Avec Marlène Schiappa, ancienne ministre à l'égalité femmes-hommes, présidente de l'ONG Actives
Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.
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##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2024-10-20##
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NewsTranscription
00:00AGP, Association d'Assurés Engagées et Responsables présente
00:05Sud Radio, le grand matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reus.
00:10Bonjour Muriel. Bonjour Jean-Marie.
00:12S'engager pour la réussite des femmes, c'est ce dont on va parler aujourd'hui avec vous
00:15et votre invitée, l'ancienne ministre Marlène Schiappa.
00:17Ancienne ministre à l'égalité femmes-hommes, présidente de l'ONG Active
00:20et associée de Tilder, qui est un cabinet de conseil de dirigeants.
00:24Évidemment, la réussite féminine, c'est quelque chose qui vous a toujours tenu à cœur, ma chère Muriel.
00:27Eh oui, si on se disait ce matin que le temps des compromis a assez duré.
00:31Prenons la question de la parité à la tête des grandes entreprises, en particulier celle du CAC 40.
00:36Trois femmes seulement dirigent les fleurons de l'économie française face à 37 hommes.
00:41Et dans les comités exécutifs, à peine 28% de femmes.
00:44Est-ce vraiment le reflet d'une société qui se veut égalitaire ?
00:47Regardons maintenant la question de l'égalité salariale.
00:50Entre 1995 et 2022, l'écart salarial global entre les femmes et les hommes s'est réduit de 30%.
00:56Mais cette dynamique semble s'être figée.
00:59La dernière étude de l'Association pour l'emploi des cadres démontre que la diminution des écarts de salaire
01:04entre les femmes et les hommes est en panne sèche depuis cinq ans.
01:07Et selon l'INSEE, dans le secteur privé, les écarts peuvent atteindre jusqu'à 24%.
01:12Comment accepter encore aujourd'hui qu'à compétences et responsabilités égales,
01:16les femmes continuent d'être moins rémunérées que les hommes ?
01:19Ce manque d'équité économique a des conséquences directes sur l'autonomie financière des femmes.
01:23En étant moins payées, elles disposent de moins de ressources pour se protéger face aux aléas de la vie.
01:28Et pourtant, cette indépendance économique est cruciale, car elle conditionne toutes les autres formes de liberté.
01:33Examinons la question des charges domestiques.
01:3680% des tâches ménagères sont encore accomplies par les femmes dans 76% des familles.
01:41Et les femmes passent plus du double de temps que les hommes à s'occuper de leurs enfants.
01:45Par évidence, elles sont souvent contraintes de mettre leur carrière entre parenthèses.
01:49Conséquence, à partir du deuxième enfant, la proportion de femmes actives chute considérablement.
01:54Et après le troisième, elles ne sont plus que 36% à travailler.
01:57Et si l'on regardait aussi du côté des violences subies par les femmes ?
02:00Trop souvent, cette question de violences conjugales est ignorée dans le cadre professionnel.
02:04Pourtant, 62% des femmes qui subissent des violences travaillent en entreprise.
02:08Alors comment une femme peut-elle progresser dans sa carrière, croire en sa propre valeur,
02:13si chaque soir, elle rentre chez elle, dans un foyer où elle est rabaissée, voire violentée ?
02:17Les violences sont loin d'être décorrélées de la question de l'égalité professionnelle.
02:22Il est impossible d'affirmer ses ambitions lorsqu'on vit dans la peur ou la honte.
02:25En substance, des obstacles à la progression des femmes sont multiples.
02:29Maternité, vie de famille, comportement sexiste, misogynie, culpabilité, face à la réussite, harcèlement, présentation de compétences et autocensure.
02:37Trop souvent, les femmes doutent de leur légitimité ou s'interdisent de viser plus haut.
02:42Comment changer cette réalité ? Comment déconstruire ces mécanismes et démontrer de façon irrévocable que la réussite et la compétence n'ont pas de genre ?
02:49C'est de cela dont nous allons parler ce matin, avec mon invité, Marlène Schiappa.
02:53Et parlons-en avec Marlène Schiappa, ancienne ministre à l'égalité femme.
02:56Je le disais, présidente de l'ONG Active et associée au cabinet de Tilder, de conseil en dirigeant.
