L'écrivain et critique littéraire Frédéric Beigbeder est l'invité de Léa Salamé ce mardi, pour son nouveau livre "Un homme seul" qui paraît mercredi aux éditions Grasset. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mardi-07-janvier-2025-7294975
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00:00France Inter, le 7-10.
00:07Et Léa, ce matin, vous recevez un écrivain.
00:09Bonjour Frédéric Beigbeder.
00:11Bonjour Léa Salamé.
00:12Merci d'être avec nous ce matin, avant de parler d'un homme seul, votre nouveau
00:16livre chez Grasset et avant mes questions rituelles, évidemment, je ne peux pas ne
00:20pas vous demander ce matin, en ce 7 janvier, dix ans après les attentats de Charlie Hebdo,
00:25quels pensées, quels sentiments vous traversent, vous habitent en venant ici à la radio ?
00:29Forcément, vous imaginiez bien que j'allais vous poser la question.
00:32Moi, je considère que la satire, ça peut aussi être littéraire.
00:38Il y a les caricatures, mais les caricatures, elles existent en littérature depuis toujours.
00:43C'est la fierté de notre pays.
00:45Donc, les écrivains sont concernés, évidemment, au premier chef par cette attaque.
00:51Et je pense évidemment à Boilem Sansal, qui est en prison.
00:55Et on fête aussi les dix ans d'un livre qui s'intitulait 2084, où Boilem avait
01:03imaginé un système totalitaire islamiste qui gouvernait une grande partie de la planète
01:08et qui était un livre, une dystopie, qui avait obtenu le grand prix de l'Académie
01:13française. Et c'était en 2015.
01:15Donc voilà, cet écrivain là, il est aujourd'hui en prison.
01:19Il a 75 ans et tous les gens libres sont très angoissés par ça.
01:27Oui, et vous vouliez en parler ce matin.
01:30Mais question rituelle à présent.
01:31Si vous étiez, Frédéric Beigbeder, une femme puissante, un poète et un pays, vous
01:36seriez qui ? Vous seriez quoi ?
01:38Une femme puissante, Coco, bien sûr, que je viens de croiser dans le couloir, que j'admire
01:45énormément. Et un jour, elle m'a caricaturé en train de sniffer de la cocaïne.
01:51C'est bizarre ça, c'est une caricature.
01:54Mais c'était comme si j'avais vraiment reçu le prix Nobel de littérature.
01:58C'était un très grand honneur pour moi.
02:00Coco, un poète ?
02:04J'admire Paul-Jean Toulay, qui est né à Pau, mort à Guétari et qui a écrit des
02:11poèmes légers et graves.
02:14Un pays ?
02:16Un pays, je devrais dire le Pays Basque, puisque j'habite là, mais j'aime beaucoup
02:23la Suisse. La Suisse, ma femme est suisse, mes enfants sont nés à Genève.
02:30Là-bas, le budget est équilibré et chaque fois qu'on veut changer une loi, on consulte
02:35le peuple, on fait un référendum.
02:37C'est pas mal comme système.
02:38Il n'y a pas de bon père, disait Sartre, c'est la règle.
02:41Qu'on n'en tienne pas rigueur aux hommes, mais au lien de paternité qui est pourri.
02:46Êtes-vous d'accord avec Sartre ?
02:48Je crois qu'il dit ça dans les mots et c'est un très beau livre.
02:53Mais oui, lui, il a perdu son père très jeune.
02:55Donc, il considérait que c'était formidable d'avoir été libre, de ne pas avoir ce
03:00poids du regard paternel dans un milieu bourgeois qui était le sien, qui est le mien
03:07aussi. Je ne crois pas que ce soit pourri.
03:10Je pense que ce que j'ai essayé de faire, ce n'est ni un règlement de compte, ni une
03:15hagiographie, mais quelque part entre les deux.
03:18La figure du père est au cœur de votre nouveau livre, Un homme seul.
03:22Un homme seul, c'est votre père, où vous racontez Jean-Michel Beigbeder, personnage
03:26complexe, insaisissable et tourmenté.
03:29Un livre que vous avez écrit après sa mort, il y a un an et demi.
03:33Vous avez remarqué que le père est au cœur de cette rentrée littéraire.
03:36Il y a le livre de Vanessa Springora, il y a le vôtre, il y a celui de Jacques Gamblin.
03:39Il y avait celui de Thibaud de Montaigu, il y a deux mois, cœur.
03:43Comment vous expliquez que la figure du père soit à ce point écrasante en ce moment ?
