• il y a 2 mois
Avec Emma Becker

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##BRIGITTE_LAHAIE-2024-10-21##
Transcription
00:00Bonjour Laurence, merci d'être avec nous. Bonjour, bonjour Brigitte, bonjour Emma, bonjour.
00:05Alors vous faites un métier d'homme Laurence je crois ? Oui, je suis dans le bâtiment et je suis sur les chantiers
00:13Depuis que j'ai 25 ans et sur les chantiers on m'appelle la fille.
00:21Et ça vous plaît quand on vous appelle la fille ou pas ? Pas trop non parce que c'est jamais très très
00:26D'abord parce que d'abord je me positionne pas comme une fille, je me positionne comme une professionnelle et ça me dérange un peu mais moins maintenant mais plus jeune en tout cas ça me dérangeait qu'on me catégorise comme une fille et non pas comme une professionnelle.
00:44Maintenant ça me dérange moins mais c'est quand même quelque chose qui a toujours été mis en avant et qui m'a toujours desservie quoi qu'on en dise.
00:56Même si on prône l'égalité, même si on prône de manière, c'est pas compliqué.
01:02Mon compagnon, le père de mes enfants a la même formation que moi, on a commencé à travailler en même temps, au même âge et dès que j'ai eu mon deuxième enfant il a eu 30% de plus de salaire que moi alors qu'on a fait le même métier depuis le début tout le temps.
01:20Et pourquoi ? Parce que vous avez dû vous arrêter ? Parce que tout simplement parce que c'est un homme vous pensez que naturellement ou alors est-ce qu'il s'est battu pour avoir une augmentation ?
01:33Même pas non parce que quand j'étais allée voir mon patron en lui disant je comprends pas pourquoi je suis pas augmentée, on m'a dit mais parce que votre statut de maman n'est pas compatible avec le chantier donc on peut pas vous mettre sur un chantier.
01:48Donc on vous met dans des tâches qui sont moins bien cotées on va dire.
01:55Donc c'était mon statut de maman, le statut de papa ça apporte quoi ou ça enlève quoi ? On m'a jamais dit.
02:02Rien, visiblement.
02:04En plus on était dans la même entreprise donc c'était pas compliqué.
02:08Donc voilà, on m'a aussi dit que quand j'ai annoncé ma deuxième grossesse on m'a dit ah bon déjà ?
02:18Oui excusez-moi je demande l'autorisation.
02:23Non mais Laurence il faut arrêter de se voiler la face, on sait très bien qu'il y a des chefs d'entreprise qui préfèrent choisir un travail égal à un homme parce qu'ils saient très bien qu'une jeune femme de 25 ans elle risque d'avoir une ou deux grossesses et enfin je veux dire on le sait très bien et je vois pas quelle loi pourrait empêcher ce genre de choses.
02:47En même temps, la question que j'ai envie de vous poser Laurence, qu'est-ce qui fait que vous avez eu envie de choisir ce métier ?
02:54Ah ça a été complètement par hasard.
02:56Alors ça j'y crois pas.
02:58En fait peut-être que quand on sort de prépa on passe des concours d'ingénieur et en fait j'ai réussi une école et je devais suivre mon mari sur Paris donc je suis allée dans cette école parce qu'elle était sur Paris en fait.
03:17Et donc là on voit bien que le fait d'être femme, le fait que vous avez suivi votre mari donc du coup suivi sa profession, vous avez eu envie d'avoir des enfants donc vous avez subi un salaire moindre et en fait c'est votre condition de femme finalement qui a joué beaucoup dans votre vie.
03:39Ah tout à fait.
03:42Et alors en même temps aujourd'hui, est-ce que vous regrettez d'avoir suivi votre mari ? Est-ce que vous regrettez d'avoir eu des enfants ?
03:48Ah non pas du tout, non non.
03:50Non mais par contre ce que je regrette c'est en fait d'avoir chaque fois fait des choix par défaut.
03:59Parce que quand je voulais faire du chantier on m'a dit non non vous êtes maman donc c'est pas possible donc je me suis retrouvée dans un bureau.
