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Vendredi 10 janvier 2025, SMART IMPACT reçoit Thierry Blandinières (PDG, InVivo)

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00:00Prêt pour l'impact ? C'est la question que je pose chaque semaine à un ou une chef d'entreprise, une personnalité qui compte dans l'économie française.
00:12Et pour cette interview de 30 minutes, j'accueille aujourd'hui Thierry Blandinière. Bonjour. Bonjour. Bienvenue. Merci de l'invitation.
00:19Le président d'Invivo. Avant de présenter le groupe, peut-être une question très générale sur le sens de ce mot « impact » parce qu'il y a plein de façons
00:26de l'intégrer et finalement d'en faire un objectif ? Absolument. Pour nous, l'impact, c'est un plan de transformation des métiers, de l'agriculture et des filières.
00:36Et c'est une dynamique positive en montrant que dans les transitions, on peut avancer sur la productivité et répondre aux grands enjeux sociétaux,
00:45environnementaux et délivrer des résultats financiers en conformité avec ce que veulent nos actionnaires.
00:52Invivo, c'est les chiffres de la fin du mois de juin dernier. Près de 15 000 collaborateurs, un chiffre d'affaires de 11,7 milliards d'euros,
00:59plus de la moitié de ce chiffre d'affaires en France. D'ailleurs, ça se retrouve dans les sites industriels. 92 sites industriels, dont 65 % en France.
01:06Il y a plusieurs piliers. Et si on fait une présentation générale, c'est quoi les grandes activités, les grands secteurs d'activité d'Invivo ?
01:12On peut considérer qu'on a 4 verticales. La première verticale, c'est qu'on est des traders, des négociants internationaux de céréales.
01:18On est le premier négociateur de grains européens. On exporte dans le monde entier les grains européens et principalement les grains français.
01:25À destination, pays d'Afrique, puis aussi Moyen-Orient et Chine. Je rappelle qu'une tonne sur deux de blé produit en France est exportée.
01:35Donc on exporte la moitié paystière. Et c'est Invivo qui vend pratiquement 100 % de cette exportation du blé français.
01:41Donc on a une vraie mission aussi vis-à-vis des agriculteurs. C'est de pouvoir trouver des solutions de commercialisation de la production de la ferme en France.
01:50Donc ça, c'est un engagement très fort. C'est notre mission. Au-delà des résultats économiques, on a une vraie mission. Et c'est une question de souveraineté.
01:58S'il n'y en était pas là, ce serait des groupes internationaux qui feraient du trading de céréales en France. Ce ne serait pas la même condition pour les agriculteurs français.
02:05— Donc ça, c'est le premier pilier. — Le deuxième pilier, c'est l'agriculture. Donc on est là pour apporter des solutions.
02:10On vend des intrants aux agriculteurs, des semences, des phytosanitaires aussi, et puis des engrais. Tout ça pour produire plus et mieux et durable.
02:19On y reviendra sur cette nouvelle agriculture notamment durable qu'on souhaite promouvoir. Et puis donc on collecte le grain.
02:25Et ensuite, on le commercialise soit via notre négoce internationale, soit dans les filières industrielles françaises et européennes
02:33avec des clients qui sont dans la première, deuxième, troisième transformation. Troisième pilier, l'agroalimentaire.
02:39Donc on est dans la première transformation. On est le premier malteur mondial. On a 40 sites dans le monde. Et donc nos principaux clients,
02:47ce sont les grands brasseurs que vous connaissez. — Donc quand on boit une bière, il y a souvent une vivot à l'origine, quoi.
02:53— Alors une bière sur trois dans le monde, c'est une vivot qui est derrière. — OK. — Et je vais même plus loin. Deux whisky sur trois en Écosse,
03:00c'est un savoir-faire de malteurs in vivo, notamment en Écosse. — Bon. À consommer avec modération, il faut...
03:05— Bien évidemment. Mais aujourd'hui, vous savez que la bière sans alcool est un marché qui se développe beaucoup. — C'est vrai.
03:09— Et c'est très bien pour le malte, parce que pour du goût, dans une bière sans alcool, il faut mettre de plus en plus de malte.
03:14Donc c'est très positif pour nous. C'est très positif pour la consommation. — Donc là, on a vu trois piliers.
03:18Nous en manquons qu'à quatrième. — Alors dans le troisième pilier, il y a toujours donc la transformation des céréales, donc du blé.
