À 9h05, un plateau consacré à la gastronomie française à quelques jours des fêtes de fin d'année, avec le critique François-Régis Gaudry, le chef pâtissier Yann Couvreur et l'influenceuse food Louloukitchen.
Retrouvez le débat du 7/10 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10
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00:00Et à moins d'une semaine de Noël, je suis très heureux de recevoir à la table du
00:09Studio 511 des gens qui aiment cuisiner, qui aiment partager, qui aiment boire avec
00:14modération et qui aiment parler de bonne bouffe.
00:17Je vous les présente, Lou Elsener, alias Loulou Kitchen, bonjour, soyez là, bienvenue
00:24au micro d'Inter, bon anniversaire, vous avez 30 ans aujourd'hui, un million de followers,
00:29sur votre page compte Instagram, avec des recettes, langoustes, beurre, safran, miel,
00:36ça c'est la dernière en date et elle est pour Noël, vous avez publié deux livres
00:42chez Marabout, tomates, feta, huile d'olive et citron et aubergines, ricotta, thym et
00:48miel.
00:49Avec nous également Yann Couvreur, bonjour, pâtissier à Paris, cette boutique est l'empire
00:56du contre-attaque et s'étend avec un café à Miami, des adresses à Dubaï, au Qatar
01:01et à Bahreïn, vous êtes venus les mains pleines et vous nous direz ce qu'il y a dans
01:09ces boîtes magnifiques dans quelques instants.
01:12Et enfin, François-Régis Gaudry, bonjour, voici connu des auditeurs d'Inter, on va déguster
01:19pour l'émission de radio, très très bon à la télé sur Paris 1ère et je mets un
01:24très très bon à cette émission, d'ailleurs je renvoie à votre dernier livre, François-Régis,
01:29Recettes et Récistes, un livre très personnel, où vous parlez à la première personne de
01:34ce que vous aimez.
01:35Merci à tous d'être là, avant de se mettre à table, dites-nous en quelques mots ce que
01:39veut dire Noël pour vous, quels souvenirs d'enfance avez-vous de ce repas si particulier,
01:45si ritualisé, pour lequel on fait un effort de bien cuisiner, de faire une jolie table
01:51et de bien s'habiller, François-Régis ?
01:54Ma mère était une très grande cuisinière qui se lançait dans des grands défis techniques
01:59et paradoxalement la période de Noël, c'était plutôt une période de pause, une période
02:02de trêve, c'est-à-dire sa devise c'était « mini-effort, maxi-réconfort » et on
02:07se tournait beaucoup vers d'excellents produits, mais des produits bruts qui demandaient assez
02:10peu d'après, d'après-culinaire et c'était souvent d'ailleurs des produits de la mer.
02:15Donc on a mangé, j'ai mangé beaucoup beaucoup d'huîtres quand j'étais petit, j'ai mangé
02:18aussi quelques très jolis crustacés, des coquilles Saint-Jacques, on était plutôt
02:22dans cette optique et on avait à la fin une belle bûche ou une belle corbeille de fruits
02:26et moi je reproduis un peu, ça doit être cet atavisme familial de reproduire, puis
02:30le fait aussi que j'ai la chance de passer souvent mon réveillon du côté de la Normandie,
02:34donc je suis aux premières loges de tous les produits de la mer et c'est vrai que je
02:37me tourne beaucoup vers les coquillages français, les huîtres…
02:39Alors ça, on va y revenir, c'est important d'essayer de voir à quoi peut ressembler
02:44en 2024 ce repas si traditionnel.
02:48Yann Couvreur, vous, c'était comment alors la table de Noël quand vous étiez gamin ?
02:54Alors une table évidemment familiale avec plusieurs générations autour de la table,
02:59c'est important de le préciser parce que dans le choix des produits, il faut être
03:02assez consensuel, donc parfois quatre générations autour d'une table, il faut vraiment essayer
03:08de convenir à tous.
03:10Une succession d'entrées interminables, foie gras, ouais ça fait un peu…
03:16Saumon, coquilles, gingembre…
03:18Ce qui fait que quand la volaille arrive finalement plus personne n'a faim, mais c'était
03:23à chaque fois le même rituel, donc moi c'est là où je prenais le plus de plaisir sur
03:27ces successions de petites entrées.
03:29Et puis évidemment la bûche à la fin, parce que François Régis n'en parle pas, mais
03:34la bûche c'est quand même important.
03:35Ah si, si, j'en ai parlé, vive la bûche !
03:37Ce n'est pas une variable d'ajustement, on va en dire un mot.
03:40Je suis là pour défendre ma paroisse aussi.
03:41Exactement, Lou Elsener, vos Noëls d'enfants ?