03:01Bienvenue à vous sur Sud Radio.
03:02Bonjour, merci.
03:03Vous êtes l'invité de Muriel Reuss.
03:04Bonjour Marlène.
03:05Bonjour Muriel.
03:06Alors, dans nos six petites ambitions publiées aux éditions de l'ONG, vous proposez une analyse percutante de l'absence persistante d'égalité entre les femmes et les hommes au sein des grandes entreprises.
03:16Vous soulevez aussi, et c'est ce que je trouve très original, qu'un aspect fondamental est souvent sous-estimé, l'autocensure des femmes dans leur parcours professionnel.
03:26À quoi ressemble cette autocensure pour vous ?
03:28Absolument.
03:29C'est vrai qu'on dit souvent que les femmes s'autocensurent, qu'elles n'osent pas.
03:32Et on dit par exemple que les femmes gagnent moins que les hommes parce qu'elles n'osent pas demander des augmentations ou des salaires plus élevés.
03:38Moi, ce que je dis dans ce livre, nos six petites ambitions, c'est que d'une part, oui, il y a de l'autocensure des femmes, c'est vrai.
03:43Et d'autre part, je veux interroger la manière dont la société crée cette autocensure de femmes.
03:48Mais l'autocensure, c'est par exemple le fait qu'on va dire oui au salaire qu'on va nous proposer.
03:54On ne va pas essayer de le négocier.
03:55C'est par exemple ne pas candidater quand on pense ne pas avoir 100% des compétences.
04:00Une femme me disait récemment, une chasseuse de tête, qu'un homme va candidater quand il estime avoir 30-40% des compétences.
04:06Et une femme, si elle n'a pas 100% des cases cochées, elle ne va pas se permettre de se positionner pour un poste.
04:14Donc on peut blâmer les femmes elles-mêmes de cette autocensure, de se minimiser.
04:17Mais on peut aussi interroger tout ce qui fait dans la société qu'on conduit les femmes à cette autocensure.
04:23Et au-delà de ces facteurs, est-ce que vous pensez qu'il y a aussi un manque de confiance profond des femmes dans leurs compétences,
04:29dans leur autonomie, dans cette façon où elles veulent accéder à la liberté ?
04:32Oui, je pense que les femmes ont peu confiance en elles dans le monde professionnel.
04:35Mais je pense que tout est fait pour que les femmes aient peu confiance en elles dans le monde professionnel.
04:39En tant que femme, vous allez être jugée sur vos résultats, bien sûr, comme un homme, sur votre parcours.
04:44Mais vous allez avoir des critères cachés supplémentaires.
04:47On va vous juger sur votre physique, sur votre apparence, sur votre vie personnelle réelle ou supposée.
04:53J'ai fait partie d'une commission d'investiture où on m'a expliqué qu'on n'allait pas investir une candidate
04:57parce qu'elle avait, je cite, « une vie personnelle dissolue ».
05:00Alors j'ai cherché à savoir ce que ça signifiait.
05:02Est-ce que quand un homme a une maîtresse, on dit qu'il a une vie personnelle dissolue ?
05:06On va juger la façon dont vous vous occupez de vos enfants ou pas.
05:09Si vous partez tôt, on va dire que vous n'êtes pas engagée dans votre travail parce que vous vous occupez de vos enfants.
05:13Et si vous partez tard, on va dire qu'elle est une mauvaise mère, qu'elle n'a pas d'équilibre vie professionnelle, vie personnelle.
05:18Bref, on vous juge sur des critères qu'on n'applique pas aux hommes et qui sont des critères extraordinairement subjectifs.
05:24Cette misogynie, vous l'évoquez, dans le milieu professionnel, est-ce qu'on peut dire qu'il existe aussi dans le milieu familial ?
05:29Est-ce qu'il y a aussi dans le milieu familial des contraintes qui font que les femmes, finalement, ne peuvent pas réussir comme elles pourraient le faire ?
05:34Bien sûr. Il y a un syndrome qui s'appelle le syndrome de l'Oscar qui a été démontré aux Etats-Unis
05:40et qui montre que beaucoup de femmes qui reçoivent l'Oscar de la meilleure actrice divorcent dans les mois qui suivent le fait qu'elles aient eu cet Oscar.
