• il y a 8 heures
À 9h20, Marc Lavoine est l'invité de Léa Salamé. Il publie "Quand arrivent les chevaux" aux éditions Fayard, où il évoque la mort de sa mère et les bouleversements qu'elle a engendrés dans sa vie. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-16-janvier-2025-4090680

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Transcription
00:00Et c'est magique, Marc Lavoine qui est à votre micro ce matin, Léa Salamé.
00:04C'est magique.
00:05Et bonjour Marc Lavoine.
00:06Bonjour Léa.
00:07Merci d'être avec nous ce matin.
00:09Si vous étiez un président de la République, une chanson d'amour et un endroit sur la terre,
00:14vous seriez où ? Vous seriez qui ?
00:16Déjà je ne serais pas un président de la République.
00:19C'est mieux pour la France ?
00:20Non, non, non.
00:21J'aime bien les démocraties évidemment, il y en a peu.
00:24Mais si vous en étiez un ?
00:26Si j'en étais un, ce sera le prochain peut-être, en espérant que ce soit un président.
00:30Mais bon, je nage un peu là parce que, vous savez, je n'ai pas choisi d'être adulte,
00:39d'être dans ce réel là.
00:42Et c'est bien difficile pour eux d'ailleurs de s'en sortir.
00:45Mais peut-être une femme, parce que la politique c'est quelque chose qui devient autre chose
00:54que ce que c'était.
00:55C'est plus les gens, les maires qui s'occupent des gens vraiment.
00:59Donc la présidence, ça vous éloigne de la réalité je crois.
01:05Pas seulement la présidence, le fait d'être ministre ou d'être député, c'est…
01:09Dès qu'on passe à la télé, on est un peu écarté du réel.
01:13Moi j'ai choisi d'écrire, c'est déjà difficile.
01:16Alors, pas de président de la République, mais si vous étiez une chanson d'amour ?
01:20Ma plus belle histoire d'amour c'est vous.
01:22Je pense que ce serait ça ma chanson, parce que c'est une chanson absolue, elle est
01:27écrite divinement bien, on ne sent pas les rimes, elle rime toute seule.
01:31Et Barbara faisait ça dans toutes les chansons, ça avait l'air d'être naturel.
01:35Elle a fait trois albums merveilleux.
01:37Donc cette chanson est sur un des trois et c'est merveilleux.
01:40Barbara, donc.
01:41Et un endroit sur la Terre ?
01:42Alors j'aimerais bien être entre Paphos et Citer, cet endroit-là.
01:47Entre les deux.
01:48Sur une…
01:49Sur une île.
01:50Sur une île.
01:51Oui peut-être, parce que c'est là où est née Aphrodite.
01:54Et les dieux grecs m'ont toujours plu.
01:57Parce qu'il y a des filles, beaucoup.
01:59La Vénus de Milo, elle est belle parce qu'elle est bien habillée, elle n'a pas de copyright,
02:09elle est bien habillée, elle est libre.
02:10Et on voit le début de l'arrêt de ses fesses et c'est très beau.
02:14Ce n'est pas érotique, c'est juste beau et ça contredit toute la pornographie d'aujourd'hui
02:20qui est un peu partout.
02:21Pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance.
02:24J'ai été un enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas.
02:28C'est ce qu'écrivait Albert Cohen dans le livre de ma mère et en lisant votre livre
02:31à vous, Marc Lavoine, on se dit que cette phrase de Cohen doit résonner, vous non plus.
02:36Vous n'êtes plus un enfant, vous n'êtes plus le fils de votre mère et au fond vous
02:38n'en revenez plus.
02:39C'est vrai que quitter l'enfance c'est difficile parce qu'elle ne nous quitte pas.
02:45Elle est toujours là avec nous mais surtout ce qui est dangereux c'est de devenir un
02:48adulte.
02:49Ça c'est vraiment le danger pour un enfant, c'est de devenir un adulte parce que c'est
02:54définitif.