03:49Il y a le père Goriot, qui est un peu plus ancien.
03:51Il y a eu pas mal de livres.
03:52Il y a beaucoup d'autres, oui.
03:53Non, mais c'est vrai, c'est un sujet.
03:54Et là, il y a quelque chose, c'est le thème de cette rentrée.
03:57Ça me paraît logique, parce qu'on interroge le patriarcat.
04:02On interroge ce que c'est d'être un homme.
04:04Dans le débat qui précède, Sandrine Rousseau a dit
04:08« Il faut se poser la question, qu'est-ce qu'être un homme ? »
04:10Et je me pose la même question.
04:12C'est très surprenant qu'elle.
04:16Et sur cette question, qu'est-ce qu'être un homme ?
04:19Il faut remonter au père et à ses pères qui ont été,
04:22qui sont nés, en l'occurrence, avant les années 50,
04:25ou avant la guerre, dans le cas de votre père, et qui ont eu une enfance très dure
04:29et qui avaient une vision de la virilité, de la masculinité,
04:34qui étaient aux antipodes de l'homme déconstruit d'aujourd'hui.
04:37Il faut écrire beaucoup de livres et encore beaucoup d'autres sur les pères.
04:41Cette génération-là, qu'on appelle les boomers,
04:44ils ont connu la Deuxième Guerre mondiale.
04:46Ils ont eu froid, ils ont eu faim.
04:48Ils ont vu des choses ultra violentes.
04:51Ils ont ensuite pensé qu'à une chose, c'est le plaisir,
04:55la liberté, la consommation, l'argent et le sexe.
05:00Et surtout pas être père.
05:02Ils n'étaient pas très compétents pour être père parce qu'eux-mêmes n'avaient pas été
05:07non plus élevés beaucoup par leurs parents.
05:09En tout cas, le cas du mien, mon père, il a été en pensionnat à partir de l'âge de 8 ans.
05:13C'est ce que vous racontez, c'est les plus jolies pages du livre.
05:16C'est ce pensionnat terrible sur la montagne noire, à la fin de la rue perdue.
05:22Ce pensionnat où c'était les douches glacées le matin dehors,
05:26où c'était les prières, où il a été le bisou de tout le monde, on le frappait.
05:30Vous semblez évoquer même des abus sexuels.
05:34Ce n'est pas impossible.
05:36À 8 ans, ses parents le foutent là-bas et ne le verront plus que deux fois par an.
05:40Deux fois par an, oui.
05:41À Noël et pour les grandes vacances.
05:44C'était la norme dans son milieu social.
05:47On se débarrassait des enfants et on les faisait élever par des militaires et des curés.
05:54Il a beaucoup souffert, je crois, de cet emprisonnement dans deux pensionnats.
05:59Ensuite, le deuxième était à Fribourg.
06:02Et je crois que ça explique beaucoup de choses.
06:04Ça explique ensuite une frénésie de voyage, de consumérisme.
06:09Et de manger.
06:10Vous parlez de son obésité.
06:12Il pesait 150 kilos, votre père.
06:15Et pour vous, c'est le fait d'avoir eu faim et froid dans son enfance.
06:19Oui, il était très frileux aussi, toute sa vie.
06:21Mais souvent, vous voyez, les gens qui ont connu la guerre, ils ont froid.
06:25Ils se souviennent du froid.
06:26Et mon père avait toujours trois pulls.
06:29Et c'était une sorte de carapace.
06:31Et comme il était extrêmement silencieux, pudique et secret.
06:38Moi, j'ai dû enquêter ensuite pour savoir tout ça.
06:40Je suis allé dans cette abbaye, école de Sorez pour...
06:44Qu'est-ce que vous avez ressenti ?
06:45Vous racontez ce que vous avez ressenti lors de cette visite avec vos enfants.
06:48Vous allez dans ce pensionnat.
06:50J'ai emmené mon fils qui a six ans et il a attrapé un rhume là-bas tellement il faisait froid.
06:54Et il a dit, j'ai le rhume de Sorez.
06:58Je pense que, si vous voulez, c'est inconcevable la différence qu'il y a entre la manière dont moi, j'élève mes enfants et la manière dont mon père a été élevé.
07:06Il y a quelque chose qui est une révolution aujourd'hui.
07:09Nous traitons nos enfants vraiment très, très différemment de la manière dont nos parents ont été traités.
07:15Et ça explique tout.
07:16Et dont ils vous traitaient.
07:18D'ailleurs, vous dites, il hallucinait les dernières années quand il venait vous voir avec vos enfants jeunes.
