Après le grand discours de Joe Biden qui a lancé cette nuit sa campagne pour l'élection présidentielle américaine de 2024, RTL reçoir Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis, maître de conférence à l'université Assas Paris II.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 6h, 9h15, RTL Matin, avec Stéphane Carpentier.
00:07 C'est RTL qui vous accompagne, c'est RTL qui vous informe à 8h48.
00:11 Nous allons donc nous arrêter ensemble sur l'actualité de la nuit aux Etats-Unis,
00:15 alors que se profile à l'horizon 2024, en novembre prochain, l'élection présidentielle américaine.
00:21 Et c'est l'actuel locataire de la Maison Blanche, Joe Biden, qui a pris la parole ces dernières heures.
00:25 Un discours prononcé en Pennsylvanie avec une cible, une seule cible, un certain Donald Trump.
00:32 Jean-Éric Branat nous fait la gentillesse d'être en direct avec nous, connecté, spécialiste des Etats-Unis.
00:38 Bonjour.
00:38 Bonjour.
00:40 Vous êtes l'auteur d'une biographie sur Joe Biden, publiée aux éditions Nouveau Monde.
00:45 Longue prise de parole de Joe Biden, très axée donc sur Trump.
00:49 Il met en garde contre la menace extrême que représente Trump pour la démocratie.
00:53 D'ailleurs, il l'avait déjà fait en vidéo la veille, c'est ça exactement.
00:57 Oui, il avait déjà lancé son clip de campagne qui est diffusé à partir d'aujourd'hui.
01:03 Aujourd'hui qui est le troisième anniversaire de l'attaque contre le Capitole.
01:08 D'ailleurs, le discours a dû être prononcé aujourd'hui, normalement.
01:12 Oui, parce que c'était pile il y a trois ans.
01:14 On est quand même, au vu de ce que j'ai pu voir et entendre, sur du classique dans ce duel.
01:18 C'est-à-dire qu'il y a Biden qui parle de Trump comme étant le passé, lui il se dit l'avenir.
01:23 Biden dit défendre l'Amérique, alors il affirme que Trump ne pense qu'à lui.
01:27 C'est un duel qui est lancé ?
01:29 Alors en réalité, le classique n'existe pas dans les campagnes électorales américaines,
01:34 si vous me permettez de vous reprendre là-dessus.
01:36 Et pourquoi vous dis-je cela ? Parce qu'on a de l'inédit total.
01:40 On a une campagne qui normalement se déroule sur deux mois.
01:43 Vous le savez, les conventions qui désignent le candidat se tiennent en été.
01:47 Puis septembre et octobre, CERF va faire la campagne.
01:50 Cette année, on a eu une campagne de 300 jours, de 10 mois.
01:54 Et ça, ça n'est jamais arrivé, en tout cas de mémoire de spécialistes des États-Unis.
01:58 Donc on va avoir une campagne éreintante, alors que l'âge du capitaine est quand même un vrai sujet.
02:03 Ils ont respectivement 78 et 81 ans.
02:06 Alors que les finances, qui sont déjà de plus d'un milliard par candidat,
02:10 normalement en deux mois, vont être soumises à rude épreuve.
02:14 Combien va coûter une telle campagne sur dix mois ?
02:17 Et alors que le message va être "Qui a le plus fort ?"
02:21 Et c'est vrai que Joe Biden a fait très très fort hier soir avec son message sur la démocratie,
02:26 sur le vote, sur la liberté, reprenant Trump pied à pied sur chacune de ses déclarations,
02:31 chacun de ses actes, le dénonçant avec des accents de George Washington
02:36 à quelques mètres de Valley Forge, au lieu de la lutte pour l'indépendance.
02:44 George Washington, le père de la nation, et Joe Biden s'est présenté lui aussi comme un autre père de la nation,
02:49 qui faisait la leçon, il faut bien le dire, à Donald Trump.
02:52 Vous nous dites que Biden, cette nuit lors de ce discours en Pennsylvanie, a fait très très fort.
02:56 C'est-à-dire qu'il fallait qu'il se lance dans cette campagne.
02:59 On sait qu'il n'a pas une cote de popularité très impressionnante en ce moment aux États-Unis.
03:03 C'est la petite chose qu'on peut dire.
03:06 Et que certains démocrates estiment que sa campagne a démarré très lentement en plus.
03:12 Oui absolument, c'est vrai qu'il s'est lancé en avril, qu'il ne s'est rien passé depuis.
03:15 On se disait, il laisse le champ libre à Donald Trump, qui l'occupait d'ailleurs très largement,
03:22 notamment depuis toutes ces affaires judiciaires, depuis le mois de mars de l'année dernière,
03:27 qui ont lancé Donald Trump, qui est remonté subitement dans les sondages,
03:31 resserrant le camp républicain.
03:34 Mais sur quel programme ? Il n'y en a pas assez.
03:37 En réalité, sur du vent, et c'est bien ce qu'a voulu montrer Joe Biden hier soir,
03:42 en expliquant que les accents de Donald Trump n'étaient pas les bons,
03:46 qu'il était sur les mauvais slogans, en expliquant que sa campagne, c'était de la revanche,
03:54 c'était du pouvoir et c'était de l'autoritarisme.
