Mickaël Dorian revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, retour sur le drame survenu ce lundi 5 août dans le Massif du Mont-Blanc où un alpiniste a été tué et deux restes encore disparus. Pour en parler, Éric Fournier, maire de Chamonix, est l'invité d'Europe 1.
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00:00Europe 1 et vous, 11h13h, Mickaël Dorian.
00:04Il est 11h47 et à présent on va faire un petit retour sur ce drame qui s'est passé hier en montagne.
00:09Un alpiniste français a été tué, quatre autres sont blessés après l'effondrement d'un bloc de glace.
00:13Il tentait de gravir le sommet du Mont Blanc.
00:16Deux alpinistes allemands sont toujours recherchés.
00:18Et avec nous pour en parler, vous recevez à présent Mickaël Dorian, Eric Fournier, le maire de Chamonix.
00:23Bonjour monsieur le maire, merci d'être avec nous en direct sur Europe 1.
00:29D'abord, avant de commencer, je voudrais qu'on revienne sur ce drame qui s'est passé hier.
00:37Qu'est-ce qu'un serac, monsieur le maire, ce bloc de glace qui s'est effondré ?
00:42Oui, bonjour. Un serac, c'est un morceau de glace qui fait partie de l'avancée glaciaire.
00:50C'est-à-dire que lorsque le glacier avance, il peut y avoir des mouvements,
00:56et donc une forme particulière d'un ou de plusieurs blocs de glace.
01:01Et l'avancée glaciaire le fait, à un moment donné, chuter.
01:05Ça, c'est inéluctable. Par contre, on n'en maîtrise pas la temporalité.
01:10C'est typiquement un phénomène qui n'est pas prévisible.
01:14Il peut se passer de nuit, de jour, au printemps, en automne,
01:18et totalement indépendamment des conditions météorologiques et niveaulogiques.
01:24Donc c'est un événement très malheureux, très exceptionnel, mais totalement imprévisible.
01:31Et qu'on n'explique pas, alors ?
01:33Ah si, on l'explique parce que le glacier est en mouvement.
01:36Il y a toujours un mouvement glaciaire.
01:39Alors, il est plus ou moins fort.
01:41Il est plus ou moins important également par rapport à la topographie.
01:46Mais le mouvement est inéluctable.
01:49Le glacier, il résulte de l'accumulation neigeuse, de sa transformation ensuite en glace,
01:54et puis de l'avancée de cette entité.
01:58Donc, l'océan, qu'on le sait, bouge.
02:00Par contre, le glacier lui-même, il évolue d'une année à l'autre.
02:04Et ce qui était excessivement difficile,
02:06c'est de savoir quand ce mouvement glaciaire peut survenir.
02:12Il n'y a pas de prévisibilité.
02:14Autant, on peut avoir une certaine analyse d'autres phénomènes du type avalancheux
02:20selon la nature du mont Neigeux.
02:23En l'occurrence, là, on est sur de la glace,
02:26et de la glace en mouvement, très lente, très exceptionnelle.
02:30Mais malheureusement, en cas de survenance de ce type d'événement,
02:33avec des conséquences dramatiques, comme on les a vécues hier.
02:37On nous dit que c'est un événement, un phénomène bien connu des sauveteurs.
02:41Vous confirmez, Eric Fournier ?
02:44Oui, alors sur cette pente de l'accès au Mont Blanc du Tacul,
02:50le Sérac, et les Sérac sont connus.
02:54Après, ils tombent heureusement d'une manière qui est très exceptionnelle.
02:59Mais le Sérac, lorsqu'il tombe, et si on est sur une pente qui est importante,
03:04balaye l'intégralité de la face et donc peut avoir,
03:08comme cela s'est passé malheureusement,
03:10quand il y a des cordées engagées à ce moment-là dans la face,
03:14des conséquences dramatiques.
03:16C'est un phénomène qui est connu,
03:18qui renvoie à une dimension d'imprévisibilité,
03:24heureusement peu fréquente en montagne.
03:27C'est ce qu'on appelle les dangers objectifs
03:29que nous n'arrivons pas à réduire de manière totale, malheureusement.
03:33La montagne est belle,
03:35malheureusement, elle peut également être dangereuse
03:37et ça, il faut en avoir conscience, c'est ça l'idée ?
03:40Absolument, la montagne, comme tous les milieux naturels,
03:44c'est la même chose lorsqu'on est sur un environnement de mer
03:48ou tous les environnements naturels,
03:50il faut les respecter.
03:52Ils peuvent renvoyer à des phénomènes imprévisibles,
03:56partout,
03:58et malgré les meilleurs dispositifs d'information et de prévention,
04:04il reste une dimension non prévisible,
04:07non totalement connue par l'homme.
04:11Ça fait malheureusement partie,
04:13c'est dramatique,
04:15mais c'est aussi la manière de fréquenter cette montagne
04:21depuis des dizaines d'années qui s'effectue ainsi.
04:26Évidemment, tous nos professionnels,
04:28tout notre monde de la formation est très averti,
04:31fait tout ce qu'il peut pour informer,
04:33et dès qu'il y a une hypothèse sur ce sujet-là,
04:37nous prenons les dispositions nécessaires.
04:41Mais là, je le redis, on était véritablement sur un niveau d'imprévisibilité qui était total.
04:47Vous parlez de fréquentation, il y a 20 000 alpinistes
04:50qui tentent chaque année de gravir le toit de l'Europe,
04:53est-ce que le problème n'est pas aussi lié à la surfréquentation du Mont-Blanc, monsieur le maire ?
