Béatrice Brugère, magistrate et secrétaire générale du syndicat Unité-magistrat FO, était l’invitée de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
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00:00Bonjour Béatrice Brugère, et bienvenue à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:04Vous êtes magistrate, secrétaire générale du syndicat Unité Magistra FO,
00:08auteure du livre Justice, la colère qui monte, un livre doublement récompensé,
00:13notamment par le prix du barreau.
00:15Béatrice Brugère, à la une de l'actualité et face au narcotrafic
00:18et à la myriade d'organisations criminelles qui s'implantent en France,
00:21avec un système, rappelons-le, fondé sur la peur, la corruption
00:25et des règlements de compte sanglants,
00:27il y a une proposition de loi intitulée Pour sortir la France du piège du narcotrafic.
00:31Elle a fait consensus hier au Sénat.
00:33Il est question de ce fameux parquet dédié au narcotrafic, du statut du repenti.
00:38De tels prérogatives sont bienvenues.
00:40Mais pour la magistrate que vous êtes, est-ce que c'est suffisant
00:42quand on parle d'une menace existentielle aujourd'hui ?
00:45Oui, alors d'abord, c'est une très bonne nouvelle que le Sénat,
00:48il faut quand même le dire que c'est le Sénat qui a fait ce rapport,
00:52cette enquête extrêmement intéressante et qui débouche en effet aujourd'hui
00:56sur une proposition de loi assez ambitieuse.
00:59C'est une très bonne nouvelle parce qu'on s'aperçoit
01:03qu'il y a un décalage extrêmement important entre la réalité criminelle
01:06que certains dénoncent depuis longtemps, y compris les magistrats,
01:09et puis notre capacité de riposte, on va dire,
01:13à la fois sur le plan judiciaire, mais sur le plan aussi policier
01:17et sur le plan de la santé publique, qui est un peu la grande oubliée,
01:21je crois, aussi, de cette réflexion qui est en effet en ce moment au Sénat.
01:26Pourquoi je parle aussi de santé publique ?
01:28Parce que les chiffres, et vous les avez sans doute déjà commentés,
01:31sur la consommation disent beaucoup aussi de l'état de la menace.
01:36C'est-à-dire qu'on a tendance à s'occuper beaucoup des organisations criminales,
01:40et on a raison, parce qu'on a pris du retard,
01:42mais ces organisations criminelles, elles ne prospèrent que parce qu'il y a une consommation importante.
01:48Évidemment, un marché.
01:49Et là-dessus, je dis simplement, je ne vais pas vous donner trop de chiffres,
01:52mais ils sont intéressants.
01:53C'est-à-dire que ce que l'on voit, c'est la rapidité, c'est-à-dire la vitesse,
01:58sur l'offre de consommation et les addictions.
02:02Par exemple, la cocaïne, qui était une drogue plutôt réservée à une certaine élite,
02:07s'est totalement démocratisée.
02:09Elle reste très pure, mais elle reste très accessible en termes de prix.
02:13Elle est déversée, ça veut dire que la France est devenue une cible.
02:16C'est une submersion, comme l'a dit Lise de l'Intérieur.
02:19C'est une submersion. Et pourquoi c'est une submersion ?
02:21Parce qu'en fait, elle arrive par toutes les voies.
02:23Les voies maritimes, d'abord, qui sont, vous le savez, des tonnes, en fait.
02:27Parce que c'est des tonnages, les bateaux, donc c'est des tonnes qui peuvent traverser.
02:31Je rappelle à ce propos, d'ailleurs, qu'on ne contrôle que 2%.
02:35Pourquoi, d'ailleurs, on ne contrôle que 2% ?
02:38Ça, c'est une vraie question.
02:39Certains disent tout simplement parce que c'est le fameux libre-échange.
02:42Exactement, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas ralentir les échanges commerciaux,
02:46les flux commerciaux.
02:47Donc, si vous commencez à contrôler tous les bateaux qui arrivent,
02:50évidemment, vous stoppez.
02:52Et donc, vous avez tout de suite une conséquence économique sur les flux commerciaux.
