Coup de feu à Grenoble : «Des criminels d'un autre type sont apparus, plus dangereux car ils ne sont pas structurés comme les gangs d'autrefois», estime Georges Fenech

  • il y a 3 jours

Tous les vendredis, samedis et dimanches à 19h17, Pascale de La Tour du Pin reçoit un invité au cœur de l'actualité politique pour un moment d'échange franc sur les dossiers brûlants du moment. Ce soir, Éric Vaillant, procureur de la République de Grenoble répondra à ses questions.
Retrouvez "Les invités d'Europe 1 Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-europe1-week-end

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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Georges Fenech, ancien juge d'instruction, est avec nous dans ce studio.
00:07Jules Torres, journaliste politique au JDD également.
00:10On s'interroge, que se passe-t-il à Grenoble ?
00:12Des coups de feu, tirés, je vous le disais, près d'un marché bondé à 10h ce matin.
00:16Alors qu'il y a deux jours, un fourgon blindé a été attaqué en plein centre-ville.
00:20Et souvenez-vous, il y a un mois, un peu plus d'un mois,
00:22un agent municipal avait été tué par balles,
00:25alors qu'il avait essayé d'empêcher l'auteur d'un accident de la route de fuir.
00:30On cherche évidemment à y voir plus clair.
00:32Eric Vaillant, procureur de la République de Grenoble, est avec nous ce soir.
00:35Bonsoir.
00:36Bonsoir, madame.
00:37Est-ce que vous pouvez d'abord nous en dire un petit peu plus sur ce qui s'est passé ce matin à Grenoble ?
00:44Ce matin, il y a eu en effet des tirs sur ce marché.
00:47Et ces tirs sont interprétés par les professionnels de la police et de la justice
00:53comme des tirs d'intimidation suite à des interpellations
00:57qui ont eu lieu dans le courant de la semaine dernière,
01:00avec sept déferlements qui ont eu lieu devant un juge d'instruction.
01:04Jeudi et vendredi, sept personnes ont été déferlées
01:07dans le cadre d'un trafic de stupéfiants et de cigarettes dans ce quartier de Saint-Bruno.
01:11Quatre personnes ont été incarcérées.
01:13Trois personnes ont été placées sous contrôle judiciaire.
01:16L'action de la police et de la justice déstabilise les trafiquants sur les points de deal.
01:21C'est vraiment ce qu'on essaye de faire.
01:23C'est ça ? C'est ça ? On va en parler évidemment, monsieur le procureur.
01:25Je pense que ce n'est pas une vengeance contre la police ou la justice.
01:29Je pense plutôt que c'est l'oeuvre des concurrents
01:32qui voient que ceux qui tiennent le point de deal sont déstabilisés
01:35et qui se disent qu'ils prendraient bien leur place parce que c'est très, très rémunérateur.
01:40Un point de deal à Grenoble, quand ça marche vraiment bien,
01:43c'est 30 000 euros de chiffre d'affaires par jour.
01:45Ça fait pas loin de 11 millions d'euros par an.
01:49Donc c'est des sommes qui sont astronomiques et qui, évidemment, attisent les convoitiers.
01:54Jeudi dernier, c'était un fourgon blindé qui a été attaqué par des hommes armés.
01:59Là aussi, on est en plein centre-ville.
02:01La situation, on a le sentiment, nous évidemment, qu'ils n'y vivons pas,
02:06que la situation est hors de contrôle à Grenoble, monsieur le procureur.
02:10Je sais que vous oeuvrez pour que les choses s'arrangent,
02:13mais voilà le sentiment que ça donne.
02:15Oui, je comprends bien qu'on puisse être effrayé quand on a ce focus sur la ville de Grenoble.
02:21Cette affaire du fourgon ne me paraît pas liée à des trafics stupéfiants
02:25qui, eux, sont en effet notre quotidien.
02:28Ce fourgon attaqué, il y a eu un épisode précédent à Grenoble, c'était il y a plus de 20 ans.
02:34Donc c'est un acte très rare.
02:36Mais je ne suis plus saisi de l'enquête
02:38puisque cette enquête maintenant est entre les mains de la juridiction interrégionale de Lyon.
