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Dans Tout Public du mercredi 12 février 2025, Joann Sfar pour sa bande dessinée "Que faire des Juifs ?", et Costa-Gavras pour "Le Dernier souffle".

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00:00Nicolas Demorand – Frédéric Carbone, à mes côtés pour tout public et dans cet épisode
00:05aujourd'hui, deux questions littéralement existentielles.
00:08Frédéric Carbone – Que faire des juifs ? D'abord, elle est directement posée par
00:10Joan Sfar, c'est le titre de sa dernière BD aux éditions des Arènes et puis comment
00:15regarder en face à la fois la mort et les malades pour qui cette issue est inéluctable
00:20et ça, c'est au cœur du dernier film de Costa Gavras, Le Dernier Souffle, qui sort
00:24aujourd'hui et qui se passe dans une unité de soins palliatifs.
00:27Autant dire que l'on va être dans l'essentiel jusqu'à 14h mais n'ayez pas peur, restez,
00:32ça va être bien et qu'on est ravis de vous recevoir tous les deux.
00:35Bonjour Joan Sfar.
00:36Joan Sfar – Bonjour.
00:37Frédéric Carbone – Merci d'être sur France Info.
00:38Costa Gavras va arriver dans quelques instants.
00:41Un mot d'abord peut-être Joan Sfar de votre démarche, parce que c'est le deuxième
00:46opus après Nous Vivrons, de cette urgence que vous avez à écrire après le pogrom
00:52du 3 octobre 2023, perpétré par le Hamas, l'interminable guerre déclenchée par
00:57Israël, ensuite la montée des actes antisémites en France.
01:00Dans votre démarche, il y a l'idée que l'accès au savoir, par le partage des connaissances,
01:05par la pédagogie, avec ça, on peut quand même échanger sur tout.
01:09Est-ce que ce n'est pas ça le cœur de votre démarche dans ce livre ?
01:12Joan Sfar – Mais oui, parce que ça marche, parce que là où parfois nos dirigeants politiques
01:16n'y parviennent pas, en librairie, lors de rencontres, même dans des établissements
01:21qui sont en grève, on parvient à discuter, on parvient à dialoguer.
01:24Je sors d'un an de rencontres avec tout le pays, j'ai l'impression, et ça s'est
01:29plutôt bien passé, donc j'ai beaucoup d'espoir sur cet espace de dialogue, oui.
01:32Nicolas Demorand – Mais là, dans ce livre, c'est toute l'histoire, 3000 ans d'histoire
01:36des Juifs, c'est aussi l'accélération du temps depuis le 3 octobre, mais oui, je
01:41vous donne ça, prenez, réfléchissez, et on peut tous se parler.
01:45Joan Sfar – Oui, c'est une tentative de ramener des petites sciences comme l'histoire,
01:49comme la littérature, comme le roman familial, au service de cette problématique générale,
01:54ce qu'on fait tous ensemble, et il me semble que par le roman, on y parvient, et par l'évocation
02:00d'écrivains qui me manquent, que ce soit Albert Londres, que ce soit Joseph Kessel,
02:03que ce soit Romain Garry, Franz Kafka, je les fais beaucoup parler sur des sujets actuels,
02:07et je les cite parfois, et je crois que ça fonctionne.
02:10Nicolas Demorand – Il y a peut-être un point commun dans cette démarche, avec Costa
02:13Gavras, qui vient d'arriver, que je salue, bonjour.
02:15Costa Gavras – Bonjour.
02:16Nicolas Demorand – Merci infiniment d'être sur France Info, votre film, dans une unité
02:20de soins palliatifs, Le Dernier Souffle, je disais avant que vous arriviez à Joan Sfar
02:24que sa démarche, c'était via la connaissance, le savoir, la transmission, on pouvait arriver
02:30à parler sereinement de tout, y compris de la mort, et c'est ça un des aspects de
02:34votre film, sans doute.
02:35Costa Gavras – C'est ce que le cinéma propose, et réussit parfois, voilà, c'est
02:40ça que j'ai essayé de faire, sur un événement que nous allons tous avoir la chance, ou la
02:47mauvaise chance d'avoir, mais on y passera tous, donc voir comment on peut dédramatiser,
02:54comment on peut arriver à ce point, dignement, et dans une certaine paix, je dirais.
