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00:00Le Carrefour de l'Info sur Arabelle.
00:06Et dans ce Carrefour de l'Information à l'occasion de la journée de lutte contre l'islamophobie qui se déroule demain le 15 mars,
00:13nous recevons aujourd'hui Mustapha Chéry, cofondateur et président d'honneur du Cible collectif pour l'inclusion et contre l'islamophobie en Belgique.
00:20Bonjour. Bonjour et merci pour l'invitation.
00:22Et avec nous également Mouna qui est membre du Cible. Bonjour. Bonjour.
00:26Alors peut-être avant de rentrer dans les détails du détail, Mustapha Chéry, pour commencer, pour ceux qui ne le savent pas encore,
00:32une présentation générale du Cible collectif pour l'inclusion et contre l'islamophobie en Belgique.
00:38Le Cible est une association de droits belges qui agit en Belgique et sur Internet et qui a pris le défi depuis 10 ans de lutter contre l'islamophobie.
00:48C'est un défi assez important puisque la charge mentale aussi bien pour les victimes que pour les personnes qui accompagnent ces vaccines est extrêmement élevée.
00:58On tient le coup. Absolument. Alors pourquoi est-ce qu'il est aussi important aujourd'hui d'avoir cette journée internationale de lutte contre l'islamophobie ?
01:05On a un petit peu tendance à l'oublier.
01:07Ce n'est pas seulement une date symbolique parce que lorsque l'ONU décide d'une journée internationale de lutte contre quelque chose,
01:14c'est que c'est vraiment important et c'est vraiment grave.
01:17C'est un message politique très important qui invite tous les gouvernements à prendre au sérieux ce phénomène qu'est l'islamophobie.
01:26Alors une journée internationale c'est bien, mais est-ce que vous pensez que cette journée a un réel impact,
01:31un impact concret sur la sensibilisation non seulement du public mais aussi des autorités ?
01:36C'est la troisième année que cette journée existe puisqu'elle a été votée en 2022.
01:43Donc il faut lui donner le temps pour que ça redescende au niveau des États et développer les politiques qu'il faut.
01:51Donc il faut de la patience, mais il ne faut pas laisser passer cette opportunité de rappeler que l'islamophobie touche des milliers de Belges.
01:59Alors justement, quels sont les principaux domaines où l'islamophobie se manifeste chez nous et ici en Belgique ?
02:07Plutôt Mouna alors.
02:09Donc le principal, en tout cas premier domaine qu'on observe, c'est celui du travail et de l'emploi via des règlements de travail qui sont clairement discriminants.
02:21Ensuite on a tout ce qui est enseignement, formation, directement à l'école mais aussi au travers des stages.
02:28Et enfin le dernier domaine est celui du média internet qui est aussi lié aux plusieurs élections qu'on a eues en 2024.
02:38Et donc on a vu plusieurs candidats et candidates musulmans-musulmanes sur les listes électorales
02:44et qui les ont donc rendus visibles et donc plus vulnérables et enclins à être victimes d'islamophobie.
02:51Alors justement, est-ce qu'on a des chiffres pour illustrer l'ampleur du phénomène chez nous en Belgique ?
02:57Oui, donc nous on a eu 53 requêtes cette année mais c'est important de noter que derrière chaque requête en fait il n'y a pas forcément une personne, un humain.
03:06Une requête peut regrouper parfois 15 personnes qui décident de faire un signalement parce qu'elles vivent la même discrimination.
03:11Et nous on les a traduit en 36 signalements islamophobes parce que toutes les requêtes ne sont pas forcément de l'islamophobie.
03:18On peut faire une comparaison par rapport aux années précédentes ?
03:22Oui bien sûr parce que donc nous on rédige un rapport chiffre depuis de nombreuses années donc on peut observer certaines évolutions
03:29mais ce qu'on observe cette année c'est que finalement on a une tendance qui est assez équivalente aux années précédentes
03:35et la différence elle réside plutôt en termes de domaine ou en termes de cible et de genre.
03:41On l'abordera par après.
03:44Est-ce qu'on peut parler, je prends une parenthèse avec vous Mustapha, de la partie immergée de l'iceberg ?
03:50On parle de signalement mais on peut imaginer qu'il y en a beaucoup.
03:53Toutes les études, en tout cas dans ce qui concerne les discriminations, montrent qu'il y a un sous-reportage énorme, énorme, énorme.
04:01Donc les gens pour diverses raisons ne vont pas porter plainte. C'est malheureux.
04:07Et ça c'est la partie cachée de l'iceberg et on estime en général à 80% de gens qui ne portent pas plainte
04:14et peut-être que l'islamophobie c'est même 99%.
04:17Justement sur les dossiers, on a 16 ouverts en 2024. Combien finalement ont pu être transmis à UNIA et pourquoi certains ne l'ont pas été ?