03:25Donc on est le premier meunier français. — OK. — Et aussi, on est le premier transformateur de boulangerie en boulangerie industrielle,
03:32donc des baguettes, plus les croissants, les pains au chocolat, exportés dans le monde entier. On est présents aussi dans le vin.
03:39Donc on a une filière Vity, avec une marque qui s'appelle Cordier, qui est à Bordeaux. Voilà. Et puis le quatrième pilier, c'est la distribution,
03:46où on est présents en distribution dans le jardinage, en fait, avec des enseignes comme Jardinan, Gambert, et puis des boulangeries aussi artisanales.
03:53Bon. Voilà. On a posé le décor en quelque sorte. — Il y a une dimension... C'est un groupe en partie coopératif. — Absolument.
04:01— Ça veut dire quoi ? — Alors à la base, c'est une union de coopératives. Donc les coopératives se sont réunies pour mieux acheter et mieux vendre ensemble.
04:08Donc nos actionnaires sont des coopératives françaises. C'est à peu près la moitié de la Ferme France. Le Conseil d'administration
04:13sont des présidents de coopératives, donc avec qui on travaille notamment sur des solutions. Et la mission d'Invivo, c'est d'apporter des solutions
04:20assez coopératives, adhérentes pour leurs agriculteurs dans les grandes transformations. Donc ça veut dire qu'au-delà de la taille qu'on a décrite,
04:27l'important, c'est les investissements que nous faisons dans le digital, dans la recherche, dans l'innovation pour faciliter
04:34cette grande transition agricole. — Et si je dis qu'il y a beaucoup d'agriculteurs français qui, par capilarité, sont vos actionnaires, c'est juste, quoi.
04:44— Oui. C'est 200 coopératives. Et derrière, c'est 350 000 agriculteurs. Donc c'est à peu près la moitié de la Ferme France. Et s'agissant des céréaliers, c'est 90%.
04:51— Oui, effectivement. Les céréales, donc. L'année 2024, ça a été une année dure. Est-ce que c'est l'une des plus difficiles que vous ayez...
04:58— Oui. C'est incroyable. C'est la plus dure. Il faut remonter, je crois, en 1983. Mais on n'était pas du tout sur les mêmes périmètres à l'époque.
05:05Donc c'est du jamais vu. — C'est quoi ? C'est la météo ? — La météo. Donc le printemps très pluvieux et l'été très pluvieux.
05:10Ça fait qu'il y a eu une baisse de rendement considérable, de qualité et de rendement de 30% à 35%, ce qui est énorme.
05:15Ce qui nous pénalise surtout à l'exportation, puisque l'exportation étant la variable d'ajustement, ça veut dire qu'on a moins à exporter de céréales.
05:20Ça veut dire qu'il faut qu'on trouve d'autres sourcings d'origination donc en Europe du Nord pour compléter et répondre aux attentes de nos clients à l'international.
05:27Mais du coup, c'est un impact considérable aussi sur le revenu des agriculteurs, ce qui implique aussi les tensions actuelles que vous vivez.
05:33— Et justement, je voulais vous interroger là-dessus. Il y a une double dimension de la question. D'abord, est-ce que les aides promis...
05:38Alors on sait bien qu'on est dans une grande période d'instabilité gouvernementale. Bref, heureusement que les entreprises fonctionnent pas de la même façon.
05:45Mais est-ce que les aides promises finissent par arriver ou commencent à arriver ?
05:50— Oui, apparemment. Alors j'ai pas tout le détail, parce qu'il y a plein d'aides. Il y avait une liste de, je crois, 80 points d'action.
05:58Je crois que la ministre d'Agriculture a communiqué sur le fait de 75%. On a apporté 75% des réponses déjà.
06:04Forcément, il y a toujours un peu d'inquiétude, parce que c'est pas encore complètement redescendu par le système administratif dans la ferme, quelque part.
06:12Mais tout ça, ça va dans la bonne direction. Et la bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui, malgré les changements de gouvernement,
06:18on est toujours dans la même logique de vouloir appliquer ce qui avait été dit, notamment il y a 6 mois, avec la loi agricole,
06:26notamment, qui n'a pas été votée l'été dernier et qui devrait être votée assez rapidement.
06:30— Mais les agriculteurs, ils continuent. Enfin voilà, il y a quasiment tous les matins... Enfin en ce moment, je viens ici, j'écoute la radio.
06:37Bon, il y a encore une action dans le sud, une centrale d'achat qui est bloquée. Bon, j'imagine que vous êtes solidaire de...
