Avec Laurence Rossignol, Sénatrice du Val-de-Marne & membre de la commission des affaires sociales du Sénat
Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.
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##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2025-03-23##
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00:00AGP, Association d'Assurés Engagées et Responsables présente
00:05Sud Radio, le grand matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reus.
00:10Bonjour, aujourd'hui je reçois Laurence Rossignol, une femme politique, une militante féministe, universaliste.
00:17Mais avant de commencer cet entretien, je vous propose de nous engager face à l'offensive contre les droits des femmes.
00:22Car les droits des femmes ne sont jamais acquis.
00:25Ce constat, que l'histoire n'a cessé de confirmer, prend aujourd'hui une acuité brûlante devant l'essor inquiétant des stratégies portées par les forces ultra-conservatrices.
00:34De New York à Buenos Aires, de Washington à Rome, un même mouvement se dessine.
00:38Celui d'une reconquête des privilèges masculins.
00:41Dirigée par des figures politiques influentes et des courants réactionnaires structurés,
00:45cette dynamique internationale vise à restaurer un ordre patriarcal
00:49où les femmes ne seraient plus que des subordonnées assignées à la maternité et aux tâches domestiques.
00:54Les adversaires des droits des femmes ne se contentent plus de débats nationaux.
00:57Ils investissent des arènes internationales, infiltrent les institutions et s'attaquent aux accords entre pays qui protègent les droits des femmes.
01:04Ils sapent les financements destinés aux programmes de santé des femmes,
01:07réduisent les aides aux ONG féministes et imposent une réécriture du langage institutionnel pour effacer les références aux inégalités de genre.
01:15L'objectif est limpide, rendre invisible la domination masculine pour mieux la restaurer.
01:21Lorsqu'un dirigeant comme Ravier Melik en Argentine détricote les politiques publiques de protection des femmes,
01:27il envoie un signal à tous les réactionnaires du monde.
01:30Ce qui a été gagné peut être défait.
01:32Aux États-Unis, l'administration conservatrice a non seulement révoqué le droit fédéral à l'avortement,
01:37mais a également procédé au retrait massif des aides au développement des programmes de droits des femmes.
01:42Parallèlement, les politiques d'inclusion et de diversité sont supprimées des institutions et des entreprises publiques.
01:48Ce qui semblait inébranlable peut vaciller.
01:50C'est un encouragement à tous ceux qui en Europe rêvent d'un retour en arrière.
01:54Déjà, des pressions diplomatiques s'exercent pour remettre en cause les législations progressistes.
01:58Déjà, des gouvernements populistes, de l'Italie de Mélanie à la Hongrie d'Orban,
02:02reprennent les mêmes discours sur la famille traditionnelle et la nécessité de contrôler le corps des femmes.
02:07Face à cette menace, la France a un rôle à jouer.
02:10En s'engageant pleinement dans une diplomatie féministe,
02:12elle a pris la tête d'un front de résistance qui regroupe aujourd'hui 17 pays, bien au-delà du cercle européen.
02:18Il s'agit d'un combat à la fois politique et opérationnel.
02:21Il faut tenir la ligne, parce que chaque droit qui recule quelque part dans le monde fragilise celles qui se battent ailleurs.
02:27S'engager contre cette offensive méthodique et mondiale contre les femmes,
02:31c'est comprendre qu'il ne s'agit pas d'un débat d'idées, mais d'un enjeu vital pour des millions de femmes.
02:35C'est refuser de céder du terrain, ici et ailleurs.
02:38C'est se battre, inlassablement, pour que l'avenir ne soit pas un passé recomposé.
02:42Ce matin, je reçois Laurence Rossignol, ex-ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des Femmes,
02:46sénatrice du Val-de-Marne, membre de la Commission des Affaires Sociales du Sénat
02:50et de la Délégation aux Droits des Femmes et à l'égalité des chances.
02:53Vous êtes, je peux le dire, Laurence, notre modèle à toutes,
02:56dans votre engagement qui est le vôtre depuis tant d'années, auprès et pour les femmes.
