• il y a 3 mois

Olivier De Lagarde revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, les Français vont-ils encore en boîte de nuit ?

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Transcription
00:00Europe 1 et vous, 11h-13h, Olivier Delagarde.
00:05Midi 33 dans Europe 1 et vous, juste avant, journal permanent, je vous disais qu'on allait
00:16aborder le festival interceltique de l'Orient, alors vous l'entendez, ce n'est pas tout à
00:20fait ça, c'est normal puisque juste avant, nous allons aborder un sujet musical, pas
00:24en Bretagne mais en boîte de nuit et pour en parler avec vous Olivier Delagarde, vous
00:27recevez maintenant Christian Jouny, délégué général du syndicat national des discothèques
00:32et lieux de loisirs.
00:33Oui, parce que la période est évidemment, c'est la haute saison pour toutes les discothèques
00:37qui se situent dans toutes les zones touristiques, est-ce que les Français vont encore en boîte
00:41de nuit ? On en parle avec vous, bonjour Christian Jouny.
00:44Bonjour.
00:45Alors, on sait que c'est un secteur qui a beaucoup souffert ces dernières années,
00:49notamment avec la crise Covid, c'est quoi aujourd'hui la situation économique des discothèques
00:54?
00:55La situation économique reste quand même assez tendue dans la mesure où, vous l'avez
01:00rappelé, c'est probablement la profession qui a été la plus touchée dans cette période
01:06Covid.
01:07Donc aujourd'hui, évidemment, on a laissé, il y a eu l'enthousiasme de la réouverture,
01:12bien évidemment en 2021, mais n'oublions pas que nous avons été fermés à deux reprises
01:18et donc l'élan de la première réouverture s'est estompé dès le mois de décembre
01:232021.
01:24Donc il a fallu retrouver, redoubler d'énergie pour essayer de revitaliser cette profession
01:30et retrouver la clientèle qui, bien sûr, avait envie de faire la fête, mais aujourd'hui
01:36on se retrouve dans une situation qui n'échappe pas à la règle plus générale en matière
01:42économique et les clients, évidemment, font des choix.
01:45Il y a beaucoup d'établissements qui ont fermé et qui n'ont pas rouvé ?
01:49Oui, malheureusement, on peut le dire, 25% de la profession a disparu.
01:5325% ? Un quart des discothèques n'ont pas ouvert ?
01:57Oui, parce que lorsque vous êtes 20 mois fermés, lorsque vous touchez la première
02:05indemnisation, 7 mois après la fermeture, il faut faire face à ces charges et donc
02:11vous avez un grand nombre d'établissements qui, eux, n'ont pas pu supporter cette période-là.
02:16Et je tiens aussi à souligner que, vous savez, sans rentrer dans des détails, la première
02:23indemnisation était limitée à 15 000 euros par mois, quand vous savez que certains d'entre
02:28nous ont des charges de l'ordre de, ne serait-ce que locative, du double, donc on creusait
02:34le déficit, y compris avec les indemnisations.
02:36Donc oui, c'est une profession qui, aujourd'hui, pour ceux qui ont rouvert, est encore en grande
02:41convalescence.
02:42Tout simplement parce que, non seulement on nous a fermés, nous n'avons pas pu travailler
02:47pendant 20 mois, nous avons dû nous endetter lourdement, et aujourd'hui, eh bien, il va
02:53falloir rembourser ce PGE.
02:55Vous voyez, c'est la profession probablement la plus touchée pendant cette période Covid,
03:01vraiment.
03:02Christian Jouny, où se trouvent, aujourd'hui, les discothèques ? Si je vous pose la question,
03:07c'est qu'on a l'impression que les boîtes en milieu rural, qui étaient parfois des
03:11établissements très importants, ont un peu disparu.
03:13Aujourd'hui, quand vous habitez, par exemple, à Drouilles-les-Belles-Fontaines, vous êtes
03:17obligé d'aller jusqu'à Auxerre pour aller en boîte.