02:57Mais il n'y a pas que la mer.
02:58Il y a aussi la poste, par exemple.
03:00On oublie ça.
03:01Mais la poste est aussi, puisqu'on est sur une ubérisation de la consommation.
03:06Donc, en fait, le monde...
03:08Pardonnez-moi, Béatrice, mais les accès routiers, évidemment.
03:11Et la question se pose du contrôle de nos frontières également.
03:14Exactement.
03:15Donc, en fait, aujourd'hui, pour les politiques, la question, c'est la question des priorités.
03:18Par où commencer ?
03:19L'enjeu du politique, il est double.
03:22C'est à la fois agir dans la complexité.
03:24Et la complexité, on le voit, elle est énorme,
03:27puisqu'en fait, vous êtes à la fois sur du commerce international,
03:29sur des relations géopolitiques, sur des relations diplomatiques,
03:33sur une économie souterraine, donc illégale, sur du blanchiment.
03:37Vous êtes sur un problème de santé publique, de consommation...
03:39Et de justice.
03:40Et de police.
03:41Et de police et, in fine, de justice et aussi de détention,
03:46puisque maintenant, on sait que, même en prison,
03:49ce n'est plus un obstacle au continuum du trafic de drogue.
03:53Par contre, même, malheureusement, c'est l'inverse,
03:56avec certains criminels qui poursuivent justement leur business, comme il est dit.
04:00La justice, évidemment, les prérogatives que nous avons citées sur le parquet dédié,
04:04ce sont des mesures bienvenues, mais très sincèrement,
04:07pour la magistrate que vous êtes, quand on déclare une guerre,
04:09vous avez parlé de magistrats tout à l'heure,
04:11on pense à ces magistrats marseillais qui ont tiré la sonnette d'alarme
04:14de manière extrêmement claire.
04:16Est-ce qu'on peut mener, gagner cette guerre sans sortir d'un certain cadre ?
04:20L'état de droit, ça crée, certains le répètent,
04:23mais est-ce qu'il ne faut pas des lois d'exception ?
04:25Alors, d'abord, je reviens à votre question, elle est importante.
04:28Le parquet, évidemment, parce que, vu le panorama que je viens de vous décrire
04:31et ce que vous avez dit, n'est pas du tout suffisant.
04:34Ce n'est qu'un outil parmi d'autres.
04:36Il faut avoir une stratégie globale, et quand je dis stratégie globale,
04:40c'est-à-dire revisiter depuis l'importation,
04:44donc les frontières, le contrôle, la police, les enquêtes,
04:49la police judiciaire, la complexité de la norme.
04:52Oui, mais c'est ça, si on veut être ambitieux.
04:54Je n'ai pas fini. La capacité à juger.
04:57Vous savez qu'aujourd'hui, toutes les rentrées solennelles
04:59ont été assez moroses, puisqu'on disait qu'on n'arrive plus à juger aujourd'hui.
05:04Donc le parquet, c'est qu'une petite partie.
05:06Ça va être aussi les sanctions. Est-ce que les sanctions sont dissuasives ?
05:11Ça va être les saisies, ça va être également...
05:14C'est une révolution.
05:15En fait, il faut avoir une pensée stratégique du début jusqu'à la fin.
05:18Et la fin, c'est les prisons.
05:19Donc le parquet ne suffira pas.
05:21Ça, c'est ma réponse.
05:22Sur l'État de droit, qui est un sujet, évidemment, qui occupe tout le monde,
05:26il ne faut pas se tromper de débat.
05:28On a eu des polémiques, à mon avis, totalement inutiles.
05:32L'État de droit n'est pas quelque chose d'intangible.
05:35Ce qui est intangible, c'est de sortir de l'État de droit ou de ne pas l'appliquer.
05:40Il ne faut plus avoir peur de ne pas appliquer l'État de droit.
05:43Et là, on peut peut-être se dire que la justice, qui est faible,
05:46peut-être met plus en danger l'État de droit
05:49si elle n'est pas assez forte pour appliquer de façon égale,
05:51pour tout le monde, l'État de droit.