06:44Mais est-ce que c'est le seul moyen ? Moi, je me pose toujours cette question en France, où on est parfois aussi un peu les rois de la manif et du blocage.
06:53— Ouais. Alors sur le sujet, c'était l'Europe. Parce que rappelez-vous, en Allemagne aussi, ils ont manifesté.
06:59Aux Pays-Bas, ils ont manifesté. Donc il y a un énorme enjeu de surtransposition des normes par rapport au marché mondial.
07:05Et donc ça crée un écart de compétitivité aujourd'hui qu'on ne peut plus absorber, puisque le consommateur ne veut plus payer la différence de prix.
07:11Donc il y a vraiment un rééquilibrage économique à faire, notamment sur les coûts de production. Et c'est un sujet européen.
07:18Alors forcément, la France est toujours plus sensible aux manifestations que l'Allemagne. Mais l'Allemagne a manifesté.
07:22— C'est vrai. C'est vrai. Vous avez raison. Oui. Mais bon, ça ne répond pas tout à fait à la question de... Voilà, le levier de la manif, du blocage...
07:30— Alors après, vous avez plusieurs... — C'est ça, le français. Oui, c'est ça, le français.
07:33— Oui, oui. Mais après, vous avez aussi des élections aujourd'hui à la Chambre d'agriculture. Donc vous avez fait une compétition entre différents syndicats.
07:38Donc forcément, il y a des postures en période de campagne électorale. Mais pour autant, il y a une réalité qu'il faut traiter rapidement au niveau des agriculteurs.
07:47Et notamment une réalité de rémunération des agriculteurs. On prendra le temps d'en parler. Sur ce pôle agriculture, vous avez mis en place...
07:54Ça s'appelle BioLine by InVivo. Alors là, on rentre dans notre question prêt pour l'impact. Qu'est-ce que ça veut dire ? Quel changement vous activez ?
08:02— Alors on essaye en tout cas de déployer, parce qu'on sait le faire déjà sur des fermes pilotes, à grande échelle, une agriculture de précision,
08:10c'est-à-dire utiliser moins d'intrants. Donc moins d'intrants, ça veut dire moins d'achats pour l'agriculteur, donc du revenu, tout en garantissant le rendement optimum.
08:19Et pour ce faire, on travaille beaucoup sur les datas agricoles, sur les digitales notamment, donc avec des applications où maintenant,
08:27l'agriculteur peut piloter sa parcelle au mètre carré près pour doser au bon endroit la bonne dose d'eau ou d'intrants pour optimiser le rendement
08:35pratiquement au mètre carré. Alors partir de là, vous avez un impact qui baisse, c'est-à-dire quelque part, vous baissez 30% l'utilisation des intrants et vous augmentez
08:43de 10% le rendement. Donc vous avez un effet ciseau positif. Donc c'est un schéma vertueux où, en baissant les intrants, vous êtes plus dans la modération.
08:53Et la modération, ça veut dire l'impact sur le climat est moins fort. Et en même temps, vous sécurisez le revenu de l'agriculteur.
08:59Ça, il faut le faire à grande échelle. Et c'est le projet aujourd'hui de Bioligne.
09:02– Et vous le disiez tout à l'heure, vous fournissez des intrants, des produits sanitaires et vous avez monté un partenariat sur des engrais bas carbone.
09:14Je crois que le consortium s'appelle Fertigai. Alors de quoi on parle ?
09:18– Fertigi, oui, Fertigi. – Fertigi, voilà, j'allais le poser.
09:21– Mais ça, c'est un très bon exemple parce que quand on parle de changement à l'échelle, là, on est dans le cœur du sujet.
09:26C'est que, quand on parle déjà de souveraineté alimentaire, il faut rappeler qu'on importe 100% de nos engrais.
09:31Sans engrais, vous n'avez pas de ferme France. Donc il y a un sujet de souveraineté.
09:34Donc ça veut dire qu'il faut relocaliser la production d'engrais en France. Donc ça, c'est notre moteur aujourd'hui.
09:40– Donc ça, c'est en cours. Ça a été activé avec la crise ukrainienne. Enfin, avec la guerre en Ukraine, ça a été déclenché.
09:46– Oui, ça a été déclenché. Mais bon, tout ça, c'est compliqué parce que c'est réinvestir sur des usines avec des CAPEX considérables.
09:55Une usine comme Fertigy, c'est 1,3 milliard d'investissements pour 500 000 tonnes d'engrais.
09:59Je rappelle que le marché français, c'est 6 millions de tonnes. Donc ça répond qu'à une partie.
