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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, estime qu'Emmanuel Macron doit "vite" trouver un nouveau Premier ministre pour aboutir à une situation "plus solide" qu'aujourd'hui, mais doit en même temps prendre le temps de trouver une "base stable" à ce nouveau chef du gouvernement.

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Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien, le premier Président
00:05de la Cour des Comptes.
00:06Vos questions et réactions au 01-45-24-7000 et sur l'application de Radio France.
00:12Pierre Moscovici, bonjour ! Et bienvenue sur Inter ! Après la censure du gouvernement
00:17Barnier, nous avons de nombreuses questions à vous poser sur la situation financière
00:22du pays, privée à ce stade de budget pour 2025.
00:26On va en parler longuement, ainsi que de la situation économique, avec de fortes inquiétudes
00:32des chefs d'entreprise, voire des Français.
00:34Mais d'abord, partons du nœud du problème, si vous le voulez bien, à savoir la crise
00:39politique.
00:40Emmanuel Macron a repris hier ses consultations, il réunira aujourd'hui à 14h les partis,
00:46sans la France Insoumise ni le Rassemblement National.
00:49Cet été, le Président de la République avait mis deux mois à nommer un Premier Ministre.
00:55Peut-il se permettre de prendre une nouvelle fois son temps ?
00:58Il faut aller relativement vite, parce que l'incertitude économique, l'incertitude
01:06politique, l'incertitude financière marchent ensemble.
01:09Et il faut dénouer le nœud, en effet, le nœud il est politique.
01:12Nous vivons une situation totalement inédite sous la Vème République, pas de majorité,
01:18un gouvernement d'affaires courantes pendant deux mois cet été, une censure au bout de
01:22trois mois, et maintenant, à nouveau, c'est inconnu.
01:25Et donc il faut vraiment rassurer sur la capacité du pays à être gouverné, et
01:31être gouverné, j'ajoute, de façon stable et certaine.
01:34Vous avez des doutes ? Vous avez des doutes sur ça ?
01:37Il ne faut pas en même temps trop se presser, parce que justement si on veut avoir un gouvernement
01:42stable, il faut une situation qui soit différente de celle de Michel Barnier qui était trop
01:48fragile.
01:49Son socle commun n'était pas si commun, et n'était en tout cas pas majoritaire.
01:52Il était vulnérable à une censure du RN, on le savait depuis le premier jour, et c'est
01:57arrivé le dernier jour.
01:58Et donc là, il faut essayer de trouver quelque chose qui soit plus solide.
02:02Donc, ne pas se presser, mais en même temps, ne pas attendre trop longtemps au risque de
02:09nourrir des inquiétudes.
02:11Alors, sur la méthode, le fait de réunir tous les partis politiques en dehors du RN
02:15et de LFI, aujourd'hui, à l'Elysée, pour essayer de bâtir ce qu'il appelle un « gouvernement
02:20d'intérêt général », vous trouvez que c'est déjà une bonne méthode ? Une nouvelle
02:23méthode ? Ou vous avez des doutes ?
02:25C'est totalement inédit, on n'a jamais vu ça sous la cinquième réplique.
02:28Sous la cinquième réplique, le Président de la République nomme le Premier Ministre,
02:31et puis ensuite, c'est le Président de la République qui largement forme le gouvernement.
02:34Ça n'est pas quelque chose qui est aujourd'hui possible, et donc on arrive à cette situation
02:39qui n'est pas exactement dans l'esprit du Général De Gaulle.
02:41Il va y avoir des partis politiques qui seront convoqués par le Président à l'Elysée
02:45pour réfléchir à la méthode pour former un gouvernement.
02:48Inédit.
02:49Mais ça démontre aussi, d'abord, la gravité de la situation, et aussi la prise de conscience
02:55de la part de l'ensemble des acteurs qui seront là cet après-midi qu'on ne peut
02:58pas en rester là.
02:59Alors, ça va être très compliqué, parce que forcément, ils ne tirent pas dans la
03:02même direction, ils n'ont pas les mêmes idées, ils sont même opposés, par définition,
03:06c'est la démocratie.
