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Le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici analyse la situation politique en attendant la nomination du gouvernement de Michel Barnier et se projette sur les enjeux à venir pour les finances publiques.

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Transcription
00:00Et un grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous recevons le premier président
00:04de la Cour des Comptes, intervenez chers auditeurs au 0145 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:11Pierre Moscovici, bonjour !
00:13Bonjour !
00:14Et bienvenue, vous avez tout connu de la vie politique intérieure, de la vie politique
00:19européenne également, vous avez été ministre, vous avez été commissaire européen, vous
00:25êtes maintenant à la tête de la Cour des Comptes, lorsque vous regardez se constituer
00:29ce gouvernement barnier, vous êtes tenu à un devoir de réserve, mais est-ce que
00:34vous ne vous dites pas, la question budgétaire, la question des déficits, la question de
00:38la dette, tout ça fait que ce gouvernement est un gouvernement impossible ?
00:42Difficile en tout cas, c'est vrai qu'il va hériter d'une situation extraordinairement
00:46compliquée.
00:47Politiquement, effectivement, ça me renvoie dans un certain passé, quand j'étais plus
00:51jeune, avant même que je sois peut-être ministre, il y a quelques années, puis surtout
00:57c'est une situation un peu inédite politiquement, parce que c'est une coalition minoritaire,
01:02avec des partis de gauche qui se sentent frustrés, avec un rassemblement national un peu à la
01:08vue, bon, ça c'est la situation politique, mais après il y a la situation financière.
01:11Et de ce point de vue-là, c'est vrai que le budget qui vient, le projet de loi de finance
01:152025, le projet de financement de la Sécurité Sociale, ne l'oublions pas, ce sont les
01:19taxes financières sans doute les plus compliquées à élaborer depuis plusieurs décennies en
01:23tout cas, peut-être depuis le début de la Ve République, parce que la situation...
01:26Depuis le début de la Ve République ?
01:27Oui, la situation est tout à fait, le début de la Sécurité Sociale, je mets de côté
01:30le plan Armand, mais sinon, disons que c'est extraordinairement compliqué, parce que nous
01:36avons une situation de déficit et de dette que nous n'avons pas connue, là aussi depuis
01:40des décennies.
01:41Bon, je mets à part la crise financière, mais qui est une crise globale, la crise Covid
01:44concernait tout le monde, là, il y a un problème français de finances publiques.
01:47Exercice compliqué ou exercice impossible ?
01:50Alors, ça n'est jamais impossible, à condition de se fixer des objectifs qui sont créditeurs.
01:55Si vous me dites atteindre 3% en 2027, je vous réponds impossible.
01:59Impossible, toujours possible, mais vraiment pas souhaitable, parce qu'il faudrait mettre
02:03un tel coup de patin, un coup de frein sur la dépense publique que ce serait, à mon
02:08avis, socialement extrêmement nocif, parce que derrière les chiffres, derrière les
02:13milliards, il y a aussi des gens, il y a des salaires, il y a des dépenses publiques
02:17utiles, et puis économiquement, ce ne serait pas bon non plus, parce que si vous retirez
02:21le chiffre qu'on donne, c'est à peu près 100 milliards d'euros sur 3 ans, si vous
02:24retirez 100 milliards d'euros de la consommation publique, parce que c'est ça, de la consommation
02:27privée, alors, à ce moment-là, vous tassez votre croissance, du coup, vous tassez vos
02:32recettes et vous obligez de faire encore plus d'économies.
02:34Bref, je suggère de ne pas faire 3% en 2027, je suggère de se donner du temps.
02:39Si on se donne du temps, les choses deviennent difficiles, mais possibles, à une condition,
02:43c'est d'être sérieux.
02:44C'est-à-dire, la Commission européenne, vous disiez, j'avais connu effectivement
02:48cette situation, j'étais même en charge des budgets à l'époque, la Commission européenne
02:52est plutôt bienveillante, contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas un monstre
02:54bureaucratique extérieur, à une condition, c'est qu'on soit honnête avec elle, franc
02:59avec elle.
