Donald Trump et Volodymyr Zelensky ont commencé à New York une entrevue qui s'annonce délicate au vu des critiques répétées du candidat républicain à la Maison Blanche sur l'aide américaine massive à l'Ukraine. Écoutez l'analyse de Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Sciences Po.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 27 septembre 2024.
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00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Bonsoir Frédéric Ancel, merci beaucoup de nous rejoindre.
00:06Vous êtes géopolitologue, chargé d'enseignement à Sciences Po.
00:09Et merci de nous rejoindre alors que l'actualité évolue très vite,
00:12puisque des frappes très violentes israéliennes ont eu lieu à Beyrouth.
00:15Le QG du Hezbollah était visé.
00:18Est-ce que c'est une surprise cette opération de dernière minute ?
00:21Non, ce n'est pas une surprise parce que Nathaniel Houlle, son gouvernement,
00:26mais aussi l'état-major, soutenu par la quasi-totalité de la population,
00:31souhaite en finir, pas tellement avec le Hezbollah, parce que ce n'est pas possible,
00:35on serait dans la pensée magique que de le croire,
00:37mais en tout cas d'en finir avec un rapport de force
00:39qu'Israël, depuis le 7 octobre, considère comme défavorable.
00:42Et de ce point de vue-là, les Israéliens,
00:44ayant déjà démontré avec la fameuse opération Bipper
00:47qu'ils étaient capables d'infiltrer très gravement, très profondément,
00:51le Hezbollah souhaite réellement aller jusqu'au bout.
00:53Alors, la cible, visiblement, était Hassan Nasrallah.
00:56On dit maintenant qu'il est en sécurité, mais on va y revenir dans un instant avec Agnès Bonfillon.
01:00Rappelez à nos auditeurs qui est ce chef du Hezbollah et ce que l'on sait de lui.
01:06C'est simple, c'est le chef, effectivement, depuis non pas les débuts,
01:10puisque le Hezbollah a été créé par la République islamique d'Iran en 82,
01:14mais en fait, depuis la fin des années 80,
01:16c'est devenu non seulement le chef politique, opérationnel, en quelque sorte,
01:20mais aussi le chef religieux.
01:21Il ne faut jamais oublier que le Hezbollah est un mouvement chiite religieux,
01:25ce qui signifie qu'il obéit aux doigts et à l'œil à Téhéran.
01:28Donc, c'est vraiment une courroie de transmission.
01:30Et Nasrallah est quelqu'un qui, par ailleurs, est très tacticien.
01:33C'est certes un fanatique, mais absolument pas un imbécile.
01:36C'est quelqu'un qui connaît très bien les rapports de force
01:39et qui, à plusieurs reprises, a su en jouer habilement avec Israël.
01:43Et c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, les Israéliens,
01:46je pense, encore une fois, quand je dis les Israéliens, c'est l'État-major et le gouvernement,
01:50souhaitent, en frappant un grand coup, taper à la tête.
01:55Et même si Nasrallah s'en sort, il aura eu très peur,
01:58ce qui déjà correspond à une offensive tactique réussie.
02:01Ces derniers jours, d'ailleurs, plusieurs sous-chefs, à la limite, on pourrait dire,
02:06de Nasrallah ont été tués dans les frappes d'Israélienne au Liban.
02:10Là, effectivement, on dit que Nasrallah était la cible.
02:13Le Hezbollah dit qu'il va très bien.
02:15Il y a une guerre de communication autour de Nasrallah ?
02:18Oui, bien sûr.
02:19Surtout autour de Nasrallah, parce que c'est un très, très grand communicant.
02:23Cela dit, il a fort à faire, parce que Netanyahou aussi est un grand communicant.
02:27Même si, aujourd'hui, il est détesté par la plupart des chancelleries au monde,
02:30il est quand même toujours au pouvoir, et depuis, j'allais dire, la nuit des temps.