02:55Il y a un moment où notre ticket n'est plus valable et donc être un homme, être une
03:01femme surtout, être un homme éclairé par une femme, c'est ce qu'il y a de bien pour
03:06rester enfant.
03:07Je crois que l'enfance c'est la chose la plus importante du monde.
03:10Tout se passe là et tout reste avec nous, sauf quand on devient un adulte.
03:15Vous êtes un chanteur à succès depuis 40 ans, Marc Lavoine, vous êtes aussi comédien,
03:19vous avez marqué les français notamment dans votre rôle dans le cœur des hommes
03:22mais vous êtes aussi écrivain.
03:24Votre premier livre, paru il y a 10 ans, L'homme qui ment, où vous racontez votre enfance
03:28dans une France populaire avec un père communiste, avait connu un succès phénoménal.
03:32Même vous, vous n'y étendiez pas, plus de 100 000 livres vendus et puis plus rien.
03:37Vous n'avez plus rien publié pendant 10 ans alors que vous auriez pu en vous disant
03:41bon ben voilà j'en ai vendu 100 000, je reviens.
03:44Rien.
03:45Avant ce nouveau livre, aujourd'hui, Quand arrivent les chevaux, chez Fayard, consacré
03:48à la mort de votre mère et à la déstabilisation vertigineuse qu'elle a entraînée dans votre
03:52vie, pourquoi vous avez mis si longtemps à écrire votre deuxième livre ?
03:56D'abord j'ai écrit des chansons entre temps, j'ai fait aussi une comédie musicale.
04:00Donc ça prend du temps, j'ai fait des films, des films de Gatliff, etc.
04:04Et puis je l'avais écrit le bouquin, il était dans mon atelier, sur mon bureau, enfin
04:11sur la table, il est resté 5-6 ans.
04:13Il y avait du café dessus, je remettais quelques notes.
04:16Et un jour, ma maison d'édition m'a appelé en me disant il faut le rendre le livre maintenant
04:21parce que ça fait longtemps que tu nous l'as promis.
04:24J'ai donc lu le livre avec mon attaché de presse, on a lu la moitié la première fois
04:32et puis la deuxième moitié le lendemain et on a décidé de le sortir.
04:35J'ai été obligé de le sortir et il était resté là.
04:38Vous ne vouliez pas le sortir ?
04:40C'est-à-dire que j'avais peur de ce livre et donc j'ai hésité, c'est un refus d'obstacle
04:48pour un cheval.
04:49Et aujourd'hui, qu'est-ce qui vous a décidé à y aller, à ne plus avoir peur de le sortir ?
04:54Donc j'ai sorti le livre par obligation et puis j'ai sorti le disque aussi en même temps.
04:59Je les ai mis tous les deux sur le...
05:02Oui parce qu'il y a aussi les 40 ans, vos 40 ans en chanson qui est sorti en octobre.
05:06Le disque puis le livre.
05:07Et j'avais très peur et puis il s'est produit là une chose, c'est que au moment où je voulais un peu arrêter
05:15parce que je suis assez atteint et touché par les réseaux sociaux, voilà j'aime pas ça,
05:20je me suis dit ça sert plus à rien de continuer, je vais faire des livres, je vais partir
05:23et puis je vais faire des livres, je vais m'installer en Grèce, je ferai des livres.
05:27Et là, j'avais plus Paris non plus, ça sentait Sephora, ça devenait pénible.
05:35Alors que Paris n'était pas pénible, elle est devenue pénible, elle était devenue...
05:39Le son de Paris me cassait les oreilles.
05:42Et puis, le bonheur existe, c'est-à-dire qu'il a un visage, il faut le trouver ou il faut l'attendre.
05:49J'attendais pas d'ailleurs mais il faut pas en avoir peur je crois que...
05:54C'est comme la liberté, c'est comme l'amour, c'est toujours en danger mais il y a toujours quelqu'un pour le défendre.
05:59Donc c'est par bonheur, parce que vous avez rencontré le bonheur, que vous avez osé sortir ce livre ?