02:59Nicolas Demorand – Excusez-moi, je crois que vous avez 92 ans aujourd'hui, est-ce
03:02qu'on peut vous souhaiter bon anniversaire ?
03:04Costa Gavras – Oui, merci, je m'accepte.
03:05Nicolas Demorand – On le fait, mais c'est aussi pour vous demander s'il y avait une
03:08forme d'urgence pour vous aussi, à faire, à s'emparer de ce sujet-là.
03:11Costa Gavras – Mais absolument, ça me concerne, je vois la fin arriver, pas loin l'horizon,
03:15donc c'était une des raisons pour lesquelles j'ai fait ce film, et aussi parce que j'étais
03:19profondément touché par ce que j'ai découvert dans le livre de Bray et Grange, c'est des
03:25vraies histoires, qui sont très émouvantes, profondément bien racontées, et ça m'émeut
03:33beaucoup, et ça donne aussi une sorte d'espoir pour le futur, voilà.
03:37Et bien le film, c'est surtout d'ailleurs, surtout sur ce qui reste.
03:41Nicolas Demorand – Bien sûr, et vous en dites un mot, effectivement, ce film, à
03:46l'origine, il y a un livre, un échange entre un philosophe et un médecin spécialisé
03:52dans les soins palliatifs, et on est complètement, dans le film, Thierry, effectivement, Thierry
03:57Fioril, dans cette unité de soins palliatifs presque modèles.
04:00Thierry Fioril – Oui, le dernier souffle, c'est une conversation entre un médecin,
04:03joué par Kad Merad, et un philosophe interprété par Denis Podalides, dont le sujet, la fin
04:08de vie, n'est pas la mort, et tout sauf plombant, la vie, elle, elle est bien là,
04:12dans tous les cas, que ce chef d'unité de soins palliatifs va présenter au penseur
04:17qui a enfilé une blouse blanche, cet homme, plus à l'aise avec les concepts qu'avec
04:21sa propre finitude, il redoute un cancer, et même, on peut le dire, un peu hypochondriaque,
04:26se fait d'abord discret au contact des malades et des soignants, puis il découvre le formidable
04:30dévouement du personnel médical, et la richesse infinie de chaque situation.
04:35« Oui, rendre l'âme, je veux bien, mais dites-moi, à qui ? »
04:39« Pourquoi voulez-vous rendre quelque chose qui est à vous, à quelqu'un que vous ne connaissez pas ? »
04:45« Il n'est pas ici, lui. »
04:47« Oui, non, il est philosophe. »
04:49« Personne ne veut croire réellement à sa propre mort, et tout le monde en a une peur viscérale. »
04:54« Il faut toujours dire la vérité, à celui qui la demande. »
04:57Demander la vérité, certains le font, d'autres non, parfois, ils l'acceptent, mais la redoutent
05:03par leurs proches.
05:04Chaque cas est unique et pose une foule de questions.
05:06En suivant ce médecin, ce philosophe, et ce large panel de patients, on dépasse notre
05:11réticence naturelle à regarder la mort en face, et on appréhende l'importance de ces
05:15lieux.
05:16Au-delà de la peur, du déni, de la colère, il y a, grâce au professionnalisme de ces
05:21soignants, la possibilité d'une fin paisible, digne, qui devrait être la règle, mais on
05:26le sait, c'est loin d'être le cas.
05:27« Regarder en face », c'est sans doute le mot-clé, Costa-Gavras.
05:30D'ailleurs, il y a un des patients qui dit, le cancérologue, il regardait ses pieds quand
05:35il me parlait.
05:36Non, il faut le faire en face.
05:37En face, complètement.
05:38Mais ils essayent quand même, avant, de préparer la personne.
05:41Là où on le dit directement, vous allez mourir dans X temps, c'est en Amérique.
05:45Et en France, on a une autre façon de faire, c'est-à-dire le médecin prépare peu à
05:49peu, et il ne le dit pas aux proches, ni aux parents, parce que celui à qui appartient
05:56la mort, c'est à lui qu'il parle, et ça c'est essentiel.
05:59Et il parle, il le prépare.