05:53Mais l'État de droit, il a toujours été évolutif.
05:55En vrai, dès que vous avez une nouvelle loi, vous modifiez l'État de droit.
05:59Ceux qui poussent des cris d'orfraie en disant que si on touche à l'État de droit
06:03par rapport à cette guerre contre les narcotrafics,
06:05on toucherait à un principe presque insubstantiel à notre démocratie, sont torts ?
06:12Ce n'est pas ça le sujet.
06:14Le sujet, c'est quoi l'État de droit ?
06:15En fait, on va revenir sur deux choses, si vous me permettez quelques secondes.
06:18Le sujet est important et les polémiques sont inutiles parfois.
06:22L'État de droit, c'est d'avoir une constitution.
06:24On en a une.
06:25C'est d'avoir une séparation des pouvoirs.
06:27Il faut y veiller tout le temps.
06:28Et c'est d'avoir, si vous voulez, une législation qui à la fois est protectrice,
06:33avec un magistrat, qui est un tiers garant, qui puisse intervenir et éviter l'arbitraire.
06:39C'est ça l'État de droit.
06:40Mais après, à l'intérieur, je veux dire, le droit évolue.
06:44Donc ça n'empêche pas un réarmement face à la guerre des narcotrafics ?
06:46Mais pas du tout.
06:47Il y avait un grand juriste qui s'appelait Carbonnier qui disait
06:50« le droit doit épouser la vie ».
06:52Ça veut dire que le droit est vivant.
06:54Et bien sûr qu'il est tout le temps en mutation.
06:58Mais la vraie menace pour l'État de droit, c'est de ne pas l'appliquer.
07:03C'est très important ce que vous dites.
07:04Je voudrais quand même rappeler que le début de semaine a été marqué
07:07par des très grandes violences sur fonds de trafic à Mâcon, à Marseille.
07:11Même si le nombre d'homicides, de narcomicides a diminué l'année dernière,
07:14c'est une véritable submersion.
07:16Et ce sont longs les mots de Bruno Retailleau,
07:18mais aussi de tous les responsables, préfets de police et procureurs.
07:22Ça veut dire que si on n'applique pas certaines lois, on ne se réarme pas.
07:25Il y a une forme de non-assistance à la population en danger.
07:28Oui, parce que par exemple dans l'État de droit, vous avez des libertés fondamentales.
07:31Une qui est très importante, c'est le droit à la sécurité.
07:33Et oui, ça fait partie de l'État de droit.
07:35Donc si vous avez une police et une justice qui n'assurent plus votre sécurité,
07:38d'une certaine façon, vous êtes en danger sur l'État de droit.
07:41Donc la question, ce n'est pas son évolution.
07:44La question, c'est est-ce que l'État de droit est appliqué ?
07:47Est-ce qu'on a des garanties pour l'appliquer ?
07:49Est-ce que les magistrats sont en capacité d'appliquer le droit égalitaire pour tout le monde ?
07:54Si vous avez des territoires entiers qui échappent à la justice, qui échappent à la police,
07:58là vous êtes en danger sur l'État de droit.
08:00C'est le cas aujourd'hui.
08:01Oui, il me semblerait qu'il y a des endroits où c'est le cas.
08:03Si vous avez trop de normes qui empêchent la cohérence et l'application du droit,
08:07là vous mettez en danger l'État de droit.
08:09Par exemple, la complexité ou parfois la bureaucratisation de certaines procédures
08:14font que le droit devient incohérent.
08:17La non-application des sanctions, c'est une atteinte à l'État de droit.
08:20On va en parler de la non-application.
08:22Je vous le disais, les règlements comptes se multiplient,
08:25y compris dans des villes où personne n'aurait imaginé,
08:27il y a encore quelques années, à Dresbrugère, de telles fusillades.
08:30Il y a aussi quand même la corruption des agents de l'État,
08:33des forces vives de notre administration.
08:36Et un mot cette semaine a marqué les esprits, celui de narcoterroriste.
08:41Il y a une surenchère.
08:42Desmo, est-ce que vous partagez un tel diagnostic aujourd'hui ?