02:44Est-ce qu'on va parler de la circulation des armes, des armes de guerre ?
02:48On a le sentiment de voir de plus en plus d'armes de guerre utilisées,
02:53notamment dans le règlement de conflits autour du narcotrafic.
02:57Est-ce que c'est vrai ?
02:58Alors pour ma part, ça fait six ans que je suis procureur à Grenoble,
03:02il y a toujours eu beaucoup d'armes à feu.
03:05Donc des pistolets 9 mm, des kalachnikovs, il y en a toujours eu beaucoup.
03:09Moi ce que je note, ce n'est pas un changement en six ans sur la prolifération des armes,
03:13je crois qu'il y en a toujours eu beaucoup.
03:15Ce que je note, c'est un usage beaucoup plus facilité et beaucoup plus inconscient,
03:19notamment par des jeunes.
03:21Mais là aussi, je veux dire que la police travaille, que le parquet défère.
03:26Nous avons déféré, au cours des dernières semaines,
03:29une bonne dizaine de personnes pour détention d'armes,
03:33y compris pour des détentions de kalachnikovs.
03:35Et un grand nombre de ces personnes sont parties en détention.
03:38Est-ce que vous, à propos de l'utilisation de ces armes,
03:41est-ce que vous constatez qu'il y a une utilisation de ces armes beaucoup plus simple
03:46qu'il y a quelques années, par des beaucoup plus jeunes ?
03:49Je le constate, et avec une inconscience complètement dingue.
03:52Voilà, des adolescents qui ne se rendent pas compte de ce qu'ils font,
03:57qui n'ont aucun sens des responsabilités, bien évidemment,
04:00et qui font ça comme un jeu, et quand on les arrête,
04:04qui disent mais je ne voulais tuer personne, bien évidemment.
04:06Sauf que le risque qu'ils tuent quelqu'un est réel,
04:09et la preuve, il y a eu un mort il y a quelques semaines maintenant à Grenoble,
04:15un consommateur qui venait acheter sa drogue sur un point de deal,
04:18et qui a pris une balle perdue.
04:19Mais comment vous expliquez que ça a évolué dans ce sens,
04:23c'est-à-dire ces jeunes qui n'ont aucune conscience de rien,
04:26depuis quand vous constatez ce phénomène ?
04:29Je le constate depuis mon arrivée à Grenoble,
04:32mon prédécesseur le constatait déjà.
04:35Ce trafic de stupéfiants est vraiment rémunérateur, j'en reviens à ça.
04:39Quand un jeune sans qualification, un moins jeune en situation irrégulière,
04:44gagne sur un point de deal pour faire le guet 100 euros par jour,
04:49et que les trafics n'ont pas de mal à trouver ces guetteurs à 100 euros par jour,
04:54évidemment qu'il y a des personnes motivées qui vont accepter ce travail.
05:00Comment expliquez-vous que la ville de Grenoble soit particulièrement le théâtre,
05:05ces derniers temps, de règlements de comptes, de tirs, de meurtres ?
05:12Comment vous l'expliquez ?
05:14Il y a sans doute des raisons historiques.
05:17Grenoble a toujours été un bassin très important de délinquance,
05:21depuis la deuxième guerre mondiale.
05:22Il y a eu même des fusillades et des fusillades mortelles encore plus importantes,
05:27il y a une vingtaine d'années, une trentaine d'années, qu'aujourd'hui encore.
05:31Il y a une sociologie particulière à cette ville.
05:34Je suis magistrat pas sociologue.
05:37Vous y vivez dans cette ville et vous représentez la population
05:43en tant que procureur de la République de Grenoble.
05:46Comment vit-elle tout cela ?
05:48Est-ce qu'il y a un sentiment d'être un peu désœuvré face à tout ça ?
05:53Que dit-elle ?
05:55Ce que vous savez, c'est qu'évidemment la population est inquiète.
05:59Je vis dans cette ville, je parle aux gens, je lis ce qu'ils m'écrivent
06:03et évidemment que je les vois inquiets.