03:07Le fait qu'ils soient là cet après-midi veut dire qu'on ne peut pas en rester là.
03:12Il faut sortir de cette situation.
03:14Une fois qu'on a dit ça, ça c'est le constat, trouver la solution est beaucoup plus complexe.
03:19Ça va être beaucoup plus compliqué.
03:20Le fait que le Rassemblement National et que la France Insoumise ne soient pas conviés
03:24à cette réunion, vous comprenez ?
03:25Pour la France Insoumise, je crois qu'ils ne veulent pas.
03:29Pour le Rassemblement National, il y a aussi l'idée qu'ils ne peuvent pas être des
03:32forces du gouvernement.
03:33On est obligé de constater aussi qu'il y a des formes successives et un peu contradictoires
03:39de réflexion.
03:40Le front républicain, puis ensuite une volonté d'obtenir la neutralité du Rassemblement
03:45National, maintenant l'exclusion.
03:46Quand je parle de stabilité, il faut arriver à former un socle, une base qui soit stable
03:52pour un gouvernement.
03:53Peut-être pas un gouvernement de coalition, ce n'est pas notre tradition, encore que
03:58pourquoi ne pas la chercher, mais c'est très très difficile.
04:01Vous ne croyez pas en fait un gouvernement de coalition avec toutes les couleurs représentées ?
04:04Vous pensez que la France n'est pas prête ?
04:07Je pense que ce n'est pas notre tradition, je pense que les écarts entre les parties
04:10sont très importants et je pense pour le coup que ça prend beaucoup de temps.
04:13Dans les gouvernements où on fait ça, dans les pays où on fait ça, par exemple l'Allemagne,
04:17ça peut prendre deux mois, trois mois, voire plus.
04:18Mais, mais, mais, il est important que le prochain gouvernement puisse se dire « je
04:23peux agir, je peux notamment présenter un projet de loi de finances et ne pas craindre
04:27la censure à chaque moment ».
04:29Un accord de non-censure plutôt qu'une coalition, c'est ce que vous dites ?
04:33Non, je ne le dis pas plutôt, je dis simplement que ça peut être l'un ou l'autre, mais
04:37l'accord de non-censure est un minimum.
04:38Cela dit, un accord de non-censure, attention, ça ne veut pas dire n'importe quoi, ça
04:41ne veut pas dire juste « nous ne rejetons pas telle ou telle personne ». Je trouve,
04:45mais je ne fais plus de politique, qu'on parle beaucoup trop de « qui » et pas assez
04:48de « quoi ». Autrement dit, il faut qu'il y ait un certain nombre de sujets partagés
04:54ou de constats ou de lignes rouges, c'est ça la question.
04:57Quels sont les points, sur le fond, qui peuvent être dans un accord de non-censure ? Quand
05:02la gauche va dire qu'elle veut abroger la réforme des retraites, augmenter le SMIC,
05:06faire payer les plus riches, et quand la droite, elle herde, va dire une nouvelle loi immigration,
05:12ne pas faire payer les retraités, ne pas alléger les baisses de charges, ils sont
05:19loin d'avoir un terrain commun là.
05:21Vous m'entraînez sur un terrain qui n'est plus le mien, la politique ça m'intéresse,
05:24vous connaissez un peu ce qu'il s'agit ici.
05:26Je vais quand même vous dire une chose, en me ramenant à mon sujet.
05:31La situation des finances publiques est d'une gravité extrême, elle doit être traitée.
05:37Et ce que je ne souhaite pas, c'est qu'elle soit oubliée au passage.
05:41Autrement dit, on ne peut pas se dire « on va faire une addition » en oubliant complètement
05:45nos contraintes.
05:46Nous avons 3 250 milliards d'euros de dettes, nous remboursons chaque année plus de 50 milliards
05:51d'euros pour cette dette, 70 milliards d'euros l'an prochain, 100 milliards dans quelques
05:54années.