04:07Dans un bureau j'ai voulu, on m'a promis la direction du bureau puis après on m'a dit bah non parce que les gens du bureau veulent pas être dirigés par une femme donc je pourrais pas te donner la direction.
04:17Bon d'accord.
04:19Donc j'ai quitté l'entreprise et chaque fois j'ai fait des choix par défaut parce que chaque fois je me butais à un non.
04:29Merci de votre témoignage parce que ça montre la réalité de ce que c'est qu'être une femme et puis voilà tout.
04:35On peut raconter ce qu'on veut mais enfin Emma Becker qu'est-ce que vous avez envie d'ajouter ?
04:41C'est un tableau criant de tout justement ces choix que les femmes sont obligées de faire ou qu'on fait pour elles à cause de leurs conditions.
04:50Ce sont des choses contre lesquelles on peut malheureusement difficilement se défendre.
04:55Enfin si bien sûr il y a des lois pour nous aider mais enfin il y a quand même tout un monde qui s'élève contre ces lois.
05:01Ce que vous décrivez là c'est un microscope de la vie professionnelle et sociale des femmes.
05:07Quand j'ai fait ma première grossesse, quand j'étais enceinte pour la première fois, je suis allée voir mon comptable, enfin le RH pour lui demander comment se passaient les congés maternités.
05:17Il m'a dit je sais pas j'en ai jamais fait encore.
05:19Mais il faut dire peut-être pas à l'heure des charges mais enfin quand même pour expliquer que vous avez choisi un métier extrêmement rare.
05:26J'imagine parmi vos consoeurs je pense qu'il y en a peu qui font le même boulot que vous.
05:31Vous devez faire jurisprudence.
05:33Quand j'ai commencé on était 10% maintenant on commence à être 20-30% à peu près.
05:40Ah quand même c'est pas anodin.
05:43Il m'est arrivé de faire des chantiers où tout l'encadrement était féminin.
05:48Oui mais c'est-à-dire qu'on a un peu l'image dans le bâtiment des hommes qui portent des sacs de ciment.
05:58Enfin je caricature.
06:00Mais en effet il y a quand même des tas de métiers dans le bâtiment où on n'est pas obligé d'être un homme.
06:07Mais on ne va pas plus haut. On ne devient pas non plus chef entre guillemets.
06:11On ne devient pas chef d'agence, on ne devient pas directeur régional.
06:15On reste chaque fois dans l'opérationnel.
06:18De toute façon Laurence votre témoignage il est criant de vérité.
06:24Je crois qu'il n'y a pas d'autre chose à te dire.
06:29Et encore une fois, à l'inverse, je dis ça un petit peu parce que je sais qu'il y a aussi des hommes qui nous écoutent
06:36et c'est ce qu'ils doivent penser, à l'inverse d'un juge pour les affaires familiales,
06:42il donnera plus facilement la garde à la femme qu'à l'homme.
06:50Qu'est-ce qu'on peut faire pour que la société soit plus égalitaire tout en acceptant nos différences ?
06:58Ça serait possible je pense d'avancer dans ce sens-là,
07:02quand on n'entendra plus certaines féministes dire qu'une femme c'est comme un homme.
07:07Parce que ce n'est pas vrai.
07:13Moi j'ai eu deux garçons, j'ai essayé de les élever dans le respect de la femme.
07:17Bon ça ils respectent les femmes, mais il y a des tâches pour lesquelles ils disent non fais-le toi.
07:21C'est toi la femme, fais-le toi.
07:24Pourtant j'ai essayé de les élever dans l'égalité.
07:28Il y a une espèce de naturel, je ne sais pas si c'est du naturel.
07:33C'est ça qui est terrible, c'est qu'en plus il nous incombe à nous les femmes de démêler cet écheveau
07:38et de savoir qui à travers nous éduque nos enfants.
07:42Est-ce que ce sont encore nos mères et nos grands-mères, c'est-à-dire l'éducation qu'on a reçue.
07:45Parce que je me doute bien, moi aussi j'ai deux garçons et je voudrais faire comme vous,
07:48je voudrais en faire des hommes un peu plus fonctionnels que ceux qu'on a pu connaître nous.