10:04Mais on veut faire la démonstration sur le bassin nord avec cette usine que c'est possible de changer à l'échelle.
10:08Et donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va reproduire de l'engrais en France, mais vert.
10:12À base d'électricité et plus à base de gaz. Donc dans le cadre du plan hydrogène France que vous connaissez.
10:17Donc on va s'inscrire complètement dans ce schéma-là. Et donc on a poussé nous, puisqu'on est off-taker, comme on dit,
10:22c'est-à-dire qu'on est capable de mettre 500 000 tonnes d'engrais dans cette usine.
10:26Donc on peut garantir sur le long terme le fait de faire tourner cette usine.
10:30Pour autant, il faut mobiliser les financements pour cette usine. C'est ce que nous avons fait aujourd'hui.
10:35– Ils viennent d'où, les financements ?
10:35– Alors cette usine, elle devait s'installer d'abord en Espagne, Fertigy.
10:41Donc en fait, c'est les financements espagnols, quelque part, et européens.
10:44Donc des investisseurs qui se sont mis autour de table.
10:46Puisque une Vivo, on est en partie prenante, et d'autres industriels, l'agroalimentaire.
10:51Et on a considéré qu'il fallait la relocaliser en France, dans le cadre du programme Choose France.
10:56Donc elle est revenue en France. Pourquoi ?
10:58Parce qu'on s'est dit, comme c'est un pont d'Ereux, l'engrais,
11:01il faut que ça soit produit sur le territoire, en proximité des utilisateurs.
11:05Donc le bon endroit, si vous voulez adresser le marché du nord de la France,
11:09c'est d'avoir une usine dans le nord de la France.
11:11Donc du coup, on a expliqué qu'il fallait effectivement venir en France,
11:14parce qu'on était les principaux clients.
11:15– C'est la couronne pour les Espagnols, j'imagine.
11:16– Mais non, parce que les clients, c'était le marché français.
11:19Parce que c'était les céréales, donc on s'est rapprochés.
11:21– Donc c'était cohérent.
11:22– Donc c'était cohérent. Donc ils ont accepté.
11:24Donc du coup, on est en train de faire un tour de table.
11:25Et donc là, bon, c'est un enjeu de 1,3 milliard.
11:29Aujourd'hui, on a les autorisations.
11:31Elle devrait sortir de terre en 2032.
11:33Donc c'est quand même assez rapide, quand on considère un site Cébeso aussi.
11:37Donc sur 5 ans.
11:39Et donc avec cette usine, on a un impact considérable.
11:41C'est-à-dire qu'on pourra basculer, on verra après les prix,
11:44on va en parler, les écarts de prix entre l'engrais vert et l'encrais d'importation
11:48à base de gaz, il y a un écart important qu'il va falloir réguler.
11:52Mais on va pouvoir basculer à peu près 500 000 tonnes d'engrais sur un territoire.
11:55Ça veut dire, derrière, rapidement produire 3 à 4 millions de tonnes de céréales.
11:59Et avec 3 à 4 millions de tonnes de céréales,
12:01ce qu'on souhaiterait, c'est faire coter sur Euronext un blé vert premium
12:05avec un premium sur un prix, pour en faire une commoditise verte.
12:08Et donc du coup, on enverrait un signal très fort au marché français et international.
12:13– Mais alors justement, la question du prix, en faisant tout de suite,
12:16c'est vrai pour ce thème-là, mais c'est vrai aussi pour les produits bio en général.
12:22C'est-à-dire que s'ils ne sont pas soutenus,
12:25on a bien vu le retournement des consommateurs depuis 2 ans,
12:30finalement, on n'avance plus, voire on recule.
12:33– Oui, vous avez raison.
12:33– Donc c'est quoi ? C'est une action politique ? Le levier, il est où, d'après vous ?
12:39– Nous, on a des chiffres assez concrets, si vous voulez, je peux vous les donner.
12:41Il y a un écart de 200 euros la tonne, aujourd'hui, qu'il faut financer.
12:45Ce n'est pas l'agriculteur qui va payer, parce que si on veut changer à l'échelle,
12:48il faut basculer d'un coup, et donc que ce soit au même prix.
12:51On va tout faire pour que ce soit au même prix, 500 000 tonnes, sur cet exemple concret.
12:56Et ensuite, il faut trouver des compensations sur 200 euros la tonne.