03:01Merci d'avoir accepté mon invitation.
03:03Vous avez consacré, comme je viens de le dire d'ailleurs,
03:06une grande partie de votre vie politique à la défense des droits des femmes et des enfants.
03:10Quel a été le déclic de cet engagement ?
03:12Bonjour, merci à vous de m'avoir invitée ce matin avec vous.
03:15Est-ce que j'ai eu un déclic ? Je ne suis pas sûre d'avoir eu un déclic.
03:19J'ai l'impression d'être presque née avec les lunettes de genre,
03:22c'est-à-dire d'avoir toujours vu les inégalités entre les filles et les garçons,
03:27vu mes copines d'école qui devaient faire les lits de leurs frères avant de partir à l'école,
03:33ce que je trouvais totalement scandaleux.
03:36Et puis, j'ai été élevée dans un milieu avec des femmes engagées sur le plan féministe également,
03:42enfin qui avaient une réflexion féministe, une approche féministe.
03:44Et pour moi, c'était une espèce d'évidence.
03:46C'est que quand on observe les inégalités, il y en a une qui vous saute aux yeux
03:50parce qu'elle est dans votre quotidien, dans votre vie de tous les jours,
03:53c'est l'inégalité entre les filles et les garçons.
03:55Et je la supportais très mal.
03:57Et donc, assez vite, je suis entrée en rébellion,
04:00parce que l'adolescence est un âge de rébellion.
04:02Je suis entrée en rébellion contre la hiérarchie des sexes qui, pour moi, était inacceptable.
04:09Cette rébellion est devenue une grande réflexion.
04:12Vous revenez de la CSW à l'ONU, la Commission de la Condition de la Femme,
04:16un organe des Nations Unies dédié à la promotion de l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes.
04:21Vous y avez observé un mouvement de rétablissement des privilèges masculins.
04:24Vous dites d'ailleurs que la guerre est déclarée.
04:26Qu'est-ce que ça signifie concrètement et quels sont les leviers les plus marquants ?
04:30Un mot peut-être d'abord pour expliquer ce qu'est la CSW,
04:34Conférence sur le Status of Women, et qui est un peu la COP.
04:38On connaît tous les COP climat qui ont beaucoup de visibilité.
04:40C'est un peu la COP des femmes.
04:42C'est à la fois la rencontre des gouvernements, des représentants des gouvernements,
04:46et de l'ensemble des ONG.
04:48C'est un lieu du multilatéralisme féministe.
04:51Tous les ans, on réadapte et on révise la déclaration de Pékin,
04:56qui est le texte fondateur sur le plan multilatéral.
04:59Ce que j'ai vu est effectivement très préoccupant.
05:02Bien entendu, les pays qui sont très réticents,
05:06très en retard en matière d'égalité entre les femmes et les hommes sont là,
05:10mais sont aussi là les femmes féministes de ces pays
05:13qui viennent pour parler de la condition des femmes dans leur pays.
05:16Et ces pays-là aujourd'hui ont trouvé leur porte-parole mondiale.
05:21L'élection de Donald Trump et de Trump 2 en particulier
05:25donnent à tous ces États anti-féministes une légitimité internationale.
05:32Ils sont désormais organisés derrière un chef.
05:35Effectivement, à partir d'un certain nombre de déclarations,
05:38en particulier de l'entourage de Trump d'ailleurs,
05:41je suis arrivée à la conclusion que ces gens avaient déclaré la guerre aux femmes.
05:45Et si on regarde bien, je crois que leur objectif est très matériel.
05:51Toute l'équipe autour de Trump est faite d'industriels,
05:56de patrons de la tech,
05:58dont il est assez évident qu'ils sont là pour s'enrichir,
06:01s'enrichir et s'enrichir encore.
06:03Ils ont un rapport au pouvoir qui est un rapport de prédation.
06:06Ils sont là pour faire de l'argent.