04:25Alors parmi les 16 dossiers, on a décidé d'en transmettre 11 à UNIA.
04:31Tout simplement parce que ce sont des dossiers où on a des preuves tangibles de discrimination.
04:37Et pour les dossiers qui n'ont pas été transmis, c'est ceux qui manquent de preuves
04:41ou alors que les requérants, les victimes ne souhaitaient pas que leur dossier soit transmis à UNIA.
04:46On parle d'UNIA. Justement comment se passe, comment se déroule la collaboration avec l'ex-centre interfédéral de l'égalité des chances ?
04:54On a de la chance d'avoir UNIA en Belgique.
04:56Ça c'est déjà une chose parce que c'est quand même une administration indépendante
05:01qui fait un travail de fond et de forme très très important.
05:06La Belgique a ratifié des accords internationaux au niveau européen pour qu'on ait cette institution.
05:14Donc on a de la chance de l'avoir.
05:17Et depuis 10 ans, on collabore avec UNIA, avec les différents directeurs qui sont passés à la tête d'UNIA.
05:25Et cette collaboration, elle porte ses fruits.
05:29Parce qu'avec UNIA, on peut mener des actions très très importantes.
05:34Non seulement de modération entre des institutions, parce qu'ils jouent leur rôle.
05:39La loi leur permet de faire ça, nous pas nécessairement.
05:42Et puis beaucoup de victoires.
05:46C'est essentiel.
05:48Donc pour nous, c'est un magnifique joker qui est mis à notre disposition en tout cas en Belgique.
05:52Un magnifique joker, mais il y a tout de même un bémol.
05:55Stapha Chéry, je souhaite le souligner, avec une nouvelle proposition du gouvernement Arizona
06:00et notamment la N-VA qui veut raboter jusqu'à 25% des ressources d'UNIA.
06:04C'est la tendance dans les 7 gouvernements belges qu'on a.
06:09Tout ce qui est droits fondamentaux, lutte contre les discriminations, précarité sociale, etc.
06:17Ce n'est plus tellement la priorité des gouvernements aujourd'hui.
06:21Donc il y a un rabotage de fonds dans tout le milieu associatif et dans tout le milieu institutionnel.
06:27Et ça c'est bien malheureux.
06:29Alors de manière plus générale, pourquoi notre pays n'a toujours pas adopté, disons,
06:32une approche plus globale, une stratégie nationale de lutte contre l'islamophobie
06:36contrairement à d'autres pays ?
06:38On fait ça pour d'autres luttes, mais pour l'islamophobie, on n'a pas pensé à ça.
06:43Certainement, parce que le modèle politique belge est très compliqué.
06:49Les lois, les compétences sont très dispersées à des niveaux communaux,
06:55à des niveaux fédéraux, à des niveaux communautaires, à des niveaux régionaux, etc.
07:00Donc essayer d'avoir une action qui va porter ses fruits, à un moment donné,
07:06sur la résolution, justement, de la définition de l'islamophobie.
07:12Il y a tellement d'intervenants, il y a tellement d'acteurs à convaincre, bien souvent,
07:17parce que le terme, parfois, fait un peu peur.
07:21Alors qu'aujourd'hui, il y a le Journal international de lutte contre l'islamophobie,
07:25il y a eu les rapports de l'Agence européenne pour les droits fondamentaux,
07:30il y a eu les recommandations du Conseil de l'Europe pour le racisme et l'intolérance,
07:36il y a les recommandations de UNIA,
07:38il y a les recommandations du collectif contre l'islamophobie en Belgique,
07:42et manifestement, pour des raisons d'incompréhension, peut-être,
07:47pour des raisons d'idéologie, peut-être,
07:50on ne veut pas prendre ce problème-là au sérieux et à bras-le-corps,
07:54parce que ça demande une énergie terrible,
07:56et ça peut-être déstabilise aussi les fondamentaux de certains individus dans notre pays,
08:03mais le temps fera son action.
08:11– Voilà, vous avez évoqué les recommandations du CIB,
08:14il y en a trois, stratégie nationale, sanctions renforcées,
08:18formation des administrations, pour vous, laquelle est la plus urgente ?
08:23– Pour moi, la plus urgente, c'est la formation des administrations,
08:27parce qu'on peut avoir mille signalements, s'ils sont mal traités,
08:31le résultat, il est zéro.
08:33Et bien souvent, les personnes vers qui on va pour porter plainte
08:39ne sont pas armées pour, d'abord, gérer des plaintes,
08:44gérer des plaintes de discrimination, ils n'ont pas la formation nécessaire,
08:47ils n'ont pas les outils nécessaires, etc.
08:50Ils sont aussi des êtres humains qui ne laissent pas leurs émotions
08:53ou leur mental à la porte de l'institution dans laquelle ils travaillent, etc.