12:58Alors, certains clients sont d'accord pour accepter une partie de tarif, donc à peu près 30 %,
13:06et c'est ce qu'on veut faire aussi sur la cotation sur Renex,
13:09donc 30 % par rapport aux produits standards, donc une grosse de tarif, ça c'est acceptable.
13:14On n'est pas sur des commodities, donc une fois que vous transformez du blé dans la baguette,
13:20ça va correspondre à un centime, ce que je vous parle, pour bien comprendre.
13:24Donc ce n'est pas un enjeu considérable, mais en même temps, c'est important pour financer l'opération.
13:28Ensuite, il y a les aides publiques de la PAC, notamment, qui doivent être fléchées vers le blé vert,
13:35quelque part, qui doivent nous aider à financer ce type d'opération.
13:38Et puis ensuite, il y a les fameux crédits carbone, c'est-à-dire qu'il va falloir qu'on arrive
13:43à bien valoriser les sols et de démontrer que, sur les céréales, c'est un prix de carbone potentiel.
13:51Et donc, à partir de là, ça génère des crédits carbone et la valorisation des crédits carbone,
13:55sous réserve que les prix soient revalorisés, font partie de la solution.
13:59– Alors, dans cette rubrique Prêt pour l'impact, il y a un principe,
14:03c'est que chaque semaine, l'invité pose une question à celui de la semaine d'après.
14:08Donc, on avait Guillaume Pépinan, c'est un patron de la SNCF, qui était notre invité.
14:11Il est aujourd'hui président exécutif, d'ailleurs, d'Emeis, l'ancien ORPEA.
14:15Et il a donc, Guillaume Pépinan, une question pour vous, la voilà.
14:20– Bonjour Thierry Blandiner, je sais que vous dirigez un groupe In Vivo,
14:24qui est un géant européen de l'agro-industrie.
14:27J'ai envie de vous poser la question.
14:29On sait que, d'ici 10 ans, un agriculteur sur deux va partir en retraite.
14:34Alors, comment on peut donner envie à des personnes de s'installer comme agriculteurs,
14:41d'entrer dans ce secteur-là, pour à la fois faire une agriculture nouvelle,
14:47probablement une agriculture plus saine, plus locale,
14:50et en même temps, nous permettre à tous de manger mieux ? Merci.
14:54– Et merci à Guillaume Pépinan pour cette question.
14:56La question du renouvellement des générations chez les agriculteurs.
14:59– C'est un enjeu très important.
15:02Pour autant, quand on regarde l'histoire,
15:04il y avait beaucoup plus d'agriculteurs il y a 30 ans qu'aujourd'hui,
15:07et la production a quand même augmenté.
15:09Donc la production n'est pas liée au nombre d'agriculteurs,
15:11elle est liée à la taille des exploitations.
15:14Et donc, si demain on veut avoir des agriculteurs qui gagnent bien leur vie,
15:17il faut prendre en compte cette notion de taille d'exploitation,
15:19en fonction des filières et des productions.
15:21– La France, on est plutôt un pays de petites ou moyennes exploitations, c'est ça ?
15:25– Sauf dans les céréales, où on commence à avoir des exploitations,
15:28700 hectares, 1000 hectares, etc., qui sont à l'échelle intéressante.
15:32Et donc ça veut dire que, progressivement,
15:34on va avoir en regroupement encore des exploitations qui seront plus grandes,
15:39et donc à partir de là, plus compétitives.
15:41Et donc du coup, pour des agri-managers, demain, qui sont des agriculteurs,
15:45ça sera des chefs d'entreprise.
15:46C'est déjà des chefs d'entreprise, mais encore plus des chefs d'entreprise,
15:49qui géreront des comptes d'exploitation,
15:51et donc qui pourront répondre aux attentes des consommateurs
15:54avec des filières structurées.
15:57– Mais à côté de ça, on a des agriculteurs,
16:01et d'ailleurs ça fait partie des thèmes de mobilisation depuis un an,
16:06qui n'arrivent pas à vivre, tout simplement, leur métier.
16:09– Voilà, parce qu'en fait, on n'a pas une agriculture,
16:12on a des agriculteurs et des agriculteurs, et ça dépend des filières.
16:15Donc s'agissant des céréaliers, si je parle des céréaliers,
16:17on a déjà des tailles assez intéressantes d'exploitation
16:21qui vont être consolidées.
16:23Après, vous avez l'agriculture polyvalente, vous avez l'élevage,
16:26donc voilà, il y a plusieurs composantes.