03:18Vous avez raison, la situation est assez hétéroclite.
03:22Vous avez, hors d'entrevue, un certain nombre de petites clubs qui fonctionnent plutôt
03:26bien, qui tirent bien leur épargne du jeu.
03:28Vous avez des grands clubs qui, eux, doivent redoubler d'imagination pour remplir de manière
03:33hebdomadaire.
03:34C'est compliqué.
03:35Et vous avez ce qu'on a coutume d'appeler la France périphérique, le milieu rural,
03:40qui, lui, vit une situation de crise profonde.
03:43Et donc, à côté de ça, restent probablement les zones touristiques, dans les stations
03:48de l'Urbanaire, dans lesquelles, finalement, pendant la période de vacances, la clientèle
03:53sort de façon assez massive.
03:55Mais oui, vous avez raison, les discothèques, petit à petit, disparaissent du milieu rural.
04:02Il faut le dire, oui.
04:03Et puis, il y a un truc qui avait été terrible quand même pour vous, ça a été l'interdiction
04:08de fumer dans vos établissements.
04:10Oui, vous avez raison, ça a été un premier choc, mais finalement, on l'a surmonté globalement.
04:18C'était plutôt vrai en centre-ville pour des raisons de nuisance.
04:21C'est-à-dire que, lorsque vous étiez obligés de faire sortir des clients pour fumer leur
04:24cigarette, évidemment, les riverains pouvaient malheureusement subir un certain nombre de
04:31nuisances.
04:32Donc oui, la fréquentation a été touchée dans ces zones-là.
04:34Mais pour ceux qui avaient la chance d'être implantés dans d'autres zones, avec un peu
04:41moins de voisinage, l'interdiction de fumer n'a pas non plus été trop importante.
04:46Et bien, est-ce que vous n'avez pas été également victime des applications de type
04:49Tinder, de ces applications de rencontre ? Parce qu'aller en bout de discothèque, c'était
04:54quand même pour essayer de rencontrer une âme sœur, quoi, et là, vous avez été
04:58concurrencés par le numérique, quoi.
05:01Vous savez, je crois qu'on passe des périodes où vous avez des modes, il y a toujours des
05:07périodes comme ça, où les choses changent, l'intérêt des gens évolue.
05:11Mais je dois dire quand même par expérience, moi j'observe le métier depuis un peu plus
05:16de 25 ans, et je m'aperçois que lorsqu'on arrive à créer une dynamique, c'est-à-dire
05:23qu'il faut aussi de temps en temps faire de l'événementiel, faire un certain nombre
05:26de choix musicaux pour que les clients trouvent un intérêt, si vous voulez.
05:32Donc non, je ne crois pas que ce métier est en disparition, pas du tout.
05:37Je crois qu'il faut se renouveler de manière récurrente.
05:41Vous savez, dans tous les métiers, on doit faire preuve d'innovation.
05:44Et bien, je pense qu'en discothèque, c'est la bonne chose.
05:46Bon, alors Christian Jouny, vous parliez des choix musicaux de vos établissements.
05:51Je voudrais vous faire écouter un truc qu'on n'entend jamais, mais alors jamais dans les
05:56boîtes aujourd'hui.
05:57Oui, ça, c'est des trucs de mon époque, ça s'appelle un slow, et ça n'existe plus
06:13en boîte.
06:14Mais pourquoi vous avez supprimé tous les slows ?
06:16Écoutez, d'abord, pourquoi ? J'allais dire que l'intérêt, là encore, et les choix
06:25musicaux qui ont pu être faits par les clientèles se sont tournés vers d'autres choses.
06:29Mais oui, vous avez raison, on n'a plus ou très, très peu de slows en discothèque.
06:34Alors, de temps en temps, on a quelques soirées années 80 ou 70, ça nous arrive parfois,
06:40vous savez.