03:00Donc, je pense que si on va lui dire « ok, on a besoin d'un peu plus de temps, regardez
03:03notre situation », ils peuvent comprendre, mais il faut à côté de ça qu'il y ait
03:06des mesures sérieuses, des réformes sérieuses, des choses crédibles.
03:10Le pire, c'est de dire par exemple « on va faire 3% et de ne rien faire », il ne serait
03:14pas bon non plus de demander du temps sans rien faire, il faut demander du temps et c'est
03:18un échange de temps contre des mesures et des réformes.
03:20Vous vous dites « il faut dire la vérité, il faut être sincère », ça veut dire que
03:22jusqu'ici, sur le budget, sur les finances publiques, on ne l'était pas ?
03:26Je suis aujourd'hui le Président du Haut Conseil des Finances Publiques, d'ailleurs
03:29je vais être saisi dans quelques jours avec ce Haut Conseil du projet de loi de finances,
03:32il faut que ce soit d'ici une semaine, pas plus, parce qu'après…
03:36Avec un peu de retard déjà par rapport au calendrier ?
03:37Déjà, ce serait un retard significatif, ça nous amènerait vers le 9 octobre, enfin
03:40ça, je suis en échange bien sûr avec Matignon pour trouver les bonnes dates, on va les trouver,
03:46mais le Haut Conseil des Finances Publiques n'a jamais prononcé le mot d'insincérité,
03:49jamais, si on l'avait fait à propos du dernier budget de François Hollande, à mon
03:52avis d'ailleurs, plutôt de manière sévère.
03:55Vous dites « il faut dire la vérité » ?
03:56Oui, mais insincérité, ça voudrait dire qu'on a l'intention de tromper, je ne pense
03:59pas que les gouvernements aient l'intention de tromper, en revanche, ce qui est vrai,
04:02nous avons dit qu'ils étaient peu crédibles ces derniers temps, nous avons dit aussi que
04:05c'était peu cohérent pour la dernière trajectoire de finances publiques, nous allons
04:08regarder ça de très près, parce que ce qui est vrai, c'est que ça fait des années
04:11qu'on dit « loi qu'ils ont toutes définie », on dit « on va baisser les déficits »,
04:15or, j'observe que la pente qui devrait être à la diminution du déficit est au
04:19contraire à la hausse.
04:20On est aujourd'hui…
04:21Alors, à vous d'être sincère, Pierre Moscovici, en l'occurrence, on ne peut pas
04:24découvrir du jour au lendemain qu'il y a de tels trous dans les finances publiques ?
04:28Alors, il y a des choses qu'on découvre, il y a des choses qu'on ne découvre pas,
04:31le conseil des finances publiques, depuis des années, dit « attention, les prévisions
04:35de croissance sont trop optimistes, les prévisions de recettes sont trop optimistes, les prévisions
04:40de déficit sont trop optimistes, la trajectoire est trop optimiste ». Mais, ce n'est pas
04:45de l'insincérité, c'est juste, je le dis, un problème de crédibilité.
04:48Mais le résultat, maintenant, et après, il y a des choses qu'on découvre en cours
04:52d'année.
04:53Par exemple, on s'est aperçu, et en 2023, et probablement en 2024, que les impôts rentraient
04:57moins bien.
04:58Pourquoi ? Parce que notre croissance, qui n'est pas extrêmement élevée, elle est
05:01autour de 1%, notre croissance est plus maintenant tirée par l'extérieur, donc par des importations,
05:07et du coup, la consommation intérieure est plus faible, du coup, les rentrées TVA sont
05:10moins bonnes.
05:11Et ça, c'est difficile à mesurer, c'est des choses qu'on voit en fin d'exercice.