16:28C'est des sujets, donc ça, effectivement,
16:29chaque filière doit traiter son sujet, filière par filière.
16:32Je vous parle des céréales, les céréales, on les a déjà organisées,
16:35donc avec des agriculteurs qui ont des grandes exploitations,
16:37mais qui doivent être consolidées, et pour des jeunes,
16:39ça va être très intéressant de reprendre ce type d'exploitation,
16:42parce qu'ils vont devenir des vrais chefs d'entreprise à l'échelle française,
16:46et même internationale.
16:47– Ça ne vous concerne pas directement,
16:49mais quand on parle des produits, par exemple, de la marque,
16:52c'est qui le patron ?
16:53On est au cœur de cette question de rémunération des agriculteurs.
16:56– Oui, mais ça, c'est le lait, le lait, effectivement,
16:57avec une problématique qui a été réglée, quelque part,
16:59je voudrais peut-être féliciter aussi le fondateur de ce qui est le patron,
17:03qui a été un peu l'aiguillon, qui a fait que finalement la filière a bougé,
17:06et aujourd'hui, je n'ai pas les chiffres en tête, les derniers chiffres du lait,
17:09mais apparemment, déjà, le revenu des producteurs laitiers s'est amélioré,
17:13donc ça va dans le bon sens, on peut trouver des solutions.
17:16– Cette interrogation sur l'avenir,
17:17vous l'avez évidemment pour toutes vos activités,
17:19mais notamment sur le pôle 20, vous parliez de Cordier,
17:23je crois que vous l'avez réorganisé, vous cherchez à le céder,
17:27je n'ai pas bien compris, vous en êtes où de ça ?
17:29Vous voulez vendre le pôle 20 ?
17:30– Non, on est en train de discuter avec la filière,
17:33de voir comment on peut structurer cette filière,
17:35on veut participer à la structuration de la filière, pourquoi ?
17:37– Elle est en danger, cette filière ?
17:38– Elle est en danger, puisque vous avez la consommation de vin rouge qui baisse,
17:42et ça, c'est vraiment structurel,
17:43et donc, il faut ajuster l'offre et la demande,
17:46et donc, du coup, vous avez beaucoup d'outils industriels installés,
17:49vous avez par exemple, aujourd'hui, encore 600 caves coopératives en France,
17:53si vous prenez le sud-est, la région méditerranée,
17:57vous avez 300, des petites caves coopératives, deux par village,
18:00donc tout ça, aujourd'hui, c'est plus compétitif,
18:02donc nous, ce que l'on souhaite, en tant qu'Union Nationale et coopérative aussi,
18:05c'est de mettre les gens autour de la table,
18:06pour dire comment on s'organise pour structurer ces outils industriels,
18:09parce que les charges sont trop importantes.
18:11Donc, nous, avec Cordier, notre mission, c'est ça,
18:13c'est aussi de participer, à dire,
18:15mais nous, on est prêt à s'associer avec d'autres,
18:17en majoritaire ou en minoritaire,
18:19mais on restera toujours présent, toujours un acteur,
18:22pour aider à la structuration.
18:24– En fait, vous dites « Big is beautiful » ?
18:26– On est obligé de dire « Big is beautiful » parce que c'est comme ça,
18:31il faut qu'on soit compétitif.
18:32Pour être compétitif, il faut qu'on fasse du volume et du prix,
18:35parce que le consommateur ne va pas payer 50-100% plus cher.
18:39Après, vous avez aussi les niches rentables,
18:41qui nous permettent de différencier, donc c'est assez simple la stratégie,
18:44c'est soit vous êtes dans la différenciation avec des niches rentables,
18:47soit dans le volume-prix, mais au milieu, vous êtes mort.
18:50– Oui, donc il faut grandir, on est un peu condamné à grandir,
18:53mais est-ce qu'on peut améliorer son impact,
18:57tout en étant de plus en plus grand ?
18:59On peut dire, oui, je vais avoir un levier plus important.
19:01– C'est exactement ça, c'est exactement ça.
19:04Je vais prendre l'exemple des Allemands, par exemple,
19:06sur l'intégration, vous l'avez de l'ex-Allemagne de l'Est,
19:08sur les « Cobb-Causes » de la grande ferme,
19:12ils ont complètement révolutionné, ils ont fait une économie circulaire,
19:16notamment avec de la biomasse, ils ont organisé tout ça,
19:19ils ont vraiment un impact considérable.