06:04Non, j'ai sorti le truc et le bonheur m'est arrivé.
06:07Peut-être qu'il fallait que je déclenche, je sais pas.
06:09Alors, est-ce qu'on croit aux signes, aux choses qui nous arrivent ?
06:13J'en sais rien mais en tout cas ça s'est passé comme ça.
06:15Enfin quand on vous lit, on croit aux signes, on se dit que vous y croyez aux signes.
06:19Oui, je crois qu'il y a quelque chose, il y a un parfum, il y a quelque chose qui est ailleurs,
06:24qui nous touche, qui nous frôle et parfois on a le droit d'y croire.
06:29On va vous parler du bonheur et de l'amour mais on va commencer par la mer, par ce livre-là.
06:34C'est un livre sur la culpabilité.
06:36Dès le début, vous écrivez « ma mère est mal morte, je me sens responsable de sa mort, j'ai raté sa mort ».
06:43Qu'est-ce que vous avez raté ?
06:44Au fond, au moment où je l'écris, je le pense.
06:49Et puis aujourd'hui, je pense qu'elle est morte parce qu'elle avait envie de mourir, elle était fatiguée, elle était usée.
06:54Moi j'aurais aimé la garder trois ans, même une journée de plus.
06:58Une journée comme les autres, pas forcément une journée ensoleillée,
07:00une journée avec l'odeur du chocolat, avec son odeur à elle, avec tout son univers.
07:04J'aurais aimé qu'elle revienne de temps en temps.
07:06Mais maintenant, il faut savoir laisser partir les gens.
07:09Les gens, quand ils sont morts, parce qu'ils sont morts, ils ne reviendront pas.
07:13Ce ne sont pas des gens qui ont disparu, ils sont morts.
07:15Et il faut accepter cette mort parce qu'elle fait partie de la vie.
07:18Et nous, on a un regard sur la mort qui est très très dur.
07:22Votre mari ou votre femme est très malade, ça va très bien, ne vous inquiétez pas.
07:26Il y a quelque chose de... un refus comme ça.
07:28Et je pense qu'il faut la laisser partir parce qu'elle appartient à l'absolu, elle n'appartient pas.
07:33Oui, mais longtemps vous avez refusé de la laisser partir.
07:35Oui, jusqu'au moment où j'ai sorti mon livre.
07:36Jusqu'au moment où vous sortez ce livre-là, où vous l'écrivez, où vous le sortez.
07:39Cette culpabilité, elle est quoi ?
07:41Parce que vous n'étiez pas là les derniers jours de sa mort,
07:44parce que vous auriez pu la changer de clinique, c'est ce que vous expliquez.
07:47Lui faire revoir son ancien médecin plutôt que de la laisser là,
07:50mais vous vous dites, je n'ai pas voulu faire chier.
07:53Tout le monde, ça convenait à tout le monde qu'elle soit dans cette clinique-là.
07:55Et puis vous n'étiez pas là.
07:57Oui, j'étais parti écrire les souliers rouges d'ailleurs.
07:59Dans le Gers, vous étiez.
08:01Donc voilà, on m'a appelé pour me dire, elle est morte, comme pour mon père d'ailleurs.
08:04Et donc si j'étais pas là,
08:07je sais pas pourquoi ça s'est passé comme ça, ça s'est produit comme ça.
08:09Mais ce dont vous parlez, c'est des éléments qui sont des mécaniques.
08:12C'est des choses, parce qu'on fait chier, parce qu'on a peur de ça.
08:15Finalement, la dernière photo que j'ai faite d'elle, quand j'ai vu l'écran, j'ai vu qu'elle était morte.
08:20Vous savez, vous le voyez avant.
08:21Alors que vous lui dites, vous êtes dans la voiture pour la conduire dans cette clinique,
08:24quelques semaines avant sa mort.
08:26Et vous lui dites, maman, retourne-toi, fais-moi un sourire.
08:28Oui, et elle me le fait.
08:30Et elle vous le fait ?