06:01Et dans des conditions tout à fait particulières, ce qui m'a beaucoup étonné et agréablement
06:07surpris aux soins palliatifs, c'est que le docteur s'assied à côté du patient,
06:13de la patiente, lui prend la main, il y a des silences, et puis il prend le temps de
06:18l'écouter.
06:19Et lui, il écoute, il parle aussi, et les infirmières et infirmiers, pareil.
06:23D'ailleurs, pour le film, j'ai choisi des vraies infirmières et infirmiers, et aussi
06:27des vrais docteurs qui ont l'habitude de soins palliatifs.
06:30C'est un endroit absolument étonnant.
06:31Et malheureusement, il faut le dire aussi, il n'y en a pas assez en France.
06:35Oui, je crois que celui où vous avez tourné, il a fermé par la suite.
06:39Parce qu'il n'y a pas assez de personnel, parce qu'il n'y a pas assez de moyens.
06:42Oui, absolument.
06:43Il y a même une difficulté à recruter des médecins.
06:47Il y a de l'humanité, évidemment, infiniment d'humanité, là-dedans, il y a aussi peut-être
06:56l'idée, excusez-moi si j'enfonce une porte ouverte, que la fin de vie, c'est d'abord
06:59la vie.
07:00C'est surtout la vie.
07:01C'est surtout la vie.
07:02C'est pour ça que le film est surtout sur la vie, ce qui reste.
07:05Bon, celui qui part, il est parti, mais ce qui reste, il vive toujours avec celui qui
07:10est parti.
07:11Et c'est ça qui est intéressant.
07:12Et d'ailleurs, dans le film, on voit aussi qu'ils essayent tout pour le faire continuer
07:17à vivre.
07:18Et ça, ce n'est pas possible.
07:19Voilà, c'est là où les soins palliatifs font un rôle extraordinaire à jouer, et
07:24la préparation des uns et des autres.
07:27Et d'expliquer aux familles, aux proches, non, il ne va pas retourner en chignot, parce
07:30que ça ne servira à rien, parce que c'est presque le moment le plus difficile.
07:34C'est le plus difficile.
07:35C'est ça.
07:36Et ils le font avec une douceur et une façon très, très humaine qu'ils le font.
07:42Et c'est vraiment quelque chose que j'ai découvert et qui m'a beaucoup ému, il
07:46faut dire.
07:47Parce que j'ai visité quelques soins palliatifs, et ça, c'était étonnant.
07:49C'est effectivement une sorte de film doux sur la mort, et je ne vais pas faire des parallèles
07:54avec votre voisin, Johan Sfar, mais vous, depuis le précédent, c'est la rudesse encore
08:00plus de la vie pour les vivants, quand on est juif, en France, sans doute, et en Europe.
08:06Il y avait pour vous aussi, il y a aussi pour vous, comme pour Costa Grava, une forme d'urgence
08:10à écrire ça.
08:11Est-ce que c'est une forme de thérapie, d'une manière ou d'une autre ?
08:13D'abord, je me suis fait plaisir sur un sujet grave.
08:16J'ai passé un an de ma vie à lire des auteurs qui me manquent, et vous parliez de disparus,
08:19à faire parler mes disparus.
08:21Et ça, ce n'est pas une question juive.
08:22Je crois que nos aînés, après la Deuxième Guerre mondiale, nous ont laissé une mission
08:25impossible.
08:26Ils nous ont dit, votre mission, c'est que ça ne revienne pas.
08:29Ça ne revienne pas le nazisme et l'antisémitisme d'un côté, les horreurs du colonialisme
08:34de l'autre.
08:35Et on voit bien que dans La Passion pour le Proche-Orient, se télescopent nos angoisses
08:39liées au nazisme d'un côté, liées au colonialisme de l'autre.
08:42Et à part faire parler des écrivains, à part faire parler des disparus, vous parliez
08:46des derniers moments.
08:47Je me rappelle mon grand-père maternel, que je fais beaucoup parler dans cet ouvrage,
08:49qui était un anti-religieux, un révolté, un anarchiste.
08:53La dernière nuit, il a parlé en yiddish et en français, et il disait « quand Dieu
08:58vous aime, il ne vous fait pas ça ». Donc tout le paradoxe de ces moments, vous avez
09:01raison, qui sont précieux parce que c'est des choses de vie et on hérite sur les épaules,
09:06y compris de missions collectives, et c'est un peu le livre d'une mission impossible.
