Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari reçoit Henri Guaino, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, pour débattre de l'actualité politique.
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00:0018h42, on se retrouve en direct dans Punchline sur CNews et Europe 1 avec Henri Guaino.
00:04Bonsoir Henri Guaino.
00:05Bonsoir.
00:06Ancien conseiller de Nicolas Sarkozy.
00:08Quels mots vous viennent à l'esprit pour qualifier la situation dans laquelle nous
00:12nous trouvons, au lendemain du premier tour des législatives, qui ont vu l'arrivée
00:16en tête du Rassemblement National, un bloc de gauche extrêmement puissant aussi, et
00:20le camp macroniste qui se rétrécit sur son socle électoral ? Où en on est ?
00:25D'abord, le camp macroniste, il a repris un peu de couleur par rapport aux européennes.
00:30Même s'il n'a pas retrouvé son socle habituel qui est entre 25 et 26 %, il a quand même
00:40fait un peu mieux qu'aux européennes.
00:41Mais moi je dirais que la situation est dangereuse, mais elle est dangereuse pas parce que tel
00:48ou tel parti va gagner, elle est dangereuse parce qu'elle montre un pays profondément
00:52fracturé, profondément divisé, avec des blocs qui paraissent absolument irréconciliables.
00:57Irréconciliables ? Deux Frances qui sont face à face ? Deux Frances, peut-être même
01:02trois.
01:03Trois, oui.
01:04Mais la troisième n'étant pas très importante par son importance sociologique, mais elle
01:12est importante parce que la troisième c'est le système.
01:15Voilà, c'est le système, c'est ce que de Gaulle appelait le système sur la quatrième
01:19république.
01:20Toutes les périodes, il y a un système, un système de pouvoir qui se tient, où tous
01:26les éléments se tiennent, à la fois économiques, culturels, politiques.
01:29Il y a le système et puis il y a deux blocs qui veulent absolument détruire le système.
01:34Alors ils ont chacun de bonnes raisons.
01:36Je ne parle pas là que des partis, je vous en contrevois.
01:39Non, non, on parle des blocs.
01:40Je parle de la société.
01:42Il y a une guerre de la société qui est cassée en deux continents contre le système.
01:49J'ai commencé l'émission en disant qu'on a donné la parole au peuple, après qu'il
01:53l'ait déjà prise lors des européennes, et là on fait comme si on n'avait pas entendu
01:56ce qu'il avait dit.
01:57C'est-à-dire qu'il va y avoir des coalitions, on va essayer de contourner ce qu'a dit le
02:03peuple.
02:04C'est un peu ça qui est en train de se jouer quand on entend les consignes de vote qui
02:06sont données par le camp macroniste.
02:08Ça c'est le jeu de la politique ordinaire.
02:11Oui, c'est le jeu, mais ce n'est pas drôle.
02:13C'est le jeu de la politique ordinaire.
02:15Je ne suis pas convaincu que ce sera d'une efficacité...
02:18Redoutable ?
02:19Redoutable, oui, parce que c'est efficace pour éviter des triangulaires, pour provoquer
02:26des désistements.
02:27Mais est-ce que les électeurs eux vont réagir comme on l'attend ? Je pense qu'il y a des
02:36électeurs de LFI qui, n'ayant plus de candidats LFI, vont voter pour le Rassemblement national
02:41et pas pour le candidat Renaissance.
02:44Pourquoi ? Toujours pareil, parce que, toujours pour la même raison.
02:48Il y a des électeurs chez LFI qui veulent abattre le système pour des raisons sociales
02:54ou sociologiques ou socio-psychologiques.
02:56Donc on ne sait pas, on verra ce que ce sont, on verra bien demain ce que seront les désistements,
03:03et puis on verra ensuite ce que sera le comportement des électeurs.
03:07Je crois que le temps des consignes électorales est passé.
03:12Louis Dragnel.
03:13Henri Guaino, au-delà des consignes électorales, si on se projette un tout petit peu après,
03:17aujourd'hui, si on schématise, il y a deux camps au sein de la majorité présidentielle,
03:21il y a deux schémas de pensée.
