Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 19 mars 2025 : le violoniste franco-serbe Nemanja Radulovic, à l'occasion de ses concerts le 1er avril à Paris et le 3 avril à Perpignan.
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00:00Bonjour Nemanja Radulovic, je l'ai bien dit ou pas ?
00:03Ah ben Radulovic.
00:04Radulovic, bonjour Nemanja Radulovic.
00:07Bonjour.
00:08Je voudrais qu'on parle un peu de ce parcours ensemble qui est juste extraordinaire.
00:12Vous êtes violoniste serbe, vous jouez le répertoire du monde entier,
00:15tout vous attire, vous invitant à chaque fois à chercher une forme de vérité, la vôtre.
00:20C'est à 7 ans que vous avez découvert cet instrument,
00:23à 14 vous êtes arrivé en France pour perfectionner votre jeu, vos interprétations.
00:27Ça s'est passé au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
00:31dans la classe de Patrice Fontanarossa.
00:35Vous produisez avec votre liberté, votre joie de vivre,
00:37je crois que c'est ce qui fait vraiment votre particularité,
00:40avec des groupes que vous avez fondés, des deux ensembles de chambres en fait,
00:45puisque vous avez ce côté rock, évidemment, vous êtes soliste internationale.
00:50Les formations en question sont les Trilles du Diable et Double Sens.
00:54Vous jouez également avec la harpiste Marielle Nordmann.
00:56Je ne vais pas tout citer parce qu'il y en a énormément,
00:58mais vous jouez avec les meilleurs orchestres et les meilleurs chefs d'orchestre du monde entier.
01:02Vous donnez d'ailleurs en moyenne entre 80 et 100 concerts par an.
01:06On se demande à quel moment vous dormez.
01:08Aujourd'hui, vous êtes en fusion avec Jean-Sébastien Bach et Double Sens
01:11dans votre album qui est sorti il y a quelques temps.
01:14Vous serez en concert au Théâtre des Champs-Élysées à Paris le 1er avril,
01:17à Perpignan le 3, Limoges le 18 juillet.
01:20Les morceaux que vous jouez, finalement, font partie de votre histoire personnelle.
01:24Est-ce que ça vous permet de vous raconter ?
01:26Je pense, oui.
01:28Depuis, finalement, le début, j'étais toujours attiré par la musique
01:34et j'avais envie d'interpréter la musique qui m'a touché.
01:37Et je pense que ça n'a pas changé.
01:39Il y a des moments dans la vie où on change
01:42et il y a certaines œuvres avec lesquelles on se sent plus proche
01:46et puis d'autres avec lesquelles on s'éloigne un tout petit peu.
01:48Mais c'est vrai que Bach, il était toujours présent dès le début, dès la découverte.
01:54Le violon, on dit que c'est l'instrument le plus difficile au monde.
01:58Il est tombé entre vos mains, vous aviez 7 ans.
02:00Alors, c'est vrai qu'à la maison, mère médecin jouait de l'accordéon,
02:05papa scientifique jouait de la guitare, vos sœurs jouaient du violoncelle.
02:09Et dès vos 3 ans, vous avez commencé à chanter, finalement, avec les invités.
02:15C'est marrant parce que c'est d'abord passé par votre voix avant de passer par l'instrument.
02:20Oui, finalement, je me rends compte que j'ai toujours voulu être un chanteur.
02:26Mais malheureusement, la nature a fait que je ne sais pas vraiment très, très bien chanter.
02:33Et puis, j'étais toujours à la quête de la voix humaine à travers le violon.
02:39Et je ne dirais peut-être pas que c'est l'instrument le plus difficile.
02:43Peut-être au tout début, pour avoir un son joli,
02:46c'est peut-être un tout petit peu plus facile d'avoir le piano.
02:50Mais par la suite, je pense qu'on est tous au bout de quelques années à la recherche.
02:57Tout devient difficile et en même temps, tout devient de plus en plus simple.
03:01Parce qu'on est à la recherche, comme vous avez dit, d'une vérité d'interprétation,
03:05de transmettre ce qu'on porte en nous à ce moment-là.
03:10Et c'est vrai que le violon, maintenant, c'est mon meilleur confident, je dirais,
03:16pour pas mal de choses.
03:17Ce qu'on ressent, nous, quand on vous voit jouer,
03:21Nemanja, c'est cette envie de faire une proposition,
03:25mais qui va jusqu'à toucher l'essentiel.