05:48Ce n'est pas vrai pour les hommes. Les hommes qui reçoivent un Oscar et qui étaient en couple restent en couple.
05:52Ceux qui étaient célibataires trouvent une amie. Et les femmes qui étaient mariées divorcent ou qui étaient en couple se séparent.
05:58C'est vrai qu'il y a une difficulté pour les hommes à vivre avec une femme qui a une réussite plus visible que la leur,
06:04qui gagne plus d'argent qu'eux.
06:06Ça remet en cause un certain schéma. Et sous les injonctions à être fière de sa femme ou de sa compagne, on voit que ce n'est pas si simple que ça dans la réalité.
06:16Dans les entreprises, quel est le rôle à jouer ?
06:18Tous ces facteurs, vous les évoquez, on est d'accord, mais les entreprises ont un rôle social, un rôle économique, un rôle d'intégration.
06:26Qu'est-ce qu'on peut attendre d'elles pour lutter contre ces facteurs d'autocensure ?
06:30Déjà en prendre conscience. C'est déjà quelque chose de fort. La question de la prise de parole.
06:36Vous, Muriel, qui êtes à la radio, qui prenez la parole, c'est quelque chose de subversif pour les femmes de prendre la parole.
06:42Je vois dans les comex, par exemple, de grandes entreprises, j'ai un homme dirigeant qui me disait l'autre jour
06:46« Non mais moi dans mon comex, il n'y a aucun problème de prise de parole, les femmes parlent quand elles veulent. »
06:50Je lui ai répondu « Mais est-ce que tu leur as seulement posé la question ? »
06:52Parce que quand vous avez des hommes qui ont une voix plus grave, plus posée, et que vous avez comme moi une petite voix aiguë et qu'en plus vous parlez vite,
06:58parfois vous avez un noeud au ventre avant d'intervenir et vous n'intervenez pas.
07:02Il y avait une pub au début des années 2000 qui montrait une femme qui essayait d'expliquer aux actionnaires qu'ils regardaient des courbes à l'envers.
07:08Et comme personne ne l'écoutait parler, elle finissait par dire « Est-ce que vous voulez voir une photo de ma chatte ? »
07:13Et du coup tout le monde s'arrêtait et la regardait et elle montrait une photo d'un petit chat et elle disait
07:17« Voilà, maintenant que j'ai votre attention, ça fait une heure qu'on regarde des courbes qui sont à l'envers. »
07:21Et ça montre à quel point c'est parfois difficile pour les femmes de prendre la parole dans une assemblée plutôt masculine.
07:27Alors, y a-t-il des pays qui ont réglé ce problème ?
07:30Pas vraiment, parce qu'en fait il n'y a pas de pays modèle dans le monde.
07:33Vous avez des pays qui sont plus avancés sur la répartition des rôles parentaux, par exemple la Suède, la Norvège qu'on donne souvent en exemple,
07:40mais ce sont des pays qui ne sont pas en avance sur la question de la lutte contre les violences conjugales, par exemple.
07:46Donc en fait on voit qu'il y a des pays plus en avance sur certains sujets et moins sur d'autres.
07:50Et en France, c'est vrai qu'on a que trois femmes patronnes du CAC 40.
07:54On a toujours quasiment 20% d'écart de salaire au global entre les femmes et les hommes, environ 9% à poste égal.
08:01Et tout ça, ce sont des inégalités qui sont injustifiables en réalité.
08:05On a beaucoup parlé des quotas ces dernières années.
08:08D'ailleurs, il y a eu beaucoup d'opposition, même entre les femmes, sur ce sujet des quotas.
08:11Certaines étaient d'accord, d'autres pas.
08:14Quelle est votre position, vous, sur les quotas ?
08:16Je suis très favorable.
08:17D'ailleurs, la marraine de l'ONG Active que j'ai montée, c'est Marie-Jo Zimmermann,
08:21qui a, en tant que parlementaire, créé la loi Copé-Zimmermann,
08:23qui est la première loi du monde sur les quotas dans les entreprises.
08:26Alors, bien évidemment, on va nous dire que c'est vexant pour une femme d'être nommée parce que vous êtes un quota.
08:31Moi, je trouve que ce qui est encore plus vexant, c'est de ne pas être recrutée du tout.
