Emmanuelle Valentin-Fouchs, General Manager France, Specialty Care chez Sanofi, partage les temps forts de son parcours et sa vision d’un leadership engagé, dans le cadre du Think & Do Tank Marie Claire – Agir pour l’Égalité, tourné au MEDEF le 25 mars.
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00:00Capistine, quand on a passé quelques temps au téléphone pour préparer cette journée,
00:13en fait, j'ai partagé quelques éléments avec vous de ma vie de femme, de ma vie de dirigeante.
00:22Et finalement, vous m'avez demandé de le partager avec la salle aujourd'hui.
00:27Je n'aime pas parler de moi, comme beaucoup de femmes.
00:31Et donc, je vais finalement décider de partager avec vous ce que j'ai vécu, avec plus de 25 ans de carrière,
00:42comme femme, comme mère, comme dirigeante, et quelles ont été les étapes clés,
00:49que j'appelle les moments de vérité, qui ont fait que je suis là où je suis aujourd'hui.
00:56Je vous en partage seulement quelques-uns.
00:58Je pourrais en écrire un bouquin.
01:01Mais j'ai des étapes vraiment fondamentales que je voulais partager avec vous.
01:05Puis ensuite, je partagerai aussi avec vous la façon dont, en tant que femme et dirigeante,
01:11je m'engage au quotidien, comme beaucoup d'entre nous,
01:15pour supporter, pour encourager, pour pousser les jeunes femmes,
01:24et les moins jeunes d'ailleurs, à oser.
01:28Mon premier moment de vérité, ça a été mon premier job.
01:33Donc, je travaille pour une entreprise du CAC 40 qui s'appelle Sanofi,
01:37donc l'industrie pharmaceutique.
01:38J'ai fait toute ma carrière quasiment dans l'industrie pharmaceutique,
01:41dans plusieurs laboratoires.
01:43Je suis donc aujourd'hui chez Sanofi, une entreprise qui oeuvre beaucoup pour la mixité,
01:48mais qui est partie de très, très loin.
01:50Mon premier job, donc, j'étais très jeune,
01:54dans une entreprise pharmaceutique.
01:57Les seules femmes qui étaient dans cette entreprise étaient des assistantes.
02:03Tous les autres postes étaient tenus par des hommes.
02:06Et donc, je suis arrivée, j'étais la seule femme,
02:08j'étais chef de produit, au milieu d'hommes.
02:12Et je me suis vraiment demandé où j'étais tombée.
02:16Je me suis même sentie inférieure, on va dire,
02:19parce qu'ils avaient toujours la parole,
02:21parce qu'ils avaient toujours des positions extrêmement fermes.
02:27Et un jour, je m'en suis ouverte à mon patron,
02:30qui m'a dit, mais Emmanuel, il ne vous arrive pas à la cheville.
02:33Prenez confiance, faites-moi confiance,
02:36il ne vous arrive pas à la cheville, tous ces hommes.
02:40Et ça a été un déclencheur incroyable,
02:43qui a finalement été une étincelle,
02:49qui m'a fait démarrer la carrière que j'ai pu avoir par la suite.
02:54Alors, je ne vous dis pas que ça a été facile tous les jours.
02:56J'ai fait plein de métiers.
02:57J'ai entre-temps eu également trois enfants,
03:02pour en reparler plus tard.
03:04En tout cas, j'ai fait plein de métiers.
03:06Et à un moment donné, j'ai été heurtée à ce qu'on appelle
03:09le plafond de verre ou le plafond de béton,
03:10on en a beaucoup parlé aujourd'hui.
03:12Où finalement, j'étais arrivée à un niveau
03:14où les évolutions que j'arrivais à faire
03:17étaient extrêmement variées, mais toujours transverses, horizontales.
03:20Et un jour, j'en ai eu marre, trop tard.
03:25C'est pour ça que je m'occupe aussi des jeunes femmes autour de moi.
03:29J'en ai eu marre trop tard.
03:30Et j'ai vraiment osé mettre les pieds dans le plat trop tard.
03:33Et je vais vous raconter ce jour-là.
03:34Je suis allée voir mon patron.
03:37Et je lui ai dit, voilà, moi, je pense que je suis prête
03:39pour être directeur général.
03:41Donc voilà, je voudrais un poste de directeur général.
03:43Il m'a dit, en effet, tu en as tout à fait les compétences,
03:46mais Emma, tu as trois enfants.
03:47Comment vas-tu faire pour mener de front un poste de DG
03:53et ton métier de maman ?
03:58Et c'était sincère.
03:59Il était vraiment sincère.
04:03Je ne pouvais même pas lui en vouloir.
04:05Et là, j'ai cherché une réponse.
04:07Et ma réponse a été la suivante.
04:09Cet homme avait deux filles qui étaient étudiantes
04:12dont il était extrêmement fier.
