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À l’occasion de l’Appel Pour l’Égalité du Think & Do Tank Marie Claire, à l’Hôtel de Lassay, à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé, Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, a pris la parole pour réaffirmer les engagements du gouvernement en matière d’égalité. Son allocution met en avant les actions prioritaires et les mesures législatives à mettre en place pour lutter efficacement contre les discriminations et les inégalités de genre.

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Transcription
00:00...
00:10Bonjour à toutes et à tous.
00:12Madame la présidente, chère Yael,
00:14mesdames les députés, chère Marie-Pierre,
00:16chère Céline, chère Gwenaëlle, chère Choupa,
00:18merci de nous réunir ici.
00:21Et merci, chère Yael, d'avoir accepté
00:23que ça puisse être fait dans ce lieu, évidemment,
00:25si symbolique, toi, qui est non seulement
00:28la 1re femme présidente de l'Assemblée,
00:29mais qui porte depuis très longtemps ses combats,
00:33et puis très heureuse de revoir un certain nombre de visages
00:36dont je sais les combats personnels, intimes,
00:39professionnels, qui sont menés et conduits
00:42dans vos organisations, dans vos métiers,
00:44pour que la cause des femmes et de l'égalité
00:47puissent progresser.
00:49Je crois d'ailleurs qu'un tel rassemblement,
00:51il y a 10 ans, aurait sans doute été inimaginable,
00:55impossible de se dire qu'on allait ici,
00:57au coeur du palais Bourbon,
00:59réunir tant d'hommes et tant de femmes,
01:02alors que pendant longtemps, finalement,
01:04ces lieux de la République semblaient inaccessibles
01:07à beaucoup.
01:10C'est un symbole très fort qui, je crois,
01:12témoigne de beaucoup de décennies de combats,
01:14dans le sillage, évidemment, de celles et ceux
01:16qui nous ont précédés,
01:17mais qui doit nous rappeler de manière systématique
01:20l'ampleur du travail qui nous reste à accomplir.
01:24Car si nous avons brisé de nombreux plafonds de verre,
01:26chère Yael,
01:27il y a des murs invisibles qui, eux, demeurent
01:30et qui sont les plus difficiles à percer.
01:33Aujourd'hui, des personnalités de très haut niveau,
01:35des experts, des acteurs économiques, politiques,
01:37des militants, des citoyennes et citoyens
01:40se rassemblent, unissent leurs forces
01:42dans un même combat, celui de l'égalité,
01:45qui n'enlève rien à personne,
01:46mais qu'il faut progresser toute la société,
01:49qui n'est pas une question secondaire,
01:51mais une question de dignité, de démocratie, de République
01:55et une urgence sociale et une urgence économique.
02:00Car une société qui continue d'exclure
02:02ou d'entraver la liberté, l'émancipation,
02:04les ambitions des femmes,
02:06c'est une société qui, tout simplement,
02:08n'est pas à la hauteur de la promesse républicaine
02:11qu'elle s'est pourtant donnée.
02:13Les grandes transitions en cours, numériques,
02:15chère Nathalie, écologiques, énergétiques,
02:19ont déjà commencé à transformer en profondeur nos économies,
02:22à bouleverser les équilibres
02:23sur lesquels était bâti notre société.
02:26Tech, intelligence artificielle, cybersécurité,
02:29si ces secteurs doivent dessiner et dessinent
02:31les contours du monde économique
02:33et de notre manière de penser demain,
02:36les femmes, aujourd'hui, y sont trop peu présentes.
02:39Et si nous n'agissons pas,
02:40non seulement nous allons reproduire
02:42des schémas d'exclusion du passé,
02:44mais des secteurs stratégiques vont être bâtis sans nous,
02:49sans les femmes,
02:50et des biais vont non seulement se reproduire,
02:53mais persister et se renouveler.
02:56C'est aussi une aberration économique,
02:58tu l'as dit, chère Yael, car nous nous privons,
03:00tout simplement, de talents indispensables
03:02à notre compétitivité, à notre résilience,
03:04à notre esprit d'initiative, à notre esprit d'innovation.
03:07Et dans une France conquérante,
03:09il est temps, évidemment, de faire changer la donne.