08:34Quand vous êtes bloquée chez vous et vous adoreriez avoir eu ce poste, mais que vous ne l'avez pas eu,
08:38et qu'on vous dit « mais au moins, tu n'es pas vexée, tu n'es pas un quota »,
08:40parfois, on préférerait être un quota et avoir le poste et avoir l'occasion de démontrer nos capacités.
08:45Donc, je dirais que c'est un mal nécessaire, finalement.
08:47Ce que, philosophiquement, évidemment, c'est dérangeant de se dire qu'on est là
08:50parce que quelqu'un s'est dit à un moment « il faut bien mettre des femmes, qu'est-ce qu'on pourrait recruter ou tester ? »
08:55Mais je pense que c'est vraiment un mal nécessaire et qu'on est obligé d'en passer par là,
09:00parce que sinon, dans tous les endroits dans lesquels on nous dit « vous inquiétez pas, la parité se fera toute seule »,
09:05en fait, elle n'arrive jamais.
09:06Alors, moi, je vais un peu plus loin.
09:07Je pense que c'est un bien nécessaire, les quotas.
09:09Pourquoi les hommes sont-ils aussi résistants à laisser la place, ou en tout cas à accepter que des femmes de talent les accompagnent ?
09:16D'abord, il y a une question de partage du pouvoir.
09:19Quand vous êtes un homme et que vous avez un poste de dirigeant et que vous avez le pouvoir,
09:23vous n'avez pas envie de laisser votre place, que ce soit une femme ou un homme.
09:26D'ailleurs, si vous éliminez les femmes, vous éliminez 50% quasiment des concurrents.
09:30Donc, on voit qu'il y a des pots de bananes qui sont glissés dans le parcours des femmes dirigeantes à la tête des entreprises,
09:35parfois par des hommes, parfois par des femmes aussi.
09:38On ne peut pas vivre dans le mythe de la sororité, de la solidarité féminine, même si j'adorerais.
09:42Mais il y a parfois des femmes qui n'aident pas les autres femmes à progresser.
09:46Elles se disent « moi, je n'ai pas bénéficié de tout ça ».
09:48Celles qui ont réussi déjà et qui se sont dit « moi, quand j'ai commencé, il n'y avait pas les quotas, il n'y avait pas MeToo, il n'y avait pas tous ces mouvements-là.
09:55Donc, pourquoi les autres bénéficieraient de faciliter alors que pour moi, ça a été aussi dur ? »
09:59C'est ça que disent certaines.
10:01Oui, alors, parlons de ça.
10:02Parce que vous, vous êtes une femme de réseau.
10:04Vous êtes une femme, vous avez une carrière, et vous avez toujours une carrière absolument incroyable.
10:08Ce terme de sororité qu'on emploie beaucoup, vous y accordez quelle importance ?
10:15Et est-ce que vous pensez que la sororité entre femmes existe ?
10:18Je pense qu'à la base, non.
10:20À la base, en fait, on est conditionné par des magazines féminins, par les réseaux sociaux,
10:24où on passe notre temps à se dire qu'elle, elle est plus belle, plus mince, plus bronzée.
10:29Elle réussit mieux, son mari a l'air plus sympa, ses enfants ne se tâchent pas.
10:32Et on se compare aux autres, finalement.
10:34D'ailleurs, toute l'industrie du marketing des produits de beauté est fondée sur « Regarde une telle, c'est toi en mieux,
10:39et tu pourrais être comme elle si seulement tu achetais tel produit, tel après-shampoo, tel crème, tel vêtement, tel sac. »
10:45Donc, tout est fondé pour nous pousser à une forme de rivalité féminine.
10:48Et je pense que la sororité, c'est vraiment penser contre soi-même
10:51et partir du principe que les femmes en face ne sont pas forcément des rivales potentielles
10:55et qu'elles sont peut-être des alliées potentielles.
10:57Et moi, c'est ce que j'ai voulu faire avec Active.
10:59C'est créer un board avec une cinquantaine de femmes dirigeantes, engagées, présidentes d'associations
11:04qui mettent en lumière d'autres femmes qui ne sont pas nos soeurs ni nos amies, souvent,
11:08mais qui sont des femmes dirigeantes, qui méritent d'être valorisées.
