La grande interview : Menna Rawlings

  • il y a 3 semaines
L'ambassadrice du Royaume-Uni à Paris, Menna Rawlings, était l’invité de #LaGrandeInterview dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
Transcript
00:00Bonjour Ména Rawlings, vous êtes ambassadrice du Royaume-Uni en France, merci d'être avec nous ce matin, d'avoir accepté notre invitation, nous allons bien sûr parler des émeutes qui ont secoué votre pays pendant une semaine, des émeutes suivies de contre-manifestations, de militants antiracistes, et je voudrais entendre votre analyse sur ce qui s'est passé, tout d'abord ces émeutiers, qui étaient-ils, est-ce qu'il n'y avait parmi eux que des casseurs racistes, comme c'est souvent présenté, ou leur profil est plus divers,
00:29plus nuancé ?
00:31Oui d'accord, merci beaucoup pour cette question.
00:33Donc en fait, peut-être, je voudrais dire premièrement que c'était très triste qu'avant les émeutes, il y ait eu la mort de trois petites filles, donc c'est aussi une question qui est très difficile pour mon pays,
00:49et je suis reconnaissante que le Président, Monsieur Macron, a téléphoné à notre Premier ministre pour s'exprimer sur cette question, pour partager les condoléances du peuple français pour cet événement tout à fait horrible, et vous avez raison, après ça nous avons vu des émeutes autour du pays, l'ampleur était inquiétante,
01:11mais en même temps c'est très important de se souvenir que le nombre était assez petit, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de grandes manifestations, c'était des petits groupes de personnes qui ont décidé de faire des émeutes.
01:28On fait avec tous les profils de ces personnes, mais la chose la plus importante c'est qu'il y a eu des actes qui étaient racistes contre les mosquées, contre les minorités, et les actions aussi contre la police qui étaient complètement inacceptables,
01:50et c'était la raison pour laquelle vous avez vu une réaction très très forte de la part de notre police et de notre système judiciaire.
01:58Alors on va reprendre les choses dans l'ordre, effectivement vous l'avez dit, le point de départ de ces émeutes c'est cette histoire atroce, l'attaque au couteau perpétrée par un jeune homme de 17 ans, il a tué trois fillettes,
02:10et à cela s'ajoutent derrière des spéculations sur ses origines, sa religion, sur les réseaux sociaux, l'emballement commence, la machine est à ce moment-là inarrêtable, à ce moment-là qui tire les ficelles selon vous, qui derrière ajoute de la colère à la colère selon vous ?
02:26Oui d'accord, donc premièrement c'est clair qu'il y a eu une colère après cet incident, cet événement horrible, mais il y a aussi, on peut voir qu'il y a eu aussi des éléments de discours de haine, spécialement sur les réseaux sociaux,
02:46donc en fait il y a des théories du grand plan qui n'étaient pas correctes immédiatement après cette attaque, et pour moi ça a créé une situation où il y a beaucoup de colère de personnes qui ont décidé d'être dans les rues pour protester, pour manifester en faveur des petites filles, mais avec ces éléments aussi qui étaient plus violents, et ça ce n'est pas acceptable.
03:14On a beaucoup parlé aussi du rôle d'Elon Musk, le milliardaire détenteur du réseau social X, qui a déclaré que la guerre civile était devenue inévitable, qui a aussi le pouvoir de bloquer ou débloquer des personnalités controversées sur son réseau social, vous pensez qu'Elon Musk, il a une responsabilité dans tout ça, que le fait d'être suivi par 193 millions de personnes lui confère un pouvoir presque étatique ?
03:38Oui, donc pour moi tout le monde a une responsabilité d'éviter les choses qui ne sont pas vraies, qui ne sont pas correctes. Bien sûr, il n'y a pas de guerre civile chez nous, chez Royaume-Uni, comme j'ai dit, c'était des personnes, des groupes qui étaient assez petits en termes de nombre de personnes, c'est la première chose.
03:58Deuxièmement, pour moi c'est très important de trouver un équilibre entre la liberté d'expression, qui est très très importante dans mon pays. Nous avons une bonne tradition de la liberté d'expression, de discours, mais en même temps, il faut qu'il y ait aussi une responsabilité de la part de tous pour être responsables, pour être modérés, afin d'éviter la provocation.
04:29Malgré les violences, les provocations, les groupuscules extrémistes qui ont pu générer ces émeutes, est-ce qu'il n'y a pas des mots plus profonds dans le pays pour qu'il y ait une réaction aussi radicale après la mort de ces trois fillettes ? Est-ce que le pays n'était quelque part pas une sorte de cocotte minute avec un modèle multiculturel en crise ?