05:55Nous n'avons plus de marge de manœuvre en la matière, nous sommes sous procédure
05:58de déficit excessif de la part de l'Union Européenne.
06:01Nous avons des créanciers qui nous regardent, et il faut lever cette question-là.
06:05Un des mérites du gouvernement Barnier était d'avoir fixé un cap, un point d'inflexion.
06:10On a fait des années et des années de quoi qu'il en coûte, de politique expansive,
06:14maintenant il faut réduire nos déficits.
06:15Vous voyez bien qu'ils sont tombés sur ça, Pierre Moscovici.
06:18Ils sont tombés sur le budget, ils sont tombés sur l'économie, ils sont tombés
06:23sur les retraites, les allègements de charges aux entreprises, ils sont tombés sur ça.
06:32Comment voulez-vous concrètement et de manière réaliste, comment voulez-vous présenter
06:37un budget d'économie aujourd'hui quand vous n'avez pas de majorité à l'Assemblée
06:41Nationale ?
06:42Si ceux qui ont censuré le gouvernement et ceux qui faisaient partie du gouvernement
06:44sont autour de la même table, c'est d'après-midi, autour du président de la République, c'est
06:49parce qu'ils savent qu'on ne peut pas recommencer la même chose.
06:52La même palier de ministre est extrêmement coûteuse.
06:54Si dans deux mois, trois mois, nous avons à nouveau un gouvernement qui tombe et pas
06:57de budget, là pour le coup la situation deviendrait beaucoup plus tendue, et sur le front économique
07:02et sur le front financier.
07:03Voilà pourquoi il faut en sortir.
07:05Mais ce que je dis, et qui est très important je crois, c'est que les équilibres ne peuvent
07:09pas être sacrifiés au passage.
07:10Vous savez, ça fait un certain temps que je suis dans la vie publique, comme haut fonctionnaire,
07:14politique selon les moments, j'ai appris une chose, peut-être une seule, c'est qu'on
07:19ne peut pas faire de bonne politique publique, on ne peut pas faire fonctionner les services
07:24publics sans avoir de bonne finance publique.
07:26Le jour où vous êtes étranglé financièrement, vous pouvez raconter ce que vous voulez, vous
07:30pouvez avoir telle ou telle priorité, vous ne pouvez rien faire.
07:33La dette est l'ennemi de l'économie et c'est l'ennemi de l'action publique.
07:38Donc il faut absolument trouver les voies et moyens d'y parvenir.
07:41Et là, Pierre Moscovici, il y a un contexte politique, on en parle depuis quelques minutes,
07:46et je vous repose la question de Léa Salamé, l'objectif fixé par Michel Barnier d'arriver
07:52à 5% de déficit en 2025, de faire 60 milliards d'euros d'économie, n'est-ce pas tout simplement
07:59impossible quand on n'a pas de majorité absolue ?
08:01Écoutez, je suis réaliste, je vois bien que ce sera beaucoup plus compliqué.
08:05Ce qui était demandé aux collectivités locales sera plus difficile à obtenir, ce qui était
08:10demandé à la Sécurité Sociale sera plus difficile à obtenir.
08:12Mais je le redis, parce que c'est mon rôle, mon rôle, c'est celui, attendez, mon rôle,
08:20pour le peuple français, c'est mon rôle institutionnel, le rôle de la Cour des Comptes,
08:24c'est de dire attention, c'est de dire qu'il faut aller vers ces 5%, je ne dis plus les
08:29faire à la virgule près, mais aller vers.
08:32On ne peut pas continuer à dégrader l'optimisme de l'économie.
08:35On entend, mais aujourd'hui, vous les trouvez où, honnêtement ? Vous les trouvez où les
08:37économies ?
08:38Vous allez me dire, je ne suis pas au pouvoir, mais vous êtes Premier Président de la
08:41Cour des Comptes.
08:42Sur le budget de la santé, le déremboursement des médicaments, comme c'était prévu dans
08:46le projet initial de budget, sur les taxes sur l'électricité, vous le trouvez où l'argent ?
