Vendredi, samedi et dimanche dans Europe 1 Soir Week-end, Pascale de La Tour du Pin reçoit un invité au cœur de l'actualité politique.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Mais d'abord, nous avons choisi de revenir sur ce procès épouvantable.
00:03Procès épouvantable, en ce moment, en Avignon, procès de cet homme qui est jugé pour avoir
00:09soumis chimiquement son épouse, Gisèle Pellicot, et l'avoir fait violer par des dizaines d'hommes,
00:16une cinquantaine en dix ans.
00:18Son procès s'est ouvert lundi dernier en Avignon, cette affaire a duré dix ans, il
00:25va donc être jugé, il va être entendu.
00:27Sandrine Jossot, députée modem de Loire-Atlantique et porte-parole de l'association Mandorpa,
00:31est avec nous en direct, bonsoir Sandrine Jossot.
00:34Bonsoir.
00:35D'abord, une question sur ce procès, ce procès est très particulier, il met en lumière
00:42effectivement la soumission chimique dont on va parler avec vous, parce que ça peut
00:48concerner des auditeurs, des auditrices d'Europe 1, c'est un phénomène absolument terrible.
00:54Un mot toutefois sur ce procès, peut-on dire que c'est un procès hors normes, peut-on
00:58dire que c'est un procès qui va faire date et pourquoi Sandrine Jossot ?
01:02Alors c'est un procès hors normes, vous avez raison, parce que c'est vraiment le
01:08procès de l'horreur, c'est au quotidien quand on est là-bas, quand on assiste aux
01:14audiences, et bien on découvre en fait la personnalité de Dominique Pellicot au fur
01:22et à mesure du temps, et on découvre aussi toutes les victimes collatérales autour de
01:29sa famille, j'entends bien sûr Gisèle, mais également Caroline, sa fille, et puis
01:36ses belles-filles, et tout ce qu'on ne sait pas encore, et je pense qu'on n'est
01:42qu'au début, donc c'est effectivement le procès de quelqu'un qui s'apparente
01:48vraiment à un monstre, il a fait en fait des choses pendant un nombre d'années incalculables,
01:56il a pratiqué des violences d'ordre sexuel à plein d'endroits.
02:06C'est épouvantable Sandrine Jossot, absolument épouvantable.
02:10Et donc pour répondre à votre question, alors je pense qu'il y aura un avant et un après procès,
02:19ce qui est intéressant aussi, et il faut vraiment remercier Gisèle Pellicot, c'est le fait que ce
02:28procès soit public, donc on parle de beaucoup de choses dans ce procès, on parle bien sûr du profil
02:37de ce prédateur, et également de tous les autres hommes qui ont violé Gisèle Pellicot,
02:45et également on parle de la soumission chimique. La soumission chimique, précédemment on pensait
02:50que ça n'arrivait qu'aux autres, ou tout simplement que ça arrivait plutôt dans le
02:55monde de la nuit, alors que depuis que j'ai mené ma mission gouvernementale avec ma collègue
03:02sénatrice Béronique Guillotin, on a compris que très souvent, les victimes connaissent leurs
03:09prédateurs, donc la soumission chimique, elle s'opère dans la sphère intrafamiliale et amicale.
03:16C'est incroyable ce que vous nous dites Sandrine Jossot, députée modem de l'Ordre Atlantique et
03:21porte-parole de cette association Mont-d'Orpa, 20h19 sur Europe 1, vous nous dites que le danger
03:27vient le plus souvent de la sphère familiale ou amicale. Sur quels faits vous vous basez pour
03:35donner cette information ? Quelles sont ces informations qui remontent ?
03:38Alors tout simplement sur les déclarations des victimes, il faut savoir qu'une victime sur deux
03:44ne se rappelle de rien. Par contre certaines victimes réussissent à porter plainte parce
03:49qu'elles ont des souvenirs, donc elles font des signalements, et donc suite à ces signalements,
03:54ce qui a été recensé, c'est qu'au niveau des statistiques, par exemple entre 2021 et 2022,
04:00il y a 69% d'augmentation des signalements. 69% ? Comment vous l'expliquez ?
04:07J'ai entendu lors de ma mission, donc ça peut être des hommes, des femmes, quel que soit leur âge,
04:14ça peut être aussi malheureusement des enfants. J'ai des victimes qui ont témoigné lors d'une
04:19audition, qui ont relaté des faits lorsqu'elles étaient enfants.
04:23Non mais c'est épouvantable. Épouvantable, plus 69%, mais c'est parce que la parole se libère,
04:31Sandrine Jossot, pourquoi ce chiffre ?