08:44Le diagnostic est extrêmement important parce que là, on a deux problèmes.
08:49Un, on a un problème de déni qui est consubstantiel à notre société.
08:54Et on a un problème d'absence, je pense, ou de rigueur intellectuelle
08:58sur la connaissance des phénomènes criminels.
09:00Il faut réinvestir ce champ criminel.
09:02Je vous le dis, par exemple, on ne fait pas de criminologie comme d'autres pays.
09:05Donc, en fait, on a toujours l'impression de découvrir les choses.
09:08Or, ça pose plusieurs problèmes.
09:10D'abord, un, parce qu'on est en retard sur la connaissance des organisations criminelles.
09:14Et deux, parce que ces organisations criminelles sont en mutation permanente.
09:18C'est-à-dire que ce que vous savez hier n'est pas nécessairement valable pour demain.
09:21Donc, il faut réinvestir le champ criminel.
09:23Si le diagnostic n'est pas bon et il est évolutif,
09:26à ce moment-là, nous sommes à côté de la problématique.
09:29Et par exemple, ceux qui disent qu'aujourd'hui, on peut parler de narcoterrorisme,
09:34si vous avez des organisations criminelles qui ont pris le contrôle de certains quartiers,
09:39qui tuent, qui font des règlements de comptes, il faut une forme de terreur.
09:42Et je pense que la menace du narcotrafic est aussi importante que la menace du terrorisme.
09:48Alors, il y a quand même des résultats.
09:50Puisque, par exemple, Félix Bengui, surnommé le Chat,
09:52c'est l'un des plus gros trafiquants, chef présumé du clan Yoda à Marseille.
09:56Il a été extradé du Maroc vers la France.
09:58Il devrait intégrer une prison de haute sécurité, comme d'autres grands trafiquants.
10:02Béatrice Brugère, c'est la proposition du garde des Sceaux Gérald Darmanin
10:06de regrouper les plus gros criminels en prison.
10:08Est-ce que c'est pertinent et est-ce que c'est faisable ?
10:10Alors, on demande toujours, c'est un peu injuste d'ailleurs aux nouveaux gardes des Sceaux qui arrivent,
10:16de régler tous les problèmes en quelques secondes.
10:18Problèmes qui sont souvent le résultat de dix ans d'abandon ou de déni ou de mauvais choix politiques.
10:23Donc, il est dans l'urgence.
10:25Aujourd'hui, on n'a pas de prison de haute sécurité.
10:28On va déjà commencer par ça.
10:30Donc, on n'en a pas.
10:31C'est Bad Inter, d'ailleurs, qui avait fait supprimer les quartiers de haute sécurité.
10:35Et même, et ça ne fait pas sourire, mais on est encore capable, il y a encore quelques temps,
10:40c'était sous Nicole Belloubet, de construire des prisons sans barreaux,
10:43parce qu'on trouvait que ce n'était pas nécessaire.
10:45Bon, donc, c'est n'importe quoi.
10:46Les prisons sans barreaux.
10:47Oui, donc, on vient de loin.
10:48On vient de très loin.
10:49Donc, qu'on ait un garde des Sceaux aujourd'hui qui prenne conscience qu'enfin,
10:52on a une nécessité, un besoin, comme l'ont fait depuis très longtemps l'Espagne ou l'Italie,
10:58d'avoir des établissements spécialisés.
11:00C'est votre proposition.
11:01C'est une proposition que l'on porte, d'ailleurs, avec les directeurs de prison FO,
11:06qui portent aussi cette proposition.
11:07Il faut construire, et on est sur un plan de construction, des prisons de haute sécurité.
11:12C'est-à-dire qu'il faut arrêter de ne pas discriminer des gens qui sont très dangereux
11:17et des gens qui le sont moins.
11:19On n'a pas ça aujourd'hui encore en France.
11:21Il faut le faire.
11:22C'est une très bonne idée.
11:23On ne peut que la soutenir.