03:57 Alors que les Américains doivent se retrouver sur des valeurs cardinales
04:00 qui ont toujours fait les États-Unis, la démocratie, la liberté, le droit de vote,
04:06 et plus d'égalité pour chacun.
04:08 Donc c'est désormais les deux programmes qui sont l'un en face de l'autre.
04:12 Il va être très difficile quand même pour Donald Trump de naviguer là-dessus,
04:16 à part dénoncer Joe Biden en disant qu'il est sénile.
04:19 Il ne va pas y avoir grand-chose à faire, sauf à changer de braquet lui aussi.
04:22 Jean-Éric Branat, l'âge justement de Joe Biden, 81 ans,
04:26 il veut repartir dans la bataille alors que son âge semble être une faille depuis un petit moment.
04:30 On a vu qu'il avait un petit peu de mal à se déplacer, il y a eu quelques chutes,
04:33 il y a des maladresses de langage aussi qui sont scrutées à la loupe.
04:36 Pourquoi il continue ?
04:38 C'est un enjeu effectivement, et la question je me la suis posée comme vous.
04:44 Tout le monde se l'est posée certainement à un moment ou à un autre.
04:47 Maintenant, est-ce qu'un homme de 80 ans est forcément disqualifié pour prendre des décisions,
04:52 pour avoir un regard sur le monde ? Certainement que non.
04:56 D'ailleurs, beaucoup de tribus ont toujours confié aux hommes les plus âgés
05:00 le soin de décider pour tout le monde.
05:03 Mais il continue parce qu'il estime qu'il est le mieux placé pour battre Donald Trump,
05:08 le connaissant depuis quasiment toujours.
05:10 Et parce que lui-même avait fait sa campagne en 2020 sur le même thème de la démocratie,
05:17 de l'âme de l'Amérique qu'il fallait restaurer.
05:20 Il estime qu'en 4 ans, cette âme n'a pas retrouvé le chemin qu'elle devait prendre
05:25 et donc le travail reste à faire de ce côté-là.
05:28 Même si sur d'autres thématiques, il a vraiment bien réussi,
05:32 que ce soit l'économie ou la politique étrangère,
05:34 mais cela n'imprime pas parce que les Américains ont d'abord dans l'idée
05:38 qu'il y a toujours un problème politique qui se pose avec ces questions de démocratie
05:43 et qu'il faut arriver à remettre de l'ordre dans les esprits.
05:47 On doit comprendre que si l'élection avait lieu, par exemple, ce week-end,
05:50 il serait battu Biden ?
05:52 Oui, absolument.
05:54 Les sondages aujourd'hui sont très mauvais dans ce qu'on appelle les États clés.
05:59 Ce sont ces États qui balancent à quelques voix, même quelques fois.
06:04 Du moins, je suis peut-être allé un peu vite, ça aurait été vrai avant le discours.
06:09 Aujourd'hui, je pense que ça va réfléchir davantage.
06:11 Joe Biden s'est adressé à trois cibles.
06:14 D'abord, les États qu'il a essayé de réunir avec ce thème qu'il avait déjà utilisé,
06:19 avec tous ceux qui sont non inscrits ou indépendants,
06:23 qui sont plutôt sensibles à ces thèmes-là, qui sont des thèmes chers aux Américains.
06:27 Et puis, aux républicains modérés qui se méfient toujours de Donald Trump.
06:31 Au moment où tous les chefs du parti républicain ont prêté allégeance à Trump
06:36 et où le parti républicain part sur sa droite, certains commencent à tirer des pieds.
06:42 Donc, Joe Biden a eu le bon ton hier soir avec les bons arguments pour essayer de les séduire aussi.
06:48 Un mot en quelques secondes, s'il vous plaît, Jean-Éric Branad, de Trump et de la justice.
06:52 Est-ce qu'il y a une procédure qui pourrait, selon vous,
06:54 dans les prochaines semaines, le priver de la course à la Maison-Blanche ?
06:57 Non, il n'y a aucune procédure, si ce n'est celle devant la Cour suprême,
07:03 dont on a appris cette nuit, qui s'emparait de sa question de l'inégibilité.
07:07 La Cour suprême, si elle déclarait cela,
07:09 effectivement, elle arrêterait complètement la course de Donald Trump.
07:12 Pour le reste, les autres procédures vont continuer.
07:16 Et aucune n'ira au bout, parce que même s'il y avait une condamnation d'ici là,
07:21 il ferait appel et donc on atteindrait le 5 novembre cette limite fatidique
07:26 qui est l'élection présidentielle.
07:28 Donc d'ici là, Donald Trump n'a en réalité pas grand-chose à craindre.
07:31 Et donc le duel est lancé, la campagne sera très très longue,
07:34 comme vous nous le dites ce matin sur RTL.
07:35 Merci à vous Jean-Éric Branad d'avoir été en direct spécialiste des Etats-Unis.
07:39 Entretien à trouver sur notre site rtl.fr.
07:42 de la France.
07:43 Au revoir.
07:43 [SILENCE]