04:33Grâce aux vertus de Me Too, grâce au fait que maintenant on en parle, c'est vrai que Caroline
04:39Darian, donc la fille de Dominique Pellicot, s'est emparée du sujet en créant cette association. Et
04:46puis, au fur et à mesure du temps, on a aussi eu un procès qui est le procès de Laurent Bigorgne,
04:53où il y avait une victime qui a réussi, comme moi, à s'échapper. C'est un procès qui date
04:59maintenant de quelques années, mais de peu d'années. En fait, on comprend finalement que
05:06ce n'est pas un fait divers, c'est une problématique de santé publique et que tout le monde peut être
05:13touché. Alors, quand je dis ça, si vous voulez, ce qu'il faut comprendre, c'est que la soumission
05:20chimique est une forme de violence sexuelle qui, quelque part, est comme un angle mort. Ce n'était
05:31pas assez connu. Et maintenant, grâce à toutes ces personnes qui parlent, on comprend mieux les
05:37modus operandi des prédateurs. Et il faut savoir que ce qui est terrible, c'est que ces prédateurs,
05:44en fait, préméditent leur crime, vous l'avez bien compris. Et finalement, ces prédateurs ont bien
05:50repéré que c'est le crime parfait, parce que, comme ces substances disparaissent très facilement
05:55du sang, les victimes ont énormément de mal à prouver ce qui leur est arrivé.
06:01Alors justement, je vais préciser peut-être aux auditeurs d'Europe, il est 20h21, que vous avez,
06:06vous-même, vous l'avez évoqué il y a un instant en disant que vous aviez réussi à vous échapper,
06:10c'est parce que vous-même avez été victime, en novembre dernier, de soumission chimique. Vous
06:16avez été drogué, à votre insu, par un sénateur. C'est ce qui vous est arrivé. Est-ce que vous
06:21pouvez nous raconter votre histoire ? Alors, c'est un collègue sénateur que je connaissais
06:27depuis dix ans, qui organisait une soirée pour fêter sa réélection. Donc, j'y suis allée,
06:33en coup de vent, en passant plus pour faire une visite de courtoisie, et je me suis aperçue qu'il
06:41m'avait tendu un pied. Je suis tombée dans un guet tapant, et il m'a servi une coupe de champagne,
06:47dans laquelle il avait mis un produit, précisément de l'ecstasy. Globalement,
06:52c'est ce qu'on appelle de la MDMA. Mais tout simplement, moi, ce qui s'est passé,
06:57c'est que j'ai ressenti des palpitations, des nausées, la tête qui tournait. Au bout de quelques
07:02minutes, ça va très vite. Et ce qui m'a sauvée, c'est qu'à un moment donné, comme je voyais
07:08qu'il avait un comportement qui était étrange par rapport à la normale, par exemple, il me
07:13mettait dans le noir. Donc, tout à coup, on se retrouvait dans le noir. J'ai compris, après,
07:18les médecins m'ont expliqué que ça, c'est des modes opératoires des prédateurs, c'est-à-dire
07:21que pour activer l'effet de la drogue, il faut justement agir sur la pupille, et ça permet
07:28d'avoir des effets plus rapides. Et quand j'ai commencé à ressentir tous ces effets bizarres,
07:37à un moment donné, il a voulu me resservir un verre. J'étais dans le salon, il est allé dans
07:41la cuisine. J'ai regardé ce qu'il faisait parce que je trouvais vraiment que la soirée tournait
07:47vraiment très bizarrement. Et là, j'ai vu qu'il avait dans sa main un sachet blanc et j'ai compris
07:53qu'en fait, c'était de la drogue. Et de là, j'ai été terrifiée. Je n'ai pas voulu lui montrer que
07:57j'avais peur. J'avais toujours ces symptômes qui augmentaient, j'avais les jambes qui tremblaient,
08:02donc je me suis échappée en prenant un taxi. Il m'a poursuivie, mais j'ai réussi à m'échapper
08:11tout de même.
08:12Sandrine Jousseau, députée, porte-parole de l'association Mendorpa. Comment, peut-être,
08:20il y a des parents qui nous écoutent, on pense évidemment à nos enfants et nous-mêmes. Comment,
08:26je ne sais pas, comment fait-on pour détecter peut-être un risque de soumission chimique ? Est-ce
08:33qu'il y a des clés ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui doit nous alerter ?
08:37Alors, il y a plusieurs choses. Déjà, comprendre les effets de ces drogues-là. Ce que je vous
08:46ai décrit tout à l'heure, c'est que lorsqu'on boit quelque chose, ça peut être un verre d'alcool,
08:51ou non d'ailleurs, ou quand on mange quelque chose et que tout à coup, très peu de temps après
08:56avoir ingéré de la nourriture ou bu quelque chose, on a tous ces symptômes, la tête qui tourne,
09:02dénausée, de manière très brutale. Ça, ça doit nous interpeller. Le premier réflexe,
09:09c'est d'en parler à une personne autour de vous. Ça, c'est une première chose. Deuxièmement,
09:13en discutant avec les spécialistes qui s'occupent aussi de l'accompagnement des agresseurs,
09:20il faut savoir que ces agresseurs, lorsqu'ils sentent qu'ils ont dans leur ligne de mire une
09:29victime potentielle, ils ressentent que son environnement est protecteur. C'est-à-dire,
09:36s'ils se disent « là, je vais opérer sur un enfant », si l'enfant se rebelle, si les parents
09:43de l'enfant commencent à manifester des signes de protection, s'ils sentent que l'environnement
09:51écoute la parole de sa proie potentielle, là, il va aller ailleurs, c'est-à-dire qu'il repère.