06:05Mais ce qu'il faut qu'ils sachent, c'est que leurs policiers, leurs gendarmes,
06:09leurs douaniers, leur justice est motivée et a décidé de baisser les bras.
06:13Heureusement qu'on agit, parce que la situation serait encore bien pire
06:17si on ne faisait pas tout ce qu'on fait.
06:19Vous avez signé en décembre 2020 une convention avec la CAF de l'Isère
06:22pour prendre en compte les revenus des trafiquants dans les allocations
06:25qu'ils perçoivent. C'est assez innovant.
06:27Est-ce que ça fonctionne ? Est-ce que vous commencez à avoir des retombées
06:30ou un regard en tout cas sur ce que vous avez mis en place ?
06:34Oui, ça a fonctionné sur trois premiers cas il y a déjà plusieurs mois.
06:39Actuellement, la CAF travaille sur les 55 jugements suivants
06:43que nous lui avons adressés pour pervenir à ce redressement.
06:47L'idée, j'en suis convaincu, c'est que pour être plus efficace
06:50dans la lutte contre les trafiquants de stupéfiants,
06:52c'est qu'il faut agir de façon coordonnée, police, justice,
06:55puis ensemble des partenaires, impôts par exemple ou CAF.
06:59Il faut être innovant, c'est ce que nous essayons de faire à Grenoble
07:03avec cette convention de la CAF, avec aussi un PV simplifié
07:06que j'ai mis en place avec l'aide des policiers grenoblois
07:09pour prendre l'argent aux guetteurs sur les points de deal.
07:12Je crois qu'il faut agir tous azimuts et surtout être convaincu
07:16qu'il ne faut pas lâcher notre état d'esprit et être tous à Grenoble.
07:19Je voulais aussi vous poser une question, M. le Procureur,
07:22sur Lilian Dejean, cet agent municipal qui a été tué par balle à Grenoble.
07:26C'était le 8 septembre dernier, donc un peu plus d'un mois,
07:28alors qu'il tentait d'empêcher un homme de fuir après un accident de la circulation.
07:32Est-ce que le suspect est toujours en fuite ?
07:36Je parle sous votre contrôle. Un mois après, est-ce qu'il y a des nouveaux éléments ?
07:41Il y a évidemment des nouveaux éléments d'enquête, de travail des enquêteurs,
07:45mais sur lesquels je ne pourrais évidemment pas parler.
07:48En revanche, oui, il est toujours en fuite,
07:50mais je ne désespère pas qu'on l'attrape, évidemment.
07:52Dans les prochaines semaines, prochains mois ?
07:54Je n'ai pas de boule de cristal, je suis incapable de vous le dire.
07:57D'accord, mais vous avez identifié en tout cas le suspect ?
08:00Bien sûr.
08:01Et vous comptez le mettre prochainement sous les barreaux ?
08:04Ce sera fait en tout cas.
08:05Le plus rapidement possible, en tout cas, j'y crois.
08:07Et vous y croyez.
08:09Merci beaucoup, en tout cas, M. le Procureur de Grenoble,
08:11d'avoir été avec nous sur Europe 1 ce soir. Merci à vous.
08:14Il est 19h24 sur Europe 1.
08:16Georges Fenech, vous avez écouté attentivement les mots du Procureur de Grenoble.
08:20C'est vrai que la situation de cette ville est hallucinante.
08:22Ce n'est pas la première fois qu'on en parle.
08:24On en avait parlé ensemble au moment du décès de cet agent municipal.
08:27D'abord, que retenez-vous ?
08:28Est-ce que Grenoble est vraiment un cas à part ?
08:30Moi, j'ai connu Grenoble il y a longtemps.
08:32J'étais même avec le Général aux Assises à Grenoble,
08:35et je connais un peu cette situation.
08:37Bien que ce soit un peu lointain, ça a toujours été effectivement
08:40une plaque tournante, je dirais, de la criminalité organisée.
08:43Je me souviens des itèles au Grenoblois, des gitans de l'Abbaye, etc.
08:46Là, on est sur de nouveaux criminels d'un autre type.
08:51Des petits jeunes à la Kalachnikov, le trafic de drogue.