07:23Quand il vous voyait jouer au Ouno et au Playmobil, il ne comprenait pas.
07:27Bien sûr, il n'a jamais fait ça.
07:28Il ne nous a jamais accompagnés à l'école.
07:30Il ne nous a jamais fait prendre un bain.
07:32Bien sûr, mais c'est une génération qui a divorcé très vite.
07:36Dès qu'il y a eu mai 68, beaucoup, beaucoup de familles ont implosé.
07:41Et du coup, il était très absent.
07:43Il était dans les affaires.
07:44Il faisait le tour du monde quatre fois par an.
07:46Il y a des pages.
07:47Oui, c'était un homme d'affaires.
07:48C'était celui qui a créé le métier de chasseur de têtes.
07:51Dites vous, celui qui trouve des dirigeants aux entreprises.
07:55Il était au bras de mannequins.
07:57Il voyageait énormément.
07:58Très peu père.
07:59Il y a des pages.
08:00Vous parlez du divorce de vos parents.
08:02Vous dites d'ailleurs, j'ai été souvent dans mes livres précédents, injustes avec mon père.
08:05Vous parlez du divorce de vos parents et vous leur en voulez d'avoir banalisé et vous en racontez ça comme si c'était un événement comme ça.
08:11Un incident, même pas un événement.
08:13Oui, on divorce.
08:14Et vous dites d'ailleurs, une de mes plus grandes hontes dans ma vie, c'est d'avoir reproduit ce schéma-là, d'avoir divorcé, d'avoir infligé à ma fille.
08:21Vous dites de divorcer, ma fille est née, de divorcer.
08:23Oui, bien sûr, c'est un échec.
08:25C'est un échec.
08:26Quelquefois, on n'a pas le choix.
08:27Quand on ne s'aime plus, il faut se quitter.
08:29Mais ce n'est pas quelque chose dont on peut être fier.
08:32Et je dirais que ce n'est pas mes parents qui ont banalisé le divorce, c'est la société.
08:37A l'époque, quand mes parents ont divorcé, c'était plutôt rare.
08:41J'étais une sorte de personnage extraterrestre dans ma classe.
08:44Mais très vite, c'est devenu la norme et la majorité des couples se quittent.
08:49Et vous trouvez ça pas bien, en fond, la banalisation du divorce, c'est ce que vous expliquez.
08:52De taire ce cataclysme aux enfants, de faire comme si tout était naturel, c'est une manière de nier la réalité.
09:00Voilà, j'aurais préféré qu'on en parle et qu'on s'explique.
09:02Ce divorce de vos parents et cette absence du père, vous dites qu'elle se reflétait dans une chanson qui vous bouleversait.
09:11Enfant, c'est celle de Serge Rizziani, Un petit garçon.
09:14Vous voulez me faire chialer ?
09:15Non, je veux l'écouter parce qu'elle est très belle, Le petit garçon.
09:18Ce soir, mon petit garçon, mon enfant, mon amour.
09:24Il pleut sur la maison, mon garçon, mon amour.
09:29Comme tu lui ressembles, on reste tous les deux.
09:36On va bien jouer ensemble.
09:40On est là tous les deux, seuls.
09:43Ce soir, elle ne rentre pas.
09:47Je ne sais plus, je ne sais pas.
09:50Elle vous faisait chialer cette chanson, gamin ?
09:53Oui, elle date de 73, je crois.
09:55C'est des paroles de Jean-Loup Dabadie qui sont extrêmement belles.
09:57Et c'est une des premières chansons sur le divorce.
10:00Ensuite, il y en a eu plein.
10:01Il y a eu Delpech, il y a eu Claude François, Le téléphone pleure.
10:05Il y avait beaucoup de chansons sur ce sujet.
10:06Et moi, je les entendais à la radio et j'avais l'impression que ces chansons me disaient quelque chose que mes parents ne me disaient pas.
10:13Je suis d'une génération qui n'a pas eu de guerre, qui n'a pas eu de tragédie immense.
10:20Bon, à part le 11 septembre, j'ai écrit un livre sur le 11 septembre.
10:23Mais au fond, notre tragédie, c'est celle-là.
10:26C'est une tragédie intime, familiale, personnelle, qui est de voir les deux personnes qu'on aime le plus au monde qui arrêtent de s'aimer.
10:35On a retrouvé une archive de votre père qui date de 2012, où il donne une interview à un magazine qui s'appelle Cadre Emploi.
10:41Jean-Michel Bédé, il parle de sa difficulté à communiquer.
10:45Écoutez.