11:11Et c'est ce qu'on fait avec le Next Women 40.
11:13C'est trouver les 40 prochaines patronnes du CAC 40 potentielles
11:16et donc les mettre en avant et leur dire « Allez-y, vous n'êtes pas seules. »
11:20Moi, je crois beaucoup à la théorie de l'amplification.
11:22Vous savez qui avait mis en place les concerts de Barack Obama à la Maison Blanche.
11:26C'est une solidarité qui visait à se dire « Comme les hommes s'approprient pas mal les idées des femmes,
11:30en réunion, on va rebondir sur les idées des femmes. »
11:33Par exemple, proposer quelque chose et moi, je vais revenir derrière après qu'un homme ait parlé
11:37en disant « Comme Muriel le proposait son excellente idée de ça, ça, ça. »
11:41Et du coup, si on se le fait toutes à chaque fois, on amplifie l'idée
11:44et on rajoute que la maternité de l'idée vient d'une femme à la base.
11:48Un monde merveilleux.
11:50Un monde difficile.
11:52Successivement, présidente d'association, autrice, ministre,
11:55aujourd'hui associée dans un cabinet de conseil aux dirigeants,
11:58ça nous intéresse, ça m'intéresse, ça intéresse nos auditeurs
12:01de connaître les résistances que vous, vous avez rencontrées à titre personnel.
12:04Il y en a continuellement.
12:06D'abord, je dirais qu'on accepte que vous puissiez réussir en tant que femme
12:09si votre réussite n'est pas trop visible et si vous êtes vraiment dans la case.
12:13C'est-à-dire qu'en tant que femme, on vous accepte si vous exprimez pour soutenir un homme, par exemple,
12:17ou pour dire la même chose que ce qu'un homme vient de dire.
12:20Mais si vous avez votre propre ligne, si vous êtes un peu singulière,
12:23que vous faites un peu des pas de côté, vous sortez vite du cadre.
12:26Et en fait, en réalité, que ce soit en politique ou dans le monde de l'entreprise,
12:29on n'aime pas vraiment les gens qui sortent du cadre.
12:31C'est ce qu'on appelle le grand coquelicot.
12:33Vous savez, il y a un champ de coquelicots, il y a un coquelicot un peu plus grand que les autres,
12:36qui dépasse, etc.
12:38Le réflexe, c'est couper ce coquelicot parce que sinon le champ n'est pas harmonieux.
12:41C'est pas de se dire, waouh, un super grand coquelicot,
12:43comment on peut faire en sorte que les autres poussent aussi vite que ce grand coquelicot ?
12:46Donc c'est une allégorie un peu tirée par les cheveux, mais pas tant que ça.
12:50Et qui vise à dire que oui, il y a des résistances.
12:53Je raconte dans le livre qu'au gouvernement, il y avait à un moment un groupe d'hommes,
12:56un peu sous la forme du Boy's Club, qui se retrouvaient en excluant les femmes de fête.
13:00Il y a plein de réseaux informels autour des hommes.
13:03C'était à un moment le golf, les amateurs de cigares, les dégustations de whisky.
13:07Ça l'est peut-être un peu moins maintenant, mais ça peut être les chasses,
13:10ça peut être beaucoup d'activités qui sont plus masculines traditionnellement,
13:14et où on ne va pas inviter les femmes nécessairement.
13:17Et donc implicitement, on les met de côté.
13:20Parlons un tout petit peu des violences.
13:22Vous avez été ministre des droits des femmes.
13:25On sait bien que les violences, c'est la première des inégalités faites aux femmes.
13:28C'est sûrement la plus visible.
13:30Qu'est-ce qu'on peut dire de la parole des hommes aujourd'hui sur les violences faites aux femmes ?
13:33Avec tout ce qui se passe, le procès Pénicaud, tous ces événements tragiques.
13:37C'est une question extrêmement intéressante et qui est peu posée.
13:40Je vous remercie de la poser.
13:41Effectivement, il y a une parole qu'on attend de la part des hommes.
13:44D'abord, effectivement, la parole de ces hommes qui sont venus au procès Mazan
13:48et qui ont considéré que comme le mari ouvrait la porte et que la femme était d'accord,
13:51il y a quelque chose de très préoccupant.
