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L'actrice, auteure et metteure en scène reprend sa pièce "4.211 km" au Studio Marigny.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot du 22 janvier 2025.

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Transcription
00:004211 kilomètres, c'est donc la distance amandine le disait, entre Paris et Téhéran.
00:14C'est aussi le titre d'une pièce exceptionnelle, une pièce de théâtre bouleversante qui reprend ce soir au Théâtre Marigny,
00:19après avoir déjà reçu deux Molières. 4211 kilomètres, c'est votre pièce, Aïlana Vili, auteure, metteuse en scène et comédienne.
00:26Vous êtes avec nous ce matin, bonjour et bienvenue à vous.
00:28Bonjour, merci beaucoup.
00:29Pourquoi avoir choisi ce titre, 4211 kilomètres ?
00:32Parce que quand on voit l'affiche, si on ne sait pas de quoi ça parle, on se dit mais quoi ? Qu'est-ce que c'est ?
00:36Mais justement, je n'avais pas vraiment envie qu'on sache ce que c'était.
00:39Ça fonctionne bien.
00:41Parce que j'avais envie que ça génère aussi l'intrigue.
00:44Et c'est un chiffre, moi, qui m'a beaucoup obsédée pendant des années en me disant est-ce que c'est si loin et en même temps si proche ?
00:52Et c'est aussi la façon dont on traverse, je pense, la pièce pendant cette heure et demie, heure quarante.
00:57C'est le temps, en fait, pour pouvoir digérer ces kilomètres et cette distance-là,
01:02qui fait que c'est un pays qui est en Orient mais qui est aussi juste à côté de nous.
01:06Cette pièce, Aïlana Vili, c'est aussi votre histoire.
01:09À vous, on va écouter un petit extrait.
01:11Je suis née à Paris de parents iraniens, réfugiés politiques.
01:15Convaincue jusqu'à mes dix ans que la France, ce n'était qu'un pays d'exil transitoire.
01:20Mais j'ai aussi grandi en France et je l'aime.
01:23Je suis plusieurs et je ne veux pas changer.
01:27« Je suis plusieurs et je ne veux pas changer », je trouve la formule magique.
01:32C'est ultra poétique.
01:34Qu'est-ce que vous avez voulu dire par là ?
01:36Je pense que j'ai mis énormément de temps, déjà, moi, à réussir à trouver moi-même cette formule
01:41parce qu'on m'a toujours demandé, dans plusieurs étapes de ma vie,
01:45alors du coup tes parents sont iraniens mais toi tu es française, comment tu te sens, etc.
01:49C'est la problématique d'identité que je pense qu'on traverse tous en ayant des origines.
01:53C'est le côté où on vous regarde en iranienne quand vous êtes en France
01:55et en française quand vous êtes en Iran ?
01:57Un peu, alors moi, malheureusement, je ne suis jamais allée en Iran.
01:59Mais oui, en tout cas, les iraniens venant d'Iran pourraient avoir ce regard-là.
02:03C'est quelque chose que j'ai entendu beaucoup aussi de l'immigration africaine
02:07qui, eux, rentraient et me disaient que c'était compliqué aussi leur identité là-bas.
02:11Mais c'était surtout le fait de se dire dans cette société que tout était très binaire
02:16et qu'il fallait avoir une étiquette qui était celle de...
02:18Qu'est-ce que ça veut dire en fait ?
02:19Je pense que je me suis interrogée énormément en écrivant aussi cette pièce
02:22sur la signification de ce que voulait dire être française aujourd'hui.
02:25Et alors ?
02:26Est-ce qu'il est possible ?
02:27Et bien c'est ça, c'est que je considère qu'on ne peut être plusieurs, qu'on peut être multiples,
02:31que c'est nécessaire, que c'est une richesse.
02:32Mais avant de pouvoir l'assumer, je pense qu'il faut une maturité énorme
02:35et dans une société où la montée des extrêmes est aussi importante, c'est pas évident.
02:39Alors dans cette pièce, ces 4211 kilomètres, vos parents les ont faits,
02:42évidemment pour aller de Téhéran à Paris quand ils ont fui l'Ayatollah Roménie.
02:46Et pendant toute la pièce, on passe d'un âge à un autre, d'un lieu à un autre,
02:51entre l'Iran, la France, vos enfants, vos adultes, vos parents-enfants, vos parents-adultes,
02:55et on voit tout ça qui se construit.
02:58Quand vous êtes arrivée en France, vous avez eu la nationalité française à l'âge de 18 ans,
03:01et à l'époque, on vous a recommandé de changer votre prénom.
03:04On vous a proposé de vous appeler comment ?
03:06Aline.
03:07Et pourquoi vous avez dit non ?
03:10Ben ça a été très compliqué en fait, je le raconte dans la pièce.
03:13Le personnage s'appelle Yalda, et j'ai demandé à ce qu'on lui propose de l'appeler Yolande.
03:18Moi ça a vraiment été quelque chose d'assez choquant,
03:22mais en fait à 18 ans, je pense que je n'avais pas cette maturité-là,
03:24donc ça a été assez complexe.
03:26Je me suis retrouvée avec ce carnet des prénoms français qu'on m'a proposé.