03:11C'est pourquoi notre priorité doit être, évidemment,
03:14d'ouvrir ces secteurs,
03:16non pas juste à quelques femmes pionnières,
03:18et j'en vois, évidemment, dans cette salle,
03:21non pas seulement à quelques exemples
03:23qui nous permettraient de nous donner
03:25une forme de bonne conscience,
03:27de nous dire que le travail serait fait,
03:29mais des générations entières de filles, de femmes
03:32qui ne doivent plus écarter d'office
03:34ces choix de filière et de carrière,
03:37qui ne doivent plus se dire qu'elles n'y ont pas leur place
03:39ou qu'elles n'en auraient pas les compétences.
03:41Je préfère ne jamais utiliser le mot d'autocensure,
03:44car je le trouve un peu trop commode et un peu trop facile,
03:47parce que là encore, il fait reposer la charge sur les femmes
03:49comme si c'était elles qui, dans leur parcours étudiant,
03:54professionnel, s'étaient autocensurées,
03:56comme si, finalement, ça n'était pas la société
03:59qui, parfois, leur avait plutôt instillé l'idée
04:01que ça n'était pas pour elles, que ça n'était pas leur place
04:04et que d'autres voies leur étaient bien plutôt destinées.
04:08Car des femmes qui font bouger les lignes,
04:10des femmes qui créent, des femmes qui innovent,
04:12qui dirigent des grandes entreprises,
04:14cela doit être, évidemment, la norme,
04:16et non plus quelques exceptions.
04:19Il nous faut donc un changement de culture
04:21et une véritable révolution.
04:23L'école doit être au coeur de cette transformation,
04:26car c'est là, dans les classes et dès le plus jeune âge,
04:29que se forment les mentalités de demain,
04:32et d'ailleurs, sur tant de sujets
04:34qui concernent les questions d'égalité.
04:36Je reprends d'ailleurs, évidemment, farouchement
04:39la volonté d'avoir enfin une éducation à la vie affective.
04:42Je ne pouvais pas ne pas le mentionner ici, devant vous,
04:45tout simplement parce que c'est un enjeu, je le dis,
04:47évangélique, qui porte avec tant de dignité et de force
04:50ce combat, le fléau des violences sexuelles.
04:53Il commence par le défaut d'éducation,
04:56le défaut d'information,
04:58et loin des fantasmes que je lis trop souvent
05:00sur les réseaux sociaux ou par quelques voies politiques,
05:03il est temps qu'encore une fois, on assume
05:06que tous nos enfants ont le droit d'avoir accès à l'information,
05:09ont le droit de savoir que leur corps leur appartient,
05:12l'intégrité de leur corps, leur dignité.
05:15Et évidemment, tout cela est un ensemble très cohérent
05:18sur la lutte à la racine des stéréotypes
05:21qui, malheureusement, persistent.
05:23Et dans cette lutte contre les stéréotypes,
05:25il y a évidemment la question des représentations,
05:27la question des biais.
05:29Et une petite fille qui s'imagine ingénieur,
05:31code chef d'entreprise, astronaute,
05:33tu as cité Claudie Aigneret,
05:35doit trouver un monde prêt à l'accueillir
05:38et pas à la convaincre de choisir une autre voie
05:42et de même faire progresser l'égalité.
05:43L'égalité, c'est la faire progresser aussi
05:45pour nos fils, pour nos garçons,
05:47pour qu'eux aussi puissent avoir le droit de rêver
05:50à des métiers qui, aujourd'hui, sont dits comme féminins,
05:53mais qui sont des métiers essentiels
05:55au fait que notre société puisse tenir debout,
05:58qu'ils puissent être infirmiers, qu'ils puissent être magistrats,
06:00qu'ils puissent être enseignants,
06:02qu'ils puissent être assistants maternels,
06:05pour pouvoir tout simplement, eux aussi,
06:06suivre leur vocation sans crainte du jugement de la société.
06:11Chacune et chacun, donc, doit se projeter
06:14dans tous ces métiers sans aucune restriction.
06:17Nous devons aussi ouvrir grand les portes
06:19des grandes écoles et des universités
06:21dans les filières scientifiques et techniques.
