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Joann Sfar présente sa nouvelle bande dessinée, "Que faire des juifs ?", dans la matinale de RTL.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot du 20 janvier 2025.

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Transcription
00:00L'invité du 9-10
00:02Et juste avant de retrouver l'invité du 9-10, Johan Svah, on fait un dernier détour malheureusement par Melbourne, Jean-Michel Raskol,
00:08puisque Gaël Monfils vient d'abandonner.
00:10Oui, je vous disais qu'il avait du mal à rejoindre sa chaise, et bien il abandonne à l'instant même,
00:15au moment où Shelton allait confirmer son bon début de quatrième manche.
00:20A 38 ans, les conditions étaient difficiles, il fait chaud encore ce matin à Melbourne,
00:25même s'il est un peu moins de 18 heures.
00:29Voilà, au bout du rouleau, malgré 8 matchs gagnés de suite depuis le début de la saison,
00:33et un 16ème de finale merveilleux face au numéro de 4 mondial,
00:37malheureusement, Gaël Monfils tire sa révérence, au contraire de son épouse d'ailleurs,
00:42Elina Zvitolina, l'Ukrainienne, qui elle a gagné ce matin et qui discutera les quarts de finale.
00:48Il y aura bien quelqu'un de la famille à ce stade de la compétition.
00:51Il est ovationné en ce moment même par le public.
00:54Merci beaucoup Jean-Michel de nous avoir fait vivre
00:57cette rencontre ce matin.
00:59Il est grand temps de retrouver notre invité, Johan Spahr.
01:01Bonjour.
01:02Bonjour, bienvenue.
01:03Et bienvenue, on est ravis de vous accueillir pour ce livre, cette BD,
01:06Que faire des Juifs ?
01:09Le titre, et je pense qu'on vous l'a déjà dit, interpelle,
01:12choque même certains, parce que c'est une question, ça a le mérite d'être fait.
01:15J'aurais pu l'appeler historiographie de l'antisémitisme et du peuple juif,
01:18j'en aurais peut-être vendu moins.
01:20Le seul problème, c'est que les gens...
01:20Je ne vous aurais pas forcément invité, là, ce matin.
01:22Et puis les gens n'osent pas le dire en librairie.
01:24Donc le libraire, les gens viennent et disent, on voudrait...
01:27Que faire des Juifs ?
01:27Ou alors, le dernier Spahr.
01:29Je ne sais pas si c'est malin.
01:30Mais c'était volontairement provocateur, oui.
01:32Mais c'est provoquant, parce qu'il y avait urgence à faire un livre d'histoire
01:36par les temps qui courent, parce qu'on ne se parle pas de la même chose
01:38quand il est question de l'identité juive, de la permanence de l'antisémitisme,
01:42du fait que l'antisémitisme est au cœur des problèmes du Proche-Orient,
01:45parce que si on enlève ça de l'équation, on ne comprend plus rien.
01:48Et ça me paraissait important de faire parler des êtres humains,
01:51j'allais dire, depuis Joseph Kessel jusqu'à des contemporains.
01:54Oui, parce que ce livre, c'est l'histoire du judaïsme et de l'antisémitisme,
01:58mais à travers votre histoire à vous.
02:00C'est centré sur moi-même, parce qu'il n'y a que ça qui m'intéresse.
02:03Ça commence avec moi qui regarde Goldorak
02:06et ma grand-mère coupe la télé pour me mettre les accords de Camp David
02:08et elle m'explique que ça me concerne.
02:10Et ça se termine aujourd'hui, je vous le spoil comme ça,
02:12vous n'avez pas besoin de l'acheter.
02:14Ça se termine aujourd'hui avec la bonne nouvelle,
02:16c'est que si on se lève le matin en voulant résoudre le problème de l'antisémitisme,
02:19on peut se recoucher.
02:20Une fois qu'on a compris que c'est une constante des sociétés humaines,
02:23alors là, on peut travailler.
02:24Mais pourquoi ? Pourquoi c'est une constante des sociétés ?
02:26Pourquoi, de tout temps, certaines personnes ont eu du mal avec les juifs ?
02:29Parce que le monde chrétien et le monde musulman se sont créés par rapport au judaïsme.
02:34Donc, pour justifier son existence, il a bien fallu expliquer que ceux qui étaient avant avaient tort.
02:38Donc, il y a eu, dans notre langage, dans les comportements, dans notre histoire,
02:43des volontés d'expliquer que le juif avait tort, que le juif était criminel.
02:46Et il y a des syntagmes qui reviennent,
02:48il y a des manières de s'en prendre aux juifs qui reviennent,
02:50par exemple, la manière d'être hyperbolique.
02:53Un juif, il n'a pas commis une petite erreur, il n'a pas commis un petit crime,
02:56il a toujours fait quelque chose d'absolu pour qu'on puisse expliquer qu'il est le mal au bout d'un moment.
03:01Et tout le livre, enjoint le lecteur, a quitté le vocabulaire symbolique,
03:05a se rapproché de l'humain.
