La romancière Karine Tuil est notre invitée à 9h20, pour évoquer son livre "La guerre par d'autres moyens" chez Gallimard. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-06-mars-2025-5119194
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00:00Et à ce matin, vous recevez une écrivaine.
00:02Et bonjour Carine Tuille, merci d'être là et bienvenue sur Inter.
00:06Si vous étiez un Président de la République, de la Vème République, un réalisateur et
00:11un pays, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:14Un Président sans hésiter, François Mitterrand, parce que c'était un vrai lettré, c'était
00:19un écrivain.
00:20Moi j'ai beaucoup lu ses textes pour écrire ce livre et d'ailleurs sur sa photo, sur
00:26la photo de Président, c'est le seul qui tient un livre.
00:29Tous les Présidents ont des livres derrière eux, mais lui tient un livre, donc sans hésiter.
00:33François Mitterrand, pour les lettres.
00:35Un réalisateur, une réalisatrice, peut-être, Justine Trier, que j'aime beaucoup, dont
00:41j'ai vu tous les films, qui a des univers assez proches de moi, qui parle beaucoup du
00:45monde juridique, des femmes, du couple, je la trouve extrêmement talentueuse.
00:50Un pays ?
00:51Un pays, l'Ukraine, là, compte tenu, en plus de l'actualité, de voir ce pays qui
00:58tient debout cette dignité.
01:02Donc, sans hésiter, je serai d'Ukraine.
01:04Carine Tuille, chaque sortie d'un de vos nouveaux romans est très attendue.
01:07Après la décision, après les choses humaines qui avaient remporté le Goncourt des lycéens
01:11et dont vous avez vendu plus de 200 000 exemplaires, vous revenez avec un roman sur les jeux de
01:16l'amour et du pouvoir.
01:18Madame de Stael écrivait que la gloire était le deuil éclatant du bonheur.
01:23Peut-on l'appliquer au pouvoir et à la politique ?
01:26Le pouvoir est-il aussi le deuil éclatant du bonheur ?
01:29En tout cas, c'est ce qu'on se dit en lisant votre livre.
01:31Oui, je crois qu'il y a vraiment une solitude du pouvoir et j'essaye de raconter ça à
01:35travers ce livre, du pouvoir et de l'après-pouvoir.
01:38Parce que tout d'un coup, votre entourage, les relations que vous avez avec les autres
01:43changent du jour au lendemain.
01:44Le pouvoir, c'est un fluide et ça altère durablement.
01:49Oui, y compris vos relations, d'ailleurs, je pense, amoureuses.
01:53D'ailleurs, d'une manière générale, je crois que l'exposition médiatique vous expose
01:59à la folie, au coup, à la solitude.
02:01Oui, à la solitude.
02:02A la solitude.
02:03A la solitude.
02:04Le pouvoir, et c'est intéressant quand vous dites que le pouvoir est un fluide, c'est
02:07un fluide irrésistible.
02:08Le pouvoir est une drogue.
02:09Le pouvoir est une solitude et quand on le perd, c'est la chute, une chute vertigineuse.
02:15C'est de cela que parle « La guerre par d'autres moyens » chez Gallimard qui sort
02:20cette semaine.
02:21Que se passe-t-il quand on perd ce fluide addictif qu'est le pouvoir ? C'est ça la
02:26grande question du livre.
02:27Ah oui, et puis moi, ça me fascinait de savoir ce qu'on pouvait ressentir parce qu'on parle
02:31beaucoup de l'exercice de l'État, du pouvoir, mais on parle rarement de ce qui se passe après.
02:35Et d'ailleurs, les hommes politiques, même dans leur mémoire, n'osent jamais avouer
02:41leur réel intime et dans ce livre, j'essaye d'explorer à travers l'inconscient et le
02:46conscient de ce président, Dan Lehmann, ce qui se passe après.
02:50Lui, il a un dictaphone, il a un procédé pour garder cette forme de rapport à soi.
02:56Il parle à son dictaphone, il s'enregistre et on est dans sa sphère intime.
02:59Comme faisait Nixon.
03:01Nixon était un président qui dévoilait assez peu publiquement ou à la télévision,
03:07mais en revanche, il disait ce qu'il était lui-même en parlant à son dictaphone et
03:10en résumant ses journées le soir avec son dictaphone, ce que fait votre personnage.
