À 9h20, l'écrivain Mathieu Belezi est l'invité de Léa Salamé. Il publie "Moi, le Glorieux" (éditions Tripode), en librairie le 7 mars. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mardi-05-mars-2024-2294181
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00:00 - Léa, ce matin vous recevez un écrivain.
00:02 - Bonjour Mathieu Bellesi.
00:03 - Bonjour.
00:04 - Merci d'être avec nous ce matin.
00:06 Si vous étiez un pays, un homme politique et un vice, vous seriez qui ? Vous seriez
00:11 quoi ? Commence par le vice.
00:13 - Ah bon ?
00:14 - Oui, c'est comme ça.
00:15 - Je dirais gentiment la gourmandise.
00:18 - Oh non, quand on vous lit, on s'imagine des trucs beaucoup plus vicieux.
00:23 - Non, mais justement j'ai besoin.
00:25 J'ai toujours une plaque de chocolat près de moi et ça fait le désespoir de ma compagne.
00:30 - Si vous étiez un pays ?
00:31 - Aucun, mais je serais une île.
00:34 - Elle a un nom votre île ?
00:36 - Oui, je peux vous en citer deux.
00:39 Ali Koudi, qui est proche de Stromboli, dans les îles éoliennes en fait, qui est une
00:47 sorte de volcan, sur les pentes duquel sont accrochées quelques maisons.
00:53 Et il n'y a pas de voiture, il n'y a que des ânes.
00:56 Il y a 70 personnes qui vivent à l'année.
00:58 - Et la deuxième île ?
00:59 - La deuxième île c'est Tilos, en Grèce, une île du Dodecanèse.
01:05 - Très bien.
01:06 - Qui est aussi assez tranquille parce que les plages c'est des galets, il n'y a pas
01:10 de sable.
01:11 - Vous aimez beaucoup la tranquillité, on va y venir.
01:13 Et si vous étiez un homme politique ?
01:14 - C'est pareil, aucun.
01:17 - Aucun ?
01:18 - Aucun, aucun homme politique.
01:21 - Vous êtes déçu ?
01:22 - Énormément déçu.
01:23 - Albert Camus écrivait dans un livre que vous aimez beaucoup, Le premier homme, « La
01:28 noblesse du métier d'écrivain est dans la résistance à l'oppression, donc au consentement
01:33 à la solitude ». Vous êtes d'accord ? Écrire c'est consentir à la solitude.
01:38 - Ah bien sûr, bien sûr.
01:41 Et résister et vivre dans la solitude, c'est les règles à suivre pour, je pense, écrire
01:50 sérieusement.
01:51 - Mathieu Bélézis, quelle belle histoire qu'est la vôtre.
01:54 Et franchement, des belles histoires, on n'en a pas beaucoup.
01:56 Et elle est belle la vôtre.
01:58 Cela fait, je la raconte pour ceux qui ont loupé ce qui s'est passé ces derniers
02:02 mois, ça fait un quart de siècle que vous écrivez, que vous écrivez des livres, de
02:06 la littérature.
02:07 Vous avez publié une quinzaine de romans qui n'avaient pas dépassé jusque-là un
02:10 cercle d'initiés et quelques très bonnes critiques, admiratives de votre style notamment.
02:16 Vous faisiez des petits boulots à côté pour gagner votre vie, vous plantiez du tabac,
02:20 vous vendiez des pierres tombales ou vous donniez des cours d'histoire.
02:22 - On est bien informés.
02:23 - J'ai lu.
02:24 Et puis un jour, il y a un an, un livre, refusé par quatre éditeurs, reçoit le prix du Livre
02:31 Inter.
02:32 On y était avec Nicolas, on s'en souvient, avec Eva Béthan, avec le président du jury
02:36 de l'année dernière, David Funkinos, et avec les 24 jurés qui étaient là dans le
02:40 studio et qui avaient été bouleversés par votre livre.
