Refus d'obtempérer : «S'il y en a plus aujourd'hui qu'il y a 20 ans, c'est que notre rapport à l'autorité est dégradé», selon Vincent Roy
Céline Géraud, accompagnée de la rédaction d’Europe 1, propose chaque midi un point complet sur l’actualité suivi de débats entre invités et auditeurs.
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00:0013h21, vous écoutez Céline Giraud sur Europe 1 et vous réagissez à l'actualité au 01.80.20.39.21.
00:06Vous êtes aujourd'hui Céline avec votre chroniqueur du jour, l'écrivain et journaliste Vincent Roy
00:10et le chroniqueur politique Olivier Dartigolle.
00:13Bienvenue à bord les amis, ravie de vous retrouver.
00:15Bonjour Céline.
00:16Alors on va revenir évidemment sur ce nouveau refus d'obtempérer qui a failli tourner au drame
00:20hier après-midi au Chennai, c'est dans les Yvelines.
00:23Un policier municipal blessé après avoir été violemment percuté par un chauffard.
00:28Le conducteur qui était au volant d'une voiture volée remplie de sacs de stupéfiants
00:31et a forcé le passage en plein après-midi à l'heure des sorties scolaires, il a pris la fuite.
00:36Il a été interpellé et placé en garde à vue.
00:38Alors je précise que les jours de l'agent de police ne sont pas en danger.
00:41Mais écoutez la réaction, avant d'en discuter avec vous, de Linda Kebab,
00:45policière et secrétaire nationale du syndicat de police Unité SGP Police Force Ouvrière.
00:50Elle était l'invitée de Sonia Barbrouk ce matin à 8h10 sur Europe 1.
00:53On a tout un procès aujourd'hui judiciaire où la condamnation n'arrive qu'en tout bout de chemin
00:58et malheureusement souvent trop tard.
00:59On est sur le parcours d'élinquant typique.
01:01Le parcours d'élinquant, face auquel il n'y a pas eu de choc d'autorité,
01:04et notamment le choc, comme j'en appelle souvent de mes voeux,
01:07de ces peines d'emprisonnement très courtes,
01:09des peines d'emprisonnement qui ne désociabilisent pas et durant lesquelles,
01:13parce qu'aujourd'hui le système pénitentiaire en France est aussi en faillite,
01:16durant lesquelles on pourrait, dans peut-être une utopie,
01:20apporter à ces personnes le choc nécessaire pour éviter, en sortant,
01:25qu'ils ne soient pires qu'au moment où ils sont rentrés.
01:26Voilà, le choc d'autorité et la condamnation qui arrive trop tard.
01:30Olivier Dartigel, là encore, ça revient sur le tapis.
01:32De nouveau un refus d'obtempérer toutes les 20 minutes.
01:35C'est un vrai problème.
01:36Et cet échec de notre système judiciaire sur une idée assez simple
01:42que Béatrice Brugère, dans les locaux mêmes,
01:44sur les zones d'Europe 1 développées il y a quelques jours,
01:48sur la nécessité d'interrompre ce cursus de délinquance,
01:53dès le début, dès la première infraction,
01:56avec une peine rapide et réelle, effective.
02:03Ce qui permettrait, quand cela se fait, mais ça se fait trop rarement,
02:06on a des résultats.
02:08Mais aujourd'hui, notre système judiciaire embolisé,
02:12parfois même clochardisé, sur 1000 euros dépensés,
02:16vous vous rendez compte, il n'y a que 4 euros pour la justice dans les dépenses publiques.
02:21Et un refus d'obtempérer toutes les 17 minutes désormais.
02:23Ce n'est même plus les 20 minutes.
02:25J'ajoute d'ailleurs que ce matin, il y en a eu un à Rennes.
02:28Un homme a tenté de fuir un contrôle de police.
02:31Il a percuté la moto d'un policier avant de quitter son véhicule à pied,
02:33laissant dans la voiture ses deux enfants d'un an et trois ans.