19:22Et la ferme allemande a gagné en impact positif,
19:25et Dieu sait si l'écologie est au centre du jeu en Allemagne,
19:29et donc ils ont réussi à produire plus et mieux et durable,
19:32à l'échelle, avec un prix compétitif.
19:34Donc voilà, il faut s'inspirer de ce type d'exemple en France.
19:37– On s'appuie dans cette rubrique régulièrement sur une citation de notre invité,
19:40alors là j'ai retrouvé dans une émission que vous aviez de Figaro TV en décembre dernier,
19:44sur le Mercosur, et on va ouvrir ce débat.
19:47« Il faut raison garder, le traité du Mercosur est un totem politique
19:50qui a été saisi pour que les réformes agricoles passent plus vite.
19:53Quand on aura discuté filière pas filière,
19:55on aurait trouvé des aménagements suffisants pour que chacun puisse s'y retrouver.
19:58Cela pourra passer par des compensations pour la filière Bovine par exemple,
20:01ou par les clauses miroirs qui sont sur le long terme la solution.
20:05Si je vous lis bien, vous dites le Mercosur, il faut le signer.
20:08Il faut le signer avec des conditions de compensation pour certaines filières.
20:14Mais pour l'agriculture c'est positif aussi,
20:16parce que par exemple sur la filière viticole, ça nous ouvre des marchés Amérique du Sud.
20:21Par exemple le malte aujourd'hui que nous exportons est taxé à 9% au Brésil.
20:26Donc demain si on ouvre le jeu du Mercosur, on n'aura plus cette taxe de 9%.
20:30Donc il faut regarder filière par filière l'impact,
20:33et effectivement il peut y avoir des filières qui pourraient être un peu pénalisées.
20:37Discutons des compensations possibles.
20:42– Mais pour l'instant c'est devenu un totem politique, mais aussi syndical.
20:47– C'est un totem politique, syndical,
20:50aussi bien sûr un combat au niveau de l'Europe politique,
20:53entre la gouvernance européenne, c'est un sujet de gouvernance européenne aujourd'hui,
20:57donc on ne sait plus large que les dossiers techniques.
21:00Donc voilà, mais je pense qu'il faut raison garder,
21:03comme je dis, je pense qu'avec le temps tout ça, ça va se décompter,
21:05on va trouver l'accord qui va convenir à tout le monde.
21:08– Est-ce qu'on peut à la fois être pour le libre-échange et pour les circuits courts ?
21:11– Bien sûr, pour marcher sur les deux pieds, local, global en fait.
21:16Le local, ça permet d'adresser la consommation courante,
21:19les fermes, les circuits courts, les marchés, tout ça, ça fonctionne bien,
21:23ça dépend des régions, les régions très traditionnelles,
21:26avec une culture très traditionnelle, les filières traditionnelles, ça marche très bien.
21:30Et puis le global, c'est important puisque notre force, en tout cas la France,
21:34c'est d'être un pays agricole reconnu mondialement,
21:37et donc ça nous permet aussi de déployer la Ferme France,
21:40notamment à l'international, et d'exister en fait dans le monde.
21:44– In Vivo, il nous reste 4 minutes, ça passe trop vite,
21:46est devenue une société à mission depuis octobre 2020.
21:51La raison d'être, favoriser la transition agricole et alimentaire
21:54vers un agro-système résilient en déployant des solutions
21:56et des produits innovants, responsables en ligne avec les principes
22:00de l'agriculture régénératrice, au bénéfice des agriculteurs
22:04et des consommateurs.
22:06Qu'est-ce que ça change de définir sa raison d'être ?
22:08C'est intéressant parce que cette émission, elle existe depuis 4 saisons à peu près,
22:12il y a eu, je mets des guillemets, mais une mode de la raison d'être,
22:16j'entends beaucoup moins d'entreprises m'en parler ou s'en prévaloir aujourd'hui.
22:20Est-ce que c'était une mode ? Qu'est-ce que ça change ?
22:22– Alors pour nous, ce n'est pas une mode puisque dans le monde mutualiste,
22:26on est déjà des entreprises à mission, on est un attichement quelque part,
22:29des coopératives, on travaille pour le bien commun.
22:32Donc pour nous, cette admission, ce n'était pas une révolution,
22:35on y était déjà de fait.
22:37Donc on a utilisé ce moment d'entreprise à mission avec la loi Pacte,
22:40on a participé à la loi Pacte avec Bruno Le Maire, c'était en 2017,
22:43à l'écriture de textes pour justement voir comment des filiales de coopératives
22:48qui n'avaient pas un statut coopératif, pouvaient devenir des entreprises à mission,
22:53en lignée avec la maison mère, en l'occurrence Invivo,
22:55avec l'Union Nationale des Coopératives.