03:07Et mon but, je fais parler tellement de juifs différents là-dedans,
03:09mon but, c'est qu'à la fin, on puisse plus symboliser un juif.
03:12Il y a autant de juifs que d'autres êtres humains, et là, on peut travailler.
03:15– D'après vous, c'est d'abord un problème de méconnaissance ?
03:20– Oui, bien sûr.
03:21C'est pire que de la méconnaissance, c'est qu'on a quelque chose de symptomatique.
03:26Pendant les 300 ans où il n'y avait pas un seul juif en France,
03:28c'est-à-dire la période du Moyen-Âge où ils avaient tous été expulsés,
03:31l'antisémitisme ne s'est jamais aussi bien porté.
03:33Il y a une camarade qui m'a dit qu'elle était à Alger récemment,
03:35et une vieille dame arabe lui a dit
03:38« Mais nous, on n'a aucun problème avec les juifs parce qu'on n'en a plus ».
03:40Et souvent, je dis aux jeunes que je rencontre,
03:42le seul juif qu'ils voient, c'est Netanyahou à la télé,
03:45ce n'est pas le meilleur ambassadeur qu'on puisse imaginer.
03:47Et évidemment, on est assez peu nombreux.
03:50Par contre, il y a beaucoup d'images fausses de juifs.
03:52J'ai constaté qu'à l'instar des collectionneurs de timbres,
03:55les anti-juifs ont une passion pour les juifs.
03:57J'ai offert cent heures de…
03:59– Une passion ou une obsession ?
04:00– C'est pareil que les collectionneurs de timbres.
04:02C'est-à-dire que moi, je n'aime pas beaucoup les choux de Bruxelles,
04:06je n'en achète pas.
04:07Les gens qui détestent les juifs, ils ne parlent que de ça.
04:10Le nombre de fois où j'ai pris des taxis,
04:11et je n'ai rien contre les artisans-taxis,
04:13qui m'ont expliqué des trucs sur les juifs dont je n'avais pas idée,
04:15avec les casards, avec la manière dont on empoisonne les puits,
04:18avec la manière dont on vole les organes des enfants.
04:20Ils savaient des trucs que je ne sais pas.
04:21– Et qu'est-ce que vous leur dites ?
04:22Quand vous parlez avec eux, qui vous trouve sympa,
04:23vous leur dites « je suis juif » ?
04:25– Je n'ose pas vous dire à quel point je me marre,
04:26parce que comme je sais que je ne sers à rien,
04:28et comme je sais qu'à chaque crise, l'antisémitisme revient…
04:30Tiens, j'interview Jacques Vergès dans le livre, à un moment.
04:32Je passe une journée avec lui, il est formidable.
04:34Au bout d'un moment, je lui dis « mais tout de même, maître,
04:36vous avez tout de même un petit problème avec les juifs ».
04:37« Mais non, comment donc ? »
04:38« Enfin, tous vos clients sont ou des nazis ou des terroristes ».
04:40« Ah non, rien à voir, Johan.
04:42L'antisémitisme est une énergie consensuelle
04:45dans laquelle on pioche quand on veut soulever les foules ».
04:47Et effectivement, la haine, c'est consensuel.
04:49Et quand on appelle à la haine,
04:50et quand on appelle à une haine aussi ancienne,
04:53on réveille quelque chose dont les populations
04:54ne sont peut-être même pas conscientes.
04:55– Vous disiez « à chaque crise, cet antisémitisme se réveille ».
05:00Le 7 octobre, forcément,
05:02et on en parle depuis maintenant 15 mois,
05:05a ravivé plein de choses.
05:07Ça ne vous a pas surpris, vous ?
05:09– Non, je n'étais pas surpris,
05:10mais il faut faire attention au contresens.
05:12Ce n'est pas le 7 octobre qui a créé de l'antisémitisme.
05:15Le 7 octobre a révélé des choses qu'on avait laissées sous le tapis
05:19pendant 20 ans ou 30 ans, c'est-à-dire une jeunesse qui s'est,
05:22pour le dire grossièrement, qui s'est éduquée chez Diodonné et Soral
05:25et qui ne se rend pas compte qu'elle dit des clichés ahurissants.
05:28Et il n'est pas question de ne pas défendre la Palestine.
05:30Moi, je rêve comme tout le monde d'un État palestinien,
05:32d'un État israélien en paix.
05:34Il est question de s'apercevoir que dans cette défense,
05:36sans doute légitime,
05:37s'expriment des opinions anti-juives qui sont ahurissantes
05:40et dont les gens n'ont souvent pas conscience.
05:42– Est-ce que vous, vous vous êtes radicalisé dans votre judéité
05:45depuis tous ces événements ?
05:48– Moi, ce que je regrette, ce que je fais partie de ces Juifs
05:50qui étaient Juifs cinq minutes par jour,
05:52et ça me suffisait largement, même parfois...
05:54Il y a des Juifs de Kippour,
05:55moi je n'allais même pas à la synagogue à Kippour.