03:14Un ancien président de la République, donc, Dan Lehmann, c'est son nom, il forme un
03:19couple de pouvoir avec sa femme, une actrice un peu sur le retour, qu'il a épousée après
03:24avoir quitté la femme de sa vie, la mère de ses enfants, Marianne, qui est une écrivaine.
03:28Il quitte le pouvoir et c'est la chute, parce que quand on a le pouvoir, tout le monde
03:31vous admire, tout le monde est obséquieux avec vous, c'est une jouissance, mais dès
03:35que vous perdez le pouvoir et c'est cette chute-là qui vous intéresse, et bien c'est fini.
03:41Oui, c'est ça, moi, c'est ce qui m'intéresse de toute façon dans la vie, c'est les failles,
03:44c'est ce point de chute, il perd tout et il sombre à ce moment-là dans l'alcool,
03:50qui est le seul moyen pour lui de supporter ce vide de l'agenda, donc il y a quand même
03:55des scènes où on le voit dans le livre tenter de s'accrocher à ce pouvoir perdu, notamment
04:00en publiant un livre, qui est souvent le cas des hommes politiques, parce qu'il espère
04:04revenir sur le devant de la scène médiatique, occuper cet espace qu'il n'occupe plus.
04:08Je ne dis pas qu'il n'intéresse plus personne, mais disons qu'il est dans cette angoisse
04:13existentielle, ce vertige, lui, qui était au centre des choses.
04:17Comment on supporte le quotidien quand on a été acclamé par des dizaines de milliers
04:20de personnes dans des meetings et qu'il n'y a plus, quoi ?
04:24Moi, j'adore ça, justement, l'idée, les meetings, c'est des centaines de milliers
04:28de personnes qui vous aiment, qui acclament votre nom, il y a une adrénaline de la politique
04:33et ça, j'avais envie de la sentir au plus près.
04:35Quand ça s'arrête, c'est comme des rockstars, il n'y a plus rien, il y a un vide, et qu'est-ce
04:40qu'on fait de ce vide ?
04:41D'ailleurs, évidemment, on se demande au fil du livre si ce n'est pas François Hollande,
04:47marié à une actrice, il ressemble aussi beaucoup à Nicolas Sarkozy, il ressemble
04:51aussi à Dominique Strauss-Kahn, qui n'a pas été président, mais qui a failli l'être,
04:55mais j'ai vu beaucoup de Strauss-Kahn dedans.
04:57C'est un peu d'étroits, c'est l'étroit, c'est un roman à clé, votre roman, on doit
05:02aller chercher…
05:03Non, ce n'est pas du tout un roman à clé, j'avais envie d'aborder cette question
05:06de l'après-pouvoir, mais c'est vrai que pour être tout à fait honnête, j'étais
05:11partie même au départ pour écrire un roman sur la justice, et puis parler hasard de
05:14la vie, c'est une période où j'ai rencontré d'anciens présidents de la République,
05:19des conseillers politiques, beaucoup de personnalités du monde politique, et je me suis dit, ça
05:24c'est passionnant à décrire, qu'est-ce qui se passe après ? Mais ce n'est pas
05:27un roman à clé, et c'est une coïncidence en réalité, même s'il y a une actrice
05:31dans le livre, parce que c'est aussi un moment de la vie, peut-être parce qu'il
05:37sert un socialiste, et qu'il est juif aussi, comme Strauss-Kahn, mais il y a un peu de
05:42tout ça, mais ce n'est pas du tout un roman à clé.
05:44Dany Cohen-Bendit dit « il faut être fou pour vouloir être président de la République »,
05:49vous êtes d'accord avec ça ?
05:50Tout à fait.