08:51Ce n'est pas mon rôle, non, ce n'est pas mon rôle de faire le budget, ce n'est pas
08:57mon rôle de commenter telle ou telle mesure du budget.
08:59Je dis simplement, et ça je l'affirme, c'est que quand on a comme nous 57% de dépenses
09:05publiques dans le PIB, c'est-à-dire le taux le plus important de l'Europe et probablement
09:09du monde.
09:10Quand on a ce degré de préférence collective pour les dépenses publiques, il y a des marges
09:15de manœuvre.
09:16Vous dites souvent qu'il y a des économies intelligentes, elles sont où ?
09:19Je vais vous en prendre quelques-unes.
09:20Par exemple, les politiques d'apprentissage ont pris une tournure extrêmement ambitieuse
09:25ces dernières années.
09:26Une période où le chômage des jeunes était très élevé.
09:28Il est moins élevé.
09:29Est-il indispensable que l'apprentissage soit pour tous les étudiants du supérieur ?
09:35Deuxième chose, les dépenses de relance qui ont été mises en place pendant la crise.
09:38Il y a des économies à faire.
09:40Comme quoi ? Quelles économies ? Pardon d'être concret, mais c'est vrai que…
09:44Il y a des plans de relance qui ont été mis en place.
09:46Et sur ces plans de relance, on constate, la Cour des comptes a fait un rapport par
09:49exemple sur l'industrie il y a quelques jours, qu'il y a des marges et qu'il y
09:53a des programmes qui soit ne fonctionnent pas, soit sont obsolètes.
09:57Mais je ne veux pas entrer dans ce détail-là.
09:59Je veux dire simplement que ne croyons pas que c'est impossible.
10:03Si on part de l'idée que c'est impossible, alors à ce moment-là, on peut faire n'importe
10:06quel gouvernement, mais du coup, à un moment donné, la France sera en très grande difficulté.
10:10Et ceux qui nous écoutent le savent.
10:11Ils gèrent leurs ménages, ils gèrent leurs entreprises.
10:14Et quand vous êtes trop endetté, à un moment donné, votre banquier vient vraiment sérieusement
10:18vous embêter.
10:19Nous avons, et cette dette ce n'est pas théorique, il y a 300 milliards d'euros
10:24que nous émettons sur les marchés chaque année.
10:26C'est un gros mot les marchés ? Non, ce n'est pas un gros mot.
10:28Ce sont des gens à qui nous devons de l'argent.
10:30Et s'ils trouvent que nous ne sommes pas fiables, alors à ce moment-là, il faut nous
10:33demander de payer l'argent plus cher.
10:34C'est aussi simple que ça.
10:35C'est ce qu'on appelle les spreads, c'est-à-dire les écarts de taux d'intérêt avec nos partenaires.
10:40Avec l'Allemagne, avec l'Espagne, nous sommes au-dessus.
10:42Avec la Grèce, nous sommes maintenant légèrement au-dessus.
10:44Et avec l'Italie, nous sommes à peine en dessous.
10:46Et donc, moi, ce que je souhaite, c'est une France forte.
10:48Et une France forte, ce n'est pas une France qui fait de l'austérité, vous savez.
10:51Non, c'est vraiment les efforts qui sont à faire.
10:5460 milliards, ce n'est pas de l'austérité ? 60 milliards d'économies, tel qu'on prévut ?
10:57D'abord, j'étais venu ici, il y a quelques semaines, je crois, pour dire que ce n'était
10:59pas 60 milliards, c'était 40 milliards.
11:01Et ce n'est pas trop, ça ?
11:03Je suis conscient.
11:04Non, pardon, je comprends très bien ce que vous dites, mais on est obligé de vous demander
11:06comment on fait, concrètement, quand on n'a pas de majorité, pour demander un maximum
11:10d'efforts aux Français.
11:11Je suis conscient que ce sera difficile.
11:12Et je ne suis pas en train de plaider pour 5,00, ni pour reprendre le même budget.
