• il y a 3 mois
Ce matin, un sujet s’impose évidemment : la perspective de voir (ou pas) nos impôts augmenter. Le gouvernement a reconnu que le déficit des finances publiques bat des records et il prépare son Budget pour 2025. Les classes moyennes pourront-elles échapper à une hausse de leurs impôts et lesquels ?

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Transcription
00:00Le débat éco du vendredi avec Thomas Porcher, membre des économistes atterrés, professeur
00:05à la Paris School of Business et Dominique Seux, éditorialiste à France Inter et aux
00:10Echos.
00:11Bonjour messieurs, bonjour à tous.
00:12Ce matin, un sujet qui s'impose évidemment avec le budget qui se prépare, la perspective
00:18de voir ou non nos impôts augmentés et particulièrement pour les classes moyennes.
00:24Le gouvernement a reconnu que le déficit des finances publiques avait battu des records.
00:28Les classes moyennes échapperont-elles, pourront-elles échapper à une hausse de leurs impôts et
00:34lesquelles ? Mais avant d'en parler, on va s'arrêter sur un petit événement, en tout
00:39cas un événement symbolique, vous allez me le dire, parce qu'il a des conséquences
00:43immédiates.
00:44Un événement qui a eu lieu sur les marchés financiers hier.
00:47Le taux d'intérêt sur la dette publique française a dépassé le taux d'intérêt
00:52sur la dette espagnole.
00:54Alors, un, explication de Thomas Paforchet de ce taux d'intérêt français par rapport
01:00à la dette espagnole et deux, est-ce que c'est grave messieurs ?
01:03Alors, moi je trouve que c'est grave, c'est un grand mot, c'est-à-dire que c'est un
01:08mauvais signal et c'est un mauvais signal qui montre qu'il y a une instabilité politique
01:12et qu'il n'y a pas de plan macroéconomique pour réduire les déficits.
01:15Mais quand on regarde l'ensemble, ça n'est pas très grave, déjà parce que la France
01:19se finance certes plus cher que ses voisins, mais à un coût moins élevé qu'il y a un
01:22an.
01:23Donc ça veut dire qu'il n'y a pas de gros soucis et surtout les investisseurs demandent
01:28énormément de notre dette, c'est-à-dire que vous avez deux fois plus d'investisseurs
01:32que de titres d'obligation qui sont émis.
01:34Ça veut dire que notre dette reste encore très attractive pour les investisseurs.
01:37Donc ce n'est pas une situation grave mais c'est un signal plutôt négatif.
01:41C'est malgré tout la première fois depuis 18 ans que ça se produit, Dominique.
01:44Oui, c'est la première fois depuis 18 ans, donc c'est évidemment une mauvaise nouvelle,
01:47c'est le signal que la dissolution avait inquiété, que la nomination du gouvernement
01:51n'a pas rassuré pour l'instant.
01:53Et d'ailleurs, il y a un autre signal qui est arrivé aussi hier après-midi, c'est
01:58que quand on prend les emprunts à 5 ans, le taux français des emprunts à 5 ans est
02:04devenu supérieur hier au taux des titres grecs.
02:08C'est aussi un signal.
02:10Ça veut dire qu'il y a quelques semaines, les taux français sont passés au-dessus
02:14des taux portugais.
02:15Hier, ils sont passés au-dessus des taux espagnols pour le 10 ans et ils sont passés
02:20au-dessus, pour le 5 ans, des taux grecs.
02:23J'ai du mal à être exactement sur la même ligne que Thomas qui considère que c'est
02:28quasiment une bonne nouvelle puisque…
02:29Non, je n'ai pas dit ça, j'ai dit un signal négatif, mais c'est pas grave.
02:33Je pousse un petit peu, évidemment, pour la richesse du débat.
02:36Mais juste pour que tout le monde comprenne, ce qui est incroyable, c'est que la France
02:39a rejoint ce que les anglo-saxons appelaient de manière un peu dédaigneuse les « pigs »,
02:44les cochons.
02:45Portugal, Italie, Grèce, Spagne, les pays qu'on appelait « club med », dépensiers
02:51qui ont été massacrés par la crise financière et la crise de l'euro.
02:56Et en l'occurrence, l'Espagne avait dû prendre des réformes structurelles comme
03:00la Grèce.
03:01Et on se retrouve aujourd'hui dans une situation où la France, pour les investisseurs, elle
03:06est plus risquée que la Grèce.
03:08On n'aura évidemment pas le mépris que les anglo-saxons pour les pays du club med
03:12ou les « pigs » comme vous dites, naturellement.