05:14Toujours est-il qu'on a des raisons de penser qu'à la fin de cette année, 2024, on devrait
05:19être à au moins 5,6% si des mesures ne sont pas prises.
05:23Or, elles n'ont pas été prises, puisqu'on n'a pas voté des projets de loi de finances
05:26rectificatives.
05:27Ce qui veut dire que la base va être très élevée, et qu'après, il faudra observer
05:30une pente sérieuse, raisonnable, mais résolue.
05:34Vous dites qu'on parle vérité en sincérité, est-ce que vous êtes surpris par exemple
05:38quand vous entendez que les députés Éric Coquerel et Charles de Courson, qui demandaient
05:41les lettres de plafond du nouveau budget, ont eu du mal à les obtenir ?
05:45Je ne veux pas entrer dans ce débat, chacun a ses arguments.
05:48Les parlementaires ont les leurs, ils ont des pouvoirs.
05:52Ils ont le droit de les avoir ?
05:54Bien sûr, ils ont le droit de les avoir, mais s'agissant de lettres de plafond, le
05:57gouvernement a hargué que c'est des cumulants internes, enfin bref, je ne rentre pas dans
06:01cette discussion.
06:02On aurait pu penser que cette année, les lettres de plafond n'étaient pas comme les
06:04années précédentes, puisque d'habitude, elles sont en juin, et là, elles tiennent
06:08lieu du seul projet qu'on connait.
06:10Petit boulot de pédagogie, Pierre Moscovici, les lettres de plafond, c'est une expression
06:13qu'on a entendue courir dans les médias ces derniers jours, ces semaines, qu'est-ce
06:18que c'est ?
06:19Ce sont des lettres que le Premier ministre adresse aux ministres, pour leur donner les
06:22plafonds de dépenses de l'an suivant, à partir desquels, justement, on élabore le
06:27budget.
06:28C'est un document qui est encore préalable, mais d'habitude, c'est fait en juillet
06:31ou plus tard, et là, évidemment, compte tenu du gouvernement pour affaire courante,
06:36ça a été fait le 15 septembre, et aujourd'hui, c'est vrai que c'est le seul document dont
06:40on dispose.
06:41Avant de filer au standard, est-ce que vous avez l'impression que la France vit une
06:45sorte de période un peu magique, comme si elle pouvait, malgré les déficits, malgré
06:50la dette, malgré ses problèmes de financement, comme si elle pouvait continuer à fonctionner
06:57de la même manière ?
06:58Non mais moi, on n'est pas du tout dans une période de catastrophe, et je ne veux pas
07:00être catastrophiste.
07:01La France est dans une situation de finances publiques préoccupante, inquiétante.
07:05Très grave, dit le Premier ministre.
07:07La France reste un pays fort, la France a tout de même une capacité à rembourser
07:11sa dette, la France a encore une notation qui est tout à fait convenable, la France
07:15est un pays qu'on croit, mais on ne la croira que maintenant.
07:18C'est les marchés financiers.
07:20Les marchés financiers aussi, ils existent, parce que notre dette est détenue à plus
07:23de 50% par des agents étrangers.
07:24Mais à une condition, c'est que maintenant, maintenant, on marque un point d'inflexion,
07:29un point de rupture, et qu'on commence enfin à se dire, on va baisser les déficits et
07:32à maîtriser la dette.
07:33Bonjour Patrice, et bienvenue sur Inter.
07:36Oui, bonjour.
07:37Vous avez une question pour notre invité Pierre Moscovici ?
07:39Oui, et bien, depuis un certain nombre d'années, on a diminué les effectifs des contrôleurs
07:46fiscaux, et il se trouve, vous le savez très bien, qu'il y a des milliards d'euros qui
07:50partent à l'étranger en évasion fiscale, donc j'aimerais savoir s'il ne serait pas
07:54temps de rétablir un peu cet équilibre, parce que c'est comme inadmissible, à la
08:00fois sur le plan d'éthique, et puis sur le plan financier, que tous ces milliards ne
08:05soient pas réapatriés en France.