08:30Elle reprend la vie à ce moment-là.
08:32Parce qu'elle sait très bien, elle savait très bien que j'avais besoin de ses yeux,
08:34j'avais besoin de son sourire.
08:36Dans ses yeux, j'étais bien.
08:39Du coup, vous décidez de réparer cette culpabilité avec ce livre,
08:42en racontant votre mère à travers les trois dernières semaines de sa vie
08:46et à travers un dialogue entre vous et elle.
08:48Un dialogue où elle se remémore sa vie, la mère qu'elle a été, la femme qu'elle a été.
08:52Et parfois, elle délire.
08:53Elle pense qu'elle est une jument, ou elle pense qu'elle est une petite fille de 11 ans.
08:57Et parfois, elle vous entraîne dans ce délire surréaliste.
08:59Elle triche un peu sur son âge.
09:00En fait, elle a 12 ans, à le dire.
09:01Oui, elle dit, pardon, j'ai 12 ans, j'ai toujours triché sur mon âge.
09:05Et à travers ce dialogue, parfois surréaliste, très émouvant,
09:09entre vous et elle, qui va mourir,
09:12dont on ne sait pas, nous, lecteurs, ce qui est vrai, ce qui est faux,
09:15vous racontez la femme qu'elle fut, vous racontez son courage, ses souffrances.
09:18Et vous racontez aussi cet état dans lequel on est tous quand on perd un proche,
09:22qui est cet état où le surréalisme, où la vie des morts se mélange avec la vie des vivants,
09:26où on ne sait plus trop bien les choses.
09:28Oui, c'est une drôle de période qui nous arrive.
09:30Et c'est vrai que c'est une jument.
09:32C'est une jument, et puis c'est une enfant.
09:34Elle le dit, je ne suis pas adulte.
09:35Il faut que tu restes.
09:36Tu as le choix maintenant, parce qu'avant que je parte, il faut que tu restes un enfant.
09:39Sinon, tu vas finir comme tous ces...
09:42Pourquoi machin s'est tué ? C'est parce qu'il est devenu un adulte.
09:45Et moi, je n'aime pas les adultes, elle vous dit, votre mère.
09:47Je les déteste.
09:48Ce n'est pas bien. Ils ne sont pas drôles.
09:49Elle n'a pas confiance en eux, surtout, vu le monde qu'ils font, et aussi, bien sûr,
09:55par mon père.
09:56Mais la jument, au centre de Guernica, c'est la jument qui est là, c'est tout un cheval.
10:00Et puis l'enfant est en nous, et donc il ne faut pas laisser partir ça.
10:04Et donc ça se situe dans ma boîte crânienne, au café de la Croix-Rouge, et dans la chambre 36,
10:08avant qu'on parte à l'avant bout du monde, voir les chevaux.
10:11Mais et qu'on parte et qu'on...
10:12« Les chevaux », c'est le titre du livre.
10:15Quand arrivent les chevaux, les chevaux, vous vous rendez compte en allant chez elles,
10:19en regardant les vinyles qu'elle vous a laissés, la littérature, les livres qu'elle vous a laissés,
10:24qu'il y a toujours des chevaux.
10:26Et donc, il y a toute une bande originale de chansons avec les chevaux.
10:31J'en ai retenu une, qui est sans doute une des plus belles chansons des Stones, « Wild Horses ».
10:49Ce qui est fou, Marc Lavoine, c'est que vous ne vous rappelez pas de la date de la mort de votre mère.
11:03C'est-à-dire que dans toutes les interviews, encore les interviews là, de ce mois-ci,
11:07vous dites qu'elle est morte il y a 6-7 ans, alors que non, elle est morte en 2011, elle est morte il y a 13 ans.
11:12C'est fou quand même de refuser.
11:14Non, je refuse pas, mais je n'ai pas peur des heures qui tombent.
11:17Le temps est longiligne pour moi.
11:18Et je ne sais pas quel jour nous sommes, par exemple.
11:22Je ne connais pas vraiment si c'est un mardi ou un mercredi.
