Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Jacques Garcia, bienvenue à Patron en question.
00:03Merci d'en recevoir.
00:04Un invité absolument exceptionnel et pour une émission exceptionnelle qui ne va pas
00:09être comme les autres parce que vous avez tellement de choses à dire qu'il faudra
00:12qu'elle soit en deux parties.
00:14Et donc je suis ravie de vous avoir et je me posais la question d'ailleurs parce qu'on
00:18interroge des patrons dans cette émission, c'est entre patrons et évidemment vous êtes
00:24pour moi en particulier, au-delà de tous vos talents, un vrai patron.
00:27Je crois que le simple fait de créer et de créer des œuvres collectives, c'est
00:34ce que j'ai pu faire, demande de s'adresser à la collectivité, donc des employés,
00:40des gens qui sont autour de vous, des entrepreneurs, et Dieu sait si les entrepreneurs je les
00:45ai eus toute ma vie et encore, pour les soutenir d'ailleurs, pour les soutenir.
00:51J'ai toujours soutenu avant tout l'artisanat donc c'est presque une vocation première
00:56et si vous voulez, je pense que pour vraiment réussir tout seul, à moins de se renfermer
01:03dans sa petite chambre au fond de la campagne, c'est assez difficile.
01:08C'est difficile, oui, mais vous avez quelque chose d'exceptionnel parce que d'abord
01:13vous avez fait Penningen, vous avez fait d'autres études, etc.
01:18Et pour arriver à être ce mécène de vous-même d'ailleurs, ce mécène de la France, il
01:26a fallu gagner de l'argent parce que vous êtes parti, vous êtes panné avec une cuillère
01:29d'argent dans la bouche et donc vous avez gagné de l'argent.
01:33Et ce qui est extraordinaire, c'est que vous êtes aussi bien capable de construire
01:38des hôtels de luxe, de les décorer, etc., tout ça pour arriver à vos fins qui sont
01:42d'autres fins.
01:43Mais vous savez, on dit panné avec une cuillère dans la bouche, moi je suis né avec une cuillère
01:49de vermeille dans la bouche, mon père et ma mère.
01:52Ça c'est joli.
01:55Et les deux, avec deux tempéraments totalement opposés, l'une matérialiste, soi-disant
02:03communiste, mais c'est ce que je lui ai dit, des communistes comme toi il en faudrait beaucoup
02:07parce qu'il n'y aurait plus de chômage, t'en plairais tellement de personnel, donc c'est
02:11vous dire le genre de personne, et mon père, l'intello livresque, dans les livres du matin
02:20au soir.
02:21Et c'est lui qui m'a formé, c'est lui qui m'a expliqué d'entrée, tu ne pourras tout
02:27comprendre que si t'apprends.
02:28Alors, d'accord, mais moi je parlais de cuillère d'argent parce que vous avez tellement investi,
02:37vous avez acheté les plus beaux meubles du monde, vous avez même, pour champ de bataille
02:41on en parlera, trouvé des chefs-d'oeuvre historiques, donc il faut de l'argent quand même.
02:49Alors, d'accord, vous avez des cuillères de vermeil que sont vos parents, mais qui
02:53ne vous ont pas financées.
02:54Non, le financement c'est une autre histoire.
02:57Mais ça c'est ça l'entreprenariat, c'est trouver l'argent.
03:00D'abord, vous parlez des meubles historiques, vous parlez des objets, vous parlez de tout
03:03ça, la passion, de la même manière, mon père qui adorait les livres, sa passion c'était
03:09les livres anciens avec des ex-livrices de fous.
03:11Moi j'ai passé tous mes samedis après-midi chez les bouquinistes sur le quai et la masse
03:16des livres qui sont dans la bibliothèque à champ de bataille, je crois qu'il y a
03:1920 000 volumes, mais au moins 15 000 viennent de mon père.
03:22Ah ça c'est extraordinaire.