05:51C'est une abnégation, l'engagement politique, moi j'avoue que j'ai une forme de tendresse
05:55pour les hommes et les femmes qui s'engagent en politique, parce qu'on ne le rappelle
05:59plus, il y a quand même des convictions, il y a un engagement fort, il y a un engagement
06:03de toute une vie, ça veut dire que c'est quand même un temps que vous passez, que
06:07vous ne passez plus avec vos enfants, avec votre femme, avec votre famille, avec vos
06:10conjoints, et donc j'avais aussi envie de raconter cela, qu'est-ce que ça coûte
06:14la vie politique, y compris d'ailleurs dans un couple, puisque, je le dis dans le livre,
06:19il y a des sacrifices dans la vie privée, sa première femme, Marianne, qu'il a littéralement
06:24portée au pouvoir et qu'il quitte pour ne pas accéder à l'Elysée, pour une femme
06:29plus jeune, plus exposée médiatiquement.
06:32Les coups que ça prend, on va parler des femmes, mais le coup qu'il prend, les douleurs,
06:36les souffrances, il va les pallier par l'alcool, il boit, il boit de plus en plus, les pages
06:42sur la dépendance à l'alcool sont fortes, et d'ailleurs, vous jouez avec la typographie
06:45des mots quand il boit, quand il est bourré, les mots dansent dans le livre, vous vouliez
06:51montrer aussi combien on ne peut pas affronter les cimes sans une béquille, sans un remontant,
06:57vous citez Marguerite Duras en exergue de votre livre, « Je sais une chose que personne
07:01ne sait, vous avez besoin de l'alcool pour vivre ».
07:05Oui, je pense que c'est un tabou de nos sociétés, la question de l'addiction, là je l'applique
07:09effectivement à un ancien président de la République, mais tous les personnages du
07:14livre sont soumis à des addictions, l'alcool, les antidépresseurs, les drogues, un rapport
07:20au sexe quasi obsessionnel, je pense que pour supporter la dureté de la société contemporaine,
07:27il y a une tendance à recourir à des addictions, et c'est vrai que chez un ancien président,
07:31c'était passionnant à décrire.
07:33On va écouter Duras qui parle de l'alcool.
07:34C'est trop simple de dire que c'est suicidaire, j'ai immédiatement ce que je crois.
07:43On ne sent pas la mort dans l'alcool, mais tout est comme si Dieu existait.
07:53Je pense que les gens qui boivent, qui m'écoutent là, doivent reconnaître ce que je dis, c'est
08:01Dieu, l'alcool.
08:04Le monde est vide, et voilà, tout à coup il y a Dieu, et le monde est bon, et resplendissant.
08:15Oui, ça compense un manque, puis il y a ce rapport à la dépendance aussi que je trouvais
08:20fascinant à exploiter, l'anxiété aussi du manque, le manque d'alcool, tout ce que fait
08:26Léman dans le livre pour cacher son goût pour l'alcool, et cette perte de contrôle
08:32chez quelqu'un qui incarne l'autorité de l'Etat, qui incarne la puissance.
08:37Cette faille face à une bouteille, cet homme d'Etat n'est plus rien.
08:41Il y a l'alcool, il y a le sexe.
08:42C'est une réflexion sur la sexualité aussi, votre livre, comment elle gouverne sa vie,
08:46à Léman, comme d'ailleurs beaucoup d'hommes de pouvoir.
08:48Vous écrivez « Une vie sans sexe, ils ne croyaient pas cela possible.
08:53Ce n'était pas seulement atroce, mais dangereux.
08:54Toute vie humaine se déployait entre deux espaces, la naissance et la mort, et entre
08:59les deux, seul le sexe offrait une alternative crédible au suicide.
09:03Oui, parce que c'est un instinct de vitalité, la sexualité, et ce qui était intéressant
09:09aussi à explorer avec ce sujet, c'est que les rapports de force ne sont jamais équilibrés
09:14dans la sexualité.
09:15Le dominant peut devenir le dominé, donc c'est à la fois cette source de vie très
09:20forte, et dans une société qui tend à gommer aussi cet aspect de la sexualité, de plus
09:25en plus de gens avouent même qu'ils ont renoncé au sexe, ça traduit quand même…
09:30Ça vous inquiète ?
09:31Oui, parce qu'il me semble que ça traduit quelque chose, ça dit quelque chose de notre
09:37société.
09:38Ce n'est pas que le pouvoir dans le milieu politique que vous racontez, Karine Tuiles,
09:40c'est aussi les rapports de pouvoir dans le monde du cinéma et de l'édition.