08:06Merci Patrice pour votre question, Pierre Moscovici.
08:09Écoutez, j'ai été ministre des Finances, j'ai été donc à la tête de la Direction
08:12Générale des Finances Publiques, et nous avons une grande chance d'avoir des recettes
08:15qui rendent plutôt bien, et des fonctionnaires qui sont exceptionnels, et je veux leur rendre
08:19hommage.
08:20Je ne pense pas que ce soit un manque d'effectifs.
08:21Par ailleurs, nous avons aussi une politique de lutte contre la fraude de l'évasion fiscale,
08:24qui est assez performante.
08:25On peut toujours faire mieux, mais n'ayons pas le fantasme qu'on va aller récupérer
08:28des milliards cachés.
08:29Il y en a toujours, mais ce ne sont pas des dizaines de milliards.
08:31Ce n'est pas là où on va résoudre notre problème de déficit.
08:35Alors, vous avez dit qu'il faut prendre des mesures, il faut les prendre d'ici la fin
08:39de l'année pour être crédible.
08:40En même temps, il ne faut pas faire trop de réductions de dépense.
08:44Alors c'est quoi ? Est-ce que c'est plus d'impôts ? Vous avez parlé par exemple d'une contribution
08:48exceptionnelle temporaire sur les hautes fortunes.
08:51Ce n'est pas le retour de la taxe à 75% qui avait été rejetée sous François Hollande
08:55par le Conseil constitutionnel ?
08:56Non, non.
08:57J'étais venu ici même, je crois, le lendemain de la publication du rapport Pisani-Ferry-Maffouz
09:00qui montrait que nous avons 60 milliards d'euros à investir pour la transition énergétique,
09:04dont des milliards publics, et qui suggéraient non pas un impôt sur la fortune verte, mais
09:09une contribution exceptionnelle temporaire.
09:11Mais ce n'est qu'une idée parmi d'autres.
09:13Parce que pour moi, je veux revenir quand même, remettre l'église au centre du village.
09:16Il y a trois façons de réduire un déficit.
09:18La première, c'est la croissance.
09:20Et rien ne doit entamer notre croissance.
09:22Elle n'est déjà pas trop élevée, elle est autour de 1%.
09:25C'est un peu l'euphémisme.
09:27Oui, mais il faut vraiment que parmi les économies qu'on fait, ce ne soient pas des économies
09:32qui soient hostiles à la croissance.
09:33Premier point.
09:34Deuxième point, l'essentiel, ce n'est pas la fiscalité.
09:37Je vois bien ce débat fiscal aujourd'hui.
09:39Mais ici même, il y a dix ans, j'avais parlé de ras-le-bol fiscal, je n'ai pas beaucoup
09:42changé d'avis.
09:43L'essentiel, ce sont des économies en dépense intelligente.
09:46C'est-à-dire que nous avons quand même 56% de dépenses publiques dans notre PIB.
09:50Il y a des moyens de trouver des économies qui ne cassent pas le service public et qui
09:55permettent même parfois de fonctionner mieux et qui tiennent compte d'un certain nombre
09:59d'évolutions et de dysfonctionnements.
10:00Enfin, le débat fiscal.
10:02Ce n'est pas le débat principal au sens où ce n'est pas de la fiscalité qui croit.
10:06Ça l'est aujourd'hui, en tout cas dans le milieu politique.
10:09Oui, mais comment dire.
10:10Moi, je suis très constant là-dessus.
10:13Je pense que le consentement à l'impôt des Français est fragile.
10:16Je pense que les classes populaires, que les couches moyennes se sentent accablées
10:20d'impôts.
10:21Nous n'avons pas une marge de manœuvre sur l'imposition qui est monstrueuse.
10:24Et ceux qui disent on va faire 70, 100 milliards, je crois que...
10:27Le Nouveau Compte Populaire ?