02:43 Le livre s'appelait « Attaquer la terre et le soleil » chez Tripod, roman fulgurant
02:48 sur les débuts de la colonisation en Algérie.
02:50 Et là, boum ! Succès fulgurant.
02:53 Vous en vendez 100 000, des traductions dans toutes les langues, vous avez même les honneurs
02:57 du New York Times qui écrit « Un romancier écrivant sur la colonisation trouve un public
03:02 en France.
03:03 Enfin ! At last ! »
03:05 Enfin, enfin.
03:07 Comment avez-vous vécu cette dernière année ? Il y a quand même un petit côté conte
03:11 de fées, non ?
03:12 - Ben oui, je l'ai vécu…
03:14 Je vais pas le dire.
03:16 Évidemment, j'étais très heureux.
03:18 Il y a une partie de moi-même qui était vraiment très heureuse de ce qui se passait,
03:22 bien évidemment.
03:23 Parce qu'en un an, j'ai eu ce qu'un éditeur espère avoir en 20 ans.
03:28 Et en même temps, il y a une autre partie de moi-même qui a plus de mal à vivre ce
03:35 succès.
03:36 Là, j'aimerais bien citer justement le pain de Nicolas Dostal, qui lui aussi à un
03:41 moment donné a eu du succès par les États-Unis.
03:43 Il a commencé avant.
03:44 Et ça l'a déstabilisé.
03:46 Et il dit « Depuis que ça se vend, c'est foutu.
03:49 J'avais mon univers, j'avais ma solitude.
03:52 Et je l'ai perdu.
03:54 J'ai perdu tout ça.
03:55 À revenir en arrière.
03:57 N'être plus rien pour les autres, mais tout pour soi-même.
04:00 » Et une partie de moi-même est dans cette disposition-là.
04:04 - Vous pensez que c'est foutu, là ?
04:05 - Non, non, je pense pas que c'est foutu.
04:07 Mais il n'empêche que depuis un an, j'ai pas écrit une ligne.
04:09 - Comment c'est possible ?
04:11 - Ça veut dire quel est ce rapport à ce succès que vous avez quand même voulu, d'une certaine
04:17 manière, et dont vous vous méfiez ?
04:19 Ces lumières dont vous vous méfiez aujourd'hui, que vous avez désirées, et dont vous vous
04:22 méfiez aujourd'hui ?
04:23 - C'est la contradiction.
04:24 Mais non, ça va revenir.
04:26 Mais ça m'a sorti vraiment de mon univers.
04:29 - Mais quand même, vous racontiez à Libération en mars dernier, il y a un an, vous disiez,
04:33 je me disais « C'est fini, je ne serai plus jamais publié.
04:36 Peut-être qu'un jour après ma mort, un jeune éditeur découvrant mes livres dans
04:39 le bac d'un libraire des quais de Seine aura un coup de cœur et décidera de republier
04:42 mon œuvre.
04:43 Vous pensiez vraiment que c'était fini ?
04:45 - Oui, je pensais que c'était fini.
04:46 - Personne ne s'intéressera à ce que vous écrivez ?
04:48 - Je me disais que je continuerais à écrire avec beaucoup de plaisir.
04:51 Mais je me disais « Bon, mais tant pis.
04:52 » Ça s'est passé comme ça pour Pessoa, par exemple.
04:57 C'est après ça qu'on a découvert un grand poète.
05:02 - Donc vous pensiez être le Pessoa du XXIe siècle, et qu'on découvrira le livre de
05:07 l'intranquillité un jour dans les quais de Seine ?
05:10 - Non, mais je voudrais être honnête.
05:12 Quand je me relisais, je me disais « J'ai fait quelque chose.
05:15 J'ai fait une œuvre qui vaut ce qu'elle vaut.
05:19 » Mais j'étais conscient et je ne comprenais pas pourquoi il y avait aussi peu de réactions
05:24 par rapport à un sujet qu'on a très peu abordé et qu'on devrait absolument aborder.