09:43D'ailleurs, ces trois milieux sont fascinés les uns par les autres, ça couche, ça pèse
09:48entre les uns et les autres, parce que Léman est mariée à Ilda Muller, qui est une actrice
09:52de 43 ans, un peu sur le retour, qui voit sa carrière redémarrer en jouant dans un
09:56film d'un réalisateur qui s'appelle Romain Nizan, réalisateur hype et terrible, qui
10:01a adapté le livre de la première femme de Léman, Marianne, qui est écrivaine.
10:05Vous vouliez montrer clairement comment ces milieux politiques, culture, pouvoir, médias
10:10cohabitent.
10:11C'est d'ailleurs peut-être ça qui fait monter aussi le populisme, parce qu'on a
10:15l'impression que c'est une sphère qui est le fameux entre-soi.
10:19Mais vous êtes encore plus dure avec le milieu du cinéma qu'avec le milieu politique,
10:24notamment à travers le personnage de ce réalisateur, ce Romain, charismatique, cynique, détestable,
10:29qui met les femmes sous emprise, qui a donc adapté le livre de la première femme de
10:33Léman, qui va la prendre, sa deuxième femme, l'actrice, pour son actrice, qui va coucher
10:37avec elle et qui va séduire la fille de Léman, Léonie, qui a 24 ans.
10:42C'est la figure du salaud, par excellence, ce réalisateur.
10:48Vous vouliez montrer quoi ? Qu'il y a encore pire dans le cinéma que dans la politique ?
10:52Non, d'abord j'avais envie d'un personnage comme ça, un peu cynique, oui, un salaud,
10:57parce qu'on en rencontre aussi dans une carrière.
10:59Il y a ce contraste, en réalité, entre les affirmations, vos idées, ce que vous êtes
11:06publiquement, la façade sociale et les agissements privés.
11:10Et ça, c'est quelque chose que j'ai trouvé assez notable dans les univers que vous décrivez.
11:15Vous en avez rencontré des réalisateurs comme ça dans votre carrière ?
11:18Oui, j'en ai rencontré.
11:19Des grands salauds ?
11:20D'ailleurs, c'est drôle parce qu'une fois, j'avais posé la question à l'un d'entre
11:23eux et qu'il m'avait dit « je mets toute mon humanité dans mes films ».
11:27Et donc, il n'y avait évidemment dans la vie plus rien.
11:31Et oui, il y a puis cette dimension sociale du film qu'il prétend faire, une dimension
11:38aussi féministe.
11:39Il se présente comme un homme résolument du côté des femmes, très engagé dans le
11:45combat féministe, donc très bien compris par la fille du président, Léonie, qui a
11:5024 ans et qui elle aussi est très engagée.
11:53Et on voit peu à peu que tout ça est un discours, que tout ça est faux.
11:56Peut-être qu'il a compris que c'était dans l'air du temps et qu'il fallait tenir
11:59ce genre de discours.
12:00Mais en privé, il agit radicalement différemment.
12:03Rassurez-nous, ce n'est pas Yvan Attal, votre figure ?
12:05Non, ce n'est pas du tout Yvan Attal.
12:06C'est Yvan Attal qui a adapté les choses humaines au cinéma.
12:09Ça s'est très bien passé.
12:10Je salue Yvan Attal d'ailleurs.
12:11Parce que là, il pourrait se dire derrière son poste, il écoutait la radio « c'est
12:15moi le réalisateur ciné ».
12:16Ce n'est pas du tout Yvan Attal.
12:17Ça a été idyllique la préparation des choses humaines avec Yvan, donc ce n'est
12:21absolument pas lui.
12:22Non, mais il n'y a pas eu toujours une inspiration vraiment concrète.
12:27Un écrivain, c'est quand même quelqu'un qui a un poste d'observation qui est assez
12:32intéressant parce qu'on ne nous remarque pas, on est un peu dans l'ombre.
12:35C'est impressionniste.
12:36On voit que vous prenez plusieurs personnes.
12:38Ceci des portraits de femmes dans ce livre.
12:41Une écrivaine de 58 ans, une actrice de 43 ans et une jeune fille de 24 ans, chacune
12:45est confrontée à des problématiques liées à son âge.