05:57Simplement, le monde entier ne parle que de judaïsme depuis,
06:00et on ne mesure pas,
06:01on est en train de rendre dingue tous les Juifs de France
06:03parce qu'on se fait solliciter nuit et jour là-dessus.
06:06Moi, j'ai voulu faire un livre un peu d'histoire dessus pour respirer.
06:11Pour dire, attends, prends un peu de recul,
06:13fais parler, j'allais dire,
06:14depuis des personnages de l'Antiquité
06:16jusqu'à des historiens de l'Antiquité, Flavius Joseph,
06:18jusqu'à Albert Londres qui va en Israël...
06:20– Et parce que, rappelons-le, ça reste une BD de Johan Sfar
06:23qu'on lit avec énormément de plaisir.
06:25Ce n'est pas un bouquin écrit en tout petit caractère,
06:28c'est une BD, on est d'accord.
06:29– C'est une bande dessinée, c'est un roman
06:32parce qu'on me voit petit, on me voit grand,
06:34on me voit entouré de mon père qui était très militant,
06:36très investi, et de mon grand-père maternel,
06:38survivant de la Shoah, qui à l'inverse,
06:39était complètement anarchiste.
06:41Et j'essaye de me faire une idée.
06:43Mais l'avantage du dessin,
06:44c'est que je peux me mettre à côté de contemporains
06:46comme Arie Halimi, comme F. Seftel, comme Shannon Seban,
06:50mais je peux aussi avoir Chateaubriand.
06:53Il y a Chateaubriand qui intervient à un moment,
06:55il est pas mal.
06:56– Vous dites qu'on ne se rend pas compte de l'enfer
06:58qu'on fait vivre aujourd'hui aux Juifs de France.
07:01Vous avez l'impression que la France,
07:02aujourd'hui, est un pays antisémite ou pas ?
07:04– Absolument pas, et c'est là…
07:06– Absolument pas ?
07:07– Non, il faut faire très attention.
07:08– C'est très catégorique de votre histoire.
07:09– Oui, il faut faire très attention à ce qu'on raconte.
07:11Il n'y a pas deux racismes qui se ressemblent.
07:13Ce que subissent les Juifs, ce sont des violences.
07:15Il y a eu une explosion des violences anti-juives.
07:17Quand on dit 57% des agressions racistes
07:19touchent 0,6% de la population,
07:21c'est-à-dire que dans chaque famille juive,
07:23il y a eu plusieurs agressions pendant l'année dernière.
07:25Et en même temps, comme dirait l'autre,
07:27moi, je n'ai pas perdu d'amis.
07:29Le tissu des conversations ne s'est pas tellement déchiré que ça.
07:32Les premières personnes qui m'ont appelé après le 7 octobre,
07:34c'était des amis, soit arabes, soit iraniens,
07:36qui m'ont demandé comment tu vas.
07:37Et depuis un an, j'écume les librairies
07:40et les discussions sont formidables.
07:41Donc la réalité, c'est qu'il y a un vrai danger lié aux agressions.
07:44Et on a un pays extraordinaire
07:45qui a une vraie tradition du vivre ensemble.
07:47Si je voulais être méchant, en librairie, ça marche.
07:50Chez les leaders politiques, ça marche un peu moins.
07:52– Élisabeth Badinter, qui était là dans ce studio vendredi dernier,
07:56et comme vous, elle dit, je ne crois pas qu'on soit dans un pays antisémite,
07:58mais elle disait, j'ai le sentiment, malheureusement,
08:00que la majorité n'est pas très sensible à tout ça,
08:02que c'est le cadet de leurs soucis.
08:04C'est eux qu'il faut mobiliser aujourd'hui, les indifférents.
08:06La majorité silencieuse qui ne voit pas le problème ?
08:09– Dans les partis de gauche, en tout cas, ça a été une évidence.
08:11Moi, j'ai eu, on n'a pas le droit de les citer,
08:13j'ai eu les yeux dans les yeux des leaders de gauche,
08:15que ce soit socialiste ou vert,
08:17au moment où LFI a utilisé l'antisémitisme pour rameuter la jeunesse,
08:22j'ai eu des responsables PS et vert qui ont dit,
08:24on ne fera pas de situation de rupture à cause de ce sujet.
08:27Je ne suis pas en train de dire que les verts et le PS sont anti-juges,
08:29je vous ai dit ça, je ne vous le dirai pas.
08:31– Des responsables politiques qui vous ont dit ça les yeux dans les yeux.
08:34– Mais vous avez bien vu ce qui s'est passé lors des dernières élections.
08:36LFI va au-delà des outrances que Jean-Marie Le Pen ne s'est jamais permises,
08:40ça n'a pas empêché la gauche traditionnelle de rester alliée
08:44pour ne pas perdre des sièges.
08:45Ils peuvent dire ce qu'ils veulent aujourd'hui,
08:46c'est une trahison dont on ne se remettra pas.
08:47Et là, je ne parle pas des juifs, je parle des français dans leur ensemble
08:50et je ne pense pas que les français soient d'accord avec ça.
08:53Sinon, je n'en peux plus.

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