05:30 - Il y a le sujet et il y a le style.
05:32 Il y a le sujet de la colonisation et il y a votre style.
05:34 Vous avez raison, je ne suis pas du tout critique littéraire, mais de dire « j'ai
05:38 fait quelque chose » parce que vous avez fait une sacrée œuvre.
05:40 C'est fou quand même de découvrir qu'on ait failli passer à côté d'un très grand
05:44 écrivain qui est vous.
05:45 Du coup, votre éditeur, Frédéric Martin, de cette petite maison d'édition Le Tripode,
05:49 a été bien inspiré puisqu'il ressort cette semaine, la semaine prochaine, un ancien
05:54 roman que vous avez écrit, aujourd'hui introuvable, un texte que vous avez retravaillé,
05:58 que vous avez scindé en deux livres, « Le temps des crocodiles », illustré par les
06:01 peintures de l'artiste Kamel Ketif, et « Moi le Glorieux » autour d'un même personnage,
06:07 le monstrueux colon en Algérie, Albert Vandel.
06:11 Le premier livre, c'est Albert Vandel dans l'âge d'or de la colonisation.
06:15 Le deuxième, « Moi le Glorieux », c'est en plein effondrement de l'Algérie française.
06:18 Il résiste seul dans sa forteresse pour ne pas tout perdre.
06:22 Sa maison, ses terres, sa vie.
06:23 On retrouve votre style incandescent, démesuré, baroque.
06:26 C'est le texte, dites-vous, où je suis allé le plus loin.
06:29 Je ne connais pas vos autres textes, mais oui, vous allez très loin.
06:32 Oui, bien sûr, mais c'est la parole d'Albert Vandel qui va très très loin.
06:39 En fait, ce roman, c'est très particulier.
06:43 Je l'avais publié chez Flammarion il y a une dizaine d'années, mais ce n'était
06:47 pas dans cette version-là.
06:48 Au départ, j'avais écrit deux textes.
06:50 Et donc, Frédéric Martin a bien voulu…
06:53 Les scinder à nouveau.
06:55 Oui, les scinder à nouveau.
06:56 Et je les préfère prendre ça parce que la parole d'Albert Vandel est plus forte.
07:03 Et surtout, le centenaire de l'Algérie coloniale se retrouve au centre du roman.
07:09 Et c'est une période extraordinaire.
07:12 D'un racisme dont on ne peut pas imaginer des discours absolument avaricents.
07:16 Le président de la République est venu pour le centenaire.
07:19 On a fait pendant six mois des commémorations.
07:24 On a construit un monument à la gloire de la colonisation qui faisait 40 mètres de
07:33 long.
07:34 Ce que vous racontez est hallucinant dans ce livre.
07:37 Albert Vandel, c'est donc un riche colon qui affirme avoir 145 ans et peser 150 kilos.
07:43 L'homme est un monstre, un vrai.
07:45 En fait, ce livre, moi, le glorieux, c'est qu'on rentre à l'intérieur d'un monstre.
07:49 Votre éditeur parle d'un roman sidérant sur l'effondrement de l'Algérie française
07:53 et la folie d'un homme, un apocalypse now qu'on n'aurait jamais pu imaginer sortir
07:57 un jour de l'imaginaire d'un auteur français.
07:58 Et c'est vrai qu'on pense à l'apocalypse now.
08:00 On pense au colonel Kurtz, à Marlon Brando qui est retranché dans la jungle.
08:04 On pense aussi à des personnages de Shakespeare, à Richard III, à Hubert Roy.
08:08 Vous vouliez ce personnage excessif, démesuré, taré, qui est en train de tout perdre et
08:14 qui se recroqueville en disant "Vous ne mourrez pas, je resterai là".
08:18 Je lui ai donné un âge de 145 ans, ça me permettait de revenir sur toute la période
08:26 de la colonisation.
08:27 132 années, je crois.