06:08Et à l'égard des femmes, en fait,
06:10ils veulent simplement le rétablissement des privilèges masculins
06:13pour leurs propres intérêts.
06:15Et il y en a un qui a été assez explicite.
06:18Quand il a parlé de sa femme, il disait
06:20« Moi, ma femme, elle doit rire quand je fais des plaisanteries.
06:23Elle doit être à mon service. »
06:25Il a dit en fait que leur combat contre les droits des femmes,
06:28c'est un combat déjà pour dominer leur propre femme.
06:31Et c'est maintenant à une échelle vraiment importante.
06:35Bien entendu, tout mouvement d'offensive connaît un mouvement de résistance.
06:41Et c'est vrai, vous l'avez évoqué,
06:44la France joue un rôle important.
06:47Depuis à peu près une dizaine d'années,
06:49s'est développé le concept de démocratie féministe.
06:52Au début, on ne savait pas bien comment ça allait s'incarner,
06:55ce que ça voulait dire.
06:56Et puis maintenant, au fil du temps,
06:58ça a été porté par les différents ministres des Affaires étrangères.
07:00Et les ministres en charge de l'égalité.
07:03Et la France rassemble maintenant 17 pays,
07:06dont des pays européens, bien entendu,
07:08mais aussi des pays d'Amérique latine,
07:10qui sont des pays qui se donnent comme mission
07:12de promouvoir dans les discussions multilatérales
07:15les droits des femmes.
07:17Et en particulier, les droits sexuels et la santé reproductive,
07:20le droit à l'égalité, le droit à l'égalité économique en particulier,
07:24le droit à une protection,
07:26la lutte contre les mutilations des organes sexuels et génitaux des petites filles.
07:3117 pays sont au travail.
07:34Et c'est assez rassurant,
07:37mais on sait qu'il y a un pôle de résistance
07:39dans lequel le gouvernement est engagé.
07:42Et je ne soutiens pas ce gouvernement de manière générale,
07:44mais je soutiens l'action des ministres
07:47qui travaillent à la diplomatie féministe.
07:49Alors, revenons à la France.
07:51Vous avez été à l'origine de plusieurs avancées sur l'IVG,
07:54l'allongement des délais, la constitutionnalisation.
07:57Vous dites que l'IVG est la clé de voûte de l'émancipation des femmes.
08:01Force est de constater que cette clé de voûte fondamentale
08:03est remise en cause dans de nombreux pays.
08:05Et parmi vos récentes propositions de loi,
08:07vous portez celle de la loi mémoriale
08:09qui vise à rétablir l'honneur
08:11et à reconnaître le préjudice subi par les femmes condamnées
08:13avant 1975 pour avortement.
08:16Pourquoi cette reconnaissance est essentielle aujourd'hui ?
08:19Pour plusieurs raisons.
08:20D'abord parce que, à mon sens,
08:22elle prolonge ce que nous avons fait l'an dernier
08:24avec l'entrée de l'IVG dans la constitution.
08:27Et faire entrer de l'IVG dans la constitution,
08:30c'est venu parachever l'œuvre de 1975 et de Simone Veil.
08:35Et en fait, il faut se rappeler ce qu'était la vie des femmes avant 1975.
08:38Avant 1975, les avortements étaient interdits,
08:41donc clandestins.
08:43Et s'ils étaient clandestins,
08:45ils se passaient dans des conditions sanitaires.
08:47Et Simone Veil l'a très très bien décrit
08:49dans son intervention à l'Assemblée nationale
08:51quand elle portait la loi.
08:53Les avortements clandestins
08:55pouvaient provoquer la mort des femmes.
08:57Et puis aussi des souffrances,
08:59des handicaps,
09:01des altérations de leur appareil reproductif.
09:05Et c'était vraiment pour les femmes un enfer.
09:08Et il faut avoir en tête que,
09:10aussi loin qu'on remonte jusqu'à l'Antiquité,
09:12on trouve des débats sur l'avortement.
09:15Ce qui veut dire que l'avortement a toujours existé.