09:10On a compris qu'on ne va pas arrêter la haine.
09:12Ce n'est pas une raison pour se taire, ce n'est pas une raison pour cesser de discuter.
09:15Les auditeurs ne le voient pas, mais je pense qu'ils l'entendent quand vous parlez l'un
09:20et l'autre, alors que ce sont des sujets très rudes, comme le disait Frédéric Carbone,
09:24vous gardez un sourire sur le visage, c'est une politesse appréciable quand on parle
09:28de telles thématiques.
09:29Est-ce que, Johan Sfar, par exemple, est-ce que c'est aussi une discipline qu'il est
09:33difficile d'entretenir ?
09:35D'abord, je suis un grand admirateur de Costa Gavras.
09:37Quand j'étais enfant, mon père me faisait voir ses films, ça faisait partie de l'éducation
09:42justement contre la barbarie, de voir les films de Costa Gavras, et je crois beaucoup
09:48à cette dimension.
09:49D'abord, il y a de l'empathie, et ensuite, il y a parfois des discours graves, parfois
09:52on parle ensemble, parler de sujets aussi graves et amener le public vers ça, c'est
09:56aussi prendre le parti de l'intelligence du public.
09:59Moi, ce que je constate, aujourd'hui, faire un livre ou faire un film, ce n'est pas seulement
10:02l'œuvre, ce sont les rencontres avec le public, et je n'ai que des bonnes surprises
10:06depuis un an.
10:07Je suis allé à Sciences Po où la Sorbonne était en grève pour cause de luttes palestiniennes.
10:13Je n'ai fait que de belles rencontres là-bas, on se rencontre au bout d'un moment, qu'on
10:17est d'accord sur beaucoup de points, je ne fais pas mystère du fait que ma famille est
10:21israélienne, que j'y passe une grande partie de mon temps, que je suis très solidaire
10:25de ce qui se passe là-bas, au bout d'une demi-heure, on s'aperçoit qu'on est d'accord
10:28sur à peu près tout.
10:29Donc si on pouvait transformer les slogans militants en des discussions plus empathiques,
10:34je crois qu'on ne s'en porterait pas plus mal.
10:35On aurait fait une grande partie du chemin.
10:37Il citait, Johannes Farr, Costa-Gavras, vos films, ceux par lesquels toutes les générations
10:43ont été éduquées, Z, La Veu et autres, est-ce que ce film-là est aussi un film
10:47de combat pour vous ? Celui-là, Le Dernier Souffle.
10:49Oui, pour dédramatiser la mort, qui est un événement pour tout le monde, et il ne faut
10:54pas arriver dans un état terrible comme il m'est arrivé de voir un de mes collègues,
10:58pas collègues, collaborateurs, qui quand je suis arrivé près de lui, il m'a pris
11:02les mains, il m'a dit, ne me laisse pas partir, ne me laisse pas partir, et il disait
11:06la même chose à tout le monde et au sondocteur, c'est une situation épouvantable pour tout
11:09le monde, parce qu'on n'est pas préparé, rien ne nous prépare, donc il faut commencer
11:13à se préparer dans la vie pour cet événement-là par lequel nous allons passer, demain moi,
11:17après demain lui, etc.
11:18Non, c'est pas l'ordre, c'est ça les beautés de la vie, on ne connait pas l'ordre,
11:24et je crois que ça a été un combat de le faire ce film.
11:26Un grand combat parce que personne ne voulait y toucher, j'ai fait le scénario, tous
11:31les acteurs ont accepté immédiatement de faire le film, et des acteurs importants,
11:36et quand nous sommes allés aux distributeurs, et même aux chaînes de télévision, on
11:41a dit non, on ne touche pas à ça, personne ne veut avoir ça, on a passé très très
11:44longtemps avant de trouver un distributeur, Bacfilm, qui heureusement a accepté, et ça
11:48déclenchait des petites choses, mais on l'a fait tous, il faut le dire, en faisant
11:52des bénéfices, en étant payés pas comme d'habitude, voilà, il faut le dire aussi
12:00crûment.
12:01S'il fallait que ça existe comme ça, c'est très bien que ce film, et que ce livre, existent,
12:04on poursuit la conversation dans deux minutes.