05:00Alors, très franchement, je crois qu'il ne faut pas mélanger
05:04la problématique de la fréquentation ou de la surfréquentation,
05:08qu'on met un peu à toutes les sauces,
05:10avec l'accident qui a eu lieu hier.
05:14Je le redis, l'imprévisibilité d'une fuite de seracs,
05:20tous les experts le confirmeront, est totale.
05:23Sur l'ascension du Mont-Blanc en tant que tel,
05:26les deux voies normales les plus fréquentées
05:30ne connaissent plus d'augmentation de fréquentation.
05:34On est loin de cette période-là.
05:37Il y a des dispositifs de régulation qui ont été adoptés,
05:41et ils sont efficaces.
05:43Je crois qu'il faut le dire.
05:45Est-ce qu'on peut les rappeler ces dispositifs ?
05:48Oui, c'est notamment le fait de dire qu'on a...
05:51Alors, premièrement, il y a une très importante
05:56campagne d'information et de prévention qui s'effectue
06:00pour expliquer ce qu'est l'ascension Mont-Blanc,
06:02qui n'est pas une ascension anodine.
06:04On est sur le toit de l'Europe, on est à près de 5000 mètres.
06:07Ce n'est pas une ascension dans laquelle on se lance au hasard
06:11et sans préparation, sans accompagnement.
06:14Son guide de haute montagne, c'est quelque chose qui se prépare.
06:17Seconde chose, c'est qu'il y a une capacité qui est maintenant
06:21parfaitement maîtrisée et qui est liée à la capacité
06:24des refuges d'accès.
06:26On n'accède pas, on ne peut pas monter au Mont-Blanc
06:28si on n'a pas réservé.
06:30Ça semble aller de soi, mais c'est vrai qu'il y a quelques années,
06:33on a assisté à des phénomènes d'incivilité,
06:36parce que là, on est plutôt sur de l'incivilité,
06:38qui consistait à monter sans réservation,
06:40à s'installer là où on pouvait,
06:42et à être excessif dans la fréquentation.
06:47Ces dispositions ont été prises,
06:49elles permettent une régulation qui était souhaitable,
06:53et c'est assez exceptionnel, parce que je le rappelle,
06:55les autres sommets du massif du Mont-Blanc,
06:57et même des autres massifs montagneux français,
07:00sont plutôt orientés vers une baisse de la fréquentation,
07:04et ça, c'est lié notamment au changement climatique,
07:06qui rend plus difficile les accès.
07:08Donc la surfréquentation n'est plus un problème,
07:10selon vous, sur le Mont-Blanc ?
07:13À l'heure actuelle, je crois qu'on peut effectivement dire
07:16que les mesures qui ont été prises ont permis de limiter,
07:19de réguler, et de faire en sorte qu'on ait une fréquentation
07:22qui soit parfaitement maîtrisée au sommet du Mont-Blanc,
07:25et comme je le dis, sur le reste du massif du Mont-Blanc,
07:28parce qu'on mélange souvent les deux,
07:30les chiffres qui nous sont remontés
07:32sont plutôt une baisse de la fréquentation
07:35sur la très haute montagne.
07:37Je ne parle pas là des zones d'alpage ou des zones de lac,
07:39qui, eux, sont très attractifs,
07:41mais de la montagne, entre 3000 et 4000 mètres,
07:43la très haute montagne,
07:45elle est plutôt en baisse de fréquentation.
07:48Éric Fournier, je rappelle que vous êtes le maire de Chamonix,
07:51Estelle nous rappelait tout à l'heure
07:53que deux alpinistes allemands sont toujours recherchés.
07:56Est-ce que vous pouvez nous parler des recherches ?
07:59Comment se déroulent ces recherches actuellement ?
08:03Les recherches sont conduites par le peloton de gendarmerie
08:06de haute montagne,
08:08ce qui rassemble des professionnels aguerris
08:12extrêmement compétents sur le sujet.
08:15Ils prospectent la zone couverte par l'avalanche.
08:20C'est une zone qui est délicate,
08:23puisqu'elle est dans un secteur pentu.
08:26Il faut surtout éviter le risque potentiel de sur-avalanche
08:30avec un deuxième bloc de seracs qui pourrait les atteindre.
08:33Évidemment, nous pensons au travail de ces sauveteurs.
08:36Eux-mêmes regardent avec des dispositifs de recherche,
08:41des téléphones portables,
08:43s'ils peuvent localiser si la cordée en question est sur le secteur.
08:49On parlait de ce risque de sur-avalanche,
08:51mais est-ce qu'on a les moyens de l'éviter ?
08:55Les moyens de l'éviter, comme je le disais,
08:58les chutes de seracs sont imprévisibles.
09:00Pourtant, ce sont de grands professionnels
09:02et je sais la qualité de leur observation sur le sujet.
09:05Et la confiance qu'on peut leur faire
09:09sur la sécurité à prendre dans ce cas d'opération de sauvetage
09:16pour laquelle ils sont admirablement formés.
09:18Deux alpinistes allemands toujours recherchés depuis plus de 24 heures.
09:23Oui, tout à fait.
09:24Il y a évidemment un autre facteur dont vous ne nous avez pas parlé,
09:28c'est le facteur temps dans ce type de recherche.
09:32Oui, bien sûr.
09:33Le facteur temps est important.
09:35Après, on est sur des avalanches de glace,
09:43mais il ne faut exclure aucune possibilité.
09:46Je pense qu'il est trop tôt.
09:47Il faut laisser les recherches et le plan de gendarmerie de Haute-Montagne
09:51faire son travail sur ces investigations complémentaires.
09:55Merci, M. le maire Eric Fournier, d'avoir été avec nous.