03:23Et dans tout ça, il achetait ça un franc, deux francs, c'était les francs à l'époque,
03:27dix francs, cinquante francs.
03:28Quand on sait voir, on n'est pas obligé d'acheter la photocouleur du catalogue de
03:33Sotheby's ou de Christie's.
03:34Et quand on sait voir, on revend éventuellement les photocouleurs de Sotheby's et de Christie's.
03:40Alors, question qui n'a pas d'intérêt, mais quand même, d'où tenez-vous ce goût
03:44inouï ?
03:45Parce que ce qu'il faut voir, c'est le regard que vous portez sur les choses, c'est ce goût
03:49incroyable quand on visite le champ de bataille, quand on voit un auto, on est sans voix.
03:55Un paradoxe que je pense peu de mes confrères ont, je suis Dr Jekyll et Mr Hyde.
04:03C'est pas faux.
04:04C'est-à-dire, je me suis toujours intéressé à deux choses pratiquement incompatibles.
04:09D'une part, les meubles royaux, parce que je trouvais scandaleux, appris par mon père,
04:15de cette vente révolutionnaire où on a pillé le patrimoine, simplement pour essayer
04:20de faire trois sous pendant la révolution, et tout ce que nous avions créé de plus
04:23extraordinaire est parti à l'encan, à travers les ventes.
04:26Et puis, une deuxième chose qui me fascinait, c'est-à-dire pouvoir acheter des meubles
04:31royaux, tout simplement parce qu'on savait relire un inventaire.
04:34C'était extraordinaire, alors qu'on n'était pas… J'ai lâché une commode Louis XV
04:38de tout le monde, ce qui est très bien, mais qui n'est pas absolument… On pouvait acheter
04:41une commode faite par le meilleur faiseur pour Louis XV, simplement parce qu'on savait
04:45voir.
04:46Et puis la deuxième chose, ma passion tout de suite pour la créativité de mon temps.
04:50Dès l'âge de 17-18 ans, j'étais dans la fascination de l'art conceptuel, de choses
04:56de genre, genre Klein, Fontana, Alberts, tous ces gens qui… Aujourd'hui, c'est des
05:01milliards, tout ça.
05:02Mais à l'époque, c'était rien du tout.
05:04On achetait à drôles d'occasions des tableaux d'Yves Klein ou de Fontana, tout simplement
05:09vendus.
05:10Mais vendus tout simplement par les enfants de ceux qui les avaient achetés et qui n'aimaient
05:13pas ça.
05:15Qu'est-ce que vous avez acheté à ce moment-là ?
05:16C'est à ce moment-là que je les ai achetés.
05:18Formidable.
05:19Je vais vous raconter une anecdote.
05:20Le premier tableau contemporain que j'ai acheté, quand j'avais 17 ans, 17 ans, c'est
05:25pas très vieux, j'avais hérité de ma grand-mère, la mère de mon père, un petit
05:30mobilier pas mal, un peu Louis XVI Provence, tout ça, tout ce qui aujourd'hui vaut rien,
05:37mais qui, à l'époque, valait un peu d'argent.
05:38Et au désespoir de ma pauvre mère, tellement matérialiste, j'ai vendu tout ça pour
05:43acheter un fontana, un clin.
05:47Alors, évidemment, d'abord, tout le monde s'est foutu de moi en disant c'est quoi
05:51ça ? Quand j'ai mis ça chez moi, mes copains m'ont dit mais j'avais laqué les plafonds,
05:57les sols en blanc et avec des tableaux comme ça et quelques trucs historiques que j'avais
06:02achetés.
06:03Tout le monde disait mais comment tu peux vivre dans cet univers avec ces tableaux uniques
06:06qui ne représentent rien ? C'est les mêmes copains qui ayant fait fortune ont acheté
06:10ça à un million d'euros.
06:11Ça, c'est une autre histoire.
06:12Formidable.
06:13Ça, c'est la fin de la première partie et merci infiniment et à très très vite.
06:19Merci.