13:53Ça veut dire qu'on considère encore dans l'imaginaire collectif
13:56que le corps de la femme appartient à son mari
13:58et que c'est l'homme qui dispose du corps de sa femme
14:01et que s'il a envie de la photographier nue ou d'inviter des hommes à entrer chez lui,
14:06la femme n'a pas son mot à dire.
14:08Ils sont quand même très, très peu des accusés à s'être interrogés
14:12sur le consentement réel de cette femme qui n'a jamais ouvert les yeux,
14:15qui n'a jamais prononcé un mot.
14:17Ils ne pouvaient pas ignorer qu'elle était droguée
14:20et qu'elle n'était pas dans son état normal
14:22et en tout cas pas en capacité de consentir.
14:24Après, je veux dire qu'il y a aussi beaucoup d'hommes,
14:26et notamment dans le monde de l'entreprise,
14:28qui sont en soutien, qui permettent justement aux femmes d'avoir une écoute,
14:32d'avoir une attention.
14:34Le monde du travail a un rôle à jouer très important
14:37face aux violences sexistes et sexuelles.
14:39Pas seulement pour empêcher qu'elles se produisent sur le lieu de travail,
14:42mais aussi pour être un peu un safe place pour l'anglicisme
14:45et un endroit où on va et où on sait qu'on va être bien
14:48et qu'on va être considéré.
14:50Alors, vous avez des filles, Marlène ?
14:52Oui, j'ai deux filles.
14:54C'est qui pour elle, les femmes inspirantes,
14:57les modèles de réussite féminine ?
14:59Vous, bien sûr, j'imagine.
15:01Oui, ma fille Kadel, je le dis tranquillement.
15:03Ma fille a une fiche à remplir.
15:05C'est une femme qui m'inspire, elle a répondu ma maman.
15:07Ça m'a fait très plaisir.
15:09C'est quand même la meilleure réussite qu'on puisse avoir,
15:11c'est de passer des bons moments avec ses enfants.
15:14Est-ce qu'elle se projette sur d'autres figures féminines
15:16qui pour elle sont des valeurs de groupe ?
15:18Oui, bien sûr. Ma fille est née à présenter à l'oral du bac français
15:20King Kong Théorie de Virginie Despentes.
15:22En faisant une analyse critique, dirais-je,
15:25avec beaucoup de positifs,
15:27mais aussi avec des critiques et de l'actualisation de ce livre.
15:31Et ma fille Kadel, elle est fan de K-pop.
15:33C'est un drame pour moi.
15:35Elle écoute de la pop coréenne à longueur de journée.
15:37On peut la comprendre.
15:39Oui, apparemment, les ados adorent ça.
15:41C'est très classique, la pop coréenne.
15:43Ma fille Kadel me disait le jour qu'il y a un garçon
15:45qui l'embêtait à l'école,
15:47qui lui disait des insultes que je ne vais pas répéter.
15:49Je lui ai dit, tu n'as qu'à lui dire, c'est comme ça que ta mère t'élève.
15:51Et elle m'a dit, non, je ne vais pas lui dire ça
15:53parce que ça sous-entend que la responsabilité de l'éducation
15:55pèse uniquement sur les femmes.
15:57J'étais là, oh non, quelle fatigue.
15:59J'ai fait des monstres.
16:01Oui, elles ont tout compris, je crois.
16:03C'est ça, exactement.
16:05Merci Marlène.
16:07Nos six petites ambitions que je vous encourage à lire
16:09aux éditions de l'Aube pour lutter
16:11contre ces phénomènes d'auto-censure.
16:13Ça, c'est une excuse. J'aurais bien aimé m'en servir
16:15quand j'étais adolescent.
16:17Merci à vous. Je rappelle que vous êtes la présidente de l'ONG Active
16:19et que vous êtes aussi associée au cabinet Tilder
16:21qui conseille les dirigeants d'entreprises
16:23et que vous êtes ancienne ministre à l'égalité femmes-hommes.
16:25A bientôt sur Sud Radio.
16:27A très bientôt.
16:29Sud Radio.
16:31Le grand matin week-end.
16:33La force de l'engagement.
16:35Muriel Reus.
16:37Avec AGP, Association d'Assurés Engagées et Responsables.