09:17Et il faut poser comme postulat
09:20qu'une femme qui ne veut pas
09:22mener une grossesse à terme,
09:24elle fera tout ce qu'elle peut,
09:26y compris mettre sa propre vie en danger
09:28pour se débarrasser de cette grossesse.
09:30Et cette proposition de loi,
09:32qui est effectivement une proposition mémorielle,
09:34elle vise à reconnaître
09:36qu'avant 1975,
09:38sous les lois répressives,
09:40ces lois d'abord étaient des atteintes
09:42au droit à la santé des femmes,
09:44à l'égalité entre les femmes et les hommes,
09:46parce qu'avec les femmes qui avortaient,
09:48les hommes étaient absents
09:50souvent de cette histoire,
09:52qu'elles ont porté atteinte
09:54à la vie des familles également.
09:56Il y a des familles qui ont été brisées par la mort de la mère
09:58par un avortement clandestin.
10:00Donc la nation reconnaît
10:02que cette souffrance-là
10:04a été infligée aux femmes.
10:06Nous le faisons pour la France,
10:08mais nous le faisons surtout pour tous les autres.
10:10Parce qu'effectivement, il y a un mouvement
10:12en France assez minoritaire et marginalisé,
10:14mais très fort
10:16dans d'autres pays, aux Etats-Unis par exemple,
10:18qui est un mouvement
10:20qui se dit, que nous on qualifie
10:22d'un mouvement anti-choix, un mouvement pour
10:24l'interdiction de l'avortement.
10:26Et il faut toujours rappeler à ces gens
10:28que ce pourquoi ils se battent,
10:30ce n'est pas pour qu'il n'y ait plus d'avortement,
10:32c'est pour qu'on revienne aux avortements clandestins,
10:34pour qu'on revienne aux infanticides.
10:36Et déjà aux Etats-Unis,
10:38dans les Etats du Sud, qui ont interdit l'avortement,
10:40on voit déjà une augmentation
10:42nouvelle des infanticides
10:44et des décès des femmes.
10:46Donc c'est ça que je veux dire avec cette proposition de loi.
10:48Rappelons-nous,
10:50et puis, ayons en tête
10:52ce qui se passe aujourd'hui avec les mouvements anti-choix.
10:54Ils veulent le retour aux avortements
10:56clandestins, aux aiguilles à tricoter, aux cintres
10:58et à l'eau de javel. C'est ça qu'ils veulent.
11:00Et il ne faut pas leur faire le crédit
11:02de penser qu'ils se battent pour une quelconque
11:04défense d'une quelconque vie.
11:06Ils se battent juste pour rendre la vie des femmes
11:08plus violente, plus douloureuse, plus difficile.
11:10Alors la vie des femmes est difficile,
11:12un peu partout dans le monde,
11:14et la vie des enfants n'est pas
11:16davantage facile. D'ailleurs, vous portez
11:18deux propositions de loi majeure en faveur
11:20des enfants. L'une visant à aménager
11:22le délit de non-représentation d'enfants,
11:24notamment pour éviter que des mères protectrices
11:26se retrouvent injustement séparées de leurs enfants,
11:28ce qu'on voit régulièrement dans les associations,
11:30et l'autre interdisant l'apologie
11:32des violences faites aux enfants.
11:34Ces violences faites aux enfants qui restent souvent
11:36invisibilisées, reléguées à l'indifférence.
11:38Qu'est-ce qui, selon vous, freine
11:40une réelle prise de conscience des actions ?
11:42Quelles devraient être les priorités absolues
11:44pour garantir une réelle protection
11:46de l'enfance en France, à la hauteur
11:48de ces enjeux ?
11:50C'est vrai que c'est plus difficile de porter
11:52la défense des enfants
11:54que de porter celle des femmes, aujourd'hui.
11:56Pourquoi ?
11:58Il y a une espèce de consensus général
12:00pour dire que c'est pas bien
12:02de faire du mal aux enfants,
12:04mais qui ne va pas au-delà de cette
12:06phrase toute faite.