12:06Juste après le fil info, puisqu'il est 13h45, on retrouve Armand Perrouloga.
12:09Les aveux du suspect du meurtre de la petite Louise, le jeune homme de 23 ans reconnaît
12:15avoir tué la collégienne de 11 ans, vendredi, dans un bois de longs jumeaux dans l'Essonne,
12:19mais on ne connaît pour l'instant pas le mobile de cet acte fou, la sœur du suspect
12:23le décrit comme colérique et violent, elle avait déposé il y a quelques années une
12:27main courante contre son frère pour des faits de violence.
12:30Les députés examinent cet après-midi une proposition de loi qui vise à durcir la
12:34justice des mineurs avec la création de comparutions immédiates, des dérogations à l'excuse
12:38de minorités et des sanctions pour les parents, des mesures portées par Gabriel Attal mais
12:43rejetées par la gauche.
12:44L'industrie française en recule, il y a eu davantage de fermetures que d'ouvertures
12:48d'usines en dernier en France, 89 fermetures ou annonces de fermetures en 2024 contre 65
12:54ouvertures.
12:55Les Européens doivent dépenser beaucoup plus pour leur défense, c'est ce qu'affirme
12:59le secrétaire général de l'OTAN Marc Routeux alors qu'une réunion de l'Alliance Atlantique
13:03est en cours à Bruxelles au sujet de l'Ukraine, réunion en présence du chef du Pentagone
13:07qui compte également accentuer la pression sur les Européens.
13:10L'armée israélienne va prolonger sa présence dans le sud du Liban au moins jusqu'au 28
13:14février, elle affirme avoir obtenu un délai supplémentaire dans la mise en œuvre du
13:18cessez-le-feu avec Beyrouth, l'accord de Trèves prévoyait initialement un retrait israélien
13:23le 26 janvier.
13:24Et puis du foot ce soir, suite des barrages, allée de la Ligue des champions pour une
13:28place en huitième de finale, Monaco reçoit le Benfic à Lisbonne à 21h ce soir.
13:59une dizaine d'années et qui avait enregistré une série d'émissions sur le peuple juif
14:03dans les années 80.
14:04On en écoute un extrait.
14:05Il était une fois, il était une fois un petit peuple, un tout petit poussé parmi
14:15les grands.
14:16Il était une fois le peuple juif.
14:20Nous allons tenter de raconter l'histoire de ce peuple qui est en même temps l'histoire
14:26d'une aventure continue.
14:28C'est le début de ces enregistrements.
14:29Je crois que c'est le premier épisode.
14:31Et si on le diffuse et si ça a un intérêt, c'est qu'aujourd'hui, c'est dans le domaine
14:34public.
14:35Ça n'aurait pas pu être le cas, sans doute, il y a des années.
14:38Et vous l'avez voulu, vous, après le 7 octobre, notamment.
14:40J'ai hérité des cassettes de mon père.
14:42C'était un avocat activiste.
14:43Il a fait mettre en prison des néonazis.
14:45On a vécu sous protection policière pendant mon enfance.
14:48Et quand les radios libres ont existé, il a consacré dix ans de sa vie.
14:51Il a fait le Alain Decaux du peuple juif.
14:53Il y a 102 heures de cassettes dont j'ai hérité.
14:55C'est un peu daté, mais il s'exprime bien.
14:57L'histoire a peut-être avancé depuis.
14:58Mais à écouter, c'est passionnant.
15:00Et je les ai confiés au site universitaire Akadem qui les a nettoyés et diffusés.
15:05Comme si je n'étais pas assez écrasé par l'image de mon père, maintenant j'ai la voix.
15:08C'est aussi peut-être l'après 7 octobre et retrouver ce que votre père vous disait
15:14quand vous aviez cinq ans.
15:15Tu seras l'avocat du peuple juif.
15:18Je crois qu'on est beaucoup de Français de culture ou de religion juive.
15:22Pour qui le judaïsme était une distraction cinq minutes par jour.
15:25En tout cas, moi, je faisais mon chat du rabbin.
15:27Le reste du temps, j'étais un citoyen normal.
15:29Après le 7 octobre, il y a eu, je n'aime pas le mot d'antisémitisme.
15:33Il y a eu un harcèlement continuel.