03:44Alors nous, dans ma famille, de mon côté, on n'a jamais été dans un excès, donc
03:49c'est toujours aussi, je rejoins François Régis, des produits bruts, ce qui fait que
03:53je n'ai jamais été dégoûtée de Noël en fin de repas, parce qu'on choisit bien
03:58nos produits dès le départ, au moment des courses, et voilà c'est des produits de
04:03qualité généralement, des belles huîtres, un beau foie gras, un beau saumon, mais peu
04:07de qualité.
04:08C'est un repas qui, je dirais, dans nos mémoires, a trait avec l'abondance et il
04:16faut faire rupture selon vous, François Régis Godry, avec cette idée d'un surplus de
04:24nourriture ?
04:25Oui, enfin rupture, je ne voudrais pas être le rabat-joie autour de ce plateau, parce
04:28que par ailleurs, mon métier c'est de manger, je peux vous assurer que je donne de ma personne
04:33dans mes expériences culinaires que je vis au quotidien, mais il est vrai qu'on peut
04:36quand même essayer de lever le pied, il y a un lâcher-prise, on est même autorisé
04:42de boire un petit coup de trop, surtout avec les avalanches de mauvaises nouvelles qui
04:46nous tombent sur le point de la figure, mais on peut aussi s'inscrire dans une forme
04:49de sobriété gourmande, et pour moi la sobriété gourmande c'est tout sauf un oxymore, on
04:53peut se tourner vers des produits plus durables, on peut aussi considérer qu'il y a du gaspillage,
04:58c'est la fête des fins d'année, mais c'est aussi la fête du gaspillage dans la
05:02mesure où chaque français gaspille environ une vingtaine de kilos de nourriture par an,
05:07et les trois quarts de ce gaspillage s'effectuent les quinze derniers jours de l'année, donc
05:12là on peut quand même se dire que, essayons de manger un peu moins parce que si c'est
05:15pour que la moitié de la dinde ou de la volaille finissent à la poubelle, c'est pas très
05:18intéressant, donc en effet, essayons d'adopter des comportements un peu plus responsables.
05:22Moi je conseille aux gens quand même de limiter un peu au niveau des apéros, parce que souvent
05:27on a tendance à faire des excès à ce niveau-là, et après on ne peut pas suivre au niveau
05:30du repas.
05:31Aussi pour éviter le gaspillage alimentaire, je conseille d'acheter des tupperwares en
05:35verre et de donner les restes à vos familles, vos invités à la fin du repas, et surtout
05:41de cibler en amont le nombre de personnes que vous allez recevoir, que chacun participe
05:48aussi, pour éviter les gaspillages.
05:52Yann Couvreur, vous avez déjà votre menu pour le 24 ?
05:55Pas du tout.
05:56Vous allez improviser ?
05:57Il va être au travail, genre de...
06:01Déjà, c'est une grosse journée pour moi, donc généralement je délègue un petit peu
06:04cette partie-là.
06:05Évidemment je ramène les bûches, c'est même pas négociable, et d'ailleurs c'est
06:11pas un plaisir, parce que moi c'est des bûches que je vois tout le temps, que j'ai goûtées,
06:15re-goûtées, donc il n'y a pas cette notion un petit peu de repas spécial, puisque je
06:19ramène du boulot à la maison, donc au final c'est pas aussi...
06:21La bûche vous rappelle le boulot en fait, c'est ça ?
06:24Et puis moi j'aime bien découvrir quelque chose que je ne connais pas en fait, j'aime
06:27bien cette notion-là, donc effectivement celle-là, elle m'est maintenant totalement
06:31inconnue depuis quelques années, mais bon c'est comme ça, c'est le jeu.
06:34Alors elle ressemble à quoi votre bûche ?
06:36Il y en a plusieurs, on en a fait 9 cette année, je vous en ai ramené 2.
06:39Ouais, montrez-nous.
06:40Il y en a une ici, donc celle-là elle a...
06:43Waouh.
06:44Ouais, alors celle-là c'est... déjà elle est à l'envers, c'est moi qui l'ai mise dans
06:48la boîte.
06:49Hop.
06:50Elle a une couleur...
06:51Café ?
06:53Elle a un assiette poudrée, avec des pleins et des déliés, un relief remarquable.
06:58Ouais, elle a pris un petit coup, j'ai fait un petit freinage d'urgence, mais sinon ça
07:02va.
07:03Il y a quoi dedans ?
07:04Alors dedans, c'est une bûche qui s'appelle Toundra, donc moi j'ai un petit champ lexical
07:12qui tourne autour du renard, et de son habitat aussi parfois, des fois quand on a bien fait
07:17le tour du renard, des fois on commence à s'attaquer à un peu plus...