11:25Je sais quand c'est le dimanche, parce que dimanche, la vie prend un autre visage.
11:31Mais sinon, ça ne m'intéresse plus.
11:33Ça ne m'a jamais vraiment beaucoup intéressé.
11:35Vous ne vous souvenez pas de la mort de votre mère, mais vous vous souvenez du choc terrible que ça a été pour vous.
11:40Vous allez dans la chambre 36, vos jambes ne tiennent plus.
11:43Il y a quelque chose de physique dans la mort d'une mère, ce que raconte ce que nous disait à ce micro Charlotte Gainsbourg
11:48quand elle a perdu sa mère, Jane Birkin, écoutez.
11:50La mort d'une mère, c'est dans notre corps.
11:53Il y a quelque chose auquel on ne s'attend pas du tout.
11:57Et là, évidemment, on entend parler de personnes qui, comme vous, ont perdu leur mère et qui m'ont dit
12:04effectivement, il y a quelque chose de la colonne vertébrale qui s'effondre.
12:10Et je n'ai plus de repère.
12:11Je n'ai vraiment plus de repère.
12:13Vous non plus.
12:14Oui, c'est vrai que moi, je me suis effondré.
12:17Et ça, c'est la vérité.
12:18Donc, je me souviens du baiser que j'ai fait sur son front, qui était un baiser absolument terrible, inacceptable.
12:26Mais bon, on perd le centre du monde.
12:28On ne sait plus où on est égaré.
12:30Je pleure, parle, je ne sais même pas ce que je dis.
12:33Vous vous effondrez physiquement, vous tombez par terre.
12:36Mon frère m'a relevé.
12:38Je n'ai pas accepté.
12:40Alors aujourd'hui, ça va beaucoup mieux.
12:42Aujourd'hui, tous les bons souvenirs me reviennent.
12:43Oui, mais pendant longtemps, vous dites et vous l'écrivez, vous avez erré.
12:47Vous avez erré et vous vous êtes perdu.
12:50Vous racontez le succès de votre premier livre il y a dix ans, donc c'est trois ans après la mort de votre mère.
12:54Tout va bien, le livre rencontre son public, ça cartonne.
12:57Vous êtes dans le classement au milieu.
12:59Écrivez-vous des gens que vous aimez, des écrivains que vous aimez, vous y êtes.
13:02Vous êtes invité.
13:03Vous qui avez souvent dit, je n'ai pas la carte, c'est comme ça.
13:06Là, vous avez la carte.
13:08Vous êtes invi... Non ?
13:09Non, je n'ai pas la carte parce que je ne la désire pas.
13:11C'est vraiment...
13:12Mais quand même, il y a quelque chose avec ce livre, il y a dix ans.
13:14Vous racontez.
13:16Vous êtes invité par Delahousse, par François Bunel, la grande librairie que j'étais là.
13:19Tout va bien, tout va bien, mais rien ne va.
13:22Rien ne va.
13:22Et vous tombez, vous vous détruisez, vous écrivez.
13:25Je bois, je fume, je bois, j'inhale de l'éther, je bois, j'avale des somnifères qui ne m'endorment plus.
13:30Je bois, je prends des calmants qui ne me calment rien.
13:32Je bois, je respire des lignes blanches qui me plongent dans le noir.
13:35Vous buvez, vous fumez, vous prenez de la drogue, de la cocaïne, des lignes blanches
13:39pour essayer de vous détruire, de mourir, et ça va durer des années.
13:41Et je me jette sur mon piano pour enregistrer le son de la mort.
13:44C'est-à-dire, et je parle indien sous la douche parce que je laisse couler l'eau sur moi jusqu'à ce qu'elle m'efface.
13:49Si vous voulez, j'ai essayé de montrer que tous les maux de notre société, les gens qui se flinguent,
13:54les gens qui boivent, les gens qui se droguent, qui vont frôler la mort toujours, c'est qu'il y a une raison.
13:59Et donc, je les ai tous mis là.