15:34Je pense à une étudiante juive qui me dit je suis la seule juive de mon amphi.
15:38On ne me parle que de ça tout le temps.
15:39Au bout d'un moment, j'ai mal au ventre et j'ai éprouvé le besoin de nourrir ces interrogations
15:44avec des écrivains plutôt qu'avec des slogans.
15:46Et les émissions de mon père participent de ça.
15:48Il y a 102 heures d'un type qui fait un boulot d'historien.
15:52Tout est daté, tout est chiffré.
15:54Ça peut être un peu pesant à écouter par moment, mais dans des longs trajets, ça peut se justifier.
15:58Ça s'écoute très bien en voiture.
16:01Costa-Gavras, vous avez participé à tant de combats pour la démocratie, pour la justice.
16:06Quand vous voyez revenir ça aujourd'hui dans la France des années 2020, vous dites quoi ?
16:11C'est quand même surprenant.
16:13Surtout que ma génération a commencé à avoir l'espoir que les choses allaient changer.
16:18Allait devenir différentes.
16:19Grâce à l'Europe, grâce à cette espèce d'unité au monde qui commençait à apparaître.
16:24Et bien là, on voit que tout est balancé en l'air, tout est fini.
16:27C'est vraiment dommage.
16:28Je pense qu'il y aura des résistances très fortes pour en revenir à ses débuts.
16:32Parce que ce n'était pas une chose qui avait fini, mais c'était un début quand même.
16:36Et bien, il faut reprendre ça parce que sinon, on ne sait pas où on va dans le monde.
16:39Et reprendre par le dialogue auquel vous appelez, Johannes Saar.
16:42Et en même temps, il faut se regarder les uns les autres.
16:44On est tout plein de contradictions.
16:45Vous n'êtes pas les derniers sur les réseaux sociaux à les clasher, Johannes Saar.
16:49Alors, oui, mais comment on fait, comment on tient ces deux bouts de la chaîne ?
16:52C'est surprenant parce que dans la vraie vie, les gens sont absolument adorables.
16:56Et il y a une psychopathologie des réseaux sociaux qui les rend agressifs de manière vraiment très bizarre.
17:01Et je me suis demandé, je me suis dit mais c'est quoi mon combat ?
17:03Moi, mon combat, ce n'est pas vraiment le Proche-Orient.
17:05Mon combat, c'est qu'une présence et une voix juive subsiste en Europe.
17:08Parce qu'elle y est depuis des millénaires.
17:10Parce que la voix juive fait partie de la polyphonie européenne.
17:13Et il me semble que ça entretient quelque chose qui est nécessaire à tout le monde.
17:17Et ça, c'est un petit combat que je suis prêt à mener, quitte à me faire engueuler.
17:21Quitte à me faire engueuler aussi, mais vous ne vous laissez pas.
17:24Non, mais la plupart des gens sont chouettes.
17:26Ce n'est pas vous qui commencez, non plus.
17:27La plupart des gens sont chouettes.
17:28Après, oui, je peux avoir des conflits ouverts avec certaines personnalités.
17:31Mais ce n'est pas le but.
17:32Mon but, c'est de...
17:35Jean-Paul II, le rabbin Archmane d'Obraslav et Christian Estrosi ont mis la même phrase.
17:39Ils ont dit n'ayez pas peur.
17:40Quand Jean-Paul II dit n'ayez pas peur.
17:42Parce qu'on peut tout vous faire, mais on ne peut pas vous forcer à avoir peur.
17:45Et moi, je ne suis pas très fort en peur.
17:48Christian Estrosi, c'est hommage à votre père qui était adjoint au maire de Nice à un moment.
17:51C'est pour ça.
17:53C'est bien la moto. Vous aimez la moto aussi.
17:57Votre livre, votre film ne sont pas des oeuvres d'actualité directe.
18:02Mais évidemment, Costa Gavras, l'euthanasie, le suicide assisté, il en est de très peu question dans votre film.
18:08Ce n'est pas un plaidoyer pour ou contre l'aide à mourir.
18:11Non, parce qu'il faut que ce soit les hommes politiques qui trouvent la solution.
18:18Ce n'est pas un cinéaste.
18:19Un cinéaste peut présenter la situation et leur dire voilà, vous êtes là, vous êtes choisi.