10:28Non, mais ce n'est pas une question politique, ils se trompent, c'est aussi des économistes,
10:31ils se trompent.
10:32On ne peut pas accabler les Français d'impôts et il ne faut pas non plus trop perturber
10:36notre compétitivité.
10:37En revanche, par les fiscalités, c'est normal.
10:39Le consentement à l'impôt, c'est la démocratie.
10:42Et donc, qu'il y ait des propositions qui soient faites pour plus de justice fiscale,
10:46là je reprends cette formule, je l'avais utilisée depuis longtemps, ou pour la transition écologique.
10:50Oui, c'est légitime, mais ce n'est pas là où on va non plus trouver des dizaines
10:55de milliards d'euros.
10:56On peut trouver quelques milliards d'euros, ce sera déjà pas mal.
10:59Et puis, on voit bien dans le débat public que ce n'est pas facile.
11:01Mais l'essentiel, c'est la dépense publique qu'il faut maîtriser, économiser de façon
11:06intelligente.
11:07Je donne toujours un exemple.
11:08Je parle...
11:09Oui, rapidement.
11:10L'apprentissage.
11:11On parle beaucoup sur l'apprentissage.
11:12C'est très bien.
11:13C'est un succès.
11:14Le chômage des jeunes s'est réduit.
11:15Mais est-ce qu'il est normal qu'on finance l'apprentissage de jeunes qui sont dans l'enseignement
11:18supérieur dans les grandes écoles ?
11:20C'est pas sûr.
11:21Et on trouvera là des milliards d'euros d'économie.
11:23Une question de Manuela sur l'application France Inter.
11:25Elle aurait aimé que vous soyez le nouveau Premier ministre, figurez-vous, Pierre Moscovici.
11:29Avez-vous été sollicité ? Auriez-vous accepté ?
11:31Je la remercie beaucoup de sa pensée.
11:35Non, je n'ai jamais été sollicité.
11:37Jamais.
11:38Jamais ? Jamais.
11:39Pas une seconde.
11:40Et je n'ai rien brigué.
11:41Bonjour, Sylviane.
11:42Oui, bonjour à tous.
11:43Bienvenue sur Inter.
11:44Merci.
11:45Alors, M. Moscovici, voici ma question.
11:46On parle souvent de la dette du Japon qui est détenue naturellement par les Japonais
11:56et que c'est moins un problème que pour nous où la dette est maintenue par des capitaux
12:01étrangers.
12:02Je me demande s'il ne serait pas temps de lancer un grand emprunt.
12:05On sait qu'il y a beaucoup d'épargnes en France, emprunts réservés aux Français
12:10pour racheter cette dette par les Français eux-mêmes avec des titres de dette qui pourraient
12:16par exemple servir à payer au bout de cinq ans les impôts ou les droits de succession,
12:23etc.
12:24Alors, je sais que ça a déjà été fait par Giscard, mais que ça avait été un échec
12:28dans le sens où cet emprunt avait été indexé sur l'or.
12:32Mais là, avec un taux précis et fixe, je pense que ça pourrait être fait.
12:39Merci pour votre question, Sylviane.
12:41Pierre Moscovici, vous avez l'air de vous douter.
12:44Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, si vous voulez, notre dette publique, elle
12:47est gérée par une agence du ministère des Finances, qui émet tout de même des centaines
12:53de milliards d'euros de dette annuellement et qui l'émet sur les marchés internationaux.
12:57Et qu'aujourd'hui, c'est vrai, nous avons plus de 50% de notre dette qui est détenue
13:00par des créanciers étrangers.
13:01Et cela regarde, et c'est aussi à ça qu'il faut penser avec les finances publiques, la
13:04qualité de notre dette, donc la qualité de nos finances publiques.
13:08Il faut avoir ça en mémoire.
13:09C'est encore pas mal d'avoir 50% qui viennent de l'étranger.