03:23Le premier consiste à dire on va faire une coalition la plus large possible, même si
03:28elle n'a pas beaucoup de sens, en gros des Républicains au Parti communiste, pour empêcher
03:32à tout prix le Rassemblement national d'être en situation de gouverner.
03:35Il y a d'autres personnes au sein du gouvernement et de la majorité qui pensent qu'il faut,
03:42de toute façon les Français, de plus en plus, montrent qu'ils veulent tenter l'expérience
03:47du Rassemblement national et il faut laisser le Rassemblement national avoir cette opportunité
03:54de gouverner pour que les Français voient à quoi ça ressemble.
03:57Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de ces deux stratégies ?
03:59Henri Guaino.
04:00D'abord, on n'arrête pas le peuple, si je peux me permettre cette expression, c'est-à-dire
04:06qu'il y a un mouvement qui a décidé de porter l'un des deux blocs au pouvoir.
04:15Pour l'instant, c'est le mouvement qui va dans le sens du Rassemblement national.
04:20On voit bien que le bloc de gauche est lui-même très motivé.
04:24Mais vous n'arrêtez pas ce genre de vague.
04:28On se retrouve dans la situation de la fin de la Deuxième moitié de la Quatrième République
04:35avec un bloc central qui n'est pas majoritaire mais qui va du CNI, c'est-à-dire la droite,
04:44la bonne droite, jusqu'à la SFIO, c'est-à-dire ce qu'on appelle aujourd'hui les socialistes.
04:49Et puis, ils s'échangent le pouvoir, ils font des coalitions, ils font des combinaisons,
04:54ils sont verrouillés avec les appartements.
04:55Le régime des partis.
04:56Voilà.
04:57Et la majorité des électeurs se trouve ailleurs, se trouve dans le Parti communiste et puis
05:01dans le Parti de droite et notamment le Parti gaulliste.
05:07Mais ces deux-là ne peuvent pas se réunir pour former une majorité et le système est
05:12coincé.
05:13Mais quand le système est coincé, il ne se décoince pas dans les urnes.
05:16Qu'est-ce qui se passe ?
05:17Il s'est passé ce qui, vous savez comment ça a fini la Quatrième République, le 13
05:20mai.
05:21Le 13 mai 58.
05:22C'était le 13 mai 58, ce n'est pas les urnes qui ramènent le général au pouvoir.
05:27Heureusement, c'était un démocrate, un républicain et qu'il a immédiatement repris le fil de
05:32la démocratie.
05:33Mais on n'en est pas sorti par les urnes comme on n'est pas sorti de l'errement de la fin
05:39de la Troisième République par les urnes, comme on n'est pas sorti du chaos révolutionnaire
05:43par les urnes.
05:44Donc là, on pourrait sortir autrement que par les urnes de cette situation ?
05:48Si le système se bloque complètement, il faudra bien qu'il y ait une sortie un jour.
05:53Et la colère des peuples, elle trouve en général un chemin pour sortir de ce genre
05:59de situation.
06:00Assez violent.
06:01Joseph Macéscar, on a une question.
06:02Il y a à peu près autant de possibilités qu'on se retrouve dimanche prochain devant
06:06une assemblée avec un RN en majorité absolue et une chambre ingouvernable.
06:12En fait, lorsqu'on entend Emmanuel Macron, on a l'impression qu'il joue la chambre ingouvernable,
06:18ce qui est quand même une première dans la Ve République, c'est-à-dire que le président
06:21lui-même joue la chambre ingouvernable.
06:23Est-ce que vous pensez qu'il peut tout essayer dans les institutions ? C'est-à-dire qu'il
06:29peut essayer un référendum, ensuite, après, l'article 16, etc ? Est-ce que vous pensez
06:35que c'est son état d'esprit ?
06:36Moi, je n'en sais rien et je ne ferai pas de procès d'intention, je n'irai pas sonder
06:41les cœurs et les reins.
06:43Ce que je crois, c'est que la cohabitation ne va pas ressembler du tout à la cohabitation
06:50précédente.