04:14Elles étaient brillantes.
04:15Et je lui ai dit, comment réagirais-tu si un jour,
04:19dans une entreprise, un homme disait ça à tes filles
04:23dont tu es si fière ?
04:26Et là, il m'a regardée complètement interloquée.
04:29Il m'a dit, en effet, je n'y avais pas pensé comme ça.
04:33Et donc, dans le mentoring que je fais avec beaucoup de jeunes femmes,
04:40je dis toujours, essayez d'illustrer les situations
04:44et mettez un peu vos pieds dans les chaussures
04:46de celui qui est en face de vous
04:48et qui résonne en tant qu'homme,
04:50qu'il y a une femme qui ne travaille pas
04:51et qui ne se rend pas compte que, finalement,
04:53il a des filles pour lesquelles il a beaucoup d'ambition.
04:55Ça, c'était mon exemple.
04:59Enfin, bref, du coup, je l'ai eu, mon poste de DG.
05:02À l'occasion d'une réorganisation,
05:06tous les DG ont été renommés.
05:10Donc, il y avait plein de choix, plein d'options.
05:12Et quand mon tour est venu,
05:17il restait un pays qui n'avait été pris par personne
05:20et surtout pas par les hommes.
05:23C'était la Roumanie.
05:25Donc, on m'a expliqué...
05:27On m'a expliqué, Emma, tu vas voir, c'est génial.
05:34Tu vas partir et tu vas diriger la Roumanie.
05:38Eh bien, vous savez quoi ?
05:39J'ai lu plein de trucs sur la Roumanie
05:40parce que c'est plein de préjugés.
05:42Enfin, je vous vois rire,
05:43donc vous imaginez bien quelle a été la réaction.
05:47Eh bien, je suis partie en Roumanie, toute seule.
05:50Mes enfants, à l'époque, avaient entre 16 et 20 ans.
05:55La petite dernière de 16 ans, c'était donc une fille.
05:57Les deux autres, c'était deux garçons.
05:59Je vous le dis parce que je vais aussi vous raconter leur réaction.
06:03Je suis partie en Roumanie, toute seule.
06:06J'ai succédé à deux hommes
06:08qui avaient tous les deux terminé en burn-out
06:09parce que c'est vrai que ce n'est pas un pays toujours facile à gérer,
06:13mais néanmoins un pays formidable.
06:17Et je n'ai pas fait de burn-out.
06:18J'ai eu beaucoup de succès dans ce pays-là.
06:21Et j'ai été un excellent directeur général,
06:24d'ailleurs, entre parenthèses,
06:25qui a promu beaucoup de femmes
06:27parce que les filles sont extrêmement éduquées en Roumanie.
06:31et les instances dirigeantes en Roumanie sont très féminines.
06:37Maintenant, je vous ai parlé de mes enfants
06:38parce que je voulais vous dire aussi
06:40et vous partager mon histoire professionnelle et personnelle
06:46par rapport à cette expérience-là.
06:49Donc, j'ai annoncé à mes enfants
06:50que je les aimais vraiment très fort
06:52et que j'avais fait aussi beaucoup de choix de carrière
06:57en fonction d'eux, ce qui était normal,
06:59ce que je ne regrettais pas,
07:01mais que j'allais partir pour ma carrière
07:04et que je rentrerais les week-ends
07:06parce que j'avais besoin de faire ce métier
07:11et puisque j'avais besoin aussi
07:12pour évoluer dans une entreprise internationale
07:14de partir à l'étranger.
07:17Ma fille a été ravie.
07:19Elle m'a dit, c'est super, maman.
07:20Vas-y, bats-toi.
07:22Je me débrouillerai.
07:23T'inquiète pas.
07:24La semaine, je resterai chez ma grand-mère, etc.
07:25Et les deux garçons,
07:28contre toute attente qui, depuis des années,
07:31revendiquaient leur indépendance,
07:34défaut de revendiquer leur autonomie,
07:37m'ont regardée complètement interloquée
07:43et m'ont dit, ah, mais ça, c'est pas possible.
07:45En fait, c'est pas les parents qui quittent le milieu familial.
07:51C'est nous qui devrions partir.
07:53Pourquoi tu t'en vas ?
07:55Et donc, je me suis retrouvée avec deux grands dadés
07:57qui ont dû apprendre à gérer leur vie,
08:00gérer leur budget, faire leurs études en parallèle
08:03et accepter que, finalement,
08:06l'indépendance qu'ils revendiquaient depuis toujours,
08:09ils n'étaient pas forcément prêts pour ça.
08:12Et puis, ça leur a donné une sacrée bonne leçon aussi,
08:15au passage, justement, d'humilité, j'allais dire.
08:22Voilà.
08:22Et donc, aujourd'hui, ils ont une vision complètement différente.
08:26Donc, voilà quelques moments de vérité que je voulais partager.