14:01Les insultes que je donne aux gens qui passent en bas jusqu'à tomber sur le balcon du dessous.
14:06Tout ça, et même dans un livre de Virginie Despentes, il y avait une scène formidable où
14:11elle insultait les gens dans le supermarché, dans je ne sais plus quel livre que c'était.
14:17Et c'était vraiment très beau.
14:18– Dans un subitexte.
14:19– Voilà, c'est ça.
14:20Et j'avais d'ailleurs écrit la quatrième de couverture pour son livre.
14:23Et elle écrit remarquablement bien parce que je sentais...
14:27Moi, j'aime beaucoup l'écriture quand c'est de la poésie.
14:31Vous voyez ? Comme Pessoa ou comme Virginie Despentes.
14:34J'aime bien quand la poésie est tout le temps sur le sol.
14:37Vous voyez les fleurs ?
14:38– Le réalisme magique, il y a quelque chose de ça aussi dans votre livre.
14:40– Oui, et là c'est le surréalisme.
14:42– Et le surréalisme.
14:43Et qu'est-ce qui va vous sortir de ça ?
14:47De cette spirale d'alcool, de drogue ?
14:51Est-ce que vous en êtes sorti ?
14:52– Oui, bien sûr, mais en même temps, je suis plein.
14:54Enfin, moi, je suis Marcel, c'est Marcel.
14:56Moi, je suis Marc.
14:58– Oui, on vous ressemble beaucoup, Marcel.
14:59– C'est deux personnes différentes.
15:01Marcel est une personne qui attire tous les maux du monde
15:06parce que ça vous arrive à ce moment-là.
15:07À ce moment-là, vous n'êtes vraiment pas loin de la rupture.
15:09Mais ce que je voulais dire, c'est qu'ensuite,
15:14la personne qui vient chez moi pour me relever de la douche,
15:16pour me laver, pour me laver tout ce que je n'aime plus,
15:21tout ce que je n'aime plus en moi,
15:24parce que c'est parti avec ma mère,
15:26elle me dit, il y a un message,
15:28surtout parce que j'ai interdit qu'on me donne mon courrier,
15:30j'ai tout arrêté.
15:32Il y a un message de Fred, et Fred, elle a perdu son fils.
15:35Et ça, c'est vrai.
15:37Et je vais le voir, et je lui parle de ce que je faisais en ce moment,
15:40parce que je ne savais pas de quoi lui parler.
15:42Je ne pouvais pas lui parler de son fils.
15:44La voile, je n'y connais rien.
15:46Il me dit, qu'est-ce que tu fais ?
15:46Je lui dis, j'écris un livre sur ma mère qui est morte.
15:48Il me dit, oui, je sais, elle est morte il y a 6 ou 7 ans.
15:50Et je dis, quoi, elle est morte il y a 7 ans ?
15:52Je me rends compte que j'ai perdu les pédales.
15:55Et donc, il m'emmène au nord du nord de la Suède faire du cheval.
16:01Et je tombe sur Don, mon cheval.
16:03Et c'est lui qui me choisit, en fait.
16:05Je ne l'avais pas vu, il était derrière moi.
16:07Et à ce moment-là, j'ai fait du cheval.
16:09Je n'avais jamais fait de cheval de ma vie.
16:11Je me suis retrouvé sur ce canasson,
16:14et j'ai vécu des choses extraordinaires.
16:15Je me suis mis à pleurer, ni de joie, ni de tristesse.
16:19Et j'ai fini par galoper bien avec lui.
16:21Ça a été vraiment un passage extraordinaire,
16:23parce que ce blanc, ce grand blanc qui était autour de moi,
16:27ce grand vide m'a rempli d'espérance.
16:31Ça a été la réparation.
16:32Puis, et vous avez commencé l'entretien avec ça,
16:34donc je me permets de vous en parler.
16:36À 60 ans, ma vie renaît.
16:38Ma vie commence, ma vie recommence, vous avez dit.
16:42À cause ou grâce ?