22:57Donc c'est pour ça que nos filiales se sont transformées en sociétés à mission
23:00pour s'aligner aussi avec notre ADN historique.
23:03Qu'est-ce que ça a changé ?
23:04Par exemple, souvent j'entends dire que l'un des leviers les plus efficaces,
23:08c'est la direction des achats dans une entreprise.
23:11Qu'est-ce que vous avez modifié avec la définition de la raison d'être ?
23:16Parce que la raison d'être, c'est bien, mais ce qui est intéressant,
23:18c'est de voir ensuite les actions concrètes et les engagements concrets.
23:21Alors nous, on a par exemple un financement de notre crédit syndiqué
23:24avec un bonus-malus sur nos frais financiers
23:27lié à des engagements sur des impacts positifs.
23:31Donc on a été les premiers à signer ce type de financement.
23:34Ça veut dire quoi ?
23:35Ça veut dire qu'on a une offre à impact positif qui a été définie
23:38et qui doit progresser dans notre chiffre d'affaires.
23:40Chaque année, nous travaillons avec du chiffre d'affaires de 11,5 milliards d'euros.
23:45Chaque année, une partie du chiffre d'affaires doit basculer
23:48sur des offres à impact positif dans l'innovation que l'on propose.
23:51Chaque année.
23:52Là, on est à 30% du chiffre d'affaires et chaque année, on est à l'objectif,
23:555% par an, 10% par an, ça dépend des filières,
23:58pour attendre d'ici 2040 à 100% du chiffre d'affaires sur les offres à impact positif.
24:03Et donc, ça rentre dans le sujet des transitions agricoles.
24:06Une agriculture régénératrice, ça veut dire quoi ?
24:09Ça veut dire qu'on prend en compte la qualité des sols.
24:12Trop longtemps, on est passé à côté.
24:14Là, on veut que les sols soient plus riches.
24:16Pour qu'ils soient plus riches, ça veut dire qu'il faut qu'on rentre dans un schéma de rotation de culture.
24:20Donc, ne pas faire simplement que du blé, c'est faire du blé,
24:23ensuite des légumineuses, travailler la qualité des sols,
24:26et puis que les sols soient enrichis naturellement.
24:29Et donc, à partir de là, on a aussi une qualité, une qualité d'environnement
24:33et aussi une qualité de production.
24:35Parce qu'avec des sols plus riches, vous mettez moins d'engrais.
24:38Donc, du coup, vous rentrez dans un cercle vertueux.
24:40Et ça, ça veut dire changer le mode de production historique.
24:42Oui, mais c'est moins ambitieux que le bio.
24:45Ah, c'est plus ambitieux parce qu'à l'échelle, c'est plus compliqué à faire.
24:50C'est-à-dire qu'il faut rapidement...
24:52Parce que l'enjeu, c'est aussi de rester compétitif.
24:54C'est-à-dire que tout ça, on essaie de le faire au même prix.
24:55Alors que le bio, ce n'est juste pas possible.
24:57Parce que le bio, vous baissez les rendements à chaque fois de 30 à 40 %.
25:00Mécaniquement, vous avez une hausse dans le prix.
25:03C'est-à-dire que nous, on essaie de maintenir les rendements pour maintenir le prix
25:05et régler l'équation développement durable et prix
25:08pour que le consommateur continue à acheter à un prix accessible.
25:12Donc, pour vous, la solution, elle est là.
25:14Elle est là.
25:15Le bio, ça a été un peu le phare qui a aveuglé tout le monde ?
25:18Le bio, ça fait partie de la solution.
25:20Je l'ai déjà dit, mais il n'est pas que la solution.
25:21Donc, c'est une partie de la solution.
25:23C'est 5 à 10 % de l'agriculture française.
25:24Ce ne sera jamais 25 % comme ça avait été mis dans le Green Deal
25:27et la fameuse loi Pacte sur le Green Deal.
25:31Et donc, du coup, ça, il faut le changer.
25:33C'est la crise du Covid, la crise ukrainienne,
25:36a bien montré que ce n'était pas un sujet...
25:40Ce n'était pas la réponse.
25:41Ça faisait partie de la réponse.
25:43Merci beaucoup Thierry Blondinière et à bientôt sur Be Smart For Change.
25:47On passe tout de suite à notre rubrique Start-up.

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