03:14Mais ça veut dire que quand les taux d'intérêt sont plus élevés que d'autres pays, ça
03:20veut dire qu'on a moins de marge de manœuvre, ça veut dire que le nœud coulant de la dette
03:24publique se resserre un petit peu plus.
03:27Non, le signal qui a été envoyé, c'est de dire vraiment, là, il n'y a pas de plan.
03:31On ne sait pas quel est le plan économique.
03:32Et c'est vrai qu'on ne le sait pas.
03:33Chaque jour, il change.
03:34Les impôts vont-ils augmenter ? La dépense publique va-t-elle aller ? On ne sait pas.
03:37Et donc, les investisseurs, effectivement, manifestent une légère inquiétude parce
03:40que, je veux dire, on est légèrement au-dessus de la Grèce.
03:43On est à 2,48, la Grèce est à 2,40, l'Espagne est à 2,45, on est vraiment dans l'épaisseur
03:49du trait.
03:50Mais la France s'endette plus cher que tous les pays qu'on vient de citer.
03:54Bien sûr, bien sûr.
03:55C'est grave ou c'est symbolique ?
03:57Mais non, c'est juste symbolique parce qu'il y a d'autres critères à regarder que j'ai
04:00énoncé avant.
04:01Maintenant, sur la question de « Est-ce qu'on ressemble plus à un pays du Sud ? », excusez-moi,
04:06ce n'est pas nouveau.
04:07D'ailleurs, à l'époque, François Hollande, quand il avait promis de renégocier les traités,
04:11il y avait beaucoup de pays du Sud qui étaient derrière lui et ont représenté plus de 50%
04:15du PIB de la zone euro.
04:16Et à ce moment-là, c'était possible de les renégocier.
04:19Et il n'y a que la France et une partie même des élites françaises qui se voyaient
04:22comme un pays anglo-saxon ou comme un pays du Nord.
04:24Mais pour la plupart des observateurs, nous étions plus proches d'une économie du Sud
04:28que d'une économie du Nord.
04:29Et la France aurait dû d'ailleurs assumer le leadership des pays du Sud.
04:32Je finis une dernière chose.
04:34En 2015, Yanis Varoufakis, ministre des Finances grecque, avait très bien dit que la prochaine
04:42attaque se ferait contre l'État-providence français.
04:44Donc on était clairement plus du côté des pays du Sud que du côté des pays du Nord.
04:49Il n'y a pas d'attaque contre l'État-providence.
04:52Les déficits sont financés, mais ils sont financés un tout petit peu plus cher.
04:57La particularité, c'est que la France depuis toujours est considérée comme un État qui
05:03sait bien lever les impôts et qui n'a aucune difficulté à se financer.
05:08Nous sommes isolés sur le sujet.
05:11C'est ça l'information.
05:12Nous sommes isolés en Europe.
05:14Non mais nous sommes isolés.
05:15Les autres pays nous regardent en disant « mais qu'est-ce que c'est que ce pays qui n'arrive
05:17jamais à redresser ses finances publiques ? ».
05:19L'Espagne est en train de redresser ses finances publiques.
05:22L'Italie fait un effort pour redresser ses finances publiques, mais ils traînent une
05:26dette qui s'est construite dans les années 80 et 90.
05:30Aujourd'hui, il n'y a pas de crise internationale économique.
05:34Le Covid, c'est derrière nous.
05:36Oui, c'est derrière nous.
05:38La crise de la flambée inflationniste liée à la guerre en Ukraine est derrière nous.
05:43Donc il n'y a pas de raison que nos déficits en 2024 soient plus élevés qu'en 2023.
05:49C'est ça que les investisseurs qui financent la dette publique disent.
05:53C'est tout.
05:54Donc l'investisseur, si on est investisseur, on se dit qu'on va plutôt prêter par exemple
06:00à l'Allemagne qu'à la France.
06:02Non mais ça…
06:03C'est un prix différent.
06:05Je partage complètement le constat qui a été fait par Dominique Seul.
06:09Je tiens à le dire.
06:10Sauf qu'il oublie de dire une chose.
06:11Ça m'acquiesce un tout petit peu.
06:12Rien de dramatique.
06:13Et on passe au sujet suivant.
06:14Il oublie de dire une chose.
06:15Il n'y a pas eu de crise majeure, mais il y a eu une politique fiscale qui a été menée
06:18et qui effectivement a abouti aux déficits.
06:20Et là, le bilan aujourd'hui de la hausse des taux, c'est le bilan de l'instabilité
06:24politique, mais aussi des choix de fiscalité qui ont été faits avant.