06:41Et donc là, on a une clientèle qui a connu ce à quoi vous faites référence et qui
06:46vient de temps en temps.
06:47Mais reconnaissons-le, cette clientèle ne sort pas chaque week-end et n'exprime pas
06:54un intérêt pour la discothèque de façon récurrente, en tout cas, pas suffisamment
06:58pour qu'on puisse remplir et rentabiliser ces espaces-là, vous voyez ? C'est aussi
07:02simple que ça.
07:03Souvent, la règle économique, malheureusement, l'emporte.
07:05Mais vous vous souvenez du quart d'heure américain ?
07:07Ah bah voilà, c'est ça que j'allais dire.
07:09Absolument, absolument, j'ai dansé là-dessus.
07:11Vous savez, moi, ça y est, je passe un peu la main, c'est fini pour moi, ou pratiquement.
07:15Ne dites pas ça, ne dites pas ça.
07:18Mais j'ai connu cette période avec grand plaisir, bien sûr que c'était une autre
07:23époque.
07:24Mais vous êtes sûr que vous lancez dans une boîte là, on dirait, on va faire quart
07:28d'heure américain, on va mettre des slows, c'est à vous mesdames d'inviter ces messieurs,
07:31et que ça ne marcherait pas ?
07:32Ça nous arrive parfois.
07:34On a quelques litiges qui prennent ce type d'initiatives, souvent d'ailleurs avec
07:38succès, mais c'est vrai que nous ne le faisons pas chaque week-end.
07:42C'est quoi le sociotype des gens qui fréquentent les boîtes aujourd'hui ?
07:48Écoutez, on a finalement un peu de tout.
07:51Vous savez, une boîte par nature a tendance à, évidemment on suit les choix musicaux
07:56du moment, vous avez le rap aujourd'hui qui a pris une, on va dire, qui connaît un succès
08:04probablement sans précédent, mais vous avez encore une fois une clientèle qui est parfaitement
08:10hétéroclite.
08:11Donc les choix sont différents.
08:12Il y a une majorité, la jeunesse de 18-20 ans, s'en va vers ce que j'appelle les choix,
08:18ce qui passe aujourd'hui en radio de façon récurrente, c'est plus le rap, mais on retrouve
08:25aussi des musiques un peu plus éclectiques, selon les régions, les choix évoluent.
08:34Oui, et puis il y a des boîtes selon différentes clientèles, c'est toujours difficile d'entrer
08:41en discothèque parce qu'il y avait toujours eu l'angoisse, c'est le vieux barbon qui
08:46parle, de savoir s'il vit dehors à l'aide d'une laissée rentrée, quoi.
08:51Vous savez, les choses ont beaucoup évolué.
08:53Aujourd'hui, ceux à qui vous faites référence, ces agents de sécurité, ont plutôt une formation
09:01sur toute la problématique sécuritaire.
09:03Si vous êtes dans le centre-ville, les choses sont sans doute un peu moins marquées.
09:09Dès que vous entrez en province, c'est différent parce que le problème sécuritaire, notamment
09:15le transport, les conditions dans lesquelles vous allez être transporté, tout ça sont
09:19des sujets qui sont traités par ces agents de sécurité, et donc leur intérêt à eux,
09:24c'est d'essayer, si la personne qui rentre dans l'établissement ne va pas pouvoir rentrer
09:29en bonne santé chez elle.
09:30Et donc beaucoup d'établissements ont investi très lourdement dans des moyens de locomotion
09:36gratuits, donc ça veut dire que l'autorisation d'accès est aussi tributaire de la manière
09:42dont vous acceptez de rentrer chez vous.
09:44Ce sont des sujets qui n'existaient pas il y a 20 ou 30 ans.
09:47Il y a 20 ou 30 ans, les clients rentraient par leurs propres moyens, et j'allais dire
09:52peu de responsables s'inquiétaient de la manière dont les gens allaient pouvoir rentrer
09:57chez eux.
