Malgré la levée des gardes à vue des grands-parents, de l'oncle et de la tante du petit Émile, disparu en juillet 2023 au Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), le procureur de la République d'Aix-en-Provence a détaillé ce jeudi 27 mars les dernières avancées de l'enquête et expliqué que "la piste familiale n'est pas refermée".
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00:00Depuis maintenant 20 mois, Raphaël, c'est un ensemble impressionnant d'outils qui ont été déployés pour tenter de percer le mystère.
00:06Oui, Périne, cette technique d'enquête scientifique sur laquelle on revient avec vous, Général Daoust,
00:11et notamment ce matin, avec ses premières réponses par le procureur, notamment sur l'intervention d'un tiers dans la disparition de l'enfant.
00:19Il y a évidemment le traumatisme facial dont on a parlé, mais surtout, et vous en parliez aussi il y a quelques minutes,
00:24c'est le déplacement des ossements du petit Émile avant leur découverte, il y a un an, par une randonneuse.
00:30Comment est-ce qu'on enquête là-dessus ? Comment est-ce que l'expertise scientifique permet de savoir que ces ossements ont été déplacés ?
00:37On parle notamment d'expertise entomologique.
00:41Alors, l'entomologie, c'est tout ce qui a trait aux insectes.
00:44Et les insectes, en matière de crime, c'est tout ce qui peut permettre de déterminer une datation de la mort,
00:54là où le médecin des légistes n'a plus de capacité de le faire.
00:58C'est-à-dire, on est sur un temps long, on retrouve un corps, et depuis combien de temps il est là ?
01:03Est-ce qu'il a été tué à cet endroit, ou au contraire, il a été déplacé ?
01:08Pour ça, il y a dans la nature ce que l'on appelle les insectes nécrophages.
01:12Quand, le premier jour, une personne décède, il y a des insectes, une première escouade, qui vient, qui se nourrit, qui se multiplie, qui s'accouple.
01:23C'est le fameux biotope dont vous parliez tout à l'heure.
01:25Ça en fait partie.
01:26Alors, plus ou moins, parce que là, ils viennent de beaucoup plus loin.
01:31Il faut savoir que la première escouade a parfois ces fameuses molécules de décomposition, une sensibilité qui peut aller jusqu'à 20 km.
01:39Donc, ils viennent, ils se nourrissent, ils se reproduisent, et ils s'en vont.
01:43Cinq, six jours après, il y a une deuxième escouade qui vient à un moment où la décomposition du corps est plus avancée.
01:50Ils font la même chose, et ça continue comme ça.
01:53Il y a environ neuf escouades.
01:55Et quand on arrive et qu'on trouve un corps squelettisé, on va prendre toute la terre autour, tout ce qui est autour,
02:02et on va prendre avec les restes des œufs, des pupes, quelques insectes qui sont morts aussi,
02:09et on regarde quelle est la dernière génération qui est arrivée.
02:13Et ça permet de dire, nous sommes à la cinquième escouade.
02:15Eh bien, ça veut dire que lorsqu'on remonte dans le temps, c'est à peu près six mois et un jour, et deux jours, et trois jours, qui permet...
02:22— C'est pour savoir s'il a été déviassé éventuellement ou pas. — Voilà. Exactement.
02:25Et si on ne trouve pas...
02:27Si on ne trouve qu'une des escouades ultérieures et pas les antérieures, celle du premier jour, par exemple, de la première semaine ou autre,
02:34eh bien on sait que le corps n'a pas été étué là et qu'il n'a été que déposé.
02:40— C'est ça. — C'est comme ça qu'on sait qu'il a été déplacé. — Il a été déplacé, mais ensuite retrouvé à cet endroit.
02:43Une autre information essentielle apprise ce matin, ça concerne évidemment les vêtements de l'enfant, qui ne se seraient donc pas décomposés,
02:49ce qui laisse penser – vous le disiez à l'instant – qu'ils auraient été retirés.
02:53Alors vous parlez de l'analyse de ces vêtements, mais concrètement, comment ça se passe ? Comment est-ce qu'on analyse ces fibres de tissu ?
02:59— Alors d'une manière très simple. C'est l'analyse microscopique. La typologie des fibres qui existent est répertoriée
03:07dans toutes les bibliographies et bibliothèques scientifiques. On sait parfaitement distinguer du coton, du sisal et du lin comme de la laine.