08:59Donc il y a un effort terrible à faire,
09:02et il faut des opportunités pour pouvoir former les personnes
09:06qui sont dans les administrations, qui doivent soutenir la population
09:10dans les cas de discrimination.
09:12– Alors, en ce qui concerne les sanctions à présent,
09:14qu'est-ce qu'il faudrait faire, disons concrètement,
09:16pour renforcer les sanctions contre les discours et les actes islamophobes chez nous ?
09:21– C'est d'appliquer la loi.
09:23– Est-elle appliquée correctement ?
09:25– Est-elle appliquée correctement quand on arrive à arriver à avoir une audience
09:30et avoir l'argent nécessaire pour aller chez un avocat
09:33qui va porter votre affaire, et pas n'importe quel avocat
09:37qui doit être spécialisé dans les discriminations, etc.
09:43Donc ça, c'est le gros problème, c'est l'accès à la justice, en fait.
09:48– Voilà. Est-ce qu'on a des exemples de bonnes pratiques dans d'autres pays,
09:53donc dans un peut-être qui pourrait être appliqué chez nous ?
09:56– Mouna, tu peux répondre peut-être ?
09:58– Je peux reprendre la parole.
09:59On a pu voir en 2018 au Royaume-Uni l'adaptation officielle
10:03d'une définition claire de l'islamophobie,
10:05et pas du racisme ou haine anti-musulmans,
10:08et qui a permis de faciliter le traitement des signalements
10:12et de reconnaître les actes, et même au niveau de la population,
10:15un citoyen peut directement savoir quand il est victime d'islamophobie,
10:19mettre un mot là-dessus, et être encouragé à aller ensuite le signaler.
10:24Et tout simplement aux Pays-Bas, on peut aussi voir des modules scolaires
10:29sur la diversité, où on apprend dès le plus jeune âge
10:33la lutte contre les préjugés, contre le racisme,
10:36et c'est des choses que la Belgique pourrait très bien aussi
10:38mettre en place dans les prochaines années.
10:41– Alors justement, le communiqué du CIB insiste sur l'importance
10:44de signaler les actes islamophobes.
10:46Pensez-vous que les victimes osent le faire, suffisamment le faire ?
10:50On en a parlé brièvement tout à l'heure.
10:52Est-ce qu'il y a toujours cette peur de l'administration,
10:55peur de la police, peur des clichés, peur des stéréotypes ?
10:57– Oui, toujours.
10:59Il faut aussi bien préciser que les victimes ont une grosse charge mentale.
11:04Lorsqu'on subit une discrimination, c'est une forme de violence,
11:08qu'elle soit physique ou mentale.
11:10Donc les victimes ont peur d'aller déposer plainte
11:13parce que les personnes qui reçoivent leur plainte
11:15ne sont pas suffisamment formées.
11:17Et donc par la suite, on voit qu'il y a peu ou pas de suite
11:20donnée aux plaintes, donc ça décourage.
11:22Et il y a aussi une peur des représailles.
11:24Comme je disais, les domaines concernés par l'islamophobie
11:27sont le domaine de l'emploi, du travail et de l'école.
11:31Et lorsqu'on a enfin réussi à décrocher un travail
11:34quand on est déjà issu des minorités,
11:36on a peur de déposer plainte contre son employeur.
11:40On parlait tout à l'heure en off, avant de rentrer au studio,
11:42des problèmes de genre.
11:44Oui, tout à fait.
11:45Donc ce qu'on observe depuis déjà de nombreuses années,
11:49c'est que l'islamophobie est sexiste.
11:52Donc les femmes sont beaucoup plus concernées
11:55que les hommes par ce fléau.
11:57Et à noter aussi que les femmes sont aussi
11:59à l'intersection de plusieurs systèmes de domination.
12:01Elles ne subissent pas que l'islamophobie.
12:03Sur le côté, elles doivent se battre aussi contre du sexisme.
12:06Elles doivent se battre aussi contre une situation de handicap,
12:09contre du racisme.
12:11Et donc elles se retrouvent vraiment à l'intersection
12:13de plusieurs discriminations qui les rendent encore plus vulnérables
12:16et qui leur donnent encore moins de facilité à aller déposer plainte.
12:19Alors justement, comment les associations comme la vôtre,
12:22le CIP, travaillent pour accompagner ces victimes
12:25et sensibiliser de manière plus générale l'opinion publique, Mustapha ?
12:28Ce qui est primordial, c'est une écoute attentive,
12:32croire aux victimes
12:34et surtout écouter leurs besoins.
12:36Toutes les personnes qui déposent plainte
12:38n'ont pas forcément envie de finir au tribunal,
12:40n'ont pas envie de prendre un avocat.
12:42Certaines victimes ont simplement besoin d'avoir une écoute attentive
12:45et d'avoir un suivi psychologique.
