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00:00Bonsoir à toutes et à tous, on les appelle les exonérations de cotisations sociales.
00:09Doivent-elles être maintenues ? Comment ? Pour qui ? Elisabeth Borne, quand elle était
00:14à Matignon, avait commandé un rapport à des experts, coordonnés par deux économistes,
00:19Etienne Wassmer et vous-même.
00:20Antoine Bosio, bonsoir.
00:21Bonsoir.
00:22Merci d'être sur France Info, directeur de l'Institut des politiques publiques, maître
00:26de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales.
00:30Vous vous êtes donc plongé dans les différents dispositifs d'exonération de cotisations
00:35qui permettent à un employeur de ne pas payer certaines cotisations sociales, maladies,
00:39famille, vieillesse.
00:40Est-ce que vous pensez qu'il faut revoir ces dispositifs ? Est-ce qu'il faut s'attaquer
00:45à ce chantier ?
00:46En tout cas, c'est un chantier difficile et complexe parce qu'aujourd'hui, on a
00:50une multitude de dispositifs d'exonération de cotisations sociales.
00:55Donc, un premier point du rapport, c'était de mettre à jour, finalement, cette complexité
00:58et les éléments qui permettraient de revenir pour simplifier les dispositifs.
01:03Le deuxième point très important, c'est qu'aujourd'hui, on a un abaréme très
01:07spécifique qui donne des exonérations très élevées au niveau du salaire minimum, qui
01:11ensuite sont retirées très, très vite, ce qui veut dire que lorsque un employeur
01:15souhaite augmenter le salaire d'un salarié au niveau du SMIC, en fait, il perd des exonérations
01:21de cotisations sociales.
01:22Les cotisations sociales augmentent plus vite que le salaire et du coup, c'est susceptible
01:26de freiner ces dynamiques salariales.
01:28Effectivement, vous revenez sur des effets de seuil dont on va reparler.
01:31Est-ce qu'il faut concentrer, à votre avis, les exonérations de cotisations ? Est-ce
01:35qu'il faut les supprimer ? Elles coûtent 75 milliards d'euros aux finances publiques
01:40par an.
01:41Aujourd'hui, le coût pour les finances publiques, ça correspond à un coût qui,
01:45si on n'avait aucun effet sur l'emploi, combien ça pourrait rapporter finalement
01:50en termes de finances publiques, le fait d'enlever entièrement ces cotisations ?
01:53Si ça n'avait pas d'effet sur l'emploi, ça existe donc depuis les années 90.
01:57Pour créer de l'emploi, ça a effectivement un effet sur l'emploi.
02:00Alors, effectivement, ce qu'on a pu constater, et ça a été très clair au début lorsqu'on
02:04a mis en place ces exonérations, ça a eu des effets sur l'emploi.
02:07Et à un moment donné, lorsque le marché du travail avait des chômages élevés, où
02:11le coût du salaire minimum était particulièrement élevé, on a vu des effets très vite, très
02:15rapides en termes d'emploi.
02:17La question aujourd'hui qui est posée, c'est qu'on n'est plus dans la situation
02:20des années 90.
02:21En 2024, on a un taux d'emploi qui est plutôt de 7%.
02:25Enfin, le taux d'emploi a augmenté, le taux de chômage a baissé, le marché du
02:29travail est parfois en tension et la question de l'utilité de la formule exacte aujourd'hui
02:35d'exonération, qui est très, très forte au niveau du SMIC, mérite d'être revue.
02:39Et en particulier, le message principal du rapport, c'est de dire qu'aujourd'hui,
02:43on a des éléments de pensée qu'on pourrait en fait faire en sorte qu'adoucir la pente
02:48de ce barème, pour faire en sorte que favoriser à la fois les limites économiques salariales
02:52et des emplois au-delà du SMIC, au-delà de 1,2 SMIC, plutôt qu'avoir cette concentration
02:57très, très forte du barème des exonérations au niveau du SMIC qui pose un risque de laisser
03:03des salariés concentrés à ce niveau de rémunération sans les perspectives d'augmentation salariale.
03:08Effectivement, c'est une des questions. Est-ce que ces exonérations de cotisations favorisent
03:14ce qu'on appelle les trappes à bas salaire avec des grilles de salaire qui ne progressent
03:18pas, des salariés qui restent toute leur vie au niveau du SMIC, une concentration au
03:23niveau de ces emplois-là ?
03:24Alors, ce qui est important de comprendre, c'est qu'une grande partie de la difficulté
03:28du débat scientifique autour de savoir est-ce que c'est bien les exonérations, le dispositif
03:35qui cause cette concentration d'emplois au niveau des bas salaires, c'est loin d'être
03:38évident à établir de façon formelle. Par contre, on a suffisamment d'évidence dans
03:44d'autres pays, du niveau de taux marginal qui s'applique, le coût supplémentaire à
03:50augmenter pour penser que le système actuel n'est pas optimal et que si on pouvait arriver
03:56à baisser cette pente pour favoriser les augmentations salariales, on n'aurait pas
04:00forcément d'effet négatif sur l'emploi, mais plus d'emplois à des niveaux de salaire
04:04plus élevés et finalement redonner un certain nombre de perspectives positives aux salariés.
04:08Donc, ce que vous préconisez, Antoine Bozio, c'est pas de supprimer les exonérations
04:11de cotisations, mais de lisser les effets de seuil et de les supprimer pour les salaires
04:17les plus élevés. Aujourd'hui, les exonérations de cotisations vont jusqu'à 3,5 SMIC, c'est
04:22pas nécessaire à votre avis ?