13:13C'est vrai que nous avons une épargne intérieure qui est très forte, il faudra bien un jour
13:16la faire diminuer, l'orienter justement vers la consommation ou vers d'autres usages,
13:20par exemple le financement de la transition écologique.
13:22Je ne pense pas que la formule de l'emprunt soit une formule d'aujourd'hui.
13:25Alors, une autre formule, celle qu'employait Bruno Le Maire, la France à la culture de
13:28la dépense.
13:29Est-ce que vous partagez le diagnostic ? Le débat est intéressant.
13:32Oui, bien sûr, nous avons une préférence collective pour la dépense.
13:35Pourquoi ? Parce que nous sommes un pays qui a l'égalité au cœur, parce que nous
13:39croyons en l'État, parce que nous croyons régulièrement par l'État.
13:41Et donc, moi aussi d'ailleurs j'ai la culture de la dépense.
13:43Je suis très attaché à nos services publics, et les auditeurs le sont également.
13:47Mais, il y a un mais, j'observe que plus on dépense, moins les Français sont satisfaits
13:51de leurs services publics.
13:52Ce qui veut dire qu'il y a un problème de qualité de la dépense publique.
13:55Je ne propose pas de taper sur la dépense publique.
13:58Non, nous aurons toujours un niveau de dépense publique élevé.
14:00Je propose une dépense publique de meilleure qualité, donc des services publics de meilleure
14:03qualité.
14:04Si l'éducation nationale fonctionnait parfaitement, nous ne reculerions pas dans les classements
14:08PISA.
14:09Si l'hôpital fonctionnait parfaitement, nous ne poserions pas toutes ces questions.
14:12Ce qui veut dire qu'on dépense beaucoup, beaucoup, mais pas toujours de façon efficiente.
14:16Toujours à propos de Bruno Le Maire, est-ce qu'il est responsable, partiellement, totalement
14:21responsable de la situation financière dans laquelle se trouve le pays ?
14:24On est toujours responsable de ses actes quand on est au gouvernement, toujours, tout le
14:29monde, du haut en bas de la chaîne.
14:31Il a été ministre pendant 7 ans, il s'est vraiment dévoué au pays et il y a eu une
14:36période de très belles réussites, notamment je pense que toute la période de gestion
14:41de la crise Covid, de mise en œuvre du plan, quoi qu'il en coûte.
14:45Disons que ces dernières années, de manière collective, ce que j'observe, c'est qu'on
14:48a annoncé depuis longtemps la fin du « quoi qu'il en coûte » et qu'il n'est pas
14:51arrivé.
14:52On a continué à dépenser, dépenser beaucoup.
14:53Je pense par exemple que le bouclier énergie, Bruno Le Maire, à ma connaissance, n'y
14:57était pas favorable.
14:58C'était une dépense qui n'était pas aussi indispensable que le « quoi qu'il
15:01en coûte » Covid.
15:02Bon, moi je lui souhaite vraiment bon vent dans ce qu'il aura à faire, 7 ans à Bercy,
15:07c'est une performance.
15:08Pierre Moscovici, vous parlez de qualité de la dépense publique et notamment de transition
15:12écologique.
15:13Vous dites même, ce sont vos mots, il ne faut pas mégoter sur les dépenses liées
15:16à la transition écologique, donc ça ne doit pas être une source d'économie ?
15:19On peut faire des économies partout, dans l'écologie aussi il y a des dépenses qui
15:25ne sont pas bonnes.
15:26C'est simplement qu'il faut en ajouter pour l'avenir, il faut investir massivement
15:31dans cet avenir-là.
15:32Je vous répète la question parce que le fonds vert, d'après les documents préparatoires
15:34au budget, le fonds vert va être amputé l'an prochain d'un milliard et demi d'euros.
15:37Mais on peut, encore une fois, dire ici ou là, ce n'est pas à moi de juger aujourd'hui,
15:41il y a des économies à faire.