10:46Ce qui me manque, c'est le désir de communiquer.
10:49Je n'ai aucun désir de communiquer.
10:51Et j'en parlais avec mon fils Frédéric, qui me disait tu devrais écrire un livre.
10:57Je lui ai dit je m'en fous.
10:59Je n'ai aucun besoin de communiquer à des tiers, lettres extraordinaires qui se cachent en moi ou qui ne se cachent pas.
11:07Voilà, je n'ai pas envie.
11:09Et je crois que je tiens ça de ma philosophie personnelle.
11:14J'ai une vie aussi qui est spirituelle, comme chacun d'entre nous.
11:18Et je partage la vision d'un philosophe grec peu connu qui s'appelle Plotin, dont l'adage était fuis seul vers l'un.
11:32Fuis seul vers l'un, c'est-à-dire au fond, on est seul.
11:36On communique peu, fondamentalement, avec les tiers.
11:40Je parle sur les choses profondes.
11:42Et il faut rejoindre l'un de l'univers.
11:46Vous voyez, c'est un peu biscornu, mais ça s'appelle le solipsisme, cette philosophie.
11:53Oui, c'est un solipsiste qui le revendiquait.
11:55Et nous, ses deux fils, on pouvait prendre ça un peu comme quelque chose de douloureux.
12:01Parce que si tu es seul, pourquoi tu fais des enfants ?
12:04Pourquoi fuis-tu ?
12:07Un père qui vous dit qu'il faut fuir, ce n'est pas très rassurant.
12:11Et dans cette même interview, ils disent que la seule chose que j'ai appris à mes fils, c'est de ne pas respecter les conventions, de penser hors du cadre, out of the box.
12:19En dehors de la boîte, dit-il, je leur ai appris ça, je voulais qu'il soit ça.
12:23Oui, je lui dois énormément à sa liberté, son hédonisme, sa curiosité.
12:31Il s'intéressait énormément aux autres, puisqu'il en a fait son métier.
12:35Pourquoi vous avez attendu sa mort pour écrire ce livre-là ?
12:38Il n'aurait pas aimé ?
12:39Il l'aurait détesté.
12:40Il l'aurait détesté parce qu'il ne voulait pas qu'on parle de lui, comme vous l'avez entendu.
12:45Non, non, je respectais.
12:48Et du coup, là, vous vous transgressez après sa mort ?
12:51Je transgresse, mais parce qu'il y a urgence.
12:53Parce que moi, j'étais dans une situation de fragilité telle.
12:56Vous parlez d'une thérapie de couple.
12:58Je suis désolée de vous le dire, mais vous racontez, il a fallu cette thérapie de couple
13:01pour que j'en arrive à comprendre des choses sur moi et à vouloir écrire ce livre sur mon père.
13:05C'est ça l'histoire.
13:06Oui, parce qu'à travers lui, c'est encore une fois une génération et c'est la masculinité que j'interroge.
13:11Et je pense qu'il fallait que je me remette en question et que j'essaie de comprendre ce qu'il m'avait légué de bien ou de mal.
13:18Mais vous savez, ça concerne tout le monde parce que si vous regardez la vie de Playboy,
13:24vous avez passé aussi la chanson des Playboy du Tronche, je vous en remercie.
13:28C'est pour vous accueillir.
13:29C'est un mythe, ce truc du Playboy.
13:31Et donc, je plaisante dans le livre en disant que je suis le fils de James Bond.
13:35Mais c'est vrai que cette utopie du mec qui a des bagnoles de sport,
13:39qui fait le tour du monde, qui drague toutes les nanas, qui a tous les derniers gadgets.
13:44C'était mon père et c'était beaucoup d'hommes.
13:46Et c'est un peu vous.
13:47Et c'est bien sûr que j'ai essayé de lui ressembler.
13:49Et il vous a fallu une thérapie de couple récemment pour y arriver.
13:52Oui, ça m'a aidé.
13:53Vous n'aviez plus 17 ans, comme vous l'écrivez.
13:55Il faut essayer.
13:56Si on ne fait pas cet effort-là, on est con.
13:58Donc, il faut se transformer.
14:00Il faut toujours essayer de corriger les choses.
14:03La thérapie de couple, ça marche, Frédéric Bégaudet.
14:04Oui, bien sûr.
14:05De parler, ça marche toujours.
14:06Là, je me sens très bien dans cette thérapie radiophonique.