06:51Les personnages ne sont pas les mêmes et l'état de la société n'est pas le même,
06:55parce que le problème n'est pas seulement que l'Assemblée soit gouvernable ou pas,
06:59le problème est de savoir si la société, dans cet état, est gouvernable.
07:03En général, la...
07:06Poser la question, c'est y répondre.
07:08Ah oui, mais...
07:09Parce que, dans ces moments-là, si l'Assemblée est ingouvernable, c'est que la société
07:15commence à devenir ingouvernable.
07:17Et d'ailleurs, il faut regarder, toutes les démocraties européennes ont maintenant un
07:21problème à dégager des majorités, quel que soit le régime, que le régime soit purement
07:26parlementaire, parlementaire, mi-parlementaire, mi-présidentiel, voire présidentiel quand
07:32on regarde ce qui se passe aux États-Unis, et ça, ça reflète quand même, c'est l'état
07:36de la société.
07:37Il y a un effet miroir entre la société et la politique, donc on se pose toujours
07:41la question de savoir ce que vont faire les partis, quelles seront les combinaisons, comment
07:47l'Assemblée va pouvoir s'organiser, et comment les pouvoirs vont pouvoir, les pouvoirs institutionnels
07:54vont pouvoir coopérer et gouverner ensemble.
07:57Il faut se poser la question de savoir ce que la société est prête à accepter.
08:01Par exemple, on dit, peut-être qu'on pourrait faire un gouvernement d'experts, de techniciens,
08:07je ne sais pas si l'Assemblée va l'accepter, mais la société est-elle prête, dans l'état
08:12où elle est aujourd'hui, à accepter un tel gouvernement, qu'on n'a jamais vu en France,
08:15vous dites en passant, je ne suis pas convaincu, la vraie question, la première question,
08:20la vraie question, elle est là, elle est dans quel état est la société et qu'est-ce
08:23qu'elle permet.
08:24Alors, dans l'autre sens, Henri Guaino, qu'est-ce qui serait bon pour la société, selon vous ?
08:30Parce que, je ne sais pas, après cette dissolution, dans des conditions qui sont des conditions,
08:38à mon avis, un peu dramatiques, on dit qu'il y aura une grande légitimité de la majorité
08:45qui sortira des urnes, qu'elles soient relatives ou absolues, mais il n'y a pas que le taux
08:50de participation qui compte, encore une fois, il y a le climat général, il y a l'ambiance,
08:55il y a le sentiment des gens, les passions des gens, alors aujourd'hui, les passions
08:59des gens, elles ne donnent pas une légitimité formidable à ceux qui vont sortir vainqueurs
09:06des urnes.
09:07Voilà, c'est parce qu'il y a eu quinze jours de campagne, dans un climat de tensions
09:11très très fortes, encore une fois, dans une société fracassée, donc moi, je ne sais
09:17pas quelle est la bonne solution, vous parliez tout à l'heure de la cohabitation, alors
09:22la cohabitation, elle est très compliquée, à cause des hommes, à cause de la société,
09:26mais aussi parce que le pouvoir du président, il est considérable dans les circonstances
09:33actuelles, ce qui ne permet pas à celui qui va arriver au pouvoir, au Parlement, de pouvoir
09:40changer le cadre, le cadre dans lequel nos politiques évoluent depuis ou se forgent depuis
09:47des décennies et qui fait qu'elles se ressemblent toutes, toutes, et c'est ce dont ne veulent
09:54plus les gens qu'ils soient, qu'ils soient à gauche ou à l'extrême gauche, ou qu'ils
10:00votent pour le Rassemblement National, ils ne veulent plus que toutes ces politiques
10:04se ressemblent et les ramènent toujours au même endroit et dans les mêmes difficultés.
10:09Ils ne s'en veulent plus, mais si on ne change pas le cadre, ils les auront encore, quel
10:15que soit le parti qui sera au pouvoir, et le président de la République, il a effectivement
10:20beaucoup de moyens.
10:21Il a toutes les armes à sa disposition ?