07:53Je crois que c'est une responsabilité énorme et il faudrait pour pouvoir leur donner l'éducation qu'on voudrait
07:59déjà réussir à se défaire de la nôtre.
08:01Tout ça fait partie de ce processus de libération intérieure qui est le travail d'une vie.
08:07En même temps, je crois que les hommes, je ne parle pas des abrutis qu'il faut stigmatiser,
08:17je pense quand même que la plupart des hommes ont un respect de la femme et quand ils vous appellent la fille,
08:27je pense qu'en même temps, ils sont prêts, moi je l'entends quand j'ai parfois des femmes qui sont camionneurs,
08:36qui témoignent, s'il y a un truc à porter, il y a toujours un homme qui vient pour l'aider.
08:41Oui, c'est vrai.
08:43Donc je crois qu'il faut aussi essayer de comprendre ça et puis voir comment,
08:50moi je pense que de toute façon la société évolue énormément et je suis d'une nature terriblement optimiste,
08:58mais votre témoignage me fait plaisir parce que ça montre bien qu'il ne suffit pas qu'il y ait des lois.
09:04Parce que sur le terrain, de toute façon, chacun décide un petit peu.
09:12Moi, je n'ai pas manqué un jour pour enfant malade dans toute ma carrière.
09:16D'abord, ça n'existe pas dans les pensions du bâtiment pour les femmes, c'est quelque chose qui n'existait pas.
09:25Pas de jour pour enfant malade puisque comme c'est des hommes en majorité, ils ont leur femme qui s'en débrouille.
09:31Et c'est là qu'on voit qu'il n'y a pas tant le problème que vous n'ayez pas eu de jour pour enfant malade,
09:38c'est plutôt que ça ne soit pas prévu dans le cas où des pères soient obligés de rester à la maison.
09:42C'est bien là qu'on voit qu'il y a quand même un problème structurel qui considère que les femmes s'occupent des gosses
09:48et tous ces mecs qui bossent sur des chantiers sont complètement exonérés des gardes d'enfants.
09:53Il y a quand même un problème, on ne peut pas atteindre l'égalité si on ne responsabilise pas un peu plus les pères.
09:59Oui, ou alors on va avoir de plus en plus de femmes qui ne voudront pas d'enfants et ce n'est pas ce que la société veut non plus.
10:05Mais est-ce que ce n'est pas confortable d'avoir des enfants dans ces circonstances-là, c'est bien vrai ?
10:09Je le défends aussi à l'inverse. Récemment, on cherchait à embaucher quelqu'un dans notre bureau d'études
10:17et mon patron me dit qu'il y a un jeune que j'aurais bien pris mais il commence à me dire qu'il veut partir de Bonheur pour aller chercher ses enfants à l'école.
10:24Il me dit que ce n'est pas possible. Si j'aurais été une secrétaire, je lui aurais dit oui. Pourquoi lui, tu lui dis non ?
10:34Donc d'emblée, il n'a pas été choisi parce qu'il voulait aller chercher ses enfants à l'école.
10:40Moi je trouve ça personnellement révoltant pour les femmes évidemment, mais je trouve ça aussi très triste pour les hommes à qui on interdit de s'occuper de leurs enfants,
10:50de prendre la place qu'ils méritent et qu'ils devraient occuper. C'est révoltant à tous les niveaux ce que vous racontez là.
10:55Oui, mais il a quel âge ce patron ? Il est vieux j'imagine ?
10:59Il a une petite cinquantaine. Il n'est pas si vieux que ça.
11:05C'est le métier très masculin je pense.
11:08Oui, c'est le métier très masculin, mais je pense quand même que ça évoluera.
11:11Je pense que dans 20 ans, parce qu'on avance quand même beaucoup sur le fait que les hommes vont aussi chercher leurs enfants à l'école,
11:21donc je pense qu'on avance. Mais en tout cas, c'est vrai que pour l'instant, votre constat il est consternant.
11:28Laurence nous parle d'un monde très exceptionnellement masculin où je pense que ces choses-là bougent beaucoup plus lentement que dans un bureau lambda.
11:35Oui, certainement.
11:38Bravo, tenez bon Laurence. Merci en tout cas, merci de votre témoignage.

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