08:30 Oui, ça peut être obsession depuis toujours, depuis le précédent livre, c'est d'écrire
08:34 sur les débuts de la colonisation ce qu'on n'a jamais lu au fond.
08:37 La littérature n'a pas raconté ça.
08:39 Mais là, la chute de la fin de la guerre de l'Algérie française, c'est à travers
08:44 cet homme fou, violent, bestial, c'est fascinant.
08:50 Il a une parole, mais je ne savais pas du tout ce que j'allais faire.
08:52 Quand j'ai trouvé sa voix, tous les matins quand je me mettais devant mon écran d'ordinateur,
08:58 je ne savais pas ce qu'il allait dire.
08:59 Mais je le laissais complètement parler avec sa liberté de parole.
09:04 Je ne censurais rien.
09:06 Et je suis arrivé à ce personnage absolument monstrueux, qui est un peu un résumé de
09:16 trois colons qui ont vécu les dernières périodes de l'Algérie coloniale, c'est-à-dire
09:21 Henri Bourgeau, Laurence Caffineau et Georges Blachette, qui étaient les trois colons
09:26 les plus riches d'Algérie.
09:29 Bourgeau était l'empereur Lavigne, c'était lui entre autres choses.
09:36 Blachette c'était l'alpha, c'était le roi de l'alpha, il vendait tout son alpha
09:42 en Angleterre.
09:43 Et il avait la concession, c'est-à-dire qu'il payait une taxe vraiment minime.
09:50 Et puis Laurence Caffineau qui était de famille napolitaine, lui c'était l'armateur
09:55 qui tenait les ports d'Alger et d'Oran.
09:57 Et je me suis fait un peu à ces trois personnages qui sont des personnages.
10:00 C'était le triomphe vira du non.
10:02 Ils ont toujours répondu non au gouvernement français.
10:04 Ils ne voulaient pas que ça bouge parce qu'évidemment ils se remplissaient les poches.
10:07 - Et donc c'est cet Albert Vandel qui les fait les trois.
10:11 Les pages sur le sexe, parce que c'est un ogre à tous les points de vue.
10:16 Ces pages-là sont troublantes, sont extrêmement puissantes.
10:20 Vandel est un monstre sexuel qui viole, qui abuse les femmes.
10:25 Il y a une scène insoutenable du viol d'une barande juive teintée d'antisémitisme.
10:30 Les crimes sexuels aussi c'est une dimension dont on n'a pas assez parlé de la colonisation
10:35 qui a existé.
10:36 - Bien sûr, très fortement parce qu'on colonise aussi par le sexe.
10:40 Il faut bien comprendre ça.
10:42 On prend le pouvoir sur un peuple aussi sexuellement parlant.
10:48 - Toutes les conquêtes, dites-vous, toutes les conquêtes coloniales se ressemblent.
10:51 Qu'ils soient français, belges, anglais, espagnols, la motivation des colons est toujours
10:54 la même.
10:55 Leur comportement est la même.
10:56 Le regard porté sur l'autre, l'étranger, l'autochtone, est la même.
10:59 La même condescendance, le même mépris.
11:01 Je voudrais vous faire entendre un extrait d'un entretien entre l'avocat de Jadissa
11:04 Lalimi et des téléspectatrices qui étaient diffusées en 1974 sur l'ORTF et notamment
11:09 ce que dit cette téléspectatrice-là.
11:11 - Qu'est-ce que la dignité d'homme ? C'est le contraire de l'humiliation.
11:15 Je crois qu'un peuple humilié est un peuple qui se battra jusqu'au bout pour recouvrir
11:21 sa dignité.
11:22 - Je vais vous dire quelque chose de précis.
11:24 J'ai vécu en Algérie très longtemps.
11:26 Mes parents y étaient installés depuis 50 ans.
11:30 Mon père était dans l'administration.
11:32 Et je n'ai jamais vu d'Algériens opprimés dans mon entourage.