08:54Ils sont encore plus dangereux, ceux-là.
08:56Ils sont encore plus dangereux parce qu'ils ne sont pas structurés
08:58comme étaient les gangs d'autrefois.
09:00J'entends le Procureur de la République.
09:02Cette ville de Grenoble, il faudrait d'ailleurs aussi quand même
09:05poser quelques questions au maire de Grenoble.
09:08Parce que ce n'est pas tellement sa sensibilité à la sécurité.
09:12Parce que le maire a aussi un rôle de complémentarité
09:14en termes de vidéosurveillance, par exemple.
09:16Bon, tout cela mériterait aussi quelques questions.
09:19Mais quand j'entends le Procureur de la République,
09:21qui je n'en doute pas est un magistrat de bonne volonté,
09:24j'entends aussi derrière une forme d'impuissance.
09:27On essaye tout, on essaie, on espère, etc.
09:30Quand la justice fera son examen de conscience ?
09:34Quand acceptera-t-elle une responsabilité ?
09:37Qui est en charge de la sécurité ?
09:39La police et la justice.
09:41Or, c'est la faillite.
09:42Et d'ailleurs, les magistrats de Marseille,
09:44ils l'avaient reconnu devant une commission d'enquête.
09:46Vous vous souvenez ?
09:47Donc, il faut arrêter ce fatalisme.
09:50Je me souviens, pour un déplacement que j'avais fait à New York,
09:53j'avais rencontré le maire Rudolph Giuliani à l'époque.
09:56C'était devenu une ville la plus sûre des Etats-Unis,
09:59alors que c'était la ville la plus criminogène.
10:01Quand on veut, on peut.
10:03Il n'y a pas de fatalisme.
10:04Or, aujourd'hui, le maillon faible de la chaîne répressive,
10:08c'est l'absence de réponse pénale à la hauteur.
10:11Et je ne jette pas la pierre à ce procureur-là,
10:13qui a répondu de manière assez transparente à vos questions.
10:16Mais c'est la faillite aussi,
10:18parce que la justice ne fait plus peur.
10:20La justice ne fait plus peur.
10:21C'est vrai ça, Jules Torres.
10:22C'est ce qui ressort de cet entretien avec le procureur.
10:25Moi, je trouve dingue, quand on regarde dans la presse,
10:28ce qu'on peut trouver sur la ville de Grenoble.
10:30Moi, je me souviens d'Éric Vaillant,
10:32le procureur de la République que vous avez interviewé,
10:34qui a fait une grosse prise de position au mois d'août,
10:37mi-août, après une série de violences à Grenoble.
10:40Je vous en cite quelques-unes.
10:42Lundi 12 août, une rafale de tirs sur un point de deal à Éphirole,
10:45dans la banlieue de Grenoble.
10:46On a blessé quatre hommes.
10:47Le 7 août, deux jeunes hommes ont également été blessés par balle
10:50dans un parking souterrain de la ville.
10:51Le 4 août, un homme de 47 ans a été tué,
10:53et deux autres blessés.
10:54Ça, c'est avant la prise de position de M. Vaillant.
10:59Et puis ensuite, on a eu les liens de genre,
11:01l'employé municipal.
11:02On a eu, dans l'actualité très récente,
11:04ce fourgon blindé dans pleine rue.
11:06Ce matin, des tirs dans la rue.
11:09On a eu deux hommes en possession d'une Kalachnikov
11:12interpellés dans une voiture volée.
11:13Ça, c'était le 3 octobre.
11:15Un adolescent agressé à coups de ciseaux et de matraque devant son lycée.
11:36Sous-titrage Société Radio-Canada
12:06Sous-titrage Société Radio-Canada
12:36Sous-titrage Société Radio-Canada
13:06Sous-titrage Société Radio-Canada
13:09Et nous étions en train de parler de la situation à Grenoble
13:12avec Georges Fenech, ancien juge d'instruction,
13:14avec Jules Torres, journaliste, chroniqueur,
13:18journaliste, politico-journaliste.
13:20Je suis ce que vous voulez, Vascal.