11:18Je vous dis simplement, il va y avoir une loi spéciale.
11:20Cette loi spéciale ne permettra qu'une seule chose, c'est-à-dire la continuité des services
11:23publics et le prélèvement des impôts.
11:25Donc, il n'y aura pas ce qu'on appelle le « shutdown ». Les fonctionnaires seront
11:27payés, les prestations seront versées.
11:29Il n'y aura pas de catastrophe telle qu'annoncée.
11:31Il n'y aura pas de catastrophe, pas de chaos.
11:32Et je n'ai jamais cru qu'il y aurait cela.
11:33Vous ne l'avez pas dit, vous.
11:34Parce que, pour le coup, c'est responsable de la part des parlementaires, y compris ceux
11:37qui ont censuré, de s'assurer que les impôts puissent être prélevés.
11:40Mais une fois qu'on a ça, alors, pour le coup, il y a, c'est vrai, des centaines
11:43de milliers de Français qui rentrent dans l'impôt sur le revenu, des millions qui
11:47payent plus.
11:48Il y a des dépenses que nous ne pouvons pas faire pour la défense nationale, pour la
11:51sécurité intérieure, pour l'agriculture…
11:52Donc, il faut vraiment un nouveau budget, c'est-à-dire ?
11:53Donc, il faut un nouveau budget.
11:54Voilà pourquoi, franchement, je ne suis pas en train de le construire, je ne suis plus
11:58dans la politique.
11:59Je ne suis pas au gouvernement.
12:00Je suis en train de dire qu'il en faut un et que ce budget doit marquer une inflexion
12:05dans la pente de dégradation de nos finances publiques des dernières années.
12:08Ça me paraît juste de bon sens et je crois que ça peut être compris.
12:11Sur le plan théorique et non politique, Pierre Moscovici, parlons des hausses d'impôt,
12:16est-ce qu'il faudra mettre à contribution les plus riches et les grandes entreprises
12:20ou est-ce que vous pensez que ça mettrait un coup d'arrêt à la croissance ?
12:23Encore une fois, je ne suis pas là pour commenter telle ou telle mesure, mais il me semble
12:26qu'il y a deux choses.
12:27D'abord, vous savez, quand on est dans une situation aussi dégradée, à court terme,
12:31on est obligé de faire une part de fiscalité.
12:33Je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut faire que des économies et surtout pas
12:37de rabots.
12:38Le rabot, c'est quand on demande à tout le monde de payer.
12:39En général, c'est ce qu'il y a de plus bête, parce qu'on fait surtout contribuer.
12:42Là, on n'a pas besoin et on économise sur des sujets qui sont des sujets d'avenir,
12:48comme l'écologie par exemple.
12:49Il faut une part de fiscalité.
12:50Par ailleurs, il y a une préoccupation française qui est celle de la justice fiscale.
12:54Il me semble qu'il y avait, dans le PLF présenté par Michel Barnier, un certain nombre de mesures
12:58fiscales qui n'étaient pas contestées.
13:01La question, c'est le quantum.
13:02Jusqu'où ne pas aller trop loin ?
13:04À votre antenne, il y a bien longtemps, en 2013, j'avais parlé de rabots fiscaux.
13:08Ça m'a collé à la peau.
13:09Mais vous savez…
13:10Vous avez dû partir du gouvernement.
13:11Je suis parti du gouvernement, j'avais fait exprès, parce que j'avais l'impression
13:15qu'on allait en rajouter.
13:16Et je vous le dis, il ne faut pas en rajouter un verre, plutôt une rasade de fiscalité.
13:20Ça va, deux fois, bonjour les dégâts.
13:22Et il faut éviter en effet de dégrader la compétitivité.
13:24Et là, on est sur un verre ? On était sur quoi, sur le gouvernement ? Sur le projet
13:29de budget et le PLFSS ?
13:30Il me semble qu'il y avait une rasade qui était acceptée et l'autre qui l'était moins…
13:33Les Français, et au fond les forces politiques aussi, étaient conscientes qu'on frôlait l'excès.