11:39 Ah non ! Non, non.
11:41 J'allais chez eux, je prenais le thé à la menthe et je vous assure qu'on était vraiment
11:46 en concordance.
11:47 On s'entendait très bien.
11:48 - Je n'ai jamais vu d'Algériens opprimés.
11:52 - Oui, cette personne peut avoir ce sentiment-là.
11:59 Bien évidemment.
12:00 Il n'empêche que c'est un peuple dont on a essayé d'annuler complètement sa culture.
12:08 D'ailleurs, Brodiur en a très bien parlé.
12:11 Il ne faut pas oublier toujours que l'Algérie, c'est une colonisation de peuples membres.
12:19 Il n'y a pas eu beaucoup quand même des colonisations de peuples membres.
12:22 - Mais c'est vrai que ça reste encore des plaies béantes.
12:27 Et c'est vrai que ça concerne énormément de Français.
12:28 Je crois que Benjamin Storak était là et il nous disait que ça concerne l'Algérie.
12:32 L'histoire de l'Algérie française concerne toujours aujourd'hui un Français sur sept.
12:37 Il y a 9 millions de Français qui ont de près ou de loin été liés à cette histoire-là.
12:41 Et qui ont des versions ou des manières de vivre la chose différentes.
12:45 C'est pour ça que la confrontation des mémoires est là.
12:47 Mais c'est vrai que quand on entend cette téléspectatrice face à Gisèle Halimi, vous
12:50 l'écrivez aussi, Albert Vandel dit ça face à la baronne juive qu'il est en train de
12:54 violer et qu'il le traite d'ordure.
12:55 Il lui répond « Moi, une ordure ? Moi qui ai construit de mes propres mains des routes,
13:01 des canaux, des chemins de fer, des cliniques, des hôpitaux, des écoles où elles et ses
13:04 semblables n'ont pas oublié d'occuper les bancs ? Moi qui ai fait de ce pays de
13:07 morts vivants un pays de cocagne où chacun, pour peu qu'il veuille bien, usé de sa
13:11 cervelle et de ses jambes a la possibilité de se remplir des poches ? ». Oui, il pensait
13:15 qu'il avait fait du bien à l'Algérie.
13:16 Albert Vandel, que la France avait fait beaucoup du bien, que la colonisation avait eu des
13:21 vertus positives comme on a pu l'entendre.
13:25 Je voudrais quand même qu'on dise un mot de votre style, Mathieu Bélézis.
13:29 Tout le monde dit que vous avez un style d'une force impressionnante.
13:32 Il n'y a pas de point, il n'y a que des points d'exclamations.
13:33 Il y a juste un point final à la fin.
13:35 C'est un uppercut, c'est un souffle.
13:38 Un style qui rappelle, je vous l'avais dit quand vous étiez là il y a un an, celui
13:42 de Céline.
13:43 Louis Ferdinand Céline qu'on écoute pour le plaisir.
13:47 Juin 1959, interview avec Louis Poels qui disait « il n'y a qu'une seule chose
13:51 qui m'intéresse, c'est le style ».
13:53 Les écrivains ne m'intéressent que les gens qui ont un style.
13:56 S'ils n'ont pas de style, ils ne m'intéressent pas.
13:59 Alors, il y en a plein à la rue, n'est-ce pas ? Je vois partout des histoires.
14:04 Plein à les commissariats, plein à les correctionnels, plein à Votre Vie.
14:07 Tout le monde a une histoire, n'est-ce pas ? Il y a mille histoires.
14:10 Il y a une clinique, je vais toujours…
14:12 Mais vous parlez du style, est-ce qu'il n'y a pas chez l'écrivain un tempérament ?
14:16 C'est rare un style, monsieur.
14:18 Un style, il y en a un, deux, trois par génération.