03:29Il n'y a pas de furiture, il n'y a pas de surplus.
03:32Il n'y en a pas trop peu, il n'y en a pas assez.
03:35Il n'y en a pas trop non plus.
03:37Et en même temps, il y a une espèce de justesse dans ce que vous interprétez.
03:41On sent l'histoire personnelle que vous avez.
03:43On sent, malheureusement, la guerre des Balkans, ce que vous avez vécu enfant.
03:47Le fait que vos parents aient été obligés de quitter la Serbie,
03:51où vous avez passé les premières années de votre vie.
03:54On joue comme on est à l'intérieur de soi ?
04:01Je pense que forcément, ça doit sortir quelque part.
04:07Et c'est vrai que tout ce que j'ai vécu,
04:12ce qu'on a vécu avec la famille et d'autres artistes,
04:15je pense qu'à différentes périodes de leur vie,
04:19il y a forcément quelque chose qui nous aide à avancer.
04:25Et en même temps, à travers la musique, de raconter comment je l'ai réellement vécu.
04:31Parce que je ne vais pas forcément raconter avec des mots ce que j'ai vécu
04:37et comment j'ai senti certaines périodes de ma vie.
04:42Mais c'est vrai qu'à travers la musique et grâce à ces compositeurs
04:45qui ont écrit il y a 300 ans, 400 ans, et peut-être même ceux d'aujourd'hui,
04:51on arrive quand même à connecter notre histoire personnelle à travers cette musique-là.
04:58Vous avez vécu, à votre retour, quand Belgrade a été bombardée.
05:02Pendant 73 jours, vous étiez coupé du monde.
05:06On arrive à effacer ça ?
05:08Non, forcément on n'arrive pas à effacer.
05:13Mais avec le temps, je me rends compte que même toutes les douleurs par la suite
05:19qui sont arrivées, parce que ça ne s'est pas arrêté le jour où le bombardement s'est arrêté,
05:24ça a continué avec les maladies oncologiques,
05:28toute une génération qui est finalement sourde
05:34à cause des détonations pendant le bombardement,
05:36tous les bébés qui ont été nés en 99,
05:40il y a toute une génération qui n'entend pas malheureusement.
05:45Toutes ces choses-là sont là, sont dans le vécu, elles ne vont pas partir.
05:51Et en même temps, il y a quelque chose qui est exceptionnel,
05:55c'était la solidarité entre les gens pendant ces quelques mois.
06:02Et c'est ça en fait qui est beau, à voir que finalement l'humain,
06:11dans des situations difficiles, est prêt vraiment à écouter l'autre
06:15et en même temps, il oublie aussi ses propres douleurs.
06:19Et c'est vrai que la musique nous permettait à cette époque-là
06:22à connecter aussi les gens avec la culture, avec l'art, pour la paix.
06:30Votre violon chante effectivement comme une vraie voix humaine.
06:33C'est la prolongation de vos doigts, de votre âme, de vos émotions.
06:37C'est ce que j'essaye, en tout cas,
06:39de retrouver toujours une voix humaine à travers l'instrument.
06:42Arrive-t-on à se dégager justement de la pression réellement d'Emmania
06:47et à profiter sans se dire,
06:50oh là là, il ne faut pas que je rate l'Adagio, il ne faut pas que je rate...
06:55Forcément, on se dit ça encore aujourd'hui,
06:58mais de l'autre côté, encore une fois,
07:00j'étais entouré des gens qui ne m'ont jamais mis de pression
07:03et qui m'ont toujours dit que c'était OK de faire un mauvais concert,
07:09une mauvaise prestation, ce n'est pas la fin du monde.
07:12Et certes, ce n'est pas la fin du monde.
07:14Forcément, on donne toujours le meilleur de ce qu'on peut donner.
07:18Et il y a une chose vraiment que j'utilise aussi avec mes élèves,
07:26c'est Marielle d'Orban qui m'a dit à la fin, au tout début de notre collaboration,
07:32on avait une partition et puis j'avais raté quelques notes en plein milieu du concert.
07:37Donc, je suis sorti un peu énervé comme ça.
07:39Elle m'a dit, est-ce que tu as vu la partition ?
07:40Sur une partition, tu as 50 000 notes alors que tu en as raté trois.
07:45J'ai un peu la balance.
07:47Et c'est vrai qu'il y a un peu de ça aussi pour enlever le stress.
07:52C'est important aussi d'être un peu dans la réalité.