03:31Je pense qu'il n'était pas forcément obligatoire.
03:33Moi à ce moment-là, je me suis retrouvée en fait dans un poste de police
03:37qui était rattaché à la préfecture.
03:39Et j'ai compris ce jour-là pourquoi on mettait des vitres entre les agents et nous,
03:43parce que j'ai vraiment eu un excès de violence et de rage,
03:46mais la réalité c'est que je n'ai rien dit.
03:48Je suis juste retournée dans la salle,
03:50et je suis revenue en disant que je ne voulais pas changer de prénom,
03:52mais une procédure de nationalité à l'époque, en tout cas de naturalisation,
03:58moi ça m'a pris à peu près entre 12 et 18 mois pour que ça se fasse.
04:01Donc j'avais eu le temps aussi de faire face à cette administration qui était très oppressante.
04:06Et donc je pense que j'avais la force de réussir à dire non,
04:08mais beaucoup de gens que je connais ont changé de prénom.
04:11On parle souvent du combat des femmes ici en France,
04:14mais assez peu des femmes iraniennes. Pourquoi à votre avis ?
04:16Est-ce qu'elles sont les grandes oubliées du féminisme les iraniennes aujourd'hui ?
04:19Ah oui quand il y a un fait d'actualité,
04:21quand il y a un drame pendant quelques jours,
04:23et puis après dans les débats, dans les discussions,
04:25c'est comme les femmes afghanes, on n'en parle pas.
04:27Alors j'ai l'impression que la distance y fait pour beaucoup.
04:30Je pense que le sujet, je ne rentrerai pas dedans,
04:33parce que c'est un sujet politique très complexe,
04:35qui est lié à la religion aussi,
04:37qui fait que ça rend le débat très très compliqué.
04:39Parce qu'en France aujourd'hui,
04:41on a quand même une islamophobie,
04:43et que cette assimilation peut se faire.
04:45Je pense que c'est un vrai sujet.
04:47Mais je pense malgré tout,
04:49qu'aujourd'hui les femmes iraniennes rentrent dans le cœur des français.
04:52On peut le voir par exemple avec,
04:54non seulement le mouvement Femmes, Vies, Libertés,
04:56mais avec ce qui s'est passé avec Aouda Rioui,
04:58qui était une femme qui s'est mise en sous-vêtement dans la rue,
05:02qui a été relayée par des millions de personnes.
05:04Et je pense que dans les réseaux sociaux,
05:06l'impact sur nous les femmes,
05:08qui vivons en France ou en Europe,
05:10il est énorme, parce qu'en fait on se reconnaît,
05:12et que cette barrière-là,
05:14et cette distance-là est oubliée.
05:16On se positionne vraiment en tant que femme,
05:18et on se pose la question de ce que ça voudrait dire pour nous d'être oppressées.
05:21Je pense qu'il y a quelque chose qui est de plus en plus particulier
05:24pour les femmes occidentales,
05:26c'est que je pense que malgré tout,
05:28l'oppression, même si elle est loin,
05:30même si on ne vit pas en Iran,
05:32elle se rapproche de plus en plus,
05:34que nos droits sont parfois en danger,
05:36et que ça nous oblige, en fait,
05:38à nous repositionner,
05:40et à voir le monde différemment.
05:42À Hélène Havidi, vous disiez,
05:44vous n'êtes jamais retournée en Iran.
05:46Vous aimeriez y retourner ?
05:48C'est un rêve, c'est un fantasme.
05:50Après, je pense que,
05:52à travers la pièce,
05:54c'était aussi peut-être une façon
05:56de recréer ce lien-là,
05:58avec ce pays d'origine.
06:00On va préciser aussi
06:02qu'on est émue, qu'on sourit,
06:04qu'on passe des bons moments,
06:06le sujet est lourd,
06:08mais la façon de le raconter...
06:10J'ai trouvé ça magnifique,
06:12parce qu'on apprend des choses historiquement,
06:14parce que c'est une histoire qu'on ne connaît pas toujours très bien,
06:16et en plus, on est dans cette famille,
06:18et humainement, on peut tout à fait s'imaginer dans votre famille,
06:20même si on n'est pas iranien.
06:22C'est très touchant.
06:24En fait, il y a un truc qui était très important pour moi,
06:26c'est que le sujet, effectivement, est lourd,
06:28mais la réalité de notre parcours de vie,
06:30et des parcours de vie des familles de réfugiés politiques,
06:32ou d'autres formes d'immigration,
06:34c'est qu'elle est aussi faite
06:36de pleines de joie, de pleines de recul,
06:38d'ironie. On peut rigoler
06:40de notre propre situation aussi,
06:42et pour moi, c'était important de ramener cette légèreté,
06:44qui est aussi un leitmotiv,
06:46et des valeurs
06:48que partagent ces gens-là.
06:504211 kilomètres
06:52de retour, ce soir,
06:54au Théâtre Marigny à Paris.
06:56Allez-y !
06:58Moi, je ne l'ai pas encore vu, mais ça fait des semaines que Thomas
07:00me dit qu'il faut absolument y aller
07:02à Hélène Avidy. Vous restez avec nous !

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