06:26Et de la croissance faible.
06:29Et de la croissance faible qui est aussi due aux choix politiques qui ont été faits.
06:32Maintenant, quand vous dites que les investisseurs préfèrent aller ailleurs, c'est parfaitement
06:37faux.
06:38Et je vous répète ce chiffre que je vous ai donné.
06:39C'est-à-dire qu'il y a deux fois plus de demandes d'investisseurs que d'obligations
06:42émises.
06:43C'est-à-dire que les investisseurs veulent massivement acheter notre dette.
06:47Vous voyez ? Et donc, à partir du moment où ils veulent l'acheter, on est très loin
06:50d'un scénario à la grecque ou d'un scénario à l'italienne.
06:52Nous restons encore très attractifs.
06:53Ils veulent l'acheter, mais ils veulent l'acheter un peu plus cher.
06:55Voilà.
06:56Alors, il y a la question du déficit et elle est de plus en plus cruciale et elle est de
07:01plus en plus grave, on va le dire très simplement et peut-être même de manière euphémistique
07:06puisque le déficit public devrait dépasser les 6% du PIB cette année et donc le gouvernement
07:12qui doit faire un budget envisage de relever les impôts.
07:15Est-ce que l'on peut faire autrement sans augmenter les impôts ? Est-ce que c'est
07:19une bonne idée ?
07:20Non.
07:21C'est une mauvaise idée.
07:22On n'est pas obligé d'augmenter les impôts pour une raison extrêmement simple, c'est
07:26que la France a les prélèvements obligatoires les plus élevés de l'Union européenne
07:31à 48% de la richesse nationale, 6 points au-dessus de la moyenne, 6 points au-dessus
07:37de l'Allemagne.
07:38Et la particularité, c'est que si on prend chaque type d'impôt, on taxe plus en France
07:44et si on prend chaque type de contribuable selon ce revenu, on taxe plus à chaque niveau
07:49de contribuable.
07:50Ça fait deux particularités qu'il faut qu'on ne devrait pas être obligé d'augmenter
07:55les impôts, sachant que le ras-le-bol fiscal dont on avait beaucoup parlé dans les années
08:002010, le ras-le-bol fiscal, il me semble extrêmement présent aujourd'hui pour une raison extrêmement
08:05simple.
08:06Vous vous souvenez du cri de Jacqueline Mouraud, que font-ils ? C'était quoi la formule
08:13? Que font-ils de l'argent ? Il faut demander à Patrick la mémoire vive de la politique
08:18en France.
08:19Thomas Porcher, est-ce qu'on peut l'éviter ? Et est-ce qu'on peut éviter d'augmenter
08:26les impôts sur les classes moyennes ?
08:28Dominique est encore plus radical que le gouverneur de la Banque de France, qui lui
08:31pense qu'on peut financer la réduction du déficit d'un tiers avec l'augmentation
08:35des impôts et de deux tiers avec la coupe des dépenses publiques.
08:37Moi, je pense qu'on pourrait quasiment le faire à deux tiers avec le fait, pas d'augmenter
08:42les impôts, mais de revenir sur un certain nombre de baisse d'impôts.
08:45La baisse d'impôts sur les sociétés, si on le remet au niveau de l'Allemagne, on récupère
08:49plus de 10 milliards.
08:50Parce qu'on l'a baissé au début du quinquennat.
08:52Les impôts de production, c'est 19 milliards.
08:54Vous savez, on doit trouver à peu près 20 milliards par an.
08:56C'est à peu près ça.
08:57Les impôts de production, c'est 19 milliards.
08:58L'impôt sur les sociétés, c'est 14 milliards.
09:00L'extension du CICE, c'est 5 milliards.
09:03Et après, je prends les ménages les plus riches.
09:05Les ménages les plus riches, l'ISF, c'est 40 milliards.
09:07La flat tax qui concerne les 10% les plus riches, c'est 1 milliard.
09:10Là, vous savez, j'ai plus de 20 milliards sur les entreprises.
09:14Les plus grosses entreprises et les gens les plus riches.
09:17Mais parlons des classes moyennes.
09:19D'accord, mais si vous augmentez de 10% l'impôt sur tout le monde, ça n'a pas le même impact
09:24sur tout le monde.
09:25Vous prenez 10% d'impôts en plus sur les classes moyennes, elles sont plus pauvres.
09:27Vous prenez 10% d'impôts en plus sur les plus riches, ça n'a pas d'impact sur leur
09:31mode de fonctionnement.
