucoup parlé de moi.
09:26J'ai entendu, vous m'avez invité à le faire.
09:28Moi, je ne réponds à rien de tout ça.
09:30Je n'ai pas fait d'école d'ingénieur,
09:31même pas une école de commerce.
09:33Moi, quand j'étais jeune fille,
09:34je voulais être casque bleu de l'ONU.
09:36Et je me suis engagée dans des études de droit.
09:37Donc, ça ne démarrait pas très bien
09:39en termes d'orientation.
09:41J'ai une charge mentale et domestique très importante
09:45parce que j'essaye d'élever trois adolescents
09:47et de leur inculquer par ailleurs
09:49l'art subtil du vidage de lave-vaisselle.
09:51Enfin, ce n'est pas très simple.
09:54Donc, ce que je vous dis,
09:56je ne le vis pas dans mon quotidien.
09:59Donc, ça veut dire qu'il y a autre chose
10:00pour progresser, en tout cas,
10:02dans sa vie professionnelle.
10:03Et moi, je voudrais dire deux choses
10:05aux jeunes filles et aux femmes en général,
10:07mais aux jeunes filles qui se posent des questions en plus.
10:10D'abord, qu'on ne doit pas choisir.
10:13Je crois que c'est une question
10:13qui se pose encore trop ou trop souvent
10:15et peut-être de plus en plus
10:16entre faire des choses qui nous intéressent
10:18au niveau professionnel
10:19ou au niveau de l'engagement en général,
10:22faire des choses ambitieuses,
10:23que ce soit pour la société,
10:25pour sa progression personnelle
10:27et puis avoir une vie personnelle par ailleurs,
10:30qu'il s'agisse d'avoir une famille ou autre chose.
10:32Je crois que c'est très important.
10:34Ce n'est pas toujours facile, évidemment.
10:35On vient d'en parler.
10:35La conciliation, ça reste un énorme sujet.
10:38Mais je crois que les hommes
10:39ne se posent jamais cette question-là.
10:42Et il ne faut pas que les femmes se la posent.
10:43Et la deuxième chose, c'est de rêver,
10:46de continuer à rêver
10:46et de poursuivre son rêve
10:48en ne se contentant pas
10:52de la place qu'on nous laisse.
10:54Parce qu'on nous laisse une place,
10:57je trouve, qui est trop étroite.
10:59Et donc, ça veut dire, évidemment,
11:00qu'il faut jouer un petit peu des coudes.
11:02Alors, au final, moi,
11:03je n'ai jamais été casque bleu,
11:05mais j'ai fait des missions
11:07de maintien de la paix pour l'ONU.
11:08C'était mon premier boulot.
11:09J'ai fait ça pendant plusieurs années
11:10dans différentes zones du globe.
11:12J'ai été portée par un rêve de paix,
11:14à l'époque.
11:15Alors, vous me direz,
11:16dans le monde d'aujourd'hui,
11:17c'est un peu naïf.
11:18Enfin, c'était il y a quelques années.
11:20Dans un monde où on croyait encore
11:21au multilatéralisme.
11:23Et tout ça, ça a forgé, moi,
11:24mon engagement européen,
11:26qui est très fort,
11:27qui m'a porté ensuite
11:28à être la conseillère Europe
11:30du président de la République,
11:31où j'ai contribué à ses côtés
11:33à l'élaboration,
11:34à la construction
11:35de la politique européenne
11:36de la France
11:36et à la construction de la doctrine
11:37qui, je crois,
11:38nous sert beaucoup aujourd'hui,
11:39qui s'appelle la souveraineté,
11:40que nous avons définie
11:41dans un discours important,
11:43qui est le discours de la Sorbonne
11:44en 2017.
11:46Et aujourd'hui,
11:47au service de l'économie française,
11:49où tout ça, évidemment,
11:52ça n'a pas l'air forcément
11:53très cohérent.
11:53Enfin, je n'étais pas là
11:54pour parler de moi non plus,
11:55mais tout ça est finalement
11:55très cohérent.
11:57Et avec le recul,
11:58et la jeune fille que j'étais
11:59avec des rêves de casque bleu,
12:01eh bien, aujourd'hui, d'ailleurs,
12:02ici, dans le monde
12:02dans lequel on est,
12:03je crois que ce casque bleu
12:04me sert tous les jours.
12:06En tout cas, moi, je pense
12:07qu'il faut, encore une fois,
12:08ne pas choisir
12:09et puis continuer à rêver très fort.
12:11Et je veux vraiment vous remercier
12:12pour faire progresser cette cause,
12:13parce que je crois très sincèrement,
12:15je le vis tous les jours
12:16dans mon quotidien à moi,
12:17qu'on a besoin de beaucoup plus de femmes
12:18tout en haut des organisations.
12:21Et je souhaite avec beaucoup de sincérité
12:23que le MEDEF y contribue.
12:25Merci.
12:25Applaudissements