04:55Premièrement, je voudrais expliquer que le soutien pour les émeutiers était très très petit, parce qu'il y a eu un sondage et en fait 93 personnes britanniques ont dit que ce n'était pas acceptable. Donc il n'y a pas beaucoup de soutien pour les émeutiers, c'est la première chose.
05:20Mais deuxièmement, bien sûr, il y a des défis dans nos deux pays, dans nos sociétés après la Covid, après les chocs économiques dans les années récentes. C'est clair qu'il y a des groupes qui sont peut-être déconnectés du centre de pouvoir, la ruralité en France. Il y a peut-être les mêmes questions.
05:42Donc nous avons un nouveau gouvernement chez nous au Royaume-Uni qui a dit qu'on doit aborder ces questions, on doit améliorer la situation pour toutes les personnes, toutes les communautés différentes autour du Royaume-Uni afin d'élever le niveau de...
06:01Et la question migratoire. On a 51% des Britanniques qui estiment qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour votre pays. C'est le résultat d'un sondage YouGov et puis aux dernières législatives il y a aussi une partie anti-immigration de Nigel Farage qui a eu 14% qui a obtenu cinq sièges. Il est entré au Parlement à l'issue de ces élections. Est-ce qu'il n'y a pas là aussi un problème ou en tout cas une question sur les flux migratoires qui sont encore insuffisamment contrôlés ?
06:27Oui, oui. Donc pour moi il y a deux éléments de cette question. Premièrement l'immigration légale où notre gouvernement a dit que oui en ce moment le niveau de cette immigration c'est trop haut et on doit essayer de diminuer le nombre de personnes qui arrivent au Royaume-Uni chaque année. Nous avons besoin d'immigration dans nos deux pays. C'est comme ça je crois.
06:53Mais en même temps il faut gérer le flux afin d'établir un flux qui est gérable jour par jour pour toutes les communautés britanniques. Mais deuxièmement il y a aussi cette immigration clandestine qui est un grand défi pour vous, pour la France mais aussi pour le Royaume-Uni.
07:13Et nous avons un problème spécifique comme vous le savez dans la Manche. Par exemple cette année nous avons plus de 18 000 personnes qui ont traversé déjà la Manche cette année. Donc nous avons décidé de coopérer très très étroitement avec la France pour essayer de stopper le trafic de personnes et de briser les réseaux de passeurs qui sont responsables pour ce phénomène.
07:39Mais très brièvement je voudrais dire une autre chose, c'est que nous avons aussi au Royaume-Uni une tradition fière d'être très accueillant pour les migrants. Et par exemple si on regarde notre équipe dans Team GB, dans les JO, on peut voir les résultats d'une intégration et d'une immigration qui est aussi très très positive pour mon pays.
08:06Je voudrais qu'on revienne sur la réponse policière et judiciaire à ces émeutes. Police et justice ont d'ailleurs réagi avec une grande rapidité et aussi une grande sévérité. On a près de 500 personnes qui ont été arrêtées, 150 inculpées et la justice a commencé à délivrer des dizaines de condamnations. Contrairement à la France, au Royaume-Uni, l'importance du maintien de l'ordre ne fait pas de débat finalement entre les travaillistes et les conservateurs ?
08:31Pas vraiment. En fait je crois qu'il y a beaucoup d'accords entre les deux parties sur cette question. Et en fait vous avez vu exactement comme vous avez dit, une réponse très très rapide et très très forte. En fait maintenant je crois que c'est 700 personnes qui ont été arrêtées et 300 qui ont été inculpées déjà.
08:54Et je crois que cette réponse très très forte de la police, de notre système judiciaire a aidé beaucoup la situation afin de gérer la situation et d'établir plus de camps dans les rues de Londres et d'autres villes du Royaume-Uni.
09:13Autre mesure utilisée par le gouvernement britannique, c'est ce qu'on appelle le name and shame. On connaît assez peu ça en France je dois vous le dire. Ca veut dire nommer et faire honte aux fauteurs de troubles. Ca consiste à rendre publiques les photos, les identités des personnes recherchées et ce avant leur jugement, avant même leur jugement. D'ailleurs les médias ne se privent pas pour faire circuler les photos de ces personnes en une de leurs médias.
09:35C'est quelque chose qui est donc je le disais quasiment impossible dans notre pays en vertu de la présomption d'innocence. Est-ce que cette méthode est efficace ? Est-ce qu'elle a fait ses preuves aussi par le passé ?