04:23Donc, ce qu'on observe, c'est que les effets sur l'emploi à des salaires beaucoup
04:27plus élevés sont très faibles, alors que les effets au salaire plus bas, mais y compris
04:33pas uniquement au niveau du SMIC, y compris au-delà du SMIC, on a des effets emplois
04:38avérés. Donc, notre proposition, c'est de lisser, pour simplifier cette courbe qui
04:43est aujourd'hui très compliquée avec des seuils...
04:45Enfin, c'est très compliqué, mais on voit quand même les effets de seuil. Si on veut
04:48augmenter d'un euro brut par mois un salaire à 2,5 SMIC, donc le faire passer de 3 803
04:55euros à 3 804 euros, c'est un gain de 10 euros par an pour le salarié et ça coûte
05:032750 euros supplémentaires à l'employeur. Ça semble absolument hallucinant.
05:07Oui, alors là, c'est vraiment un cas aberrant, l'extrême finalement de ce barème, mais
05:12plus globalement, on a un barème qui avait des effets de finalement un seuil à 1,6 SMIC
05:18qui est très fort, c'est-à-dire qu'on retire très fortement entre 1 SMIC et 1,6
05:21SMIC, c'est-à-dire que ça, c'est vraiment les salaires en dessous, les 50 % des salariés
05:25qui sont dans la partie basse de la distribution des salaires. Là, on a vraiment, on retire
05:30très vite ces exonérations. Puis après, on a un grand plateau avant d'arriver à
05:34une sorte de grande chute verticale que vous avez mentionné, où là, vraiment, il y a
05:39un saut en termes de coût du travail, simplement pour augmenter d'un euro en termes de salaire
05:43brut.
05:44Et donc, il faut supprimer, à votre avis, les exonérations de cotisation au-delà de
05:50combien ?
05:51Alors, dans notre proposition principale, dans le scénario principal du rapport, on
05:56propose de faire un barème unique, lissant finalement les exonérations de cotisation
06:00qui parlent du niveau maximal, qui sont au niveau du SMIC et qui s'arrêtent à 2,5
06:05SMIC. La façon dont on a conçu ce barème, c'est de le penser à budget constant.
06:09Comment peut-on, à budget constant, à la fois améliorer l'emploi, améliorer la
06:14dynamique salariale et faire en sorte qu'on aille plus d'emplois à des salaires plus
06:17élevés qui sont susceptibles aussi de rapporter plus à la sécurité sociale parce que des
06:21salaires plus élevés vont permettre d'avoir des cotisations plus importantes pour les
06:26finances publiques ?
06:27Mais j'entends déjà le patronat d'ici dire que le coût du travail va augmenter
06:31pour les salaires au-delà de 2,5 SMIC, dans l'industrie notamment.
06:35Alors, il est vrai que dans ce barème-là, il y a deux endroits dans la distribution
06:40des salaires où le coût du travail augmente un petit peu.
06:43Au niveau du SMIC, où là, c'est plutôt des secteurs, on va dire, qui sont très intensifs
06:48en travailleurs peu qualifiés, on peut citer les secteurs de la propreté, du gardiennage,
06:57et à l'inverse, dans les secteurs plus intensifs en personnel beaucoup plus qualifié qui,
07:02du coup, voient la perte du haut des exonérations.
07:05Et donc, ça, c'est vrai.
07:06Le coût du travail va augmenter.
07:07L'industrie, de façon intéressante, n'est pas du tout dans les situations perdantes.
07:13Pourquoi ? Parce que l'industrie a des salariés, finalement, au niveau du salaire
07:17médian à un niveau de 1,6 SMIC et qui, eux, bénéficient finalement de ce nouveau
07:22barème alors qu'en fait, il y a un effet d'équilibrage au niveau de chaque entreprise
07:27entre des salariés qui auront des hausses de coût du travail et des baisses de coût
07:30du travail.
07:31Et lorsqu'il y a un effet comme ça au niveau d'une entreprise moyen qui, finalement,
07:35va être un effet nul sur le coût du travail global au niveau de l'entreprise, on n'attend
07:39pas des effets emploi, du coup, fortement négatifs pour cette raison.
07:43Pourtant, on a bien redonné la dynamique salariale, c'est-à-dire que le gain a augmenté
07:49les salaires, lui, le coût pour l'augmenter du salaire a baissé.
07:53Et donc ça, c'est quelque chose qui favorise la montée en gamme de notre tissu productif.
08:01Et donc, dernière question, vous avez remis votre rapport au service du Premier ministre
08:06Michel Barnier hier.
08:07Qu'est-ce que vous espérez que va devenir votre rapport ? J'imagine que ce n'est
08:10pas pour caler un meuble.
08:11Non, on espère qu'on espère que ce travail aura à la fois à court terme un effet, en
08:17tout cas dans le débat parlementaire qui s'annonce budgétaire et pour la loi de
08:22financement de la sécurité sociale, permettre aux députés de tout bord de réfléchir à
08:26la bonne façon d'améliorer la situation pour le marché du travail et les salariés
08:32en revoyant le barème des exonérations.
08:34Et à plus long terme, le rapport a aussi des éléments qui n'y visent pas à être
08:39mis en place tout de suite, mais à faire réfléchir de façon comment peut-on simplifier,
08:44rendre plus lisible le financement de notre protection sociale parce qu'il y a un enjeu
08:48là très important à long terme d'arriver à trouver les moyens de financer la protection
08:52sociale auquel on est attaché sans que ça ait des effets négatifs à la fois sur l'emploi
08:58et sur la productivité de notre économie.
09:01Merci beaucoup Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques, copilote
09:06du rapport remis ce jour à Matignon sur les exonérations de cotisations sociales.
09:11Un rapport à retrouver en accès libre sur le site de France Stratégie.
09:14Merci beaucoup.
09:15Merci.

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