18:24Il faut trouver des bonnes solutions.
18:25Parce qu'il y a plusieurs solutions, naturellement.
18:27Pour le moment, laissez-moi dire que ça ne prend pas le chemin.
18:32En tout cas, c'est ce qu'on discute.
18:33C'est-à-dire ?
18:34Écoutez, moi, je pense qu'il y a plusieurs façons d'affronter ce problème-là.
18:38Il y a une chose à laquelle on ne pense jamais.
18:42C'est quelqu'un qui veut mourir, qu'il arrive à un âge comme mon collègue Godard.
18:49Jean-Luc Godard, qui a...
18:50Ou alors d'autres qui vont en Suisse ou en Belgique ou je ne sais pas où ailleurs, en Espagne.
18:55Pour aller lieu, il y a des instituts où on peut mourir.
18:57En France, on n'a pas ça. On ne parle pas du tout de cela.
19:00Je pense qu'il faudrait commencer à parler sérieusement de ça parce qu'il y a un grand nombre
19:04de personnes, mais je n'en parle pas dans les films parce que ce n'est pas le rôle du film.
19:07Mais au terme de cette confrontation, vous avez eu de cette meilleure connaissance
19:12des unités de soins palliatifs que vous connaissez forcément beaucoup mieux
19:15aujourd'hui qu'il y a quelques mois.
19:17Est-ce que votre réflexion sur cet enjeu-là a évolué ou pas ?
19:21Oui, les soins palliatifs, c'est un endroit formidable parce que tout se passe
19:25d'une manière humaine et de la façon la meilleure.
19:29Mais il n'y en a pas beaucoup.
19:31Il n'y en a peine pour 2-3 000 lits.
19:34Il en faudrait avoir pour 200 000.
19:36Donc là aussi, il y a une pénurie extraordinaire.
19:38Donc, il faut essayer de parler de cela aussi et de pallier à cela.
19:44Dans le débat sur la fin de vie qui a été interrompue par la dissolution
19:48de l'Assemblée nationale l'année dernière et qui revient avec un Premier ministre
19:51aujourd'hui, François Abayrou, qui voudrait scinder la loi en deux,
19:55soins palliatifs et fin de vie, le docteur Grange, qui a donc inspiré
19:58ce film, lui, n'est pas très favorable à l'idée d'euthanasie, pour faire simple.
20:03Je sais, mais euthanasie, ça veut dire quoi, euthanasie ?
20:06Il faut choisir ça.
20:08Je sais qu'il y a beaucoup de docteurs, mais il y a une vérité aussi.
20:11Il y a beaucoup de gens qui, à un certain moment,
20:13veulent en finir avec la vie pour des raisons qui les concernent complètement.
20:16Il y a des exemples formidables.
20:18Eh bien, ils n'ont pas les moyens en France.
20:20Il faut aller en Suisse.
20:22Il y a un très beau livre
20:25qui a été écrit par Emmanuel Bernem.
20:28L'histoire de son père, qui voulait absolument finir.
20:31Il a été en Suisse,
20:34dans des conditions recambolaises, en plus, parce que ceux qui l'accompagnaient,
20:38à un moment donné, ils ont su où il allait et la religion ne leur permettrait pas de faire ça.
20:41Donc, ils ont arrêté.
20:42Vous voyez, il y a des situations avec lesquelles il faut finir quand même.
20:46Pareil, Johannes Farr, ce n'est pas un livre d'actualité directement,
20:49mais néanmoins, tous les jours, l'actualité alimente vos réflexions.
20:52Ça se passe aux Etats-Unis, entre Kanye West et ses délires,
20:55je ne sais pas s'il faut appeler ce mot-là, antisémites.
20:58Donald Trump, qui rejoint l'extrême droite israélienne,
21:01il faut que les Palestiniens de Gaza, il faut les mettre ailleurs.
21:04Tout simplement, déplacement forcé de population.
21:07Vous dites quoi de ça ?
21:09On est bien inutiles en Europe, avec nos habitudes de tempérance, de débat.
21:14Mais il faut tout de même continuer.
21:15Et on manque du vocabulaire pour faire face
21:18à la déshumanisation et la sauvagerie qui nous tombent dessus tous azimuts.