02:33Donc, on a affaire à deux grands communicants.
02:35Mais, attention, le simple fait que le Hezbollah, aujourd'hui,
02:40ne puisse plus communiquer entre ses différents officiers,
02:42pour des raisons évidentes qu'on a vues il y a quelques jours,
02:45le fait qu'en Iran même, dans un grand hôtel de Téhéran,
02:49un invité prestigieux comme Anier, l'ancien chef politique du Kremlin,
02:54puisse être abattu par des Israéliens ou par des complices des Israéliens,
02:57tout cela, c'est déjà, si vous voulez, en termes de communication
03:01et en termes psychologiques, une véritable victoire.
03:03Six immeubles ont été totalement détruits.
03:05Les images sont vraiment extrêmement impressionnantes, Frédéric Ancel.
03:09Cela veut dire que, d'une certaine façon, les Israéliens ont décidé d'en finir ?
03:13Oui, d'en finir en tout cas avec le danger militaire que représente le Hezbollah.
03:18C'est-à-dire qu'à mon avis, je peux tout à fait me tromper,
03:20mais à mon avis, ils n'interviendront pas au sol au sud d'Iban.
03:24C'est-à-dire que là, on a affaire à une volonté de la part d'Israël
03:28de faire respecter par le Hezbollah la fameuse résolution 1701,
03:32dont je rappelle qu'elle avait été adoptée par le Conseil de sécurité
03:35lors de la dernière guerre déjà, Israël-Hezbollah en 2006,
03:38à savoir, je le dis d'un mot géographique,
03:40que le Hezbollah devait monter au nord du fleuve Litani.
03:43Bon, ces dernières années, il est au sud, il est même à la frontière israélienne.
03:46Et je crois que c'est surtout ça, en fait, l'objectif d'Israël.
03:49Ce n'est pas tellement d'en finir avec le Hezbollah, parce que ce n'est pas possible.
03:52Alors, venons-en maintenant à notre rendez-vous initial,
03:54c'est-à-dire cette visite de Volodymyr Zelensky aux États-Unis.
03:57Le président ukrainien repart avec un chèque de 8 milliards de dollars signé par Joe Biden
04:02et pourtant, on estime que son séjour est décevant.
04:04Pourquoi, Frédéric Ancel ?
04:06Alors, pour une raison quantitative, il attendait plus.
04:08Et pour une raison qualitative, il attendait aussi autre chose.
04:12Par exemple, la possibilité, enfin, de déposer un dossier d'intégration à l'OTAN
04:19avec une prime à tour des États-Unis, même si le président actuel est démonétisé.
04:24Donc, c'est à la fois en quantitatif et en qualitatif qu'il attendait plus.
04:27Cela dit, si j'étais M. Zelensky, mais je ne le suis pas,
04:31je ne serais pas non plus tout à fait déçu,
04:33parce qu'il aurait très bien pu se voir opposer une fin de non-recevoir,
04:36pas idéologique, mais sur la base de « écoutez, moi, je suis démonétisé,
04:40je ne veux pas prendre aujourd'hui, aurait pu dire Biden,
04:43des initiatives lourdes qui auraient engagé nécessairement ma successeur ou mon successeur ».
04:48Néanmoins, il l'a fait avec lui.
04:49Est-ce qu'il n'attendait pas non plus d'obtenir le feu vert
04:52pour tirer vers la Russie des missiles de longue portée
04:55fabriqués par les Américains et livrés à Kiev ?
04:58Alors là, oui, mais là, s'il est déçu de cela, il était dans la pensée magique.
05:02C'est vrai que depuis deux ans et demi, je le dis souvent,
05:05les Américains et les Européens courent derrière les victoires ukrainiennes
05:08en repoussant toujours le risque de l'Irou.