13:38Mais bon, vous voyez, je suis dans la mesure…
13:40Oui, vous êtes social-démocrate.
13:43Geneviève…
13:44Oui, oui, je fus social-démocrate, et à titre personnel, je n'ai pas beaucoup changé
13:49d'idée, même si je ne fais pas de politique.
13:50Geneviève nous appelle de Marseille et nous attend au Standard Inter.
13:54Bonjour, bienvenue.
13:55Oui, bonjour à vous tous.
13:58Oui, en fait, on a le sentiment de tomber des nuls en découvrant la situation du budget.
14:05M. Le Maire, sur les médias, semblait toujours très, très optimiste.
14:11Et moi, en fait, M. Le Maire avait un patron à l'époque, non ? Et ce patron, c'était
14:17M. Macron.
14:18Alors, je me pose la question de comment le président de la République a-t-il pu
14:23ignorer la situation budgétaire de la France à cette époque ?
14:28Et puis, est-ce que les ministres ont des comptes à rendre de temps en temps au président de la République ?
14:33Voilà mes questions.
14:34Merci Geneviève pour cette question.
14:37Pierre Moscovy, s'il vous répond.
14:38Ayant été ministre des Finances, je peux témoigner en effet que le ministre des Finances
14:41a des relations suivies avec le président de la République, lequel n'ignore pas la
14:44situation des finances publiques.
14:46Mais vous savez, il y a une commission d'enquête qui se réunit à la Somme Nationale.
14:49Je crois d'ailleurs que Bruno Le Maire sera entendu cette semaine, moi je serai entendu
14:52en janvier, qui doit dire comment les choses ne se sont passées pas pour faire un procès.
14:55C'est pas ça.
14:56Mais juste pour que ça ne se reproduise pas.
14:58Et que les gens comprennent et que les Français comprennent où ça a péché.
15:02En 2023 et 2024, nous avons connu en 2024 une année noire.
15:06Le budget de 2024 a été voté avec 4,4% du PIB de déficit.
15:11Il a été exécuté avec 6,1%.
15:13Ça veut dire qu'on passe de 128 milliards à 180 milliards.
15:16C'est du jamais vu hors période de crise.
15:18Alors il faut savoir ce qui s'est passé.
15:19Excès d'optimisme ou d'hubris politique, je ne sais pas.
15:24Volontarisme des prévisions, incapacité à prévoir par exemple les recettes.
15:28Toutes ces questions, elles doivent être traitées et ensuite il faut qu'on sache.
15:32Mais vous savez, pardon de le dire, la Cour des Comptes et le Haut Conseil des Finances
15:36Publiques ont quand même alerté depuis un certain temps.
15:39Et je pense que si on avait écouté ces alertes sur l'optimisme excessif de certaines prévisions
15:45macroéconomiques de dépenses ou de recettes, on aurait peut-être gagné un peu de temps
15:50par rapport à cette dégradation.
15:51Et il faut absolument, je le dis au passage, que les prévisions dans ce pays soient maintenant
15:57validées de manière indépendante.
15:59Il faut éviter le tête-à-tête entre l'administration et le politique.
16:03Beaucoup d'auditeurs sur l'application Radio France s'interrogent sur votre avenir.
16:07Pierre Moscovici, Marc du Pas-de-Calais, nous dit la chose suivante.
16:12« Vous êtes un homme de gauche, vous savez compter, pourquoi n'êtes-vous pas Premier
16:17ministre ? »
16:18« Pierre Moscovici ne serait-il pas partant pour devenir Premier ministre ? »
16:22Je vous livre ces deux questions qui vont dans le même sens.
16:25Je suis déjà Premier Président.
16:26Les Premiers Ministres, il y a trop de candidats à cette fonction, c'est une belle fonction
16:34mais elle exige avant tout une situation politique et puis elle exige un choix.
16:38Moi je suis à la Cour des Comptes qui est une institution magnifique, qui joue un rôle
16:42essentiel pour les Français parce qu'elle les informe.