11:24Derrière ces profils dont on a parlé, comme ces gros trafiquants,
11:28il y a une partie de trafiquants de droit qui sont vraiment des mineurs,
11:31qui se comportent en hors-la-loi, maniant les kalachnikovs.
11:34Vous avez souvent parlé, dès le premier écart, des ultra-courtes peines.
11:39Oui.
11:40Le ministre de l'Intérieur en s'y est favorable.
11:42Est-ce que vous pensez qu'on peut avancer vers ça ?
11:44Est-ce qu'aujourd'hui, le mouvement anti-prison ou prison sans barreau
11:48recule par rapport à la lucidité qui est la vôtre ?
11:52Alors, on est dans un ministère où changer est compliqué.
11:56Même si les Français le demandent, même si les sondages le montrent.
12:00Je le vois parce que je porte cette proposition avec d'autres, d'ailleurs,
12:04parce qu'on a regardé ce qui se passait dans d'autres pays.
12:07C'est intéressant aussi d'avoir une forme d'humilité
12:11et de se remettre en question sur notre système.
12:13Comme pour la lutte contre le narcotrafic, on est en échec.
12:16C'est exactement la même chose sur la lutte contre la récidive
12:20et on voit très bien que la violence augmente.
12:22Donc, il faut réinterroger notre politique pénale.
12:24On la réinterroge en regardant aussi ce que font d'autres pays.
12:27Les ultra-courtes peines, tous les pays du Nord l'utilisent,
12:30d'une manière ou d'une autre.
12:32L'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas.
12:34Et ils ont, pour faire simple, cette capacité de punir davantage
12:39et de vider leur prison.
12:40Ce n'est pas inintéressant puisque nous, c'est l'inverse.
12:42On punit de moins en moins et nos prisons débordent.
12:45Donc, il faut quand même peut-être réinterroger notre politique pénale,
12:48son idéologie et son logiciel.
12:50Les ultra-courtes peines, c'est quoi le principe ?
12:52C'est de dire, vous commettez un fait très grave,
12:55vous êtes sanctionnés tout de suite,
12:57ce n'est pas long, c'est très court,
12:59ça a un effet pédagogique, c'est une sanction.
13:01Nous, on a un système complètement différent,
13:04c'est incarcérer le plus tard possible
13:07et quand ça tombe tard, ça tombe long.
13:09Mais est-ce que pour autant, Béatrice Brugère,
13:11je vous pose la question directement,
13:12est-ce qu'il y a un droit à l'inexécution de la peine en France ?
13:15Oui, en fait, on a tout un système aujourd'hui
13:18qui favorise le droit à l'aménagement.
13:21Alors, ce n'est pas tant l'inexécution
13:24que le changement de la peine prononcée.
13:26Un chiffre, 40 % des peines de prison
13:29qui sont prononcées à l'audience,
13:31et il n'y en a pas tant que ça,
13:33sont immédiatement aménagées.
13:35Donc, en fait, comme on n'a pas...
13:3640 % ?
13:37Oui, comme on n'a pas de place de prison,
13:40en fait, on n'a pas construit de place de prison,
13:42là aussi, on a pris un retard fou,
13:44eh bien, on est maintenant dépendant de nos capacités.
13:47Et en fait, tout le système est dépendant de ses capacités.
13:50Aujourd'hui, vous avez des courageux chefs de cours
13:53qui, lors des audiences solennelles, ont dit
13:55qu'on n'y arrive plus, on ne peut plus juger.
13:57Il faut savoir que dans certaines cours
13:59où il y a des faits extrêmement graves,
14:00on ne juge que les détenus.
14:02Donc, les détenus aujourd'hui,
14:04en tout cas les détenus, les narcotrafiquants,
14:06les gros criminels,
14:08leur seul objectif, c'est d'être remis en liberté.
14:11Donc, les chambres d'instruction
14:13sont totalement embolisées par des demandes de mise en liberté.
14:16Il y a eu un SOS, une alerte du procureur général d'Aix
14:18à ce sujet, d'ailleurs.
14:19C'est à lui auquel je pensais.
14:20Il est très courageux et il a raison
14:22parce que ses voix doivent s'élever
14:24pour dire enfin la vérité.