13:21Vous êtes dans ce studio, c'est déjà pas mal.
13:23Merci d'être là.
13:24Georges Fenech, juste qu'on revienne un instant
13:26sur ce que nous disait Eric Vaillant,
13:28le procureur de la République de Grenoble,
13:30après les faits évoqués par Brandon pendant le journal.
13:34Est-ce que vous, vous avez été juge d'instruction ?
13:36Oui.
13:37Vous avez été en charge des mineurs,
13:38c'est ce que vous me disiez pendant le journal.
13:39En partie, oui, pendant une partie de ma carrière, oui.
13:41Bon, racontez-nous à quoi ils ressemblaient les mineurs.
13:43Là, les mineurs d'aujourd'hui, 12 ans, 14 ans,
13:45des armes de guerre, qui tuent de sang-froid,
13:47pour un oui ou pour un non,
13:48racontez-moi ce que vous avez connu,
13:50racontez aux auditeurs d'Europe 1.
13:51J'avais des mineurs, effectivement,
13:53que je partageais avec le juge des enfants.
13:56Je prenais les affaires les plus graves.
13:58Mais c'était quoi les affaires les plus graves ?
14:00Les affaires les plus graves,
14:01c'était des affaires de cambriolage,
14:03c'était des affaires de vol d'autoradio,
14:05des vols de voiture,
14:07de bagarre,
14:09quelquefois avec arme blanche,
14:11mais assez rarement,
14:12mais jamais d'arme à feu,
14:14de kalachnikov,
14:16d'exécution,
14:17de règlement de compte,
14:19comme on le voit aujourd'hui.
14:20Il y a eu une aggravation
14:22de cette délinquance des mineurs,
14:24avec des mineurs de plus en plus jeunes,
14:26d'ailleurs,
14:27qui est le résultat,
14:29finalement,
14:30d'une politique des mineurs
14:32qui n'est pas, encore une fois,
14:33à la hauteur de l'évolution
14:35de la délinquance des mineurs
14:36dans notre société.
14:37Il y a eu une réforme
14:38qui est intervenue en 2021.
14:40On a enfin réformé l'ordonnance de 1945,
14:43donc juste après la guerre,
14:44par un nouveau Code pénal des mineurs de 2021.
14:47Je me suis dit à ce moment-là,
14:48on va prendre conscience
14:50qu'il faut, effectivement,
14:51renforcer nos dispositifs.
14:53Ça a été tout le contraire.
14:55On a créé la césure du procès pénal.
14:57C'est-à-dire que le mineur
14:58comparé une première fois,
14:59on lui dit s'il est coupable ou pas,
15:00on le renvoie à neuf mois
15:02pour savoir si on doit lui prononcer
15:03une condamnation.
15:04Il n'y a pas de comparution immédiate.
15:06Le Premier ministre, en partant,
15:08M. Attal a dit
15:09qu'on a dans nos cartons
15:10un projet pour revenir sur tout ça.
15:12On ne traite pas la délinquance des mineurs.
15:14Or, regardez celui, par exemple,
15:16qui a tué le chauffeur de VTC.
15:19Il avait combien de condamnations
15:21à son casier judiciaire ?
15:22Il avait 10 condamnations
15:23à son casier judiciaire.
15:24Mais c'est des clus de minorité,
15:25Georges Pénet, ça suffit.
15:26Mais oui, mais il faut revenir là-dessus.
15:28Il faut revenir au bas mot
15:30pour ceux de 16-18 ans,
15:31mais peut-être même en dessous encore.
15:33Il a 15 ans, pourquoi pas ?
15:34Donc, si vous voulez,
15:35on a une aggravation
15:36parce qu'il n'y a pas
15:37de sanction immédiate,
15:38notamment pour les premiers faits.
15:40Les premiers faits
15:41qui ne sont pas graves généralement.
15:42Mais si vous ne faites rien,
15:43le mineur se sent impuni
15:45et il monte dans la délinquance
15:46et la criminalité.
15:47Il sait qu'il ne risque rien.
15:49Il y a mille sujets dans cette affaire
15:51et Georges vient d'expliquer
15:53le sujet judiciaire
15:54de la meilleure des manières.