15:43Il n'empêche qu'en tendance, pour financer la transition écologique, il faudra investir
15:48beaucoup plus.
15:49Mais attention, pour investir dans la transition écologique, il faudra trouver de l'argent.
15:52Et ça ne peut pas être plus de dette, ce qui veut dire qu'on doit faire des économies
15:55ailleurs.
15:56C'est une question de priorité.
15:57Vous me demandez si, pour moi, la fonction environnement est celle sur laquelle on doit
16:00toucher en premier, spontanément, mais alors c'est une sensibilité personnelle, je dirais
16:04non.
16:05Ce n'est pas là où il faut investir, qu'il faut d'abord économiser.
16:08Mais il se peut qu'il y ait aussi des dépenses inefficientes dans ce domaine comme dans les
16:11autres.
16:12Mais on vous écoute, on a l'impression que c'est une équation impossible.
16:14Non, elle est très difficile, elle est très subtile, c'est pour ça que je le redis,
16:18moi j'appelle à un vrai budget, c'est-à-dire pas à du rabot où on coupe un peu uniformément
16:22ou de façon d'ailleurs inintelligente.
16:24Il faut à chaque fois aller regarder, est-ce que cette dépense fonctionne ? Est-ce que
16:27cette politique publique est efficace ? C'est un travail un peu de dentelière.
16:30C'est très compliqué, c'est faisable et c'est nécessaire.
16:34Bonjour Élodie et bienvenue sur France Inter dans le Grand Entretien.
16:38Oui bonjour, merci de prendre ma question.
16:41Je voudrais savoir, en France, on dit souvent que si on augmente les impôts sur les grandes
16:46fortunes, notamment si on rétablissait l'ISF, que tous les super-riches et les milliardaires
16:50quitteraient la France et iraient à l'étranger.
16:53Pourquoi en France, on n'impose pas tout le monde en fonction de sa nationalité et
16:57pas de son lieu de résidence ? Il y a des pays qui le font, qui imposent leurs ressorts
17:01qui sont, où qu'ils vivent, et ils doivent avoir l'impôt sur le revenu à leur pays
17:04de nationalité.
17:05Les Etats-Unis.
17:06Merci Élodie pour votre question.
17:08Réponse Pierre Moscovici ?
17:09Les Etats-Unis, mais l'imposition est aussi beaucoup plus faible que chez nous.
17:13Bon, on a fait des choix politiques sur l'impatriation, sur l'expatriation.
17:17Au final, observons quand même que les grandes fortunes sont quand même la plupart logées
17:21ici.
17:22D'où le support.
17:23Elles ont rapatrié leurs fortunes.
17:24Après, c'est un débat profondément politique.
17:26Mais rétablir l'ISF, taxer les super-riches, est-ce que ça entraînerait une fuite de
17:33ces personnes-là ou de ces familles-là ?
17:35Je vous ai dit tout à l'heure, Marie-Hélo, la fameuse taxe à 75%.
17:37Je suis arrivé, j'étais ministre des Finances de François Hollande, on avait proposé
17:41cette taxe à 75%.
17:42Bon, moi, personnellement, je n'y croyais pas beaucoup.
17:45Mais je me souviens de la réaction, effectivement, de certains milliardaires, que je ne vais pas
17:47nommer, dans des échanges que j'ai pu avoir avec eux, disant « bon, à ce moment-là,
17:51on fait partir tous nos créatifs ».
17:52C'était Cuba sans le soleil ? Vous souvenez de l'expression des milliards parfois ?
17:56Oui, je me souviens très bien, je ne suis pas amnésique, donc je pense qu'il faut
18:00être assez prudent avec ça.
18:02En même temps, c'est un choix politique, un choix politique, très politique, et je
18:05ne fais plus de politique.
18:06Vous en faites, et vous en faites tout le temps de la politique ?
18:09Non, je m'occupe de politique publique au pluriel.