06:23Avec Sylvie Retailleau, qui était la ministre
06:25de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
06:27nous avions annoncé, c'est un projet que je veux mener à bien,
06:30que nous allions enfin vérifier les inégalités
06:32à la racine, à la sortie aussi des études,
06:36parce qu'il y a ce qu'on mesure dans une vie professionnelle,
06:40mais il y a aussi ces inégalités qui sont à l'entrée même
06:42des carrières, alors qu'on commence à peine sa carrière
06:45et qu'on a exactement, donc, les mêmes qualifications.
06:49Et ça aussi, ce sont des biais que nous devons,
06:51évidemment, corriger.
06:53Une fois formées, les femmes doivent pouvoir intégrer
06:56et s'épanouir dans des entreprises qui les accueillent,
06:59qui les valorisent, qui les accompagnent.
07:01Et je sais que les entreprises, et vous êtes nombreux
07:03à les représenter ce matin, petites et grandes,
07:06agissent, évidemment, déjà en ce sens.
07:09Tu l'as cité, il y a eu des évolutions législatives.
07:11Cher Marie-Pierre, tu en as porté.
07:14Muriel Pénicaud en a porté.
07:15Et dans quelques semaines, quelques mois,
07:17nous allons pouvoir transposer une directive européenne
07:20extrêmement importante sur la question de l'index professionnel,
07:24qui doit permettre de corriger des biais peut-être existants
07:27de notre propre index, mais surtout de faire progresser
07:30assez massivement sur les outils que nous allons pouvoir utiliser.
07:34L'idée n'est pas d'ajouter de la contrainte.
07:37L'idée est de savoir mesurer,
07:39parce que si on ne sait pas mesurer,
07:40eh bien, on ne sait pas progresser.
07:42Et évidemment, si on ne progresse pas,
07:45alors, il faut que l'Etat joue sa part
07:47et assume que des contraintes puissent exister,
07:49mais on fait les choses dans le bon ordre.
07:51Et on a vu des évolutions assez spectaculaires
07:54et heureuses ces dernières années,
07:55parce que oui, des obstacles persistent,
07:57des discriminations à l'embauche,
07:59des plafonds de verre, des écarts de rémunération.
08:02Je le dis devant Nathalie Collin, qui a porté très haut
08:06et qui a fait la démonstration très haut
08:09que quand une entreprise se met en tête
08:11de corriger les écarts de rémunération,
08:14quand elle se fixe des objectifs très clairs,
08:16quand elle y consacre des moyens humains et financiers,
08:19eh bien, c'est possible.
08:21Et si La Poste, qui est une très grande entreprise
08:23et une très grande organisation, a réussi à le faire,
08:26cela doit pouvoir aussi nous inspirer
08:28sur concrètement ce que toutes nos entreprises peuvent faire
08:32et donc doivent faire.
08:34Parce que l'égalité salariale n'est évidemment pas une option,
08:38pas plus que la parité dans les instances dirigeantes,
08:41et c'est désormais même la loi.
08:44Les études le prouvent, en plus.
08:45Les équipes mixtes sont plus performantes,
08:47plus créatives, plus résilientes.
08:49Tu disais, Chérielle, que les cabinets ministériels
08:51doivent être paritaires.
08:52J'avoue que le mien ne l'est pas
08:54et que j'ai dû demander une dérogation
08:55pour qu'il y ait plus de femmes que d'hommes.
08:58Mais vous voyez, pendant longtemps,
09:00on n'a pas eu besoin de demander des dérogations
09:01dans l'autre sens.
09:02Donc il faut aussi, là encore, qu'on fasse progresser
09:05et évoluer les mentalités.
09:08Par ailleurs, l'intégration et la participation des femmes
09:10à la vie économique, et c'est ça qui, à mon avis,
09:13doit nous pousser à le mettre tout en haut
09:15et en tête de chapitre, eh bien, on le sait,
09:18elle est absolument déterminante dans la lutte
09:20contre toutes les formes de violence.
09:22Parce que s'il n'y a pas d'autonomie économique
09:25et financière des femmes,
09:26alors c'est là que les violences peuvent évidemment
09:30se nicher, prospérer.