07:22Donc son habitat, la Toundra, qui fait partie, de toute façon le renard existe absolument
07:27partout, donc la Toundra aussi, mais la taïga aussi, et toutes les forêts, les climats
07:33possibles, il existe un renard, donc de toute façon j'en ai encore sous le pied pour créer
07:38pour les autres années.
07:39Donc la Toundra, c'est une bûche avec des notes un petit peu nord-américaines, je parle
07:45notamment du sirop d'érable.
07:48Associée à la poire de la vanille, et voilà, un sablé reconstitué.
07:52Ça doit pas être mal ça ! Je sais pas ce que vous en pensez François-Christophe !
07:56Si je viens avec aujourd'hui, c'est que normalement on a fait quelque chose...
07:59Sirop d'érable, poire, ça a l'air vraiment...
08:01Et Yann Courat a toujours eu en plus, c'est un équilibriste des saveurs, il a toujours
08:05fait preuve de beaucoup de créativité, de gourmandise dans ses bûches, et je dis pas
08:09ça parce qu'il est en face de moi, il le sait.
08:11Et l'autre alors ?
08:12Et l'autre, c'est une collaboration avec la marque Saint-Germain, une marque qui est
08:18extrêmement en ce moment en vogue sur les liqueurs.
08:21Je sais pas si on peut parler d'alcool un petit peu ?
08:22Ça te dérange pas ?
08:23Oui, oui, on l'a déjà fait.
08:24Je vois que tout le monde prend un air grave quand je le fais.
08:26On l'a déjà fait, c'était déjà arrivé quand on parle d'alcool dans cette émission.
08:29C'était en 72 je crois.
08:31Donc c'est un baba imbibé au Saint-Germain, avec également une mousse vanille, donc on
08:36reprend un petit peu toute la charte.
08:37Y'a une caméra ici ?
08:39Là, ici vous les avez là, vous en avez trois même si vous voulez.
08:42Par contre, elles sont toutes dans le même axe, il faudra lui dire, à la magique.
08:46Très élégante.
08:47Voilà, elle reprend un petit peu les… Blanches.
08:49C'est pour combien de personnes ?
08:51Ça c'est pour six personnes, les deux à chaque fois.
08:54D'accord.
08:55Y'a pas un délire sur les bûches, François Régis ?
08:59Oui mais justement, Yann Courant a toujours su rester raisonnable en termes de créativité.
09:04Mais c'est vrai qu'il y a souvent cette espèce de festival chaque année, des pâtissiers
09:07parisiens et de région, à celui qui aura la plus grosse, la plus belle.
09:11Y'a quand même un peu ce concours de la bûche, moi j'appelle ça la bûche des
09:13vanités, si je peux me permettre, avec évidemment l'escalade des prix qui vont avec.
09:17C'est aussi un peu le problème.
09:18Toutefois, on peut constater quand même, et nous on l'a constaté au sein de Très
09:21Très Bon, parce que chaque année, on s'adonne à un banc d'essais, et là on a décidé
09:26de crash-tester les bûches parisiennes, pour des questions, évidemment c'était compliqué
09:31de faire venir des bûches glacées de région, mais des bûches parisiennes à moins de 55
09:34euros, qui restent malgré tout impressionnables, parce qu'il faut aussi considérer que la
09:38vanille, les matières premières ont vu leur prix flamber, et 55 euros pour une bûche
09:43pour 8 personnes restent, à Paris, un prix tout à fait raisonnable, et en dessous de
09:47cette barre de prix, on trouve effectivement des bûches d'une grande, grande qualité
09:52avec beaucoup d'émotion.
09:53Parce que là j'ai vu des bûches de griffées, de marques de luxe, de fringues, à 160 euros,
10:02la pâtisserie est devenue une branche du luxe.
10:07Écoutez, moi je ne la considère pas comme telle, j'ai une strate d'accessibilité avec
10:12différentes bruges, moi je considère que la marque Uncover Pâtisserie est une marque
10:18accessible à tous les niveaux sociaux, donc effectivement, nous on va démarrer aux alentours
10:23de 30 et quelques euros, et on va finir à 90.
10:27C'est surtout en fonction du travail qu'il y a dessus, plus que sur les produits, parce
10:31que ça joue les produits d'une bûche à l'autre, c'est surtout le travail qu'il y a dessus
10:36Mais on constate quand même plus de sobriété s'intensifie de la part de très nombreux
10:40grands noms de la pâtisserie qui font des efforts pour réduire un peu leurs marges.