15:55Il y a l'autre sujet,
15:56c'est celui de l'éducation.
15:58Évidemment, ce sont des jeunes
16:00qui, visiblement,
16:01n'ont pas été accompagnés
16:02dans leur enfance
16:03et qui, finalement,
16:04le trafic de drogue
16:06leur permet de devenir quelqu'un.
16:08C'est-à-dire qu'on a,
16:10par exemple,
16:11prenons l'exemple
16:12de ce tueur de 14 ans.
16:13Dans sa cité,
16:15chez lui,
16:16c'est une star.
16:17Il est devenu quelqu'un.
16:19Il est devenu quelqu'un
16:20en étant un tueur à gage
16:21parce que sinon,
16:22où serait-il ?
16:23Il ne va pas à l'école,
16:24il ne brille pas
16:25par une culture génétique,
16:26par une culture générale,
16:27il n'a pas de qualité première,
16:31il ne va pas au théâtre,
16:32il n'est pas acteur.
16:33Et donc, lui,
16:34sa seule manière,
16:35dans sa cité,
16:36de se différencier,
16:37c'est de s'élever
16:38dans le niveau social
16:40du trafic de drogue.
16:42Donc, il y a ce sujet-là.
16:43Il y a, ensuite,
16:44le sujet de...
16:45On a quand même
16:46des jeunes
16:47qui n'ont pas d'argent,
16:48qui gagnent en une journée
16:50ce que gagnent leurs parents
16:51en un mois.
16:52Je dis un mois,
16:53mais ça peut être
16:54des années même.
16:55Donc, vous voyez très bien,
16:56on parlait tout à l'heure
16:57d'un tueur à gage,
16:58ça peut être entre...
16:59Jean-Michel Decuzis,
17:00qui a écrit un livre sur le sujet
17:01l'autre jour,
17:02était avec Pierre Devineau,
17:03il disait que ça pouvait être
17:04entre 10 000 et 50 000 euros.
17:05Rendez-vous compte,
17:06c'est ce que gagnent
17:07parfois annuellement
17:08leurs parents.
17:09Donc, il y a beaucoup de facteurs
17:11au niveau de l'éducation.
17:13Ce sont généralement
17:15dans les cités.
17:16Et le problème,
17:17c'est qu'on a fait
17:18des grandes opérations
17:19PlaceNet et XXL
17:20qui ne nous permettent pas
17:21de résoudre les problèmes.
17:22C'est des efforts
17:23de communication
17:25Il y a le tweet
17:26du ministre de l'Intérieur
17:27qui dit
17:28on a récupéré
17:2910 kilos de cocaïne,
17:315 kilos de cannabis.
17:33Ça, c'est très bien.
17:34Ça perturbe
17:35le trafic de drogue.
17:36Mais ça ne l'indique pas.
17:38Justement, il a raison.
17:40C'est l'absence de repères
17:41aujourd'hui
17:42de ces jeunes
17:43dans des quartiers.
17:44Il faudrait d'ailleurs
17:45les extraire de ces quartiers
17:46par des ordonnances
17:47de placement.
17:48Et pour bien que vous compreniez
17:49de ce dont on parle,
17:50c'est qu'en France,
17:52aujourd'hui,
17:53un crime ou délit
17:55sur 5
17:56est le fait d'un mineur.
17:58Vous vous rendez compte ?
17:59C'est-à-dire que 20%
18:00de la criminalité,
18:01toutes confondues,
18:02c'est le fait d'un mineur.
18:04Et ce mineur devient
18:05majeur ensuite.
18:06Et quand il est jeune majeur,
18:07il continue
18:08dans cette grande délinquance.
18:10Voilà, donc c'est un...
18:12Il y a aussi une responsabilité,
18:13les commanditaires,
18:14quels qu'ils soient,
18:15qu'ils soient commanditaires
18:16en prison, comme ça a été le cas
18:17pour ce jeune de 14 ans.
18:18Avec 4 téléphones
18:19dans sa cellule.
18:20Ou alors ça.
18:21Non mais ça, c'est dingue.