09:32Donc la réalité, c'est que l'impôt doit être progressif.
09:35C'est ce qui s'écrit dans la Déclaration des droits de l'homme.
09:37Alors, Thomas n'a pas tout à fait répondu au point de départ qui était est-ce que
09:41nous avons des impôts plus élevés qu'ailleurs et que partout ailleurs, la réponse est oui.
09:46Vous mentionnez les impôts de production.
09:48Quand on regarde, quand on compare la France et l'Allemagne, les impôts de production
09:52qui pèsent sur les entreprises, qu'est-ce que c'est que les impôts de production ?
09:54C'est des impôts dont on ne parle jamais.
09:56C'est les taxes, les versements en transport, les taxes sur les salaires, des tas de myriades
10:01d'impôts.
10:02C'est le plus gros champ de différence entre la France et l'Allemagne.
10:05Et donc, vous dites, on peut les réaugmenter.
10:08Parce que Dominique, vous oubliez de parler des subventions à la production qui sont
10:11aussi beaucoup plus élevées qu'en Allemagne.
10:12Quand on regarde l'écart entre les deux, il n'y a pas grand-chose.
10:14Vous évoquez la possibilité de remettre un impôt sur la fortune à 40 milliards d'euros.
10:174 milliards, j'ai dit.
10:184 milliards, pardon.
10:19Ah, on avait entendu 40.
10:20Mais est-ce qu'on peut imaginer, comme ça a été dit, que ces impôts seront exceptionnels
10:25et provisoires ?
10:26Pardon ?
10:27Est-ce qu'on peut penser, comme on l'entend dans la bouche de ce nouveau gouvernement,
10:32qu'il pourrait y avoir des hausses d'impôts exceptionnelles et provisoires ?
10:36Ou est-ce qu'il faut toujours se méfier, en général, lorsqu'on crée des taxes supplémentaires ?
10:40Il y a eu 70 milliards de baisses d'impôts qui ont été faites sur le quinquennat.
10:44Et moi, je pense que, dont certaines ciblées sur les très riches, je veux dire, les 4
10:48milliards de l'ISF, c'est sur les 1% les plus riches qui détiennent 25% du patrimoine
10:52français.
10:53Ça n'est pas rien.
10:54Et je pense que si on revenait en partie là-dessus, ça ne les rendrait pas plus pauvres.
10:57Surtout que, ces dix dernières années, leur fortune a été multipliée par 5 sur les
11:01très grosses familles, en fait, les 0,1% les plus riches.
11:03Donc, il y a quand même quelque chose à aller chercher.
11:06Et puis après, il y a un certain nombre d'aides aux entreprises qui ont augmenté sans mesure
11:10d'efficacité.
11:11Par exemple, le crédit d'impôt sur la recherche, le montant a été multiplié par 3.
11:14Est-ce qu'on a une recherche beaucoup plus efficace que les autres pays européens ?
11:17Pas sûr.
11:18Donc, il faudrait évaluer aussi un certain nombre d'aides et on pourrait trouver des milliards.
11:22Encore une fois, on a les impôts les plus élevés.
11:24Quand on imagine, le débat fiscal, c'est toujours le même en France.
11:31A chaque fois qu'il y a des événements financiers, économiques, on ne regarde jamais les dépenses
11:40publiques, on regarde toujours les impôts.
11:42C'est toujours la même chose.
11:44Les retraites, l'assurance-chômage, ça a été fait, l'hôpital.
11:48Mais soyons très concrets.
11:50Regardons un peu le nombre de ronds-points en France, ça me semble un détail peut-être,
11:55mais ça coûte extrêmement cher les ronds-points aux collectivités locales.
11:58Pourquoi y a-t-il une administration qui contrôle ? Vous savez, pour ma prime Rénov' par
12:03exemple, je vais être très concret, il y a 40 plafonds de revenus, 80 niveaux de primes
12:09différents et il y a un certain nombre d'administrations qui contrôlent ça.
12:12Vous allez faire combien d'économies là-dessus Dominique ?
12:13On va faire des économies.
12:14Des centaines de millions, mais vous n'allez pas trouver les 20 milliards.
12:16On est très loin des baisses d'impôts qui ont été faites aux entreprises et aux gens
12:19les plus riches.
12:20On aura l'occasion de reprendre le sujet une fois qu'on sera entré dans le dur et que
12:26le Premier ministre ira présenter son projet de budget devant les députés.
12:30Merci Thomas Porcher, merci Dominique Seux, à vendredi prochain.

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