14:26Vous dénoncez souvent, et votre syndicat aussi plus largement,
14:28d'ailleurs, on a perdu de vue l'essentiel.
14:30En réalité, dans la justice, vous dites
14:32qu'on arrive à un juridisme sans âme.
14:34Est-ce qu'aujourd'hui, il va y avoir une vision,
14:36une stratégie ?
14:37Enfin, on a parlé d'une population,
14:38d'une non-assistance à populations en danger.
14:40Est-ce que vous la voyez, cette vision ?
14:42Écoutez, moi, je trouve qu'en tout cas,
14:44il y a un frémissement qui n'est pas inintéressant
14:46parce qu'on a un alignement qui est assez nouveau
14:49entre le ministère de l'Intérieur
14:51et le ministère de la Justice
14:53pour enfin regarder la criminalité
14:55telle qu'elle est la situation.
14:57C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
14:59on a quand même une prise de conscience
15:01que notre procédure est parfois
15:03trop complexe et parfois
15:05pas assez sévère
15:07pour sanctionner les abus de droit.
15:09Et donc, il faut avoir un choc de simplification,
15:11une réflexion de très haut niveau
15:13sur l'organisation de la justice
15:15et de la police
15:17pour avoir des résultats efficaces.
15:19Et simplement, cette information européen,
15:21et ça rejoint ce que vous dites, Béatrice Brugère,
15:23c'est la barre des 2 millions de dossiers
15:25atteints au sein de la police judiciaire,
15:27impossibles à traiter.
15:29Donc, évidemment, pour la justice, c'est une embolie incroyable.
15:31Mais c'est ça, l'atteinte à l'état de droit.
15:33C'est que quand vous allez déposer plainte,
15:35il n'y a pas d'enquête et il n'y a pas de dossiers qui sont jugés.
15:37Ça, c'est une vraie atteinte à l'état de droit.
15:39Donc, l'urgence, elle est là.
15:41C'est de remettre en place une police
15:43qui, d'abord, travaille dans le même sens
15:45et qui puisse répondre à la demande des citoyens.
15:47Si on ne répond pas à la demande des citoyens,
15:49les citoyens se feront justice.
15:51D'ailleurs, j'en profite pour dire qu'il y a...
15:53Ils se feront justice ?
15:55Bien sûr. Il y a un livre qui vient de sortir,
15:57qui n'est pas inintéressant, d'un journaliste
15:59qui s'appelle Pierre Ancet, qui s'appelle Autojustice,
16:01où il démontre que si l'État est défaillant,
16:03à un moment donné, c'est...
16:05C'est le citoyen ?
16:07C'est la fin du pacte social qui est en danger.
16:09C'est-à-dire que le pacte social,
16:11si on sait ça, c'est que vous donnez
16:13à l'État,
16:15si vous voulez, votre adhésion,
16:17ses prérogatifs, de vous défendre
16:19et de juger. Si l'État
16:21est trop faible, évidemment que c'est
16:23un risque sur le pacte social.
16:25Donc, il y a une urgence à renforcer,
16:27évidemment, les services de police,
16:29évidemment, la justice, et ce n'est pas
16:31qu'une question de moyens, je le dis,
16:33même si les moyens sont très importants
16:35pour construire des prisons, pour recruter...
16:37Et en prise idéologique.
16:39Il faut aussi réfléchir à notre procédure,
16:41à reprendre
16:43aussi le sens de la peine,
16:45de la sanction, de la dissuasion,
16:47et être efficace par rapport à des organisations criminelles
16:49qui, elles, le sont énormément.
16:51Sinon, le risque, on l'a entendu, notamment,
16:53c'est l'auto-justice, et votre livre, là,
16:55prend tout son sens, et ce titre,
16:57Justice, la colère, qui monte doublement,
16:59récompensée notamment par le prix du
17:01Barreau de Paris. Ce n'est pas rien avec,
17:03évidemment, les paroles claires que vous avez.
17:05Je vous en remercie, Béatrice Brugère. Bonne journée à vous.
17:07Merci beaucoup.