09:43Oui oui c'est une question très très intéressante parce que bien sûr il y a des différences entre nos deux systèmes judiciaires donc c'est possible chez nous mais comme vous avez dit c'est plus difficile ici en France. Pour moi ça a été très très efficace et bien sûr on peut publier des photos s'il y a des belles raisons pour penser que les personnes ont été impliquées dans les meutes.
10:06Mais la réponse est très importante parce que vous avez une communauté, une famille autour de cette personne ou ces personnes qui du coup peuvent mettre de la pression sur la famille, sur la jeunesse d'éviter les actions comme ceux des personnes qui sont named and shamed.
10:28Donc pour moi c'est efficace. Je me souviens des wanted affiches aux Etats-Unis il y a plusieurs années et pour moi c'était aussi efficace donc pour moi c'est une bonne méthode pour stopper la violence en fait.
10:47Est-ce que vous qui connaissez bien la France vous avez le sentiment qu'une crise telle que vous avez traversée au Royaume-Uni peut se produire ici aussi à votre avis ?
11:17Pour moi le sport c'est quelque chose qui peut réunir le pays et c'était une raison pour laquelle j'étais ravie.
11:36On va voir votre regard britannique sur ces JO 2024. Les Français vous nous connaissez sont très râleurs parfois, peuvent être pessimistes aussi de nature et on a finalement presque tous basculé. Les jeux sont arrivés, ils ont séduit les plus ronchons.
11:57Et vous Mena Rawlings, vous avez assisté à beaucoup d'épreuves. Qu'est-ce que vous en avez pensé ? Vous avez senti cet engouement incroyable dans le pays ?
12:05Oui absolument et en fait peut-être c'est vrai que les Français sont plus pessimistes je ne sais pas mais c'était en fait exactement le même à Londres en 2012. Avant les JO il y a eu beaucoup de pessimisme, beaucoup d'inquiétude pour la circulation, la sécurité et en fait c'était aussi un bon succès pour notre pays.
12:27Donc je suis ravie que ce soit une bonne réussite pour la France. Félicitations aux Français à Paris parce que c'était vraiment excellent. C'était un temps de joie pour moi.
12:39J'ose la comparaison permettez-moi mais est-ce que c'était mieux ou moins bien que les JO de Londres en 2012 ?
12:45Je suis diplomate donc je ne peux pas le dire. Pour moi les deux étaient vraiment excellent et en fait les deux étaient différentes aussi. Les deux étaient authentiques c'est-à-dire Londres était Londres et Paris était Paris et les deux étaient super.
13:02Alors vous connaissez bien Paris, on n'a jamais vu une capitale aussi sûre, aussi propre avec des transports aussi efficaces là aussi. Vous l'avez relevé, on parlait tout à l'heure de la police britannique qui était plutôt efficace mais j'ai envie de dire que la police française finalement n'est pas en reste.
13:15Oui oui c'est vrai. Pour moi l'effort sécuritaire était extraordinaire et nous avons vu une très belle coopération entre la police britannique. En fait nous avons déployé plus ou moins 250 policiers britanniques dans les rues de Paris avec aussi 50 chiens pour sniffer dogs on dit en anglais.
13:40Oui des cinéphiles je pense.
13:42C'est ça exactement. Je suis fière que nous ayons une partie de ce succès pour la France.
13:50Alors je vais bien sûr jouer avec la rivalité séculaire entre la France et la Grande-Bretagne, elle est aussi sportive cette rivalité. Alors je suis navrée, on est arrivé devant vous pour ces JO en cinquième position.
14:00Je sais, félicitations.
14:02C'est assez rare pour le souligner, c'est pour ça que je me permets de me faire sur ce plateau, ça ne s'est pas joué à grand chose. Vous êtes fière toutefois de vos athlètes ?
14:09Oui bien sûr. Donc en fait nous avons gagné 65 médailles, en fait c'est une médaille plus que la France.
14:16Et on a eu plus de médailles d'or.
14:19Plus de médailles d'or, c'est ça. Donc peut-être c'est gagnant-gagnant. Je suis super fière de notre équipe Team GB. Nous avons fait une très bonne performance et comme j'ai dit aussi, pour moi c'est une bonne représentation de mon pays. Donc j'étais fière bien sûr.
14:38Merci infiniment Mena Rawlings, vous êtes ambassadrice du Royaume-Uni en France. Merci d'avoir accepté notre invitation sur CNews Europe.
14:45Merci beaucoup Anthony.

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