12:08Pourquoi ? Parce que je suis arrivée
12:10à la conclusion que
12:12défendre les droits des enfants,
12:14c'est en fait une compte très subversif.
12:16C'est très subversif parce que
12:18c'est s'attaquer,
12:20c'est mettre en cause
12:22la structure familiale traditionnelle
12:24qui est la structure patriarcale
12:26dans laquelle les enfants
12:28doivent obéissance
12:30à leurs parents, et surtout
12:32ces structures familiales qui sont supposées
12:34préparer des individus
12:36qui peuvent être aussi
12:38deux signes dans la société
12:40qu'on voudrait qu'ils soient dans la famille.
12:42Et puis, il y a quand même
12:44beaucoup d'incestes. On dit qu'il y a
12:46trois enfants par classe
12:48qui sont victimes d'incestes
12:50ou d'attouchements sexuels dans
12:52leur milieu familial.
12:54Et quand les chiffres sont aussi
12:56énormes, on ne peut pas s'empêcher
12:58de penser qu'il y a des gens,
13:00des pères, le plus souvent,
13:02pour lesquels le silence,
13:04la peur des enfants
13:06est, en fin de compte, un bon moyen
13:08de continuer leur action
13:10de prédatrice sur les enfants.
13:12Donc, il y a quelque chose de très subversif
13:14à parler des droits de l'enfant.
13:16Et je crois que c'est pour ça
13:18que c'est aussi difficile. Et puis,
13:20il y a probablement le fait que ça bouscule
13:22totalement les représentations
13:24qu'on a de la famille. On dit toujours
13:26que la famille est le lieu de la solidarité,
13:28le lieu de la protection, que les enfants sont protégés en famille.
13:30Et bien, en fait, non, parce que la famille
13:32est le premier endroit dans lequel
13:34les enfants sont exposés aux violences physiques,
13:36psychologiques et sexuelles.
13:38Donc, en disant ça,
13:40on dérange terriblement
13:42par rapport aux représentations
13:44qu'on voudrait garder
13:46de tout ce que la cellule familiale
13:48peut apporter à l'individu.
13:50Pour certains individus, elle est effectivement
13:52très protectrice, fort heureusement
13:54pour une majorité d'individus,
13:56mais pour d'autres enfants, elle est
13:58terriblement dévastatrice.
14:00C'est pour ça que, moi,
14:02j'ai initié
14:04la loi contre les punitions corporelles
14:06dans le Code civil,
14:08qui a été adoptée après que je l'ai initiée.
14:10Elle a mis 2-3 ans, quand même, pour aboutir.
14:12Là aussi, on dérangeait.
14:14Et puis, je vois parfois des gens
14:16qui vous disent, je veux dire, un préfet
14:18qui dit ça, investi
14:20d'une fonction d'autorité, qui dit
14:22« oui, les enfants, c'est pas compliqué, deux claques et au lit ».
14:24Ben non, deux claques, nous,
14:26on passe notre temps à dire que c'est fini, deux claques.
14:28On peut élever des enfants sans les frapper.
14:30L'autorité ne passe pas par l'indemnisation physique,
14:32par les violences ou par l'humiliation.
14:34Et quand je vois des gens qui font
14:36l'apologie des violences et qui veulent
14:38restaurer les punitions
14:40corporelles comme méthode d'éducation,
14:42je me dis « stop ». Voilà, il faut
14:44dire à tous ces gens que non, on ne peut pas
14:46dire ça. Ce qu'il faut dire aujourd'hui, c'est
14:48absolument l'inverse, c'est que les violences exercées
14:50sur les enfants, toute leur vie,
14:52ils vont les traîner avec eux,
14:54toute leur vie, ça va être un fardeau.
14:56Alors, sur les violences sexuelles,
14:58c'est un petit peu aussi
15:00très tabou, on se demande
15:02s'il y a une réelle volonté politique, il y a des résistances
15:04culturelles, des tabous persistants.