18:13Les Américains ont une expression pour ça, vous savez, il y a le « politics », c'est
18:16le combat politique.
18:17J'en fais plus.
18:18Parfois, ça me manque, mais j'en fais plus.
18:19Et puis, il y a les « policies », les politiques publiques, alors ça, j'en fais à fond.
18:22Vous en avez fait, en tout cas, de la politique.
18:24Est-ce que ce n'est pas quand même un classique pour un gouvernement d'arriver et de sembler
18:29s'étonner, une espèce de posture, de s'étonner de la gravité de la situation des finances
18:33publiques ? Une façon de dire « on ne va pas pouvoir tout faire ».
18:35Non, mais ça, je ne commande pas les postures, mais ce qui est certain, c'est que la situation
18:39de finances publiques, on la connaît.
18:40On a des notes du Trésor, assez précises et récentes, qui la disent, il faudra peut-être
18:45les actualiser, parce que je ne sais pas ce qu'il se passe sur les recettes en cette
18:47fin d'année.
18:48Il y a des rapports, des revues de dépenses de l'inspection générale des finances,
18:51il y a tous les travaux de la Cour des comptes, tout est sur la table.
18:53Vous voulez dire que le déficit est peut-être plus important que ce qu'on dit aujourd'hui ?
18:56Je ne sais pas.
18:58Ce que je dis simplement, c'est qu'il faut les varier des chiffres aussi là.
19:01Pourquoi ? Parce que si vous donnez une trajectoire pour les années à venir, autant quand même
19:04connaître le point de départ de manière précise.
19:06Je le redis, l'important, c'est la vérité.
19:08On peut gagner du temps.
19:10L'équation n'est pas impossible, elle est très compliquée.
19:13Mais pour gagner du temps, il faut donner des chiffres précis à la base.
19:18Précis.
19:19Et il faudra les communiquer, notamment à vous évidemment, mais également à la commission
19:22européenne.
19:23Comment est-ce que vous jugez aujourd'hui la nouvelle commission, celle qui est en train
19:27de se mettre en place ? Le départ de Thierry Breton, c'est un désaveu pour la France et
19:30pour Emmanuel Macron ?
19:31Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé entre Thierry Breton, Ursula von der Leyen
19:37et Emmanuel Macron.
19:38Donc je ne vais pas commenter ça.
19:41Thierry Breton a été un commissaire, c'était mon successeur à la commission, qui a fait
19:44des choses incontestablement, avec son caractère.
19:46Mais il a été un homme d'action, qui a un certain nombre de succès à son crédit.
19:52Maintenant, c'est Stéphane Séjourné qui va prendre ce poste.
19:54Il a un profil un peu différent de ses prédécesseurs, moins âgé, moins expérimenté sans doute.
19:59Si je peux me permettre de lui donner un conseil ?
20:01Allez-y.
20:02C'est le suivant.
20:03C'est l'expérience.
20:04Moi, j'étais commissaire européen pendant 5 ans.
20:06Le commissaire européen est certes désigné par la France, mais il est indépendant.
20:10Un commissaire européen s'occupe de l'intérêt général européen, il ne prend pas ses consignes
20:15à Paris.
20:16Et il est d'autant plus fort qu'il est indépendant.
20:17Thierry Breton a su faire ça assez bien, je crois l'avoir fait aussi, et mes prédécesseurs,
20:21Michel Barnier, Pascal Hamid.
20:22Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas en contact avec son gouvernement.
20:24Ça veut dire simplement qu'il y a un ambassadeur de France à Bruxelles, oui, à la représentation
20:29permanente à Bruxelles, c'est pas le commissaire.
20:31Le commissaire doit d'abord s'occuper de ses dossiers et s'occuper de l'Europe, mais
20:35aussi bien sûr en contact avec son gouvernement et son pays.
20:38Merci Pierre Moscovici d'avoir été l'invité du Grand Entretien d'Inter.
20:41Merci.
20:42Bonne journée.

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