14:10Parce que ce qu'on ne dit pas aussi, alors je ne sais pas si c'est vrai ou pas,
14:13mais en tout cas, ce que vous écrivez, que vous avez enquêté, c'est que ce père-là,
14:16vous découvrez qu'il a deux passeports et pas son nom,
14:19mais un nom américain au nom de William Arben Karsu.
14:24Et que peut-être, il était un espion pour la CIA.
14:27J'ai interrogé des espions, des gens de la DGSE et de la CIA,
14:32qui m'ont dit qu'à leur avis, ces passeports étaient des passeports
14:35des services de renseignement du gouvernement américain.
14:38Et ce n'est pas étonnant parce que beaucoup de gens qui ont inventé le métier de chasseur de têtes,
14:43je pense à Spencer Stuart et Lester Corn,
14:46c'étaient des gens très proches des agences de renseignement américaines.
14:50Et dans cette période-là, il aurait peut-être été recruté à la sortie d'Harvard Business School en 1956.
14:57Et c'était la guerre froide.
14:59Il y avait des espions du KGB partout à Paris et évidemment des espions américains aussi.
15:04Voilà, son double passeport, c'était peut-être ça.
15:07Vous dites qu'à la fin de sa vie, il était solitaire.
15:10Il a fini ruiné d'ailleurs, vous avez hérité de 70 euros de la mort de votre père.
15:15Cet homme solitaire qui écoutait en boucle, et juste pour le plaisir de l'écouter, la sonate numéro 16 de Mozart.
15:40Il vous a passé sa mélancolie, sa tendance à la dépression, votre père ?
15:50Je pense, je me complais bien là-dedans, j'aime la nostalgie.
15:55Je trouve que c'est plus beau quand les choses sont lointaines et perdues un peu.
16:01Et cette mélodie de Mozart, elle est tellement simple et en même temps très fragile, très vulnérable.
16:08On dirait que ça a été d'ailleurs écrit par un petit garçon.
16:12Et la solitude de mon père, c'était aussi son utopie, il l'a dit.
16:19Je crois que ce qu'il faut aujourd'hui, c'est qu'on se pose la question sur cette idéologie individualiste où nous sommes.
16:28D'où le titre du livre « Un homme seul ».
16:30Que reste-t-il d'un père ? Vous posez la question au chapitre 30 du livre.
16:35Il reste un mot qui vous agaissait quand il l'employait, mais qui maintenant, vous aimez le dire.
16:40C'est quoi ? Vous vous rappelez ? Chandaille.
16:42Chandaille.
16:43Le mot chandaille.
16:44Il disait aussi soulier.
16:46Je n'ai jamais compris, ça m'énervait.
16:48Et puis maintenant qu'il n'est plus là, je préfère quand un vieux ne dit pas Audi et qu'il dit Chandaille.
16:56Les impromptus pour terminer.
16:58Vous fêtez vos 60 ans dans quelques mois, Frédéric Bébédé.
17:01C'est très angoissant, j'imagine, pour vous.
17:03C'est moche de me faire ça.
17:05Ce n'est pas bien de dénoncer les gens.
17:07Comment vous vivez de prendre de l'âge un mec comme vous ?
17:10Je ne dis pas que j'arrive à une sorte de sagesse.
17:14J'espère que je serai toujours déraisonnable.
17:16Mais quand même, avec le temps, j'espère que je progresse.
17:22Guétari ou Paris ?
17:24Guétari, définitivement.
17:26Modiano ou Echnoz ?
17:27Modiano.
17:28Elon Musk, il vous fascine ou il vous inquiète ?
17:32Il m'inquiète parce que, justement,
17:37quand je dénonce un peu ce mythe du playboy et de l'homme moderne,
17:42du magazine lui, Donald Trump, c'est l'incarnation de ça.
17:46Donald Trump, c'est exactement...
17:48Je vous ai posé la question à Elon Musk.
17:50Il est quand même très proche.
17:52La dernière fois que vous avez pleuré ?
17:54J'ai failli pleurer en écoutant la Sonate 16, là, ce matin.
17:58Alcool, drogue, sexe, on en est où, sur les vis ?
18:02Plus d'alcool du tout, plus de drogue du tout
18:05et le plus de sexe possible avec ma femme.
18:09Le Dry January, c'est toute l'année pour vous ?
18:12Oui, j'ai commencé un Dry January en janvier 2024
18:15et qui se prolonge maintenant.
18:16Et l'amour, dans tout ça, il va comment ?
18:18C'est la seule raison de vivre.
18:21Un homme seul.
18:22Frédéric Beigbeder.
18:23Nouveau livre, chez Grasset.
18:24Merci à vous.
18:25Merci.