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Écoutez l'interview de la psychiatre et médecin légiste au CHU de Poitiers.
Regardez Le débat du 22 septembre 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h-9h, RTL Matin.
00:05 Il est 8h22, bonjour Alexia Delbray.
00:10 Oui bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL, vous êtes psychiatre, médecin légiste au CHU de Poitiers.
00:16 Beaucoup de questions se posent sur le profil de cette femme qui a avoué le meurtre de son conjoint,
00:20 un professeur de l'université de Dunkerque devant les enquêteurs hier. Une femme qui tue son mari, c'est extrêmement rare.
00:27 27 femmes ont tué leur compagnon l'an dernier. Qu'est-ce qui peut expliquer ce genre de passage à l'acte ?
00:31 Alors justement, comme le passage à l'acte des femmes est rare,
00:35 on n'a pas encore vraiment établi de profil particulier comme cela peut être le cas pour les hommes.
00:42 On repère particulièrement que
00:46 une majorité des femmes sont antérieurement victimes de violences conjugales, même si elles n'ont pas forcément porté plainte.
00:56 C'est une des caractéristiques qui ressort, même si évidemment ce n'est pas la seule.
01:00 On rappelle à l'inverse que 118 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint l'an dernier.
01:05 Est-ce que les femmes tuent pour les mêmes raisons que les hommes ?
01:08 Alors non, pas tout à fait. On trouve chez les hommes quand même une majorité de passages à l'acte suite à
01:14 une impossibilité d'accepter la séparation,
01:19 par exemple.
01:22 C'est une caractéristique que l'on retrouve beaucoup moins chez les femmes, avec des passages à l'acte qui vont être plus motivés par
01:27 le conflit, les menaces,
01:30 la peur des violences par exemple.
01:33 Concernant ce drame de Dunkerque avec toutes les précautions qui s'imposent,
01:36 les faits se sont déroulés en pleine nuit à huis clos, il y a des coups de couteau, une scène de crime maquillée en cambriolage,
01:42 un enfant de 20 mois.
01:44 J'ai envie de vous dire que ça fait beaucoup sur le plan de la mise en scène. Qu'est-ce que cela traduit selon vous ? Qu'est-ce qu'on
01:48 peut en tirer en tout cas comme première analyse ?
01:51 Alors les mises en scène existent aussi chez les hommes.
01:55 Il peut y avoir le fait de se dénoncer immédiatement, mais quand même de maquiller
01:59 une partie de la scène de crime par exemple, ou d'en maquiller la totalité, de ne pas se dénoncer.
02:04 Il peut aussi y avoir une crainte chez les auteurs,
02:07 tout simplement des conséquences. C'est-à-dire qu'au moment du passage à l'acte, les conséquences ne sont pas pensées, elles ne sont pas anticipées.
02:14 Par contre une fois que c'est commis,
02:17 là ça dépend de la personnalité des auteurs. Il peut y avoir une crainte des conséquences, une honte, une culpabilité.
02:25 Et puis il y a un enfant de 20 mois qui est en jeu aussi.
02:30 Donc voilà, ça garde aussi.
02:32 Je vais y revenir.
02:34 Il y a quand même une vingtaine de coups de couteau.
02:36 Alors qu'est-ce que ça signifie ?
02:38 De l'acharnement ?
02:40 On peut imaginer aussi une forme de crise de nerfs.
02:42 Enfin je ne sais pas comment qualifier les choses.
02:46 Alors oui, une vingtaine de coups de couteau, c'est plus que ce qui est nécessaire pour entraîner la mort d'une victime.
02:53 Donc on peut qualifier ça effectivement d'un acharnement sur le corps.
02:59 La multiplicité des coups de couteau est quelque chose qu'on retrouve souvent moins chez les femmes,
03:05 qui vont avoir des modes opératoires souvent uniques,
03:09 avec une arme qui est, alors principalement l'arme blanche qui est retrouvée,
03:15 mais normalement un passage à l'acte qui s'arrête, se stoppe au moment où on constate la mort d'une victime.
03:24 Donc vous dites que l'acharnement, en tout cas sur le plan statistique, n'est pas fréquent quand une femme tue un homme.
03:32 Au-delà de ce qui s'est passé à Dunkerque, quand les femmes tuent, dans la moitié des cas, elles sont, on le rappelle, victimes de violences,
03:37 est-ce qu'on peut parler pour le coup de cas de légitime défense ?
03:41 Alors c'est différent, puisqu'en fait on a finalement très peu de femmes qui passent à l'acte dans un contexte spécifique de légitime défense.
03:50 En France, pour qu'il y ait de la légitime défense, il faut qu'il y ait un passage à l'acte qui soit à hauteur de ce dont on est menacé, au moment où on est menacé.
04:00 Et à l'inverse, on voit plutôt des passages à l'acte des femmes dans des moments où elles se sentent capables de le faire,
04:08 et c'est-à-dire que c'est des moments où le conjoint va être plutôt diminué.
04:15 Donc il peut être endormi ou de dos, par exemple, et là c'est souvent plus facile pour les femmes de passer à l'acte.
04:23 Et il peut y avoir une crainte qui se manifeste dans l'après-coup.
04:28 On peut aussi avoir l'expression de menace qui va leur faire craindre pour leur vie, mais on n'est pas pour autant dans un cas de légitime défense.
04:37 Vous avez consacré une thèse au passage à l'acte criminel dans le couple.
04:40 Quand il s'agit d'une femme, est-ce que vous constatez des mobiles récurrents ou des situations similaires depuis le début de cet entretien ?
04:46 Ce qui revient régulièrement, c'est que la femme, généralement, est elle-même victime de violences.
04:52 Oui, par contre, on ne peut pas en faire une généralité.
04:57 Parce que, statistiquement, dans nos études pour l'instant, le nombre de femmes est trop faible par rapport à celui des hommes pour qu'on puisse en dégager des caractéristiques propres.
05:07 On voit des passages à l'acte avec des motifs multiples et une prépondérance des passages à l'acte lorsque les femmes sont victimes.
05:13 En tout cas, même si on ne peut pas forcément en faire un lien statistique pour l'instant, elles sont plus fréquemment victimes.
05:20 Pour autant, il existe aussi des passages à l'acte de femmes par une inacceptation de la séparation, par vengeance ou par colère suite à une tromperie, par exemple.
05:32 Ce n'est pas inexistant. Ce n'est pas parce que ce n'est pas majoritaire que c'est inexistant.
05:38 Différents motifs peuvent être tout à fait possibles.
05:41 Une toute dernière question. Il y a une petite fille de 20 mois au milieu de cette terrible affaire.
05:45 Que va-t-il se passer pour elle dans les jours qui viennent ?
05:48 Elle peut être confiée à la famille ou à des services sociaux ?
05:53 Je ne connais pas ce cas-là en particulier. En tout cas, en France, on nous a demandé sur ces derniers mois de développer ce qu'on appelle le protocole féminicide.
06:04 C'est-à-dire la prise en charge des enfants en milieu hospitalier pendant les 48-72 premières heures,
06:11 lorsque un parent est passé à l'acte sur l'autre parent et que du coup le parent restant est incarcéré.
06:18 Il y a une prise en charge hospitalière pour protéger l'enfant dans un premier temps et pour permettre à l'Aide sociale à l'enfance de pouvoir commencer son enquête
06:26 et vérifier quel est l'entourage familial et s'il est apte ou pas à récupérer l'enfant ou s'il faut définir un placement de cet enfant.
06:33 Merci beaucoup de cette dernière précision.
06:35 précision.

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