18:22Mais c'est pareil.
18:23Est-ce qu'ils n'utilisent pas ?
18:24Bien sûr qu'ils utilisent ces mineurs,
18:25parce qu'ils savent
18:26qu'ils ne seront pas condamnés.
18:27Donc c'est de l'exploitation
18:28des mineurs
18:29par les plus grands.
18:30Comment peut-on les protéger,
18:31ces mineurs ?
18:32Ils louent le ventre
18:33de femmes africaines
18:34pour faire passer de la drogue,
18:35donc vous savez...
18:36Oui, mais là,
18:37c'est vrai qu'ils les envoient...
18:38Il faut savoir que les caïds
18:39et les grands frères
18:40les entraînent,
18:41ils les mettent dans des caves,
18:42ils les frappent,
18:43ils les torturent
18:44pour les endurcir.
18:45Quand ils seront en garde à vue,
18:46ils ne parleront pas.
18:47Ils sont robotisés,
18:48ils sont formatés pour ça.
18:49Oui, c'est des bêtes.
18:50Ils savent qu'ils ne risquent rien.
18:52Au pire,
18:53un mois de détention provisoire,
18:54quand il a 14 ans,
18:55pour une fois d'un mois,
18:57donc voilà,
18:58c'est réglé,
18:59et il se retrouve sur le marché.
19:00C'est très intéressant,
19:01parce qu'avant même cette histoire,
19:03cette semaine,
19:04j'ai revu le film Bac Nord,
19:05dont beaucoup de monde avait parlé,
19:08et en fait,
19:09il est encore plus vrai
19:10deux ans après.
19:11C'est-à-dire qu'il y a tout
19:12dans ce film.
19:13Il y a l'impunité de la justice,
19:16vous vous souvenez de la scène
19:18avec le jeune dans la voiture
19:20qui menace de frapper les policiers,
19:22et ça rend la scène un petit peu jolie,
19:24parce qu'il y a la musique
19:25ensuite de Joule,
19:26et après,
19:28ça fait une scène de film
19:29assez intéressante,
19:30mais ça montre quand même
19:31que ces jeunes-là
19:32n'en ont rien à faire de l'autorité,
19:34qu'ils ne sont pas suivis,
19:36qu'ils l'affrontent,
19:37qu'ils la menacent.
19:38Mais vraiment,
19:39j'invite les gens
19:40à revoir ce film aujourd'hui,
19:42parce qu'il y a vraiment
19:43tous les sujets
19:44sur le narcotrafic.
19:45On parle de Grenoble,
19:46mais on pourrait évoquer à nouveau
19:47à Cavaillon,
19:48Cavaillon qui était
19:49une ville tranquille.
19:50Là, c'est une riposte
19:51à une bande rivale
19:52qui est la police.
19:53La police devient dans l'ordre.
19:54Et c'est une contre-culture,
19:55le trafic de drogue,
19:56c'est ça qu'il faut comprendre.
19:57Vous avez arrêté
19:58notre point de vue,
19:59vous avez mis en garde à vue,
20:00vous avez saisi nos armes,
20:01notre argent, etc.
20:02Eh bien,
20:03on va vous montrer
20:04de quoi on est capable.
20:05On a incendié, comme ça,
20:06quatre véhicules,
20:07le commissariat,
20:08et ça a failli se terminer
20:09en drame humain.
20:10Vous avez raison,
20:11Georges Fenech,
20:12mais comment fait-on
20:13pour protéger ces mineurs
20:14et mettre une eau là ?
20:15Vous le disiez,
20:16ça n'existait pas
20:17quand vous étiez en charge
20:18des mineurs,
20:19ça n'existait pas.
20:20Donc, on a basculé
20:21dans de l'ultra-violence.
20:22On utilise
20:23et on se sert de gamins
20:24parce que c'est des adolescents
20:25qui sont paumés,
20:26qui sont récupérés
20:27par des grands frères.
20:28Comment peut-on faire
20:29pour les protéger,
20:30au moins, ces mineurs ?
20:31Moi, je suis très pessimiste.
20:34Vous avez raison,
20:35c'est le terme protection.