10:23Par exemple, il peut interdire le référendum, il ne peut pas le décider tout seul, c'est
10:28sur proposition du gouvernement, mais il peut l'interdire, donc pas de référendum, le
10:34peuple ne tranche pas, donc le cadre constitutionnel, juridique ne changera pas, il peut refuser
10:39de signer des ordonnances, les nominations, ça peut être très compliqué.
10:43Si les cohabitations précédentes ont marché, c'est parce que tout ça s'est négocié
10:48entre des hommes d'État qui avaient l'habitude de travailler ensemble, mais qui étaient
10:52des hommes d'État et qui ont réussi à trouver un équilibre.
10:56Donc ça veut dire qu'il n'y a pas d'hommes d'État ?
10:58On verra, mais pour l'instant, je sens que les passions sont quand même très...
11:02Les gens, ceux qui vont occuper ces postes, sont quand même très crispés, au fond.
11:09Ils sont aussi très crispés parce que ceux qui les portent au pouvoir sont eux-mêmes
11:14très crispés.
11:15Cette cohabitation va être très difficile.
11:17Pourtant, les deux autres cohabitations...
11:19Rapidement, Joseph, dernière question.
11:20La première, c'est la cohabitation Mitterrand.
11:21Les trois ?
11:22Oui.
11:23Mais d'abord, la cohabitation Mitterrand, la première, a été très, très dure.
11:28Très, très dure.
11:29Une question, Joseph, c'est la fin de l'émission.
11:32On est convaincus que c'était la droite factueuse qui a le droit au pouvoir.
11:36Oui, mais elles étaient très, très dures et en même temps, Mitterrand a parfaitement
11:39joué son rôle, il a préservé la fonction présidentielle et Jacques Chirac a respecté
11:45les limites qui étaient fixées et finalement, ils ont créé un précédent de cohabitation
11:50qui a très, très bien fonctionné et qui a rendu plutôt service aux institutions.
11:53Est-ce que dans les circonstances actuelles, ça sera la même chose ?
11:57Moi, je n'en suis pas convaincu et donc, tout le monde risque de décevoir les attentes
12:03de ceux qui attendent le plus.
12:04Donc, la colère ne peut qu'augmenter.
12:06Mais la colère risque d'augmenter.
12:08On a oublié une chose.
12:09Il y a évidemment les problèmes identitaires, immigration, sécurité, qui ne seront pas
12:13résolus du jour au lendemain.
12:14Puis, il y a l'espèce de bombe sociale qui commence à nous exploser à la figure.
12:19Or, si vous ne changez pas le cadre, encore une fois, vous ne répondrez pas aux attentes,
12:24quoi qu'on pense des programmes des uns et des autres, vous ne pourrez pas répondre
12:27aux attentes du tout et donc, celui qui va arriver au pouvoir, il perdra sa base populaire
12:33et cette base populaire, où ira-t-elle ? C'est ça la question.
12:36Où ira-t-elle ? Elle ne va pas aller vers le centrisme modéré, cette base populaire,
12:41si elle est déçue, si elle ne peut pas, si elle ne reçoit aucune réponse à ses attentes
12:45et le plus grave danger, il est là, il est pour après.
12:49Si la base populaire s'en va dans la nature, encore une fois, on va à l'aventure, mais
12:55laquelle ? Il n'y aura pas forcément la figure du général de Gaulle ou de Bonaparte,
12:59de Désiré Brumière, il peut y avoir une figure bien moins avenante et qui ne sera
13:03pas celle du Rassemblement national aujourd'hui, ni même celle de l'LFI, c'est ça le danger.
13:10Le titre de votre livre, c'est À la septième fois, les murailles tombèrent, on y est,
13:13on est où ? Elles continuent à tomber, je ne dis pas qu'elles sont toutes tombées
13:18encore, je pense qu'on n'est qu'au début de cette histoire qui s'est ouverte avec
13:24l'élection européenne.
13:25Merci beaucoup en tout cas d'être venu ce soir dans Punchline sur CNews et Europe 1.
13:29Merci Joseph Macescaron-Louis de Ragnel.