08:28Je voulais aussi partager...
08:30J'ai beaucoup aimé ce qu'a dit Nathalie Collin,
08:34il faut plus de patronnes.
08:35Et j'ajouterais, il faut aussi beaucoup plus de patronnes
08:37qui donnent l'exemple.
08:39Moi, dans ma carrière, j'ai aussi côtoyé des femmes
08:43qui n'étaient pas forcément bienveillantes avec les femmes.
08:46Je tiens à le dire.
08:47Même si ça peut...
08:50On ne le dit pas souvent.
08:52Voilà.
08:57Donc, je fais aussi un appel aux femmes qui dirigent
09:00et qui ont réussi.
09:01S'il vous plaît, soyez bienveillantes avec vos sœurs
09:04et aidez-les.
09:06Alors, ce n'est pas souvent, mais ça arrive.
09:10Et montrer l'exemple, ça veut dire quoi ?
09:13Ça veut dire prendre des vraies décisions
09:15qui ne sont pas ordinaires.
09:18J'ai recruté une DRH
09:22qui sortait tout juste d'un cancer du sein,
09:26qui était une femme formidable.
09:29Le premier jour, quand elle arrivait dans l'entreprise
09:31avec son foulard sur la tête
09:33et qui, manifestement, avait tous les signes
09:36d'une personne qui était encore malade,
09:38on m'a posé des questions.
09:42Et on m'a demandé pourquoi
09:44j'avais recruté quelqu'un
09:47qui n'était pas forcément en bonne santé.
09:51Donc, voilà.
09:52Enfin, je pense qu'il faut donner des exemples.
09:54C'était la meilleure DRH que j'ai jamais eue de ma vie
09:56et j'ai jamais eu quelqu'un d'aussi engagé dans mes équipes.
10:04D'autres exemples importants,
10:08c'est promouvons les femmes enceintes.
10:11Recrutons des femmes enceintes.
10:14Ça n'a jamais été une maladie.
10:15Au contraire, quand on est maman,
10:17on est encore plus forte,
10:18on est encore plus sûr de soi,
10:19on se transforme, on grandit.
10:22Donc, tout ça, c'est des actes
10:23qui sont extrêmement symboliques,
10:25mais qui sont aussi, je pense, impactants.
10:29On a parlé aussi beaucoup d'impact,
10:31et pour moi, c'est important.
10:33Voilà.
10:33Donc, pour terminer,
10:35moi, je passe depuis des années,
10:382 heures, tous les vendredis après-midi,
10:42à m'entorer des femmes, des jeunes, des moins jeunes,
10:45à m'entorer aussi des jeunes femmes
10:47issues des quartiers plus défavorisés,
10:52à les aider à décrypter les codes
10:55de nos grandes entreprises
10:56pour qu'elles s'y sentent prêtes,
10:58pour qu'elles s'y sentent à l'aise.
10:59Et les grandes thématiques
11:03sur lesquelles on travaille en permanence,
11:07c'est oser, les filles,
11:08oser, croyez en vous,
11:10oser demander,
11:12oser revendiquer des postes,
11:15oser aller chercher des mentors
11:16parmi les hommes et parmi les femmes.
11:19Ça, c'est absolument important.
11:22Un 2e sujet, c'est prenez des risques.
11:26Qu'est-ce que vous avez à perdre ?
11:27It's just a job.
11:29Prenez des risques,
11:30sortez de vos zones d'inconfort.
11:32Qu'est-ce qui peut vous arriver au pire ?
11:34Vous vous plantez.
11:35Mais dans 99% des cas,
11:37vous allez réussir.
11:38Parce que vous avez cette humilité,
11:40vous, les filles,
11:41qui vous permet de vous remettre en cause
11:42en permanence
11:43et d'être toujours meilleure.
11:45Parce que les meilleurs
11:46sont eux qui se posent des questions,
11:47sont ceux qui se posent des questions,
11:48ne sont pas ceux qui avancent
11:49en pensant qu'ils détiennent la vérité.
11:52Voilà, donc,
11:53ces éléments très, très personnels
11:55que je partage très rarement
11:57que j'ai été heureuse
11:58de partager aujourd'hui au MEDEF
12:00avec vous toutes et vous tous.
12:02Merci aux quelques hommes qui étaient là.
12:04Je terminerai en disant que
12:06je crois dans la diversité
12:09et la richesse d'une société,
12:12c'est sa diversité.
12:14Comme il a été dit tout à l'heure,
12:15le monde est constitué
12:16de 50% d'hommes
12:17et de 50% de femmes.
12:19c'est donc normal
12:20que les équilibres se retrouvent
12:22à tous les niveaux
12:23dans les entreprises,
12:25quelles qu'elles soient,
12:25et dans les institutions publiques.
12:28Merci infiniment.
12:29Sous-titrage Société Radio-Canada
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