20:36La sanction fait partie
20:38de cette protection.
20:39À partir du moment
20:40où ce qu'il faut,
20:41c'est l'extraire
20:42de son milieu criminogène.
20:43Quand la famille est défaillante,
20:45quand il est déscolarisé,
20:47il faut le sortir.
20:48Les enfants,
20:49dans le cadre
20:50de la protection judiciaire
20:51de la jeunesse,
20:52en 1958,
20:53peuvent très bien
20:54prendre une annonce de placement
20:55et l'envoyer ailleurs.
20:56Mais où ailleurs ?
20:57Dans des établissements spécialisés.
20:59On n'en a pas assez en France.
21:00Où vivez-vous, Georges ?
21:01Il manque de moyens,
21:02bien sûr,
21:03mais il y a des établissements
21:04qui sont spécialisés,
21:05mais il en manque,
21:06évidemment.
21:07Honnêtement,
21:08sur ce sujet-là,
21:09je suis vraiment très pessimiste.
21:10Quand on voit
21:11les débats politiques
21:12qu'on a aujourd'hui,
21:13on s'écharpe
21:14sur des sujets...
21:15Prenons l'exemple
21:16de Bruno Rotailleau
21:17qui propose aujourd'hui
21:18des mesures
21:19qui sont partagées
21:20par 80% des Français.
21:21On va en parler
21:22dans quelques minutes !
21:23Je ne vous détruis pas
21:24votre conducteur,
21:25mais je dis juste
21:26qu'on a des débats
21:27qui, aujourd'hui,
21:28provoquent,
21:29au sein de la classe politique,
21:30des débats
21:31très animés.
21:32Au sein même
21:33d'une majorité présidentielle.
21:34Je ne parle même pas
21:35de la gauche, ici.
21:36Comment voulez-vous
21:37qu'on aille
21:38sur des sujets
21:39aussi durs
21:40que, par exemple,
21:41arracher un enfant
21:42à sa famille
21:43parce qu'il est
21:44arraché lui-même
21:45au trafic de drogue ?
21:46On ne peut pas
21:47aller sur ces sujets-là
21:48tant qu'on n'aura pas
21:49réglé
21:50tous les sujets
21:51dits simples
21:52qui sont partagés
21:53par tous les Français
21:54avant ça.
21:55C'est-à-dire ?
21:56Je ne sais pas, moi,
21:57par exemple,
21:58on a beaucoup
21:59de débats
22:00sur les peines planchées,
22:01toutes les mesures...
22:02Ce n'est pas simple !
22:03Non, mais si,
22:04genre,
22:05la preuve,
22:06on n'arrive pas
22:07à les rétablir.
22:08Il faut convaincre.
22:09Parce qu'on a des débats
22:10qui sont stériles
22:11alors que les Français,
22:12eux, demandent.
22:13On les avait institués
22:14sous Nicolas Sarkozy.
22:15Je suis mille fois d'accord avec vous.
22:16Il est arrivé Mme Taubira
22:17et M. Hollande,
22:18ils ont supprimé
22:19les peines planchées.
22:20C'est ce que je vous dis,
22:21c'est qu'on a un débat politique
22:22qui est à mille lieues,
22:23qui est complètement déconnecté
22:24des attentes,
22:25aujourd'hui, des Français.
22:26Mais je ne sais pas
22:27si on va pouvoir
22:28refaire le débat politique.
22:29Je doute que M. Migaud,
22:30garde des Sceaux,
22:36enfin, qu'est-ce qui cache la vie ?
22:38Qu'est-ce qui va en venir ?
22:39Vous sanctionnez aussi les parents.
22:40Mais oui, mais bien sûr.
22:41Les parents.
22:42Mais oui, les parents.
22:43Absentee scolaire,
22:44vous retenez les allocations
22:45des tutelles aux prestations sociales,
22:47vous arrêtez avec les aides sociales
22:49quand ils détruisent leur quartier.
22:51Si vous ne sanctionnez pas
22:52les parents
22:53au portefeuille,
22:54c'est la seule vraie solution, d'ailleurs.

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