Ariane Bois : L'Heure des Livres (Émission du 20/09/2024)
Anne Fulda reçoit Ariane Bois pour son livre «Après elle» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Ariane Bois.
00:02Bonjour et merci de me recevoir.
00:03Je vous en prie. Vous êtes écrivain,
00:06vous êtes journaliste,
00:08et vous avez écrit plusieurs livres.
00:11Gardien de nos frères, Lille aux enfants,
00:12Ce pays qu'on appelle vivre, votre dernier s'appelle Après elle,
00:16et est paru aux éditions Récamier.
00:18C'est un roman sensible qui traite sans faux semblant
00:22de ce qu'on appelle aujourd'hui un féminicide.
00:25Alors, on a envie de vous demander
00:27pourquoi vous vous êtes intéressée à ce sujet.
00:30Est-ce que c'est à partir d'un fait divers particulier ?
00:32Parce que j'ai vu qu'à la fin, vous parlez notamment
00:35de la mort, de l'assassinat de Marie Trintignant
00:39et du terme que certains employaient à l'époque
00:42d'amour à mort qui vous avait choqué.
00:45Oui, qui m'avait vraiment heurtée à l'époque.
00:47Moi, j'écris beaucoup sur les enfants victimes
00:50parce que ce sont souvent les oubliés.
00:52J'écris sur les enfants dans la Shoah,
00:54mais aussi sur le scandale des petits de la Réunion
00:58qu'on est allés chercher et mettre dans les campagnes
01:01de la métropole.
01:02Ici, tout est parti d'une rencontre.
01:04J'ai rencontré une jeune fille qui avait 8 ans,
01:08au moment des faits, qui en avait 11 ans,
01:10donc une enfant, et qui a vu sa maman brûler vive
01:14devant ses yeux par son papa.
01:16Et elle m'a parlé avec des mots très simples,
01:19très durs, très forts.
01:21Et dans le silence, j'entendais aussi
01:24cette espèce de loyauté à son père, malgré tout.
01:27Elle détestait son père pour son geste,
01:30mais elle continuait à l'aimer.
01:31Et je me suis dit qu'on avait parlé des bourreaux,
01:34des assassins, on avait parlé des femmes victimes
01:37qui arrivent dans la cité,
01:39et qu'il était temps, maintenant, de parler des enfants.
01:42Oui, alors là, vous partez du meurtre d'une femme,
01:45Clothilde, qui a été tuée sauvagement par son mari,
01:49qui, à coup de marteau,
01:51et aussi en lui mettant le feu
01:54sous les yeux d'une de ses petites filles,
01:57Manon, dans des conditions particulièrement atroces.
02:00Et, effectivement, vous vous placez du côté des enfants
02:04de ces deux filles, puisqu'elle a une grande sœur,
02:08Roxane, adolescente.
02:10Et ce que vous disiez, c'est ça qui est intéressant.
02:12C'est des sentiments souvent ambivalents,
02:15parce que c'est des enfants qui se retrouvent,
02:17lorsque le père tue la mère,
02:19elles se retrouvent orphelines, d'une certaine façon.
02:21Vous avez raison.
02:23Elles ont perdu leur mère dans des conditions affreuses,
02:25elles ont perdu leur père, qui est, évidemment, en prison,
02:29quand il ne s'est pas tué.
02:30C'est encore un autre problème, puisqu'il n'y a pas de procès.
02:33Et elles se retrouvent complètement désemparées.
02:36Vous vous rendez compte, le père, la mère,
02:38c'est ceux qui sont censés protéger l'enfant à la maison,
02:41les crimes ont lieu à la maison.
02:43Et donc, moi, je voulais montrer que ces enfants-là
02:46avaient un parcours difficile,
02:49qu'ils avaient à subir un chagrin épouvantable,
02:52c'est des plaies à vif,
02:53c'est vraiment des souvenirs indélébiles,
02:56mais qu'ils avaient aussi une force en eux,
02:58une énergie.
02:59J'en ai rencontré beaucoup,
03:01et vraiment, pour moi, ce sont des héros et des héroïnes.
03:04Oui, bien sûr.
03:05On voit des rôles secondaires, par exemple la grand-mère paternelle,
03:09qui fait peser une espèce de culpabilité sur les enfants,
03:12en disant que leur père est en prison.
03:14C'est difficile de trouver la place.
03:16Tout à fait, et puis le déni, aussi,
03:19parce que c'était un accident.
03:21Oui, ce que dit la grand-mère paternelle,
03:23qui tente de sauver son fils chéri.
03:25Et puis, il y a les autres victimes, aussi,
03:28il y a les filles, mais il y a les parents,
03:30lorsqu'on se retrouve avec une...
03:32Enfin, on perd sa fille, assassinée par son propre mari,
03:36la sœur, qui a un rôle important.
03:37La sœur, qui a un rôle très important.
03:40Elle recueille ses nièces, en fait.
03:42Oui, elle va être face à un choix qui n'en est pas un,
03:45en fait, c'est de prendre ses deux fillettes traumatisées.
03:48Effectivement, Manon a assisté à tout,
03:53a été témoin et a, elle-même, été blessée.
03:55Et donc, elle les emmène chez elle, en Normandie.
03:58Mais comment devient-on une mère de substitution ?
04:01Comment remise-t-on ses propres rêves,
04:04puisqu'elle aimerait, elle aussi, fonder une famille
04:07et puis gérer son propre deuil ?
04:10Ce sont des difficultés incroyables et insoupçonnables
04:14pour le commun des mortels.
04:16Et pourtant, Laurie va s'y atteler avec force et énergie.
04:20Et ce qui est intéressant, enfin, c'est que chacun réécrit l'histoire,
04:24se repasse le film en se demandant s'il y a des choses
04:27qui ne lui ont pas échappé jusqu'au procès,
04:30où on voit d'ailleurs toujours les mêmes arguments qui reviennent.
04:33Finalement, elle l'a bien cherchée ou...
04:37...découvre à la fin qu'elle était bien...
04:40Oui, un coup de folie, un accident, quelque chose qui a mal tourné.
04:44Oui, jusqu'à l'an 2000, on parlait vraiment de faits divers,
04:48de disputes conjugales, d'histoires d'amour passionnels, etc.
04:53Et on se rend compte, au procès,
04:55que les choses sont plus complexes que ça
04:57et que Bruno, le mari, est manipulateur,
05:01est dans une espèce de contrôle,
05:03il essaye de surveiller sa femme, etc.
05:05Et en fait, c'est tous les noms dits,
05:07tous les mensonges qui vont exploser.
05:09Je vous conseille de le lire,
05:11ça s'appelle Après elle, c'est paru aux éditions Récami.
05:14Merci, Ariane Bois.