09:32Et donc, c'est cette manière de renforcer ce pouvoir,
09:36ce système de domination qui est absolument déterminant
09:40parce que l'élimination des violences sexistes et sexuelles,
09:42elle est une condition sine qua non,
09:45évidemment, de l'égalité, du respect et de la dignité.
09:49Tu as mentionné l'aide universelle d'urgence,
09:52des évolutions législatives aussi que nous souhaitons porter.
09:55Je terminerai peut-être par là pour lier les deux sujets
09:58qui, pour moi, intimement le sont,
10:00d'égalité économique, de visibilité des femmes
10:06et de lutte contre toutes les formes de violence,
10:08puisque malheureusement, cette année a commencé
10:10par un 1er féminicide à Aumont.
10:12Il n'a même pas fallu attendre un jour,
10:14il a fallu attendre 4 heures pour qu'une femme succombe
10:17sous les coups de son conjoint, de son mari,
10:21à Aumont, dans le nord de la France.
10:22Et tous les territoires sont concernés,
10:24toutes les sociologies sont concernées
10:27par le risque de féminicide.
10:28Mais si nous voulons éradiquer les violences intrafamiliales,
10:32conjugales, sexistes, sexuelles,
10:34alors nous devons garantir la pleine participation
10:36des femmes à la vie économique,
10:38leur autonomie économique et financière.
10:40Parce qu'il faut là aussi changer les représentations,
10:43et c'est ce que je n'ai de cesse de dire et de répéter.
10:46Si une femme était violentée et subissait les coups
10:49à la 1re heure du 1er jour d'une relation,
10:52évidemment, elle partirait.
10:54Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
10:56Les femmes ne sont pas stupides.
10:58Les femmes ne subissent pas les violences à la 1re heure.
11:01Et c'est parce que d'autres violences s'installent,
11:04d'autres contrôles se mettent en oeuvre,
11:06un isolement, un isolement professionnel,
11:09un isolement familial, un isolement social, relationnel,
11:14une privation de vos capacités économiques,
11:16de votre autonomie économique,
11:19c'est là que d'autres violences s'installent,
11:22psychologiques, sexuelles, physiques.
11:25Et donc, c'est aussi cette représentation
11:27que nous devons impérativement changer.
11:29Et donc, oui, ça commence bien par agir pour l'égalité,
11:33comme vous le mentionnez,
11:34et par le combat que nous devons mener
11:36dans toutes nos organisations,
11:38et notamment dans toutes nos organisations
11:40sociales et professionnelles.
11:41Donc, je crois très farouchement
11:44au fait de lier nos deux enjeux,
11:46parce qu'encore une fois,
11:48s'il n'y a pas d'autonomie économique,
11:50il n'y a pas de capacité à s'émanciper,
11:53à être libre, à faire ses choix
11:55et à s'extraire des violences que l'on peut subir.
11:57Donc, merci à vous très sincèrement
12:00pour votre engagement,
12:01qui n'est pas un engagement juste un jour pour un colloque,
12:04mais qui est un engagement intime pour vous de tous les jours
12:08et qui est un engagement que vous menez
12:09avec énormément de partenaires partout sur les territoires.
12:12Donc, merci très sincèrement
12:14pour cette mobilisation générale que vous sonnez,
12:17parce que c'est ça que nous devons.
12:18L'Etat ne doit jamais se défausser de ses responsabilités.
12:21Nous sommes évidemment d'abord les premiers des responsables,
12:25et nous devons toujours réaffirmer la responsabilité qui est la nôtre,
12:28mais seuls, nous ne pouvons pas tout.
12:30C'est une certitude,
12:31et c'est toute la société qui doit se sentir concernée
12:35par la lutte contre les violences
12:36et par ce qui rend possible l'installation de ces violences,
12:40c'est-à-dire que les femmes ne soient pas à égalité
12:43et n'aient pas autonomie économique et financière.
12:46Donc, merci pour cet engagement.
12:48Très belle journée, très beau débat,
12:50et merci encore, Yael,
12:51d'avoir permis que ce soit possible ici.

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