12:47Qu'avez-vous voulu montrer ? Qu'au fond, à 24 ans, à 43 ans ou à 58 ans, c'est
12:51quand même plus dur pour les femmes ?
12:52Ah oui.
12:53Je n'ai pas voulu le montrer, mais vous me le faites remarquer, et oui, c'est vrai,
12:57c'est plus dur pour les femmes.
12:58Elles sont confrontées quand même… D'abord, il y a une forme de vulnérabilité qui aujourd'hui
13:03n'est plus… On ne peut plus en parler.
13:06Il y a cette idée de la femme combative, la femme forte.
13:09C'est une nouvelle représentation de la femme dans laquelle je me retrouve.
13:12Je suis heureuse de voir ces changements.
13:14Mais dans la réalité, il y a quand même un ressenti différent.
13:18Il y a quand même une change mentale, une exposition à certaines problématiques qui
13:23est réelle.
13:24Vous avez raison, mais vous n'avez pas l'impression que ça change.
13:26Je vous pose la question parce que c'est vrai que dans le livre, l'actrice C.I.T.
13:29Ingrid Bergman qui avait donné cette interview à Jacques Chancel…
13:33D'ailleurs, on peut l'écouter, il ne reste pas beaucoup de temps, mais on va peut-être
13:36écouter sa voix, ça fait du bien, où elle parle des femmes de 39 ans qui sont tapées
13:39pour le cinéma.
13:40On l'écoute et je vous pose la question après.
13:42Je me rappelle un jour, vous disiez qu'après 39 ans, l'âge de 39 ans, une femme cessait
13:47d'être intéressante.
13:48Pour les auteurs.
13:49Vous ne disiez pas 40 ans d'ailleurs.
13:50Non, c'est toujours 39.
13:51C'est ça qui est drôle.
13:5339.
13:54Et c'est les auteurs qui n'ont aucun intérêt.
13:58Oui.
13:59Parler de la femme de 39 ans, c'est également condamner la femme de 40 ans.
14:01Oui, parce que 40 ans, c'est la même, 39 ou 40, mais c'est toujours moins intéressant
14:09pour les auteurs.
14:10Ils font les histoires de femmes âgées qui étaient aimées par un jeune garçon et alors
14:17c'est toujours 35 ou quelque chose comme ça, vous comprenez ?
14:20Les choses ne changent pas, que ce soit dans le cinéma, où là on voit que celle qui
14:23rafle tout c'est Demi Moore qui a 65 ans, Nicole Kidman qui a 58 ans, etc.
14:29Est-ce que vous n'avez pas l'impression vraiment que ces dernières années, il y a un vrai
14:32changement et que non, les femmes, non.
14:36En lisant le livre, on se dit que ça reste la même chose, que ta valeur sur le marché
14:41social ou le marché de la femme, de la séduction, etc. reste ton âge.
14:47Et la petite de 24 ans, elle peut séduire tous les hommes juste en étant par sa jeunesse
14:51alors que celle de 58 ans, c'est plus compliqué.
14:53Vous n'avez pas l'impression que les frontières sont en train de bouger ?
14:56C'est en train de bouger, c'est sûr.
14:58Et tant mieux.
14:59Mais il y a quand même après la réalité du terrain, c'est-à-dire que toutes les
15:02phrases qui sont dans le livre, ce sont des phrases que j'ai entendues et notamment sur
15:05l'âge des actrices.
15:06Une actrice de 35 ans, quand on dit qu'elle est trop vieille pour incarner une femme de
15:1040 ans, je me dis qu'on est encore loin d'une véritable révolution.
15:15Donc c'est en cours, mais ça n'est pas encore complètement réglé.
15:18Vous pensez que les choses sont en train d'être réglées ?
15:22Elles sont en train de changer, mais pas encore totalement.
15:24Vous, vous disiez au monde « 20 ans, ce n'est pas la plus belle période de ma vie ». J'ai
15:27pensé à me dire « je suis bien, bien plus tard, vers 40 ans, et maintenant la cinquantaine
15:31? »
15:32J'adore cet âge.
15:33J'aime beaucoup la cinquantaine.
15:34Pourquoi ?
15:35Parce qu'on a une certaine distance sur les choses, une distance un peu critique, lucide.
