Donald Trump a donc remporté l'élection présidentielle de 2024 aux États-Unis, devenant ainsi le 47e président américain. Un retour à la Maison Blanche, après 4 ans d'absence, une situation inédite dans l'histoire des USA, qui ne s'était pas produite depuis la guerre de Sécession. Nicole Bacharan, politologue, historienne et spécialiste des États-Unis, est l'invitée de RTL Soir
Regardez L'invité de Yves Calvi avec Yves Calvi du 06 novembre 2024.
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00:00Édition spéciale élections américaines. Agnès Bonfillon et Yves Kelvy.
00:04Il est 18h19. Bonsoir Nicole Bacharan.
00:06Bonsoir Yves.
00:07Merci beaucoup d'être avec nous dans RTL Soir. Vous êtes historienne spécialiste des Etats-Unis.
00:11Donald Trump est donc de retour à la Maison Blanche.
00:14Le candidat républicain est largement réélu pour un second mandat
00:17après sa victoire face à la démocrate Kamala Harris.
00:19Sur quoi s'est jouée cette élection Nicole Bacharan ?
00:21Essentiellement quand même sur l'économie et le pouvoir d'achat.
00:25Et c'est vrai que l'économie américaine elle va bien.
00:29Les chiffres de la macro-économie sont bons et Joe Biden a fait un bon mandat sur ce plan-là.
00:34Mais quand il a pris le pays en main,
00:36l'inflation était extrêmement élevée à la suite du Covid, de la guerre, etc.
00:41Et l'inflation a beaucoup ralenti. Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
00:44Ça veut dire que les prix continuent à monter et en tout cas ne baissent pas.
00:48Et tout est devenu trop cher. Ça c'est vraiment l'élément numéro un.
00:52Et je pense que le deuxième, c'est le sentiment que le monde est dangereux,
00:56que la crise migratoire n'est pas du tout maîtrisée.
00:59Et que pour la sécurité, il vaut mieux un homme fort qu'une femme au fond dont on ne savait pas grand-chose.
01:05Est-ce que pour autant c'est un virage à droite, on va dire, historique pour les Américains ?
01:09Oui, je crois qu'il y a un vrai virage à droite et qu'on a changé d'ère réellement.
01:14Vous savez, on peut dire qu'on a eu l'ère Ronald Reagan pendant un certain temps.
01:19On a eu l'ère démocrate assez forte avec Clinton, Obama, même avec l'interruption George Bush.
01:25Là, l'Amérique a pris un tournant. On est réellement dans l'ère Trump.
01:29Il a gagné la Maison-Blanche, le Sénat, probablement la Chambre, je ne sais pas si on a les derniers chiffres.
01:35Non, mais ça a l'air d'être parti pour.
01:37C'est parti pour et la Chambre et la Cour suprême.
01:40Donc, l'Amérique d'aujourd'hui, de demain et d'un certain temps, c'est l'Amérique de Trump.
01:44Mais ils viennent de réélire celui qu'ils n'ont pas voulu il y a quatre ans.
01:48Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous comprenez, c'est quand même troublant.
01:51Il s'est passé d'abord que Trump est un phénomène en soi.
01:55Il est increvable, écoutez, cinq meetings par jour depuis je ne sais combien de mois.
02:01C'est un bouffon et c'est un politique, les deux à la fois.
02:07Il a cassé toutes les règles, donc avec ce langage outrancier, vulgaire, etc.
02:12Donc, c'est très difficile de faire campagne face à lui.
02:16Et puis, c'est facile, évidemment, de le dire a posteriori,
02:18mais les démocrates ont accumulé les erreurs.
02:22Je veux dire que Joe Biden, qui s'était engagé à faire un seul mandat,
02:26veut s'accrocher à tout prix, ne laisse pas le temps de vraies primaires.
02:30Mettons celle pour 16 semaines, pas plus,
02:34Kamala Harris, qu'au fond, les Américains ne connaissaient pas très peu son nom.
02:39Mais une campagne, normalement, c'est deux ans.
02:42Pendant deux ans, on voit les candidats sillonner le pays,
02:46encaisser des effets, encaisser des succès, faire face à des crises, à des insultes.
02:51Et on voit un petit peu ce qu'ils ont dans le ventre.
02:53Elle, c'est resté quand même en partie une inconnue.
02:56Alors, les Afro-Américains, les Hispaniques, les femmes,
02:59le vote Trump est en hausse dans presque toutes les catégories que je viens de citer.
03:03Comment l'expliquez-vous ? Là encore, vous nous dites que c'est l'économie qui domine tout ?
03:06Bien sûr, l'économie domine, mais aussi,
03:10laissons de côté les forces mêmes de Trump, qui sont en soi, on pourra faire quelques volumes.
03:15Mais quand même aussi, ce qu'est devenu le Parti démocrate.
03:20Et quand on a vu hier, je suis sûre que vous les avez vus aussi, ces images
03:23du lieu où devait avoir eu lieu la fête démocrate,
03:26absolument désert, pas un drapeau, personne.
03:30Et Kamala Harris qui ne vient pas.
03:33Ce n'est pas une défaite, c'est une débâcle.
03:36Le Parti démocrate que nous avons connu, il est mort.
03:40Il est mort aujourd'hui, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas...
03:42Il n'y a plus de centre-gauche ?
03:44Il y aura, bien sûr, il va y avoir un Parti démocrate qui va travailler, se réincarner.
03:50Mais les leaders ont été balayés.
03:53Je veux dire, tout le monde a mis tout son poids dans la bataille.
03:55Les Obama, les Clinton, Kamala Harris, évidemment.
03:59Et au fond, une des questions qui s'est posée pendant ces 16 semaines de campagne,
04:05on se disait, qu'est-ce qu'elle veut vraiment cette femme ?