21:22Pour qu'on en arrive à objectiver les Palestiniens,
21:25comme le fait Donald Trump.
21:27Pour qu'on en arrive à objectiver les Israéliens.
21:29Quand les gens disent de la rivière à la mer, ils veulent de la même façon.
21:33Quand il y a une guerre, souvent, les gens veulent se débarrasser du camp d'en face.
21:36Bon, le rôle de l'écrivain, c'est de proposer des alternatives.
21:41Je crois que l'Europe a son mot à dire.
21:43Elle ne parvient plus à être entendue.
21:46Un détail, mais qui me paraît important.
21:47Pendant trois mois après le 7 octobre,
21:49il n'y a pas eu de fiction à la télévision israélienne.
21:51Il y avait des news 24 heures sur 24.
21:54Depuis plus d'un an, les programmes de fiction israélienne ne se vendent plus
21:59dans le monde entier parce qu'il paraît qu'ils seraient clivants.
22:01Je précise que ça implique aussi les programmes palestiniens,
22:03puisque les artistes palestiniens ont en général des papiers israéliens.
22:06Donc, on a, comme disent les jeunes, on a silencié les créateurs audiovisuels.
22:11Mais si on ne s'en sort pas avec les romanciers et avec les cinéastes,
22:14je ne sais pas avec qui on va s'en sortir.
22:16Donc, cette manière de penser qu'en faisant l'économie des artistes,
22:20on va s'en sortir, je crois que ça va dans le mur.
22:22Ce message est absolument essentiel.
22:25Je voudrais qu'on termine parce que j'ai envie d'avoir votre regard tous les deux
22:28sur, je ne sais pas s'il faut l'appeler, une question que met François Bayrou
22:32sur la table, un débat.
22:33C'est quoi être français aujourd'hui ?
22:35Votre parcours, votre histoire personnelle,
22:39c'est quoi être français aujourd'hui ?
22:41Moi, je suis devenu français.
22:43J'étais grec, je suis devenu français et je suis très heureux de l'être
22:46parce que la France m'a accueilli d'une manière formidable.
22:48J'ai fait toute ma vie depuis maintenant, combien ?
22:5275 ans en France.
22:55Et c'est un pays qui m'a accueilli formidablement bien.
22:57Mais je pense aussi qu'en ce moment, il y a des mouvements
23:01extrémistes, comme il a dû y avoir toujours, qui sont très dangereux.
23:05Et c'est là, il faut beaucoup s'en méfier.
23:07Et la France, les Français peuvent le faire, je crois.
23:09C'est quoi, Johannes Farr, être français ?
23:11Moi, je crois que c'est un maillage culturel qui est profond, qui nous en sert.
23:16En tout cas, vu de l'extérieur, tous nos voisins voient très bien
23:18ce que c'est qu'un Français, quelles que soient ses origines.
23:20Il a une attitude, et je précise que les mouvements d'extrême droite,
23:24qui sont soi-disant les plus patriotes, ont été les premiers à s'allier avec
23:28Poutine quand il fallait, à brader tout ce qui fait notre richesse,
23:32en particulier littéraire.
23:33Donc, être français, c'est considérer la richesse qu'on a sur notre territoire.
23:37Et souvent, elle est littéraire.
23:38Ça vaut de poser cette question ou ça ouvre ?
23:42Moi, s'il n'y a pas d'arrière-pensée dégueulasse derrière.
23:45Evidemment que c'est bien d'être fier de l'endroit où on vit et d'en faire
23:48quelque chose d'intelligent, mais avec les gens qui vivent aujourd'hui,
23:50pas avec les gens qui y vivaient il y a 500 ans.
23:52On va garder tous les si et on va noter que tous les deux,
23:55vous êtes ouverts à tous les dialogues, mais ça ne nous surprend pas.
23:58Johannes Farr, que faire des Juifs aux éditions des Arènes ?
24:01Costa-Gavras, votre dernier film,
24:03le dernier souffle, ce qui sort aujourd'hui sur les écrans.
24:06Merci beaucoup à tous les deux.
24:08Et cette émission tout public, c'est à réécouter, bien sûr,
24:12et à regarder en vidéo sur franceinfo.fr
24:15et en téléchargement avec l'application Radio France.
24:18Merci Frédéric Carbone.

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