16:45Notre rôle c'est d'informer les citoyens de manière objective sur une situation qu'autrement
16:49ils ne connaissent pas.
16:50On vous proposerait, vous iriez ?
16:51Je refuse totalement de répondre à ces questions-là, non pas parce que j'ai une arrière-pensée
16:55mais parce qu'il ne faut jamais commenter ce qu'on ne vous propose pas.
16:59Si j'ai appris une autre chose en quelques années de vie publique, c'est de ne jamais
17:02dire « et si ».
17:03Oui, alors il y en a un qui dit « et si », c'est François Bayrou.
17:06Si je peux aider à ce qu'on sorte de tout ça, de cette situation que pas un seul citoyen
17:11français ne peut accepter, je le ferai.
17:14François Bayrou, qui est au centre du jeu politique et centriste, n'est-il pas central
17:20dans cette nouvelle configuration ?
17:21Écoutez, chacun a d'autres places, nous devons aider.
17:23Si je peux aider, oui, si je peux aider, j'aiderai.
17:26Ça ne veut pas dire être Premier Ministre, donc il y a mille façons d'aider.
17:29François Bayrou, il a le bon profil ?
17:30Écoutez, j'ai dit tout à l'heure et je le maintiens qu'il ne faut pas partir du
17:35« qui » mais du « quoi ».
17:36La question c'est quelle est la base d'accord minimal qui permet à un gouvernement de se
17:42former, ça c'est la coalition, ou de ne pas tomber, c'est la non-censure.
17:45Nous avons besoin de ça, donc il faut forcément élargir par rapport à la situation qui était
17:50celle de Michel Barnier.
17:51Si j'ai un seul message politique, pour le coup c'est celui-là, et c'est pas parce
17:54que j'ai tel ou tel arrière-pensée politique…
17:56Mais c'est un message à qui que vous envoyez ?
17:58À vos anciens amis socialistes ? À Emmanuel Macron, à qui ? Qui doit maintenant faire
18:04un bouger ?
18:05Pardon, si je regarde les choses, les socialistes ont fait un bouger.
18:09Ils sont là, ils ont été rencontrés le Président de la République, ils se sont
18:13déclarés disponibles pour discuter, donc il faut que tout le monde fasse un bouger.
18:18Je n'ai pas de message à donner aux uns ou aux autres, et notamment pas aux socialistes,
18:22mais je crois qu'il est très important…
18:23Vous n'êtes plus au PS ?
18:24Absolument.
18:25Je pense qu'il est très important que des forces politiques qui s'opposent, encore
18:28une fois, il y a une semaine certains censuraient, d'autres soutenaient…
18:32Vous avez compris la censure ? Vous avez compris la censure de François Hollande ?
18:36Attendez.
18:37C'est très important que ces forces politiques soient capables d'être autour de la même
18:39table et de trouver une solution commune.
18:41Si vous avez compris la censure de François Hollande ?
18:43Je peux la comprendre, il est député socialiste, c'est son choix.
18:46Ça, ça se fait de la langue des voix, non ?
18:49Non.
18:50C'est-à-dire qu'à partir du moment où il avait choisi d'être député, il était
18:54dans cette discipline collective.
18:56Il aurait pu ne pas censurer ?
18:57Oui, il aurait pu ne pas censurer, il aurait pu dire « Anti-Président de la République
19:01», j'assume que ce n'est pas mon rôle de faire, mais ce n'est pas très important
19:03au fond.
19:04Parce que ce qui a entraîné cette censure, ce n'est pas le positionnement de la gauche
19:08et des socialistes.
19:09C'est le fait que dès le départ, l'équation de Michel Barnier, c'était le socle commun
19:13et l'abstention du RN.
19:14Et donc le RN, à la fin, a présenté la facture.
19:16Quelle surprise !
19:17Pierre Moscovici, sur la situation économique de la France, ce week-end dans le JDD, le
19:23patron du Medef, Patrick Martin, demandait au prochain Premier ministre de prendre en
19:28compte des réalités économiques difficiles, au-delà du seul budget.