12:47Et au CIP, depuis quelques mois,
12:49on a mis en place une cellule
12:51avec des psychologues
12:53qui sont formés pour reconnaître
12:55et accompagner les personnes qui sont victimes d'islamophobie.
12:59Donc moi je dirais vraiment se centrer sur les besoins de la victime.
13:03Alors la particularité du collectif,
13:06c'est qu'on ne fait pas seulement un accompagnement administratif.
13:09On essaye de remettre en confiance la personne.
13:12Ça se passe par plusieurs échanges téléphoniques, physiques,
13:17plusieurs étapes,
13:19mais à un moment donné,
13:21dans la courbe de résilience,
13:23la personne doit être capable de dire maintenant
13:25« je me sens bien, je franchis le pas pour porter plainte »
13:28ou bien « je franchis le pas pour ne pas porter plainte », etc.
13:31C'est un travail très important.
13:33Et on accompagne la personne,
13:35quand c'est des collectifs,
13:37parce qu'on n'a pas les moyens financiers,
13:39jusqu'à aller en justice.
13:41C'est la question que j'allais poser.
13:43Accompagner justement au niveau de la justice,
13:45il faut des sous pour ça.
13:47Il faut des sous, il faut du temps,
13:49il faut de la persévérance.
13:51C'est très très long, parfois il faut 10 ans
13:53avant qu'il y ait une décision définitive.
13:55Et la personne perd l'intérêt d'agir,
13:57elle se marie, ou bien elle trouve son travail,
13:59elle trouve enfin la capacité.
14:01Ça s'estompe au fil du temps.
14:03Donc les personnes qui portent plainte
14:05sont d'une part très rares,
14:07et ceux qui vont jusque à la décision finale,
14:0910 ans après,
14:11c'est encore exceptionnel.
14:13Et là il faut vraiment saluer
14:15leur courage et leur résilience.
14:17Alors justement, à propos du CIB,
14:19est-ce qu'on peut trouver toutes les infos,
14:21pratico-pratiques, si on vous donnait un coup de main,
14:23financier, humain, matériel, comment fait-on ?
14:25On nous contacte !
14:27Et les coordonnées
14:29de notre association
14:31se trouvent sur notre site web
14:33www.islamophobia.be
14:35dans lequel vous avez
14:37toute une série d'outils
14:39de comment nous soutenir,
14:41de comment porter plainte,
14:43comment nous demander une formation,
14:45comment nous demander un conseil, etc.
14:47Et on a parlé
14:49du rabotage,
14:51où il y a tout à l'heure en termes
14:53de budgétisation,
14:55tout le monde associatif,
14:57antiraciste, est confronté
14:59à cette problématique
15:01de moyens pour continuer
15:03la lutte, parce que les priorités
15:05politiques ont changé
15:07et on est dans le même cas de figure.
15:09Si on veut continuer
15:11à soutenir les personnes
15:13victimes d'islamophobie,
15:15il faut continuer à nous soutenir aussi,
15:17financièrement aussi.
15:19Voilà, justement, peut-être avant de nous quitter,
15:21un dernier mot,
15:23un message à faire passer à toutes celles
15:25et tous ceux qui nous écoutent,
15:27pour les sensibiliser non seulement
15:29à cette problématique de l'islamophobie,
15:31mais aussi à aider,
15:33notamment le CIB, comme d'autres ONG
15:35qui luttent pour les droits humains.
15:37Il y a le volet financier, donc je peux rappeler
15:39le compte en banque.
15:41Maintenant, c'est
15:43le BE10
15:455230
15:478069, 6904.
15:49Ça, c'est l'aspect
15:51ressources financières. Si on n'a pas
15:53les ressources financières, on n'a pas
15:55les ressources humaines pour pouvoir soutenir
15:57les personnes qui font des signalements.
15:59Si on n'a pas de signalements...
16:01Voilà, on finit par dire
16:03que vous soyez témoin
16:05ou victime d'islamophobie,
16:07de discrimination, n'hésitez pas à
16:09signaler, parce que finalement, un acte
16:11islamophobe qui n'est pas signalé est un acte
16:13islamophobe qui n'a pas existé.
16:15C'est un compliqué et difficile. L'argent, encore
16:17et toujours, le nerf de la guerre. Merci
16:19Moustapha Chéry, je rappelle que vous êtes cofondateur
16:21et président d'honneur du collectif pour l'inclusion
16:23et contre l'islamophobie en Belgique.
16:25Merci Mouna, membre aussi
16:27du CIB. Merci d'avoir été avec nous
16:29à la veille de cette journée
16:31de lutte contre l'islamophobie.
16:33Merci pour l'invitation.
16:35On se retrouve dans quelques instants pour la deuxième partie
16:37de votre Cafo de la Foi, tout de suite.