15:06On légifère sur ces violences sexuelles
15:08par petits bouts, un article ici, un amendement là.
15:10Traiter de ce sujet
15:12de manière globale et ambitieuse semble
15:14toujours confronter à de nombreux freins.
15:16Est-ce que, selon vous, il faut une grande loi
15:18intégrale à l'image de celle portée
15:20sur les violences conjugales ?
15:22Oui, vous l'avez très bien dit, on a légiféré
15:24au cours des dernières années, mais en fait, on légifère
15:26un article, deux articles. On glisse
15:28ça dans le code pénal ou dans le code civil
15:30et après, on espère que tout ça va être
15:32pas trop bancal.
15:34Et puis, en fait, on ne traite jamais
15:36la globalité. Les violences, c'est à la fois
15:38un sujet de prévention,
15:40un sujet d'ambition, il faut
15:42se donner des objectifs,
15:44un sujet de réforme législative,
15:46mais aussi de pratique des politiques
15:48publiques et de moyens
15:50consacrés aux violences.
15:52Si on veut prendre tout ça, ça s'appelle
15:54une loi cadre, une loi d'orientation.
15:56Une soixantaine d'associations féministes
15:58en ont élaboré une,
16:00qu'elles l'ont mise dans le débat public.
16:02Moi-même, présidente de l'Assemblée des Femmes,
16:04je suis signataire pour mon association
16:06dans cette coalition, et
16:08aujourd'hui, il faut que le gouvernement
16:10s'en empare, parce qu'on n'est pas dans le domaine
16:12de la proposition de loi. C'est trop gros,
16:14c'est trop volumineux, il faut des moyens qu'on n'a
16:16pas en proposition de loi. Donc, on a
16:18interpellé le gouvernement. Il se trouve que la ministre
16:20Berger a répondu
16:22à l'interpellation, et qu'elle a pris
16:24une initiative que je trouve vraiment
16:26bien.
16:28C'est qu'elle a réuni pour la première
16:30fois cette semaine, et il y aura d'autres réunions,
16:32l'ensemble des groupes parlementaires
16:34de l'Assemblée nationale et du Sénat
16:36pour travailler ensemble
16:38sur cette loi que le gouvernement
16:40pourrait porter, si elle obtient
16:42les arbitrages, je souhaite,
16:44qui sont nécessaires, sur une grande loi
16:46d'orientation contre les violences sexuelles.
16:48On en a besoin, le soutien
16:50du gouvernement est bienvenu,
16:52il n'y a plus qu'à espérer que le gouvernement ait
16:54aussi les moyens nécessaires pour mettre ça
16:56en œuvre. Alors, on arrive à la fin de cet
16:58entretien, très intéressant.
17:00Après toutes ces années de combat et d'engagement,
17:02quel est votre plus grand espoir
17:04pour les générations futures ?
17:06Quel monde on peut souhaiter leur léguer ?
17:08Écoutez,
17:10on est dans une période qui est tellement
17:12difficile, tellement
17:14inquiétante pour les générations
17:16futures. Je leur souhaiterais
17:18d'abord de vivre sur une planète vivable,
17:20je crois que les questions
17:22écologiques, de perte
17:24de biodiversité, de climat,
17:26sont des questions majeures,
17:28et j'espère que ces questions-là
17:30seront
17:32traitées, et que cette
17:34planète vivable sera
17:36décidée collectivement,
17:38de façon à permettre aux individus,
17:40aux familles, aux enfants, aux femmes,
17:42aux hommes, de se projeter
17:44dans un avenir qui est un avenir
17:46heureux pour chacun d'entre eux.
17:48Et un avenir heureux, c'est un avenir
17:50égalitaire, un avenir de respect
17:52des droits de chacun, c'est un
17:54avenir dans lequel la loi du plus
17:56fort n'est pas la loi du quotidien.
17:58Merci Laurence Roustignol
18:00pour cet entretien, et je vous dis
18:02à la semaine prochaine.
18:14Sous-titrage Société Radio-Canada