09:57Il y a tout un modus opérendi, c'est-à-dire la proie est repérée et s'il sent que ça va bien
10:04se passer, qu'on ne va pas imaginer que c'est lui qui aurait fait quoi que ce soit, il va y aller.
10:09C'est pour ça que je dis qu'il faut absolument que la société fasse bloc contre tous ces signaux
10:17faibles. Tout doit nous préoccuper, il faut surtout le dire, prévenir bien sûr vos enfants,
10:24mais dès que quelqu'un a un comportement un peu bizarre, il faut tout de suite se méfier et faire
10:35peur aux prédateurs, ne pas avoir une parole faible par rapport à ça et tout de suite menacer
10:44d'une manière très précise, c'est-à-dire dire les choses. En fait, c'est le silence qui leur
10:51permet d'être dans un paradis à tous ces prédateurs. Mais s'ils sentent qu'il y a une
10:58connaissance et un risque qu'ils soient pris la main dans le sac, ils ne le font pas.
11:03Il n'arrêtera pas, il arrêtera. Sandrine, juste dans le cas de Gisèle Pellicot, on n'a pas pu
11:10détecter, c'est-à-dire pendant dix ans, les médecins, parce qu'elle est chez le médecin quand
11:14même Gisèle Pellicot, aucun médecin n'a pu détecter cette soumission chimique, c'est-à-dire
11:20qu'il n'y a pas de symptômes, que c'est difficile à détecter, que ça ne laisse pas de traces dans
11:25le sang ou ailleurs. Une victime sur deux ne se rappelle de rien. Elle, elle n'avait pas de
11:31souvenirs, donc quand on n'a pas de souvenirs, c'est compliqué. Ensuite, bien sûr qu'elle est
11:36allée voir des médecins parce qu'avec les doses qu'ils lui mettaient, elle était très souvent très
11:41assommée. Donc, au regard de ce qu'elle décrivait, sa famille, les médecins pensaient qu'elle avait
11:49une maladie neurodégénérative, Alzheimer ou choses comme ça. Pourquoi les médecins, et bien
11:56sûr beaucoup de gens ne sont pas au courant, parce que voyez un médecin généraliste par exemple,
12:02il n'est pas formé à cette forme de violence, donc il ne peut pas être tout de suite dans un
12:09diagnostic précis. C'est complètement inattendu, il n'est pas formé pour ça. Donc, ça c'est à
12:17plein d'endroits. Le monde médical doit être formé, le monde aussi qui accompagne les enfants,
12:23tout le monde judiciaire, on le voit bien, d'ailleurs on le voit dans le procès, à plein
12:29d'endroits il y a un défaut de formation sur qu'est-ce que la toxicologie, comment les experts
12:35interprètent les résultats. Et tant qu'on n'aura pas de personnes aguerries, formées pour accompagner
12:42et pour prévenir, et bien je vous dis que les prédateurs continueront.
12:47Alors, justement, Candrine Jossot, c'est très intéressant ce que vous êtes, vous êtes députée,
12:52porte-parole de l'association Monde hors pas. Vous avez été à la tête d'une mission parlementaire
12:57sur la soumission chimique, qui a été interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale.
13:01Est-ce que vous espérez, est-ce que vous demandez justement que les parlementaires
13:05se saisissent à nouveau du dossier ?
13:07Alors, cette mission gouvernementale, vous l'avez dit, elle a été interrompue lors de la dissolution.
13:14Comme c'est un sujet transpartisan et universel, je compte bien, et ma collègue Véronique Guillotin,
13:22compte bien aussi qu'on soit toutes les deux reconduites pour qu'on puisse continuer cette
13:27mission, parce qu'on avait commencé cette mission au mois d'avril, et donc bien vous comprenez qu'il
13:34y a encore fort à faire, et ce procès est aussi pour nous deux l'occasion de regarder ce qui se
13:41passe dans la vraie vie, ce qui se passe dans les tribunaux, comment la Cour aujourd'hui, on va dire,
13:48traite le sujet, parce que comme c'est un angle mort et que c'est l'arbre qui cache la forêt de
13:54toutes les violences, et bien c'est un cas d'étude, ce procès, qui je pense, je pense, changera beaucoup
14:02de choses en France, pour la prévention et l'écoute de toutes ces victimes, de toutes ces violences,
14:11parce que c'est à plein d'endroits, il faut maintenant arrêter ce silence autour de ça,
14:18et ça fait des ravages sur les victimes, et c'est important aujourd'hui que toute la société brise
14:24ce tabou. Merci beaucoup Sandrine Jossot, députée porte-parole de l'association Mandorpa d'avoir
14:30été en direct avec nous sur Europe 1, il est 20h30. Europe 1, le journal permanent.