16:43Grâce, oui.
16:44Grâce, plutôt.
16:45Plutôt, oui.
16:46À une femme.
16:46Grâce, à la grâce d'une femme.
16:49Oui, oui, c'est incroyable comme on peut...
16:52Une femme qui a les yeux bleus, c'est drôle parce que...
16:54Elle a les yeux revolvers aussi, Adriana Carambeu ?
16:56C'est-à-dire qu'elle a les yeux de ma mère, un peu.
16:59Elle est proche de ma mère, en fait.
17:01C'est incroyable.
17:02Mais une femme, c'est pas une mère.
17:04Il faut arrêter de dire que c'est une mère ou une sœur.
17:07Une femme, c'est une femme à part entière.
17:09C'est pas un supplétif.
17:10Oui, on dira jamais ça d'un homme.
17:12Il faut bien insister là-dessus, parce que c'est très important.
17:16Et ça vous est tombé dessus alors que vous pensiez que vous ne diriez plus jamais
17:19« je t'aime » pour reprendre la chanson que vous avez sortie ?
17:22C'était étrange, c'est-à-dire que je sors une chanson et un livre et les choses me reviennent.
17:26On va écouter juste cette chanson qui est sur l'album « Best Of » des 40 ans.
17:30C'est un inédit et là aussi c'est un signe.
17:53Eh ben oui !
17:54Mais c'était une question aussi.
17:56Et alors ? Et la réponse est ?
17:58« Je t'aime ».
18:02Évidemment, c'est incroyable.
18:04L'amour est un truc qu'on ne connaît pas, on ne sait pas ce que c'est.
18:07Vous avez l'air, parce que vous n'êtes pas tout jeune non plus,
18:10ce n'est pas la première fois que vous connaissez l'amour,
18:12mais vous avez l'air totalement envoûté par cette histoire-là et déstabilisé.
18:17Et vous vous embrassez tout le temps, on le voit dans la précipitation, je trouve ça joli.
18:20C'est un amour sans pourquoi.
18:22C'est la première fois que ça m'arrive d'avoir un...
18:26Je n'ai pas d'intérêt pour elle non plus d'ailleurs.
18:29On n'a pas besoin l'un de l'autre, là, dans la réalité.
18:33Mais on a besoin l'un de l'autre dans la...
18:36Je ne sais pas, c'est dans l'espace, il y a quelque chose qui se produit.
18:40C'est comme ça.
18:42Les impromptus pour terminer, vous répondez très rapidement, on a une minute.
18:44Écrire, jouer ou chanter, qu'est-ce que vous préférez ?
18:49Écrire, je crois.
18:51Rive gauche ou rive droite ?
18:53Rive gauche.
18:55Romain Gary ou Joseph Kiesel ?
18:57C'est dur, ça.
18:59Romain Gary.
19:01Aragon ou Rimbaud ?
19:03Rimbaud.
19:05The Voice ou la Starac ?
19:07The Voice.
19:09Quel père êtes-vous, marque la voie dans trois mots ?
19:11Je suis un père qui apprend à l'être.
19:13Je suis un père avec une dame, quand même.
19:18On n'est pas un père...
19:20Une femme est une mère décale à l'enfant en elle.
19:24Non, c'est neuf mois plus tard.
19:26Ces neuf mois de décalage, c'est ça qui fait que le mystère de la femme reste entier.
19:30Est-ce que vous avez retrouvé la foi que vous aviez perdue au moment de la mort de votre mère ?
19:36Alors ça, je ne sais pas, mais moi je me suis retrouvé, en fait.
19:38Donc c'est déjà pas mal.
19:40Liberté, égalité, fraternité, vous préférez quoi ?
19:42Liberté.
19:45Le livre s'appelle Quand arrivent les chevaux ?
19:47C'est chez Fayard.
19:49Deuxième roman de Marc Lavoine
19:51sur la mort d'une mère et le vertige que ça procure
19:53avec à la fin le bonheur.
19:55Merci.

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