04:07Il y a eu aussi, est-ce qu'elle est taillée pour être commandant en chef ?
04:11Eh bien, je suis désolée de dire qu'hier soir, elle nous a prouvé que non.
04:14Parce que, souvenez-vous, Hillary Clinton, en 2016,
04:17elle avait gagné le vote populaire.
04:19Elle est arrivée, elle a fait le discours devant la salle qui était prévue pour la fête.
04:24Elle a serré les dents.
04:25Je ne sais pas si elle avait avalé trois mousquilles et quatre lexomyles,
04:28mais elle a félicité ceux qui l'ont aidé, elle les a remerciés.
04:32Elle leur a dit, la lutte n'est pas finie, on reprendra le flambeau.
04:35Et elle a félicité Donald Trump.
04:37Kamala Harris, elle n'a pas été capable de le faire.
04:40Elle va parler aujourd'hui, on va voir ce qu'elle va dire.
04:42Mais elle a abandonné la bataille.
04:45Et ça veut dire qu'elle n'était pas taillée pour ce job.
04:47Donc, votre réponse est intéressante parce que vous intégrez aussi l'échec de Kamala Harris,
04:51autant que la victoire du futur président Trump.
04:54On parle quand même d'un homme que beaucoup pensent raciste, misogyne,
04:58accusé d'agression sexuelle, hostile à l'IVG, condamné pour fraude financière.
05:03Il est pourtant réélu avec un fort soutien populaire au sens premier du terme.
05:08On parle de la première démocratie du monde, donc tout ça, c'est des chocs successifs et contradictoires.
05:13Dans toute la liste que vous avez faite et que je partage, il n'y en a qu'une qui au fond n'est pas vraie,
05:17c'est « hostile à l'IVG ».
05:19Si vous saviez à quel point, il s'en fout si vous me permettez ce vocabulaire.
05:23Mais par contre, il a eu cette politique de nommer des juges hostiles à l'IVG,
05:29donc ça l'a beaucoup servi, mais sur le plan personnel, vraiment ça lui est égal.
05:34Mais il est raciste, il est misogyne.
05:37Il a été condamné pour agression sexuelle avec, bon, tout ça est en appel.
05:43Il a refusé d'accepter le verdict des urnes en 2020.
05:47Vous allez voir que dans les livres d'histoire favorisés par Trump,
05:50il dira « je suis le seul à avoir gagné trois fois l'élection présidentielle ».
05:54Il n'a jamais démordu du fait qu'il avait gagné en 2020.
05:58Donc il y a quand même une stupéfaction et l'expression, je crois, d'une fatigue démocratique,
06:05de l'idée qu'au fond, ça ne marche pas si bien que ça,
06:08que soit il ne faut pas le prendre trop au sérieux,
06:11soit finalement, un homme fort, ce n'est pas mal.
06:13Donald Trump est-il encore plus extrémiste qu'il y a huit ans ?
06:16Je me pose la question, parce que dans les trois dernières années, disons très nettement,
06:22un homme vieillissant, revanchard, aigri, plein de colère.
06:29Et là, quand je l'ai écouté hier soir, c'est vraiment la petite psychologie que vous faites,
06:34mais il était quand même calme, il a remercié tout le monde,
06:38il n'a pas dit que moi, moi, moi, moi.
06:40Il a parlé d'un homme…
06:41Presque apaisé, si je vous met ce terme.
06:42Oui, c'est exactement le terme.
06:44Et je me dis, je sais cet homme, moi je l'ai observé à New York depuis les années 80,
06:48et à 30 ans, c'était le type revanchard,
06:53parce que c'était un gosse du Queens qui rêvait de Manhattan,
06:56qui n'était pas admis parmi les élites new-yorkaises dans le monde politique,
07:00parce qu'il était regardé avec mépris.
07:02Tout le monde, Obama l'a traîné plus bas que terre,
07:06souvenez-vous, lors d'une scène fameuse, au cours d'un dîner.
07:10Donc, il avait une revanche énorme à prendre,
07:12et là, il a tout gagné.
07:14Tout, ce n'est pas une victoire, c'est un raz-de-marée.
07:17Est-ce que ça peut peut-être satisfaire, en fait, la blessure narcissique ?
07:21Alors, certains analystes expliquent que lors de son premier mandat,
07:24Trump était entouré de gens compétents, raisonnables,
07:27mais là, que plus rien ne le retient.
07:29Vous venez de nous proposer l'analyse contraire, c'est ça qui est intéressant,
07:32en disant, peut-être qu'il s'est apaisé avec lui-même et que ça nous fera du bien.
07:35Mais voilà, le fait qu'il soit, en fait, d'une certaine façon, totalement libre.
07:40Il est totalement libre, et si lui, alors, je ne sais pas s'il va s'apaiser,
07:43mais admettons qu'une seconde,
07:46les gens qui l'entourent maintenant, car l'équipe est là, les projets sont là,
07:50ce sont des idéologues, ce sont des gens qui savent faire,
07:54qui ont un manuel, en quelque sorte, pour que sa politique soit appliquée.
07:59Donc, ça ne peut être qu'une politique beaucoup plus dure que pendant son premier mandat.
08:03Et on attend toujours la première prise de parole de celle qui l'a battue ce soir.
08:08Merci beaucoup, Nicole Bacharon, historienne et spécialiste des Etats-Unis, pour votre éclairage.
08:12Dans un instant, le journal de 18h30,
08:14puis nous reviendrons sur l'élection de Donald Trump avec nos deux invités.
08:17Cette victoire est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
08:20Je poserai la question aux députés Rassemblement national Thierry Mariani
08:23et à l'ancien ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie, Roland Lescure.
08:27A tout de suite.