19:33Et il dressait un tableau assez sombre de notre économie, en légère récession, avec
19:38des indicateurs particulièrement inquiétants sur les investisseurs étrangers qui suspendent,
19:43voire annulent leurs projets, et signal d'alerte, 66 000 dépôts de bilan cette année, un record
19:50historique.
19:51Est-ce que vous partagez son inquiétude ?
19:53Alors, sur les signaux faibles, ou forts d'ailleurs, de dégradation de la situation microéconomique
20:00de celles des entreprises, il connaît ça mieux que moi, et il a sans aucune autre raison.
20:04Et nous regardons ses plans sociaux avec beaucoup d'inquiétude.
20:06Sur le plan macroéconomique, celui des grands équilibres, je pense qu'il est un tout petit
20:10peu pessimiste.
20:11Nous ne sommes pas en récession.
20:12Nous avons connu 0,4% de croissance le trimestre dernier.
20:15La prévision de croissance pour l'enprochain est à 1%, peut-être un tout petit peu optimiste.
20:20Mais enfin, nous serons en croissance positive en 2025, très probablement.
20:23Mais ce qu'il veut dire, et c'est le message que je passais au début, c'est que incertitude
20:28économique, incertitude financière, incertitude politique, c'est la même chose.
20:33Et que si on ne lève pas l'incertitude politique, alors à ce moment-là, se passera ce qui
20:37est en train de se produire.
20:38D'abord, une dégradation des finances publiques insupportable, et qui finira par être dangereuse,
20:42qui se traduira in fine par un renchaîrissement d'autant d'intérêts, et puis ensuite le
20:46fait que les acteurs économiques, les investisseurs, quand ils sont dans l'incertitude, qu'est-ce
20:50qu'ils font ? Ils attendent.
20:51Les consommateurs, au lieu de dépenser, ils épargnent.
20:54Et quand les investisseurs n'investissent pas et les consommateurs épargnent, à ce
20:58moment-là, effectivement, l'économie recule.
21:00Et du coup, les entreprises sont en difficulté.
21:01Et donc, je vois ça comme ça, c'est pas le terme récession, choc, frappe, je le crois
21:07peut-être un peu excessif, mais la réalité de l'incertitude et de ces menaces sur l'économie,
21:11il a raison.
21:1230 secondes pour finir.
21:13Vous avez été commissaire européen, le Mercosur et l'Union Européenne, l'Amérique
21:18latine, ont conclu un accord vendredi, des négociations en vue d'un accord de libre
21:24échange auquel la France s'oppose, Ursula von der Leyen est-elle passée en force sur
21:28l'affaire du Mercosur ?
21:29Oui, de l'heure que la France s'y opposait, c'était pas non plus impossible juridiquement.
21:34La Commission européenne, j'en étais membre, avait déjà négocié cet accord, qui n'était
21:38pas en soi un mauvais accord.
21:39Mais il se trouve que la France, ayant trop peu d'industries qui exportent vers l'Amérique
21:43latine et une agriculture vulnérable, se trouvait dans une situation particulière.
21:46Il faut traiter cela, il faut penser à nos agriculteurs, d'autant que leurs difficultés
21:51ne viennent pas toutes du Mercosur et que ça crée une très grande sensibilité sociale.
21:55On aurait préféré sans doute que la président de la Commission attende, je trouve que faire
22:00ça en plus quelques jours après la dissolution, la veille de l'inauguration de Notre-Dame,
22:05c'était pas forcément indispensable.
22:07Mais, encore une fois, il faut qu'on discute avec la Commission.
22:10Elle a fait un sale coup à la France pour parler concrètement Ursula von der Leyen ?
22:15Ça ne peut pas être mon langage, surtout pas à l'égard d'Ursula von der Leyen et
22:17de la Commission européenne, institution que je chéris parmi toutes.
22:22Mais quand même, il faut parfois qu'il doit entendre aussi les réalités nationales.

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