05:11Sauf que là, si vous voulez, je pense très sincèrement,
05:14et Poutine n'a pas eu d'humour ces derniers jours avec ça,
05:17propulser des armes stratégiques ou en tout cas tactiques,
05:20mais très lourdes si profondément dans le territoire russe,
05:23il ne resterait finalement qu'un seul échelon à l'escalade pour la Russie,
05:27ce serait le nucléaire.
05:28Et je pense que de ce point de vue-là,
05:30les Américains ne le souhaitent pas et ne l'auraient pas souhaité.
05:32Mais justement, ce sont les nouvelles menaces nucléaires de Vladimir Poutine
05:36qui font aussi l'actualité.
05:37Le président russe a affirmé que son pays pourrait avoir recours à l'arme nucléaire
05:40en cas d'attaque aérienne d'ampleur contre son territoire.
05:44Il faut prendre ça au sérieux ?
05:46Oui et non.
05:47C'est-à-dire que là, sur la base de ce qu'on vient de dire,
05:50si vraiment les Américains ou les Européens décidaient d'accorder à Zelensky
05:54toute cette capacité offensive balistique,
05:56oui, je pense que sincèrement là, on atteindrait enfin
05:59cette fameuse ligne rouge.
06:00Mais non, parce qu'à quatre reprises déjà depuis son invasion de l'Ukraine,
06:04M. Poutine, alors sans désigner directement les conditions
06:07de l'emploi de l'arme atomique, avait parlé d'apocalypse.
06:11Et ce qui est intéressant, c'est qu'à quatre reprises à chaque fois,
06:15il s'est fait taper sur les doigts par les Chinois.
06:17Il faut bien comprendre que la Chine,
06:18qui soutient quand même de plus en plus massivement la Russie,
06:21notamment sur le plan économique sinon militaire,
06:23la Chine est une puissance très conservatrice sur les dossiers nucléaires.
06:27Les Chinois ne veulent pas entendre parler d'un possible usage,
06:30ne serait-ce que tactique, de l'arme.
06:32Et donc, je pense que c'est quand même sous contrôle.
06:35D'ailleurs, je le dis d'un mot, en dépit de ces quatre
06:37et maintenant cinq redémontades sur le nucléaire,
06:40jamais M. Poutine n'a déclenché seulement la pré-alerte nucléaire.
06:44Nous en avons parlé dans le journal de 18h30,
06:47juste avant de repartir pour Kiev,
06:49Volodymyr Zelensky a rencontré Donald Trump.
06:53Ces deux hommes savent qu'ils vont peut-être devoir travailler ensemble
06:56après la présidentielle américaine.
06:58En 30 secondes ?
06:59Alors déjà, travailler, ce serait nouveau pour M. Trump.
07:01Donc, si vous voulez, je pense très sincèrement...
07:04Ah non, mais écoutez, il achève son mandat.
07:07Non mais rien, en tout cas en matière d'affaires étrangères.
07:09Ah non, mais je suis sérieux, il me reste 20 secondes.
07:11Écoutez, il achève son mandat avec plus des trois quarts
07:14des postes diplomatiques non pourvus.
07:16Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que ça veut dire.
07:18Et par ailleurs, de très bonne source,
07:19à l'origine, il ne savait pas où mettre l'Ukraine sur une carte.
07:21Donc, c'est pour vous dire que oui, M. Zelensky va nécessairement
07:24être obligé de travailler, de quémander auprès de M. Trump
07:28si celui-ci arrive au pouvoir.
07:30Mais je ne sais pas du tout, parce qu'il est imprévisible,
07:32quelle sera la réaction du suspensionné président américain.
07:36Merci Frédéric Ancel de nous informer.
07:38Merci à vous.
07:39Et en plus d'avoir de l'humour.
07:40Géopolitologue chargé d'enseignement à Sciences Po.
07:42Dans un instant, Sepp, Girold, Maury,
07:44nous vous proposons une très belle cueillette de champignons.
07:46C'est le moment ou jamais au cœur de notre automne.
07:48A tout de suite.