09:58Aujourd'hui, les choses sont complètement différentes, et je vous assure qu'en matière
10:02de prévention, là pour le coup, ça mérite d'en parler, parce qu'il y a des choix qui
10:06sont faits et qui sont lourds en matière économique, avec des transports gratuits,
10:11avec parfois des bus, vous voyez, donc rentrer dans une discothèque, ce n'est pas forcément,
10:17c'est une vraie question, mais à condition qu'on ait des réponses sur la manière
10:22dont la personne va pouvoir être accompagnée chez elle.
10:25Parce que faire la fête, c'est bien, consommer un peu d'alcool, pourquoi pas, mais on ne
10:30peut pas prendre le risque de laisser quelqu'un partir avec son véhicule s'il a consommé
10:35de l'alcool.
10:36D'autant que c'est sur les consommations que vous gagnez votre vie, et notamment l'alcool.
10:41Oui, mais vous savez, compte tenu des charges qui sont les nôtres, en fait, et compte tenu
10:45des prix pratiqués, notamment sur la consommation d'un verre ou d'une bouteille, on ne peut
10:51plus s'alcooliser en discothèque de manière outrancière, vous voyez ce que je veux dire.
10:56Aujourd'hui, on assiste à des choses un peu différentes, et vous avez raison de l'évoquer,
11:01vous avez des jeunes qui parfois font la fête un petit peu avant chez eux, s'alcoolisent
11:06un peu, et finalement se fournissent ailleurs, dans des grandes surfaces ou ailleurs, et
11:12donc ce n'est pas en discothèque qu'on consomme énormément d'alcool, mais quand
11:19on arrive en discothèque, vous aviez raison de le souligner, l'agent de sécurité doit
11:23s'assurer que la personne est capable à la fois de faire sa soirée, mais également
11:28de rentrer dans de bonnes conditions chez elle.
11:30Un dernier mot, c'est facile aujourd'hui d'ouvrir une boîte de nuit, est-ce que les
11:33municipalités voient l'installation d'une discothèque sur leur commune d'un bon oeil ?
11:38Alors pour le coup, la Covid a pu éclairer les choses, c'est-à-dire qu'on a pu voir
11:42que sans discothèque, la jeunesse avait besoin de faire la fête, ça c'est un vrai sujet
11:48qui a permis de mettre en exergue le fait qu'il faut des lieux de loisirs sécurisés.
11:52En revanche, je réponds à votre question très franchement, non, c'est compliqué
11:57d'ouvrir une discothèque pour une raison simple mais que beaucoup ignorent, c'est qu'aujourd'hui
12:01les banques sont particulièrement frileuses à l'égard de nos établissements, tout simplement
12:06parce que dès qu'un problème surgit, on va chercher la responsabilité pénale du
12:11gérant et on ferme de façon quasi systématique un établissement s'il y a un accident, un
12:16accident de la route, vous voyez, quel que soit le problème, très souvent les préfets
12:21ont pas l'habitude de prendre des décisions rapides et extrêmement dures en termes économiques
12:27puisque ils procèdent à une fermeture administrative, le temps qu'on discute et finalement le problème
12:32est malheureusement pas réglé mais économiquement a des lourdes conséquences pour l'entrepreneur
12:39qui justement exploite une discothèque, donc oui c'est très difficile aujourd'hui d'exploiter
12:44un établissement de nuit parce qu'on peut être sujet à des décisions de fermeture
12:49administrative arbitraires et ça c'est un vrai sujet, moi je souhaite d'ailleurs dans
12:54les prochains mois, j'attends qu'une chose, c'est que le gouvernement soit nommé pour
12:58qu'on puisse essayer, je dis bien essayer de nouer une relation enfin avec le ministre
13:05de l'Intérieur pour essayer de construire quelque chose pour la profession.
13:09Merci, merci beaucoup Christian Jouny, délégué général du syndicat national des discothèques
13:14et lieux de loisirs.

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