02:36Il faudrait quand même voir, à propos de ces refus d'obtempérer,
02:40je n'ai pas les chiffres, mais ça serait intéressant de voir
02:44si il y a 20 ans, par exemple, on assistait au même phénomène
02:47ou si ça a augmenté durant les dernières années.
02:52Pourquoi je vous dis cela ?
02:53Parce que ça déterminerait une chose qui est importante,
02:56c'est le rapport que l'on entretient avec la police.
02:59On sait qu'il est extrêmement dégradé,
03:01mais il y a de ça aussi le rapport à l'autorité.
03:03S'il y en a plus aujourd'hui qu'il n'y en avait il y a 20 ans,
03:06on peut harguer de difficulté du rapport avec l'autorité.
03:09Autrement, je souscris évidemment à tout ce qu'a dit Olivier,
03:12il faut l'auteur du refus d'obtempérer en l'espèce, celui du Chenet,
03:18là déjà un pédigré, et il faut là une justice
03:23qui doit être extrêmement sévère dès la première fois.
03:27Ce que disait Linda Kebab qu'on va réécouter,
03:29et là elle parle justement de la capacité d'accueil des prisons.
03:32Quand vous avez, à juste titre, un ministre de l'Intérieur
03:34qui engage une parole de fermeté à l'égard, je donne un exemple
03:37qui me concerne et qui concerne ceux que je représente,
03:39les agresseurs de force de l'ordre et la nécessité d'être ferme avec eux,
03:42et que dans le même temps, vous avez, pas seulement pour les forces de l'ordre,
03:45mais l'ensemble de la société, une circulaire qui a toujours cours aujourd'hui,
03:48qui date de Mme Belloubet, qui continue d'exister sous M. Dupond-Moretti,
03:52et qui dit que la peine d'emprisonnement ne doit être prononcée qu'en fonction
03:56de la capacité hôtelière des établissements pénitentiaires,
03:58et que ça doit être la dernière solution.
04:00Vous avez forcément une incohérence entre les deux,
04:02on a l'impression d'avoir une forme de DAU qui ne marche pas droit,
04:04et au final, on a, dans l'opinion publique,
04:07des interrogations sur le bon sens de l'action politique.
04:09Il faut aujourd'hui deux jambes qui partent dans la même direction.
04:12Deux jambes dans la même direction, la capacité des prisons,
04:15la circulaire qui revient là encore une fois sur le dessus de la pile.
04:19Il y a deux dimensions, il y a en effet une surpopulation carcérale,
04:22notamment en maison d'arrêt, avec une difficulté,
04:25parce qu'il y a beaucoup d'hypocrisie sur ce dossier,
04:27pour aller chercher du foncier dans un certain nombre de territoires,
04:30avec des élus qui ne sont pas toujours très allants pour accepter une prison sur leur...
04:36Oui, parce qu'il y a un plan, il y avait un grand plan,
04:38Christine Taubira avait lancé un grand plan de construction de nouvelles prisons.
04:42Ça c'est la première difficulté, l'effectivité de construire des prisons.
04:46La deuxième difficulté, c'est aussi le droit aujourd'hui,
04:51c'est-à-dire le législateur a prévu, dans ses textes,
04:53que la prison était l'ultime recours.
04:56Le seul problème, c'est que les peines alternatives
04:59sont mal expliquées, sont mal comprises.
05:04Quand je vois que c'est parfois des travaux d'intérêts généraux,
05:06c'est très bien que ça n'a pas d'effet.
05:09Donc il faut peut-être une remise à plat au regard de l'évolution de la société.
05:13Et en quelques mots, Vincent ?
05:16Quand on dit qu'il faut que la justice soit plus dure, plus sévère,
05:21il faut surtout qu'elle soit plus effective,
05:24c'est-à-dire que les peines prononcées soient effectuées.
05:28Bien sûr, il faut prononcer les peines,
05:30mais je ne dis pas qu'il faut que la justice continue d'être, pour part, un peu laxiste,
05:35avec une jurisprudence Nobira qu'on n'a sans doute pas su dépasser,
05:40ou une jurisprudence Badinter qu'on n'a sans doute pas su dépasser.
05:43Mais, en tous les cas, il faut vraiment que les peines soient effectives.