14:22 Il y a des milliers d'écrivains, ce sont des pauvres cavouilleux, des aptes, n'est-ce
14:26 pas ? Ils rampent dans les phrases, ils répètent ce que l'autre a dit, ou ils choisissent
14:29 une histoire, ils prennent une bonne histoire et puis ils disent « je vois, tu vois, etc.
14:32 ». C'est pas intéressant.
14:34 Il n'y a que le style qui est intéressant, il a raison Céline.
14:38 Pour moi, oui, quand j'ouvre les premières pages d'un livre, c'est le style qui va
14:44 m'accrocher ou sinon je referme le livre.
14:47 Effectivement, l'histoire, tout le monde peut raconter des histoires.
14:50 Mais écrire un livre, c'est tout autre chose.
14:56 Vous dites « je fuis comme la peste l'autofiction ».
14:58 Oui, ben oui.
14:59 À trop parler de soi, on oublie d'imaginer.
15:01 Ben oui, je sais.
15:03 Vous détestez l'autofiction.
15:04 C'est le drame de notre époque.
15:06 On se méfie de l'imagination maintenant.
15:09 Et ça, c'est assez dramatique.
15:12 En fait, il faut que je le dise quand même, j'ai jamais mis un pied sur la terre algérienne.
15:15 Alors c'est ça, c'était évidemment ma dernière question.
15:18 Ce qui est fou, c'est que vous écrivez livre après livre sur cette histoire d'Algérie.
15:21 Mais j'ai du mal à vous croire.
15:23 Vous n'avez rien à voir.
15:25 Vous n'êtes pas fils d'arquis, il n'y a rien de pied noir, il n'y a rien de caché
15:31 de votre rapport à l'Algérie.
15:32 Vous n'êtes vraiment jamais allé en Algérie ?
15:33 Ah non, je ne suis vraiment jamais allé.
15:34 Et vous n'avez vraiment aucun rapport familial avec l'Algérie ?
15:37 Alors je peux vous dire que mon père a été militaire là-bas pendant deux ans.
15:43 Mais il ne m'a jamais parlé de ce qu'il avait fait, bien évidemment.
15:50 Donc ma mère était à Constantine.
15:54 Et donc elle était enceinte de moi.
15:57 Et donc il y a quelque chose.
16:00 Les médecins lui ont conseillé d'accoucher en France.
16:02 Donc voilà, en fait je suis né sur la terre française mais pas sur la terre algérienne.
16:07 Mais sans doute que, bon je suis allé au Maroc et en Tunisie, c'est vrai qu'il y a
16:13 des sons qui me sont familiers.
16:16 Des choses.
16:17 Parce qu'on dit que dans le ventre de sa mère, on perçoit quand même des choses.
16:21 Oui, donc dans le ventre de votre mère, vous étiez en Algérie.
16:23 Et peut-être vous y retournerez un jour, peut-être.
16:25 Juste très rapidement les impromptus.
16:27 Paris ou Rome ?
16:28 Parce que vous habitez en Italie.
16:30 Il faut choisir !
16:33 Oui, moi je choisis Paris ou Rome.
16:37 Céline ou Proust ?
16:39 Les deux c'est tellement différent.
16:41 Garcia Marquez ou Kundera ?
16:45 Garcia Marquez pour l'automne du Patriarche.
16:47 Welbeck ou Ernaux ?
16:48 Ernaux.
16:49 Emmanuel Carrère ou Virginie Despentes ?
16:52 Virginie Despentes.
16:57 Le roman que vous auriez aimé… Non, le mort avec qui vous auriez aimé discuter ?
17:04 Pessoa.
17:07 Allez.
17:09 Merci Mathieu Bellizzi d'avoir été avec nous dans ce studio.
17:16 Je rappelle les titres des deux livres, « Le temps des crocodiles » avec des peintures
17:20 très belles de Kamel Kélif.
17:21 Les deux livres sont magnifiques.
17:22 Les deux illustrations sont magnifiques.
17:23 Et « Moi le glorieux », un livre époustouflant, cette édition tripode.
17:29 Merci infiniment.