03:17Et on arrive à déterminer même si c'est du coton égyptien, américain, etc. Donc là-dessus, on le voit.
03:26Et si ce sont des fibres synthétiques, on arrive à déterminer la nature de la fibre par son torsage et sa composition chimique.
03:35— Et c'est comme ça qu'on peut juger le niveau de décomposition d'un tissu et de le mettre en rapport avec la décomposition des ossements
03:42ou du corps qui a été retrouvé. Troisième élément intéressant, c'est notamment cette jardinière dont on a parlé il y a quelques jours
03:51qui a été saisie par la police, qui se trouvait d'ailleurs proche de l'église fréquentée par les grands-parents d'Émile.
03:56Jardinière sur laquelle on a retrouvé des traces de sang. Et alors là, il y a un outil qui est extrêmement utilisé pour détecter
04:03d'éventuelles traces de sang même s'il y a eu un nettoyage. — Tout à fait. Alors c'est le Bluestar. Donc c'était anciennement le Luminol.
04:13Mais ce qui avait un gros défaut, c'est qu'on voyait bien comme là une luminescence. C'est une luminescence.
04:19— C'est un spread. — C'est un spread. Voilà. Et la différence, le Bluestar, on peut faire des prélèvements derrière pour voir si c'est de l'ADN humain ou pas.
04:29Et en l'espèce, d'après ce que disait le procureur à République, les traces qui avaient été retrouvées ne sont pas des traces de sang
04:36parce qu'il y a aussi des faux positifs. Mais c'est déterminant. Et ce que l'on ne sait pas ou qui a été très peu dit dans la presse,
04:45c'est que le Bluestar a été utilisé déjà plusieurs fois. — Oui, dans d'autres affaires très connues.
04:50— Mais y compris dans cette affaire-là sur des parties de route pour essayer de revoir s'il y avait eu un accrochage entre l'enfant et un véhicule
04:59et qu'on retrouve des traces de sang qui auraient été non visibles à l'une.
05:04— Dernière question. Je voulais revenir sur un chiffre qui a été évoqué ce matin par le procureur, un chiffre impressionnant.
05:0955 millions de données de communication. Ça correspond à quoi, cette nuée de données de communication qui ont été analysées dans l'affaire ?
05:17— Voilà. Elles sont en cours d'analyse. — En cours d'analyse.
05:20— C'est notre nouvel environnement. Maintenant, dans une scène de crime, quelle qu'elle soit, il y a plus de traces numériques que de traces classiques.
05:27Nous sommes entourés du numérique, de nos téléphones portables, tout ce qui peut y avoir est fait de numérique.
05:34En l'espèce, ce sont tous les bornages qu'il y a pu y avoir dans l'environnement de ce village.
05:41Il y a plusieurs bornes, et on les prend toutes parce qu'elles peuvent s'échanger les unes des autres.
05:46Il y en a une qui est saturée. Elle renvoie à une autre borne. Donc on sait qu'il y a...
05:51— C'est comme ça qu'on détecte toute personne qui pouvait être à proximité du lieu à un moment donné.
05:55— En fait, on détecte toute carte SIM qui a borné avec une des bornes. Ça ne veut pas forcément dire qu'elle est au plus près.
06:05C'est le problème du bornage. Ça donne un environnement global. Il faut aller plus loin.
06:10C'est pour ça que toutes ces données doivent être analysées. Elles sont reçues de manière brute après une réquisition auprès des opérateurs.
06:18Les experts du numérique, les classes, il faut faire déterminer le jour, l'heure et la borne.
06:27— Donc on cherche une aiguille dans une botte de foin. — On cherche une aiguille dans une botte de foin.
06:30Et quand on a ça, c'est identifier la carte SIM, la personne qui possède ce téléphone ou le véhicule, parce qu'ils ont des cartes SIM GPS.
06:40Et après, les amener à la personne. Et ce n'est que dans le téléphone ou dans le véhicule qu'on arrivera à faire la géolocalisation.
06:49— D'où les perquisitions. — D'où les perquisitions. Et le fait qu'on prenne chaque fois les téléphones,
06:54parce que là, c'est ce qui va permettre de retracer tout ce qu'avait pu faire une personne sur 6 mois, 1 mois, 2 ans, 3 ans, 4 ans avant.