15:41Et c'est une forme de sagesse qui n'empêche pas l'ironie mordante que j'aime bien utiliser
15:47dans mes livres.
15:48Mais oui, il y a une sorte de distance.
15:49Vous dédiez votre roman à la mémoire d'un homme, qui fut une des dernières consciences
15:53du siècle, qui fut aussi votre ami, Karine Thuil.
15:56Pour moi, l'oratory va être bouleversé, fini.
16:01Ce que nous avons connu n'aura plus, parce que le numérique, la relation directe avec
16:11le magistrat, via la conférence, la vidéoconférence, ça s'ouvre, et ça va changer, évidemment.
16:21L'ordre des choses, l'art de convaincre ne sera plus le même.
16:24Mais ce n'est pas seulement ça.
16:26Vous êtes toujours, toujours, connectés, suivant le mot convenable, avec le monde.
16:34Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure façon d'aller vers l'essentiel.
16:39Il était toujours connecté avec le monde.
16:42Il manque, Robert Ballantin.
16:43Il manque énormément.
16:45Et justement, c'est un roman qui parle des masses que l'on porte en société.
16:48Et lui, c'était un homme qui était le même dans la sphère publique et dans la sphère
16:52privée.
16:53Il a cette intégrité inouïe, et il manque énormément.
16:58C'est une vraie conscience, avec cette honnêteté intellectuelle.
17:01Et depuis le 7 octobre, on aurait aimé entendre sa voix, ces derniers mois.
17:06D'ailleurs, lui aussi faisait un power couple, comme on dit, un couple de pouvoir avec sa
17:11femme.
17:12C'était aussi ça.
17:13Ça vous a inspiré aussi.
17:14Les Impromptus, pour terminer, vous répondez sans trop réfléchir, s'il vous plaît.
17:18Est-ce que c'est vrai que Gamine, votre mère, vous surnommait la justice française ?
17:22C'est vrai.
17:23C'est lourd.
17:24Très lourd.
17:25Vous avez fait du droit pour faire plaisir à vos parents, parce qu'ils disaient qu'écrivain,
17:28ce n'est pas un métier ?
17:29Tout à fait.
17:30Et aujourd'hui, ils pensent que c'est un métier, ça va ?
17:32Non, je ne suis pas docteur en droit, donc c'est un très grand échec pour ma mère.
17:35Vous venez de vous réinscrire sur Instagram après en être sortie, pourquoi ?
17:39Je ne sais pas, j'ai eu envie.
17:42Peut-être aussi pour le rapport à l'étranger, je suis beaucoup traduite à l'étranger.
17:45C'est un moyen de garder un lien avec mes lecteurs, et aussi à l'étranger.
17:49Jouent-Ville-le-Pont ou Paris ?
17:51Jouent à Ville-le-Pont, c'est l'enfance.
17:53La montagne ou la mer ?
17:55La montagne.
17:56Tom Wolfe ou Philippe Roth ?
17:58Philippe Roth.
18:00Cressi Nangou ou Annie Arnaud ?
18:02J'aime bien les deux, alors c'est difficile.
18:05Les deux, allez, je ne peux pas.
18:07Martin Scorsese ou James Gray ?
18:09C'est pareil, allez.
18:11James Gray, même si Scorsese est plus grand encore.
18:14Al Pacino ou Robert de Niro ?
18:15Al Pacino, fan absolu.
18:17Isabelle Huppert ou Isabella Gianni ?
18:19Assez dur. Isabelle Huppert.
18:21Donald Trump ou Elon Musk ?
18:23Il pourrait vous inspirer, les nouveaux maîtres de Washington.
18:25Surtout Elon Musk.
18:27Tous ces gens de la Silicon Valley me fascinent parce qu'ils possèdent le vrai pouvoir.
18:31Hélas.
18:32Vous votez ?
18:33Oui, je vote.
18:34Toujours ?
18:35Toujours.
18:36Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
18:38Fraternité.
18:40Et Dieu dans tout ça ?
18:42C'est une question trop intime.
18:45La guerre par d'autres moyens, les jeux de l'amour et du pouvoir.
18:49C'est signé Karine Thuil et c'est chez Gallimard.
18:51Merci et belle journée.
18:52Merci à vous.