10:44Oui, alors on sait que les repas de Noël peuvent virer à l'émeute et au règlement
10:48de compte familial, la table doit-elle aujourd'hui se démocratiser, accepter le fait qu'il y
10:56a autant de goûts et de couleurs que d'individus, qu'on n'est pas obligé d'accepter pour
11:05le foie gras, qu'on peut avoir un problème politique avec ça, qu'on peut avoir un problème
11:09politique et éthique avec la viande ? Comment on fait cohabiter les générations, les goûts,
11:17les couleurs autour de cette table qui est une table quand même normalement de partage
11:22et de retrouvailles ?
11:23Moi je trouve ça quand même assez difficile, d'ailleurs ça fait 3 ans que j'ai un peu
11:26de mal avec Noël, ma famille m'en veut un peu, mais parce que déjà le fait que je
11:31cuisine énormément avant les fêtes, j'arrive le 24 je suis un peu dépassée, je veux juste
11:36une tranche de saumon, un verre et merci au revoir, mais en fait je pense que c'est bien
11:41de se concerter, il ne faut pas avoir peur de parler à sa famille, à ses proches, à
11:44ceux qu'on reçoit et juste cibler à peu près ce que les gens ont envie de manger
11:49ce soir-là.
11:50Il faut, comme je le disais tout à l'heure, que tout le monde participe, parce que c'est
11:52quand même énormément de frais, donc il n'y a pas de honte à demander de la participation
11:57et puis essayer vraiment de cibler ses achats.
12:01Après c'est vrai qu'aujourd'hui on est sur des Noëls où je trouve qu'on limite
12:06un peu la viande, j'ai l'impression qu'on est dans une génération où on fait un peu
12:08plus attention.
12:09Moi par exemple j'ai toujours mangé du foie gras depuis que je suis née, mais là ça
12:12fait 3 ans que je n'en mange plus du tout par exemple.
12:14Et il n'y a pas de débat en fait, il ne faut pas laisser place au débat, on n'a pas
12:17l'obligation de se justifier sur nos choix, on n'a le droit de plus avoir envie de manger
12:20certains produits et c'est complètement...
12:24Oui, ça rend la table plus compliquée à gérer, François Régis ?
12:28Moi Nicolas, quand j'ai commencé ce métier de journaliste gastronomique il y a 25 ans,
12:32la table était rassembleuse, la table était un terrain d'entente, on est issu d'une civilisation
12:37où la convivialité, la commensalité s'imposait.
12:4125 ans plus tard, la table est un ring de boxe, c'est une réalité aujourd'hui, les
12:45particularismes alimentaires s'opposent.
12:47Alors, il y en a beaucoup qui sont justifiés, il y a notamment une montée des intolérances
12:51et des allergies alimentaires, il y a aussi des choix éthiques qu'on peut tout à fait
12:55entendre et j'entends le choix de loup par rapport au foie gras par exemple, mais il
12:58est vrai que moi-même, au sein de ma sphère familiale, lorsque je fais Noël avec un grand
13:02frère par exemple qui est devenu végétarien alors que ma mère et ma grand-mère nous
13:06ont imposé ou inculqué un omnivorisme militant, il est vrai que ça fait bizarre et en même
13:13temps on doit tenir compte de tout cela, il faut quand même considérer que ces particularismes
13:16alimentaires, c'est quand même globalement l'influence anglo-saxonne qui se déverse
13:22en Europe avec ses coquetteries et ses choix justifiés, donc il faut essayer de trouver
13:27le bon équilibre pour satisfaire tout le monde autour de la table de Noël.
13:30Vous le trouvez, il y a une couvreur, le bon équilibre, c'est bon, l'ambiance est calme.
13:35Oui, chez nous, personne n'est encore touché par des régimes particuliers.
13:40Vous êtes touchés par la grâce, vous, c'est ça ?
13:44Je ne vais pas parler de pathologie parce que ça serait un peu manquer de respect à
13:48la communauté végane ou végétarienne, mais c'est vrai que dans notre famille, on mange
13:52un peu encore de tout et puisqu'on est tous alignés et puis ça reste un repas familial
13:57où finalement, moi, ça n'a jamais été vraiment une source de déchirement et tout,
14:02mais j'ai conscience que dans certaines familles, parfois, c'est les règlements de compte.
14:05Moi, en tout cas, j'ai cette chance.
14:07Écoutez, merci à tous les trois, à Lou Elsener, Yann Couvreur, François Régis, Godry, je
14:12vous souhaite un magnifique Noël, c'était très agréable de parler avec vous.
14:18Merci beaucoup Nicolas.
14:19Merci, merci.
14:20C'était votre première radio ?
14:22C'est ma première radio, le jour où j'aurai 30 ans, je crois que là, je vais m'en rappeler
14:25toute ma vie.